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Rapport d'enquête ferroviaire R11D0075

Déraillement en voie principale
du train de marchandises M310-31-23
du Chemin de fer Canadien National
au point milliaire 2,03 de la subdivision Montréal
près de Pointe-Saint-Charles (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 24 septembre 2011, vers 3 h 16, heure avancée de l'Est, 6 wagons du train M310-31-23 du Canadien National ont déraillé au point milliaire 2,03 de la subdivision Montréal, près de Pointe-Saint-Charles (Québec). Plusieurs branchements ont été endommagés, et la voie a été endommagée sur une distance d'environ 650 pieds. L'accident n'a fait aucun blessé et n'a pas causé de déversement de marchandises dangereuses.

This report is also available in English .

Autres renseignements de base

L'accident

Le 24 septembre 2011, le train de marchandises M310-31-23 (le train) du Canadien National (CN) roule en direction est sur la voie sud de la subdivision Montréal (Figure 1). Le train compte 2 locomotives et 91 wagons (56 wagons chargés et 35 wagons vides). Il pèse environ 8400 tonnes et mesure quelque 5800 pieds.

L'équipe de train est composée d'un mécanicien de locomotive et d'un chef de train. Ils satisfont aux exigences en matière de repos et de condition physique et répondent aux exigences de leur poste respectif.

Carte montrant le lieu du déraillement, à proximité de la gare centrale de Montréal

Figure 1. Carte du lieu de déraillement (source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens)

À 3 h 14 min 40 s Note de bas de page 1, le train roule à 27 mi/h et passe sur la liaison 425–425A pour emprunter la voie de raccordement nord vers le pont Victoria. Après une application des freins rhéostatiques, la vitesse du train diminue à 24 mi/h, lorsqu'un serrage intempestif des freins d'urgence provenant de la conduite générale se déclenche. Après avoir pris les mesures d'urgence, l'équipe du train constate que 6 wagons (du 58e au 63e wagon) ont déraillé.

Au moment de l'accident, le ciel est nuageux et la température est de 18 °C.

Examen des lieux

Les wagons ont déraillé à l'est de la liaison qui joint les voies de raccordement sud et nord par l'entremise des branchements 425 et 425A. Immédiatement à l'est du branchement 425 (Figure 2), au point milliaire 2,03, une marque d'une longueur de 7 pieds a été observée sur le dessus du rail nord de la voie sud. Les premiers signes de dommage à la voie coïncidaient avec la fin de cette marque, et les dommages s'étendaient vers les wagons déraillés. Aucune marque de roue ou de pièce traînante n'a été observée à l'ouest du branchement 425.

Diagramme montrant l'emplacement des wagons déraillés sur la voie de raccordement nord

Figure 2. Lieu du déraillement (le diagramme n'est pas à l'échelle)

La structure de la voie principale sud et celle de la voie de raccordement nord ont été détruites sur une distance d'environ 325 pieds (photo 1). Jusqu'au premier wagon déraillé, soit 300 pieds plus à l'est, le rail nord de la voie de raccordement nord a été déplacé latéralement et s'est renversé. Des signaux nains et plusieurs composantes des branchements 423 et 421A, incluant des mécanismes de manœuvre, ont été endommagés ou détruits.

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Photo 1. Dommages aux voies et aux branchements

Le matériel roulant déraillé comptait 2 wagons-trémies couverts chargés de propylène, 1 wagon couvert vide, 1 wagon-citerne contenant des résidus et 2 wagons-trémies couverts chargés de blé.

Le 58e wagon, MLLX 26180, premier wagon déraillé, s'est immobilisé sur la voie de raccordement nord, 660 pieds à l'est de la marque observée sur le rail à proximité du branchement 425. Son bogie arrière s'est séparé du wagon et est resté à proximité du branchement 421, soit à environ 425 pieds plus à l'ouest. Le 59e wagon, MLLX 10013, a perdu ses 2 bogies et s'est renversé sur le côté. Ses trappes ont été endommagées, entraînant des fuites de propylène.

Les 4 derniers wagons déraillés se sont détachés du convoi et étaient situés à 140 pieds du wagon MLLX 10013. Ils sont restés debout et bloquaient les voies adjacentes. Le 60e wagon, CN 415168, a perdu son bogie avant et s'est immobilisé sur la voie de raccordement sud. Le 61e wagon, GATX 35283, ayant précédemment contenu du carburant d'aviation (UN 1863), est resté attelé au wagon précédent et aux 2 derniers wagons déraillés. Tout le matériel roulant déraillé a été examiné; aucun défaut antérieur au déraillement n'y a été décelé.

Durant le voyage depuis Toronto (Ontario), le train a circulé sur plusieurs systèmes de détection en voie, le dernier étant situé au point milliaire 4,8 de la subdivision Montréal, sans qu'aucune alarme n'ait été déclenchée.

Particularités de la voie

La voie ferrée était composée de rails éclissés de 132 livres reposant sur des selles à double épaulement fixées aux traverses par 4 crampons. Il y avait environ 3200 traverses de bois dur par mille de voie. Des anticheminants encadraient chaque troisième traverse. Le ballast, constitué principalement de pierre concassée, montrait quelques signes de colmatage, mais était généralement en bon état. Les cases étaient garnies, et les épaulements mesuraient au moins 18 pouces de largeur.

Dans la zone de l'accident, les voies, incluant la liaison, ont été inspectées conformément aux dispositions du Règlement sur la sécurité ferroviaire. Aucune anomalie n'a été notée lors des dernières inspections visuelles, ni lors des inspections par la voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie et par la voiture d'auscultation des rails. La dernière inspection régulière, effectuée avec un véhicule rail-route le 23 septembre 2011, n'a trouvé aucune défectuosité. Les branchements ont été inspectés mensuellement et la dernière inspection, réalisée le 20 septembre 2011, n'a révélé aucun défaut.

Renseignements sur la voie

La subdivision Montréal se compose d'une voie principale double qui s'étend de Cape (jonction avec la subdivision St-Hyacinthe) au point milliaire 1,2 près de la gare Centrale de Montréal (Québec) jusqu'à Dorval (Québec) au point milliaire 11,6. Les voies de raccordement nord et sud permettent aux trains de passer de la subdivision Montréal à la subdivision St-Hyacinthe en contournant la jonction de Cape. Elles s'étendent sur une distance de 1,18 mille, à partir du point milliaire 2,03 de la subdivision Montréal jusqu'au point milliaire 72,12 de la subdivision St-Hyacinthe (Figure 3)

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Diagramme illustrant les voies de raccordement entre les subdivisions St-Hyacinthe et Montréal

Figure 3. Diagramme des voies de raccordement (le diagramme n'est pas à l'échelle)

Les mouvements de train sont régis par le système de commande centralisée de la circulation (CCC), tel qu'autorisé par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF), sous la supervision d'un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Montréal. Le trafic est constitué d'environ 40 trains par jour, ce qui représente un tonnage annuel de quelque 72 millions de tonnes-milles brutes.

Selon l'indicateur du CN, la vitesse permise est de 15 mi/h pour les trains de marchandises entre les points milliaires 1,2 et 2,1, et de 30 mi/h entre les points milliaires 2,1 et 3,6. Sur les voies de raccordement nord et sud, la vitesse maximale permise est de 20 mi/h. Toutefois, l'indicateur prescrit une restriction de vitesse de 15 mi/h au franchissement des liaisons et des branchements, entre les points milliaires 1,2 et 3,6. La vitesse de franchissement des liaisons est en général dictée par les indications des signaux et dépend du numéro et du type de branchement. En guise de comparaison, entre Belleville (Ontario) et Montréal, la plupart des branchements étant des numéros 20, la vitesse de franchissement peut y atteindre jusqu'à 45 mi/h.

Renseignements consignés

Le tableau 1 présente la liste des événements correspondant aux données enregistrées par le consignateur d'événements de la locomotive de tête et celles du système de contrôle de la circulation ferroviaire.

Tableau 1. Événements correspondant aux données consignées
Heure Freins rhéostatiques Vitesse (mi/h) Événement
2 h 36 min 4 s CCF commande les branchements pour le mouvement
3 h 14 min 30 s OFF 27 Locomotive à la liaison 425 – 425A
3 h 14 min 35 s Set 27
3 h 14 min 40 s DB1 27 Locomotive au branchement 423
3 h 14 min 50 s DB3 27 Locomotive au branchement 421A
3 h 14 min 56 s DB1 26
3 h 14 min 57 s DB2 27
3 h 14 min 58 s DB3 27
3 h 14 min 59 s DB6 27
3 h 15 min 0 s DB8 27
3 h 16 min 39 s DB1 24
3 h 16 min 40 s DB3 24 Perte du tronçon 421 sur le panneau du centre de contrôle
3 h 16 min 43 s DB3 24 Serrage intempestif des freins d’urgence
3 h 16 min 48 s 21 Perte du tronçon 426 sur le panneau du centre de contrôle
3 h 16 min 53 s 13 Perte du tronçon 424 sur le panneau du centre de contrôle
3 h 17 min 4 s 0 Arrêt complet du train

Indications des signaux

L'itinéraire devant mener le train jusqu'au pont Victoria a été établi et enregistré dans le système de contrôle de la circulation ferroviaire environ 40 minutes avant l'arrivée du train. L'itinéraire ne montrait aucun mouvement incompatible et devait permettre au train d'emprunter la voie sud de la subdivision Montréal, la liaison et la voie de raccordement nord, en direction de la subdivision St-Hyacinthe et du pont Victoria. Dans ce but, le CCF a commandé les orientations suivantes pour les branchements 429, 425, 423, 421 et 311Note de bas de page 2 :

Selon le plan des signaux MO-RA-14 et la conception des circuits pour un tel agencement de branchements, le signal nain 420L, qui contrôle l'itinéraire établi pour le train, peut donner les indications suivantes :

L'indication affichée dépend également des signaux contrôlant la traversée de la voie d'accès au centre d'entretien de VIA Rail Canada Inc. (VIA) ainsi que de l'occupation du branchement 406 (signaux 406L et 312RG).

D'après l'équipe de train, le signal 420L affichait une vitesse moyenneNote de bas de page 5 à normale (vert sur rouge).

Équipe de train

Les membres de l'équipe ont pris leur service aux environs de 22 h, le 23 septembre 2011, à Belleville. Le mécanicien avait travaillé sur le train M310-31-20 le 21 septembre, entre 5 h 40 et 16 h 30. Le jour suivant, il avait travaillé sur le train X371-21-22, entre 3 h 45 et 12 h 20. Le chef de train revenait d'un congé de plusieurs jours.

Le mécanicien de locomotive avait plus de 34 années d'expérience, alors que le chef de train avait 27 années d'expérience. L'équipe de train était habituée à conduire des trains entre Belleville et le triage Taschereau (point milliaire 8,9 de la subdivision Montréal) ou jusqu'à Turcot Ouest (point milliaire 6,2 de la subdivision Montréal). Toutefois, depuis quelques mois, le point de changement d'équipe ayant été modifié, l'équipe avait été appelée à acheminer le train depuis Belleville jusqu'au triage Southwark, situé au-delà du pont Victoria au point milliaire 68,1 de la subdivision St-Hyacinthe. Cependant, l'itinéraire utilisé dans ces cas n'avait jamais exigé le franchissement d'une liaison dans la zone de déraillement.

Vigilance et performance

Les rythmes circadiens du corps humain sont synchronisés pour que l'on dorme la nuit et que l'on reste éveillé le jour. L'être humain connaît 2 périodes de somnolence maximale dans une période de 24 heures. Elles varient selon les personnes, mais la période de somnolence principale se produit généralement entre 3 h et 5 h, et la période de somnolence secondaire, entre 15 h et 17 h. Durant ces périodes de somnolence, l'activité des systèmes physiologiques du corps humain est à son plus bas niveau. Indépendamment du niveau de motivation et de la situation, on peut avoir du mal à rester vigilant pendant les périodes de somnolence maximale.

Beaucoup de rythmes circadiens sont complémentaires et sont synchronisés entre eux ainsi qu'avec le moment de la journée. Les rythmes circadiens peuvent devenir désynchronisés à la suite de changements au cycle veille-sommeil. La désynchronisation peut causer entre autres de la fatigue, de la somnolence, une baisse du rendement et une diminution des aptitudes cognitives. Les employés qui travaillent par quarts avec des heures de début et de fin variables sont plus susceptibles d'être touchés par cette désynchronisationNote de bas de page 6.

Effet de la vitesse excessive et des freins rhéostatiques

Le rapport L/V est le rapport entre la force latérale (L) qui pousse le rail vers l'extérieur et la force verticale (V) qui pousse le rail vers le bas. La tendance du rail à se renverser ou à se déplacer vers l'extérieur, ou encore de la roue à se soulever, augmente lorsque le rapport L/V augmente. Le changement d'angle lors du franchissement d'une liaison et l'absence de dévers à la sortie des branchements sont des facteurs qui peuvent avoir un effet sur ce rapport. L'application des freins rhéostatiques à l'approche des liaisons, des branchements et des courbes prononcées peut aussi générer des forces longitudinale et latérale, et donc avoir un effet sur le rapport L/V.

L'utilisation des freins rhéostatiques fait partie de la formation de base des mécaniciens de locomotive. Les articles G2.12 et G2.13 des Instructions générales d'exploitation du CN, traitant de la conduite des trains, fournissent des détails sur l'effort de freinage généré par les freins rhéostatiques en fonction de la vitesse. Ils précisent, entre autres, que l'effort retardateur est maximal quand le train circule à des vitesses allant de 5 à 30 mi/h et donnent quelques points clés à respecter en ce qui concerne l'utilisation des freins rhéostatiques. De plus, ces instructions indiquent que le mécanicien de locomotive doit redoubler de prudence lorsque les freins rhéostatiques sont utilisés afin de réduire les efforts générés lorsque le train s'approche de liaisons, de branchements et de courbes prononcées, car ils risquent d'endommager la voie ou de produire une force excessive sur le train et causer un déraillement.

Analyse

Aucun défaut de matériel roulant ou de voie ne peut être considéré comme un facteur contributif à cet événement. Dans le cas présent, la vitesse du train a dépassé la vitesse en vigueur au franchissement des liaisons; par conséquent, l'analyse sera axée sur la familiarisation avec la subdivision, la signalisation, de même que les risques liés à la vigilance des employés.

L'accident

La plupart des déraillements se produisant dans les courbes, les branchements ou les liaisons sont attribuables à l'augmentation de la charge latérale générée par une vitesse excessive. Dans ces mêmes endroits, un freinage soudain entraîne également une augmentation de la force latérale et donc une augmentation des risques de déraillement.

La marque observée sur le dessus du rail nord suggère que le déraillement est survenu après un soulèvement de la roue. Ce fait est attribuable à un accroissement soudain du rapport L/V causé par l'augmentation de la force latérale et la réduction de la force verticale de la roue. Lorsque la locomotive du train s'est engagée sur la voie de raccordement nord, peu de temps après avoir franchi le branchement 421A, le train roulait à 27 mi/h alors que la vitesse prescrite était de 15 mi/h. Les freins rhéostatiques ont alors été appliqués brusquement pour réduire la vitesse, passant de DB1 à DB8 en 4 secondes. Cette application soudaine des freins a généré une onde de compression qui s'est propagée vers l'arrière du convoi, atteignant les 58e et 59e wagons au moment où ces derniers passaient sur le branchement 423. Comme l'effort retardateur des freins rhéostatiques est maximal à la vitesse à laquelle circulait le train, son effet, conjugué à celui de la vitesse excessive, a eu comme conséquence une augmentation soudaine de la force latérale agissant sur ces 2 wagons, causant alors le soulèvement de la roue arrière du 58e wagon et le déraillement du train.

Familiarisation avec la subdivision

Malgré le fait que les membres de l'équipe de train étaient qualifiés et expérimentés, leur affectation sur cette partie du territoire était récente. Lorsque des mécaniciens de locomotive qualifiés n'ont pas travaillé dans un tronçon de subdivision pendant une longue période, ou s'ils y travaillent sporadiquement, ils ne sont peut-être pas en mesure d'utiliser les repères géographiques spécifiques à la région pour bien mener leurs tâches. De plus, il se peut que l'information nécessaire à la conduite sécuritaire des trains, comme les instructions de l'indicateur ou les instructions spéciales, n'ait pas été complètement assimilée et intégrée. Dans ces cas particuliers, l'équipe de train doit se fier sur les indicateurs et d'autres renseignements pour guider leur travail. Si cela n'est pas le cas, le risque que les mécaniciens de locomotive prennent des décisions inappropriées augmente, ce qui peut causer des accidents.

Vitesse

Bien que les vitesses de circulation, ainsi que les zones où elles s'appliquaient, aient été précisées dans l'indicateur en vigueur, le train a excédé la vitesse permise. Selon l'indicateur en vigueur, la vitesse était de 15 mi/h entre les points milliaires 1,2 et 2,1, et de 30 mi/h entre les points milliaires 2,1 et 3,6. Toutefois, la vitesse permise était de 15 mi/h au franchissement des liaisons et des branchements, sous réserve de l'indication des signaux. Par ailleurs, la vitesse permise était de 20 mi/h sur les voies de raccordement. Malgré le fait que cette multiplicité de limites de vitesse est chose courante dans l'ensemble du système, la faible connaissance du territoire de la part des membres de l'équipe de train ainsi que le peu d'expérience qu'ils avaient sur ce territoire ont probablement miné leurs décisions relativement aux vitesses à adopter. Par conséquent, le train a franchi la zone d'enclenchement à une vitesse plus élevée que celle permise.

La signalisation

L'itinéraire devant mener le train jusqu'au pont Victoria avait été établi et enregistré dans le système de contrôle de la circulation ferroviaire, et les branchements concernés avaient été orientés en conséquence, et ce, bien avant l'arrivée du train. Comme il n'y avait aucun mouvement incompatible, selon la conception des circuits des branchements se trouvant sur cet itinéraire, le signal 420L devait indiquer une vitesse moyenne à normale (vert sur rouge) ou une vitesse moyenne à arrêt (jaune sur rouge), dépendamment de l'occupation de la traversée de la voie d'accès au centre d'entretien de VIA. Dans les 2 cas, le système de signalisation autoriserait le train à circuler à la vitesse moyenne, soit 30 mi/h sur la liaison, alors que l'indicateur y prescrivait une vitesse maximale de 15 mi/h. Cette ambiguïté entre l'indication du signal et les instructions de l'indicateur relatives à la vitesse permise peut engendrer des interprétations erronées et par conséquent augmenter les risques d'accident.

Durant les quelques mois que l'équipe de train a été affectée à cette section du territoire, leur train a circulé sur la même voie jusqu'au pont Victoria. Par conséquent, l'équipe n'a pas été exposée au franchissement d'une liaison dans la zone de déraillement. Compte tenu de ce fait et des antécédents des membres de l'équipe de train (expérience essentiellement sur la subdivision Kingston), l'indication de « vitesse moyenne » donnée par le signal a renforcé leur modèle mental. Ainsi, l'équipe a négocié la liaison comme elle était habituée de le faire dans son ancien territoire, dépassant, par conséquent, la vitesse permise.

Vigilance et performance

Le chef de train travaillait son premier quart de nuit après un congé de plusieurs jours; il était donc susceptible d'être touché par la désynchronisation des rythmes circadiens. Durant la semaine de l'accident, le mécanicien de locomotive a travaillé des quarts de travail avec différentes heures de début et était donc plus susceptible d'être touché par la désynchronisation des rythmes circadiens. De plus, le déraillement s'est produit plus de 5 heures après le début du quart de travail, dans une période de la nuit où la somnolence et une baisse de vigilance sont souvent présentes. La détection des signaux le long de l'emprise de la voie et la réaction à ceux-ci, ainsi que la conformité aux instructions de l'indicateur, exigent des fonctions cognitives comme la vigilance, l'attention et la capacité de réagir à un stimulus. Ces fonctions prennent encore plus d'importance si l'équipe de train ne connaît pas très bien le territoire complexe que sont les voies d'accès au pont Victoria. Ces fonctions cognitives peuvent être perturbées par la somnolence et une baisse de vigilance associées à la désynchronisation des rythmes circadiens.

Les équipes de train qui travaillent selon des horaires variables et imprévisibles, semblables à celui du mécanicien de locomotive en question, sont exposées à un risque accru de baisse de vigilance associée à la désynchronisation des rythmes circadiens.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le train a déraillé lorsque la force latérale excessive, attribuable à la vitesse excessive ainsi qu'à l'application soudaine des freins rhéostatiques, a causé le soulèvement de la roue du 58e wagon.
  2. Bien que les vitesses de circulation, ainsi que les zones où elles s'appliquaient, aient été précisées dans l'indicateur en vigueur, le train a excédé la vitesse permise.
  3. La multiplicité des indications de vitesse à respecter, la faible connaissance du territoire et le peu d'expérience sur ce territoire ont probablement miné les décisions de l'équipe de train relativement à la vitesse à adopter et, par conséquent, le train a franchi la zone d'enclenchement à une vitesse plus grande que celle permise.
  4. Compte tenu des antécédents des membres de l'équipe de train, l'indication de « vitesse moyenne » donnée par le signal a renforcé leur modèle mental, et l'équipe a donc négocié la liaison comme elle était habituée de le faire dans son ancien territoire. Par conséquent, la vitesse permise a été dépassée.

Faits établis quant aux risques

  1. Lorsque des mécaniciens de locomotive qualifiés n'ont pas travaillé dans une portion de subdivision pendant une longue période, ou s'ils y travaillent sporadiquement, et n'utilisent pas pleinement les instructions d'exploitation disponibles, le risque qu'ils prennent des décisions inappropriées augmente, ce qui peut causer des accidents.
  2. L'ambiguïté entre l'indication des signaux et les instructions de l'indicateur relatives à la vitesse permise peut engendrer des interprétations erronées et par conséquent augmenter les risques d'accident.
  3. Les équipes de train qui travaillent selon des horaires variables et imprévisibles sont exposées à un risque accru de baisse de vigilance associée à une désynchronisation des rythmes circadiens.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est officiellement paru le 16 novembre 2012.

  1. Les heures sont exprimées en heure avancée de l'Est (temps universel coordonné moins 4 heures).
  2. Ce branchement est situé à proximité du pont Victoria et assure la jonction de la voie de raccordement nord avec les voies de la subdivision St-Hyacinthe.
  3. Les aiguillages de la liaison 425-425A sont considérés comme étant en position normale lorsqu'ils permettent au train de demeurer sur la voie principale sud vers la gare Centrale.
  4. L'aiguillage 423 est considéré comme étant en position renversée lorsqu'il permet à un train sur la voie principale sud de prendre la voie de raccordement nord.
  5. Vitesse moyenne : vitesse ne dépassant pas 30 mi/h.
  6. Roger R. Rosa et Michael J. Colligan, « Plain Language about Shiftwork », National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH), juillet 1997.