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Rapport d'enquête maritime M16C0005

Échouement
Navire porte-conteneurs MSC Monica
Deschaillons-sur-Saint-Laurent (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 22 janvier 2016, le navire porte-conteneurs MSC Monica s'est échoué, sur le fleuve Saint-Laurent, à 1 mille marin au nord-nord-est de Deschaillons-sur-Saint-Laurent (Québec). Le navire a été renfloué le lendemain, avec l'aide de 3 remorqueurs, puis escorté jusqu'à Québec (Québec) pour être soumis aux inspections nécessaires. La coque du navire a subi des avaries légères, et les 4 pales de son hélice ont été lourdement endommagées. Il n'y a eu aucun blessé, et aucune pollution n'a été signalée.

1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique du navire

Tableau 1. Fiche technique du navire
Nom du navire MSC Monica
Numéro de l'Organisation maritime internationale (OMI) 9060649
Port d'immatriculation Panama
Pavillon Panama
Type Porte-conteneurs intégral non gréé
Matériaux Acier
Jauge brute 37 398
Longueur hors tout 242.81 m
Tirant d'eau 12,10 m
Tirants d'eau au moment de l'événement Avant : 5.80 m
Arrière : 8.30 m
Construction 1993, Samsung Shipbuilding & Heavy Industries Company Limited, Geoje (République de Corée)
Propulsion 1 moteur diesel 2 temps à régime lent (24 500 kW) entraînant une seule hélice à 4 pales à pas fixe
Cargaison 709 conteneurs de fret (9199,70 tonnes)
Équipage 25
Propriétaire enregistré Compañia Naviera Monica S.A., Panama
Gestionnaire Mediterranean Shipping Company (MSC) Shipmanagement Limited, Chypre

1.2 Description du navire

Le MSC Monica (figure 1) est un porte-conteneurs intégral non gréé à double coque d'une capacité de 3424 EVPNote de bas de page 1 avec les installations requises pour 198 conteneurs frigorifiques. Il est fait d'acier et comporte 7 cales à marchandises scellées par 13 panneaux d'écoutille. La salle des machines et les quartiers d'équipage se trouvent 63,4 mètres devant la poupe. Le navire est propulsé par un moteur diesel de 24 500 kW qui entraîne directement l'hélice à un régime maximal de 95 tours/minute. Il est aussi équipé d'un propulseur d'étrave électrique de 900 kW.

Figure 1. MSC Monica (source : Christian Krajewski)
Navire porte-conteneurs MSC Monica

Le pupitre de commande de la passerelle se trouve à tribord de l'axe longitudinal du navire et comprend le poste de conduite, les commandes de la machine principale et les commandes du propulseur d'étrave.

La passerelle de navigation comprend également le matériel de navigation suivant : 1 échosondeur, 1 système électronique de visualisation des cartes marines (SEVCM), 2 radars avec fonction d'aide de pointage radar automatique, 1 système de positionnement mondial (GPS), 1 système d'identification automatique (SIA) et 2 radiotéléphones très haute fréquence (VHF). La table à cartes et le pupitre de commande du Système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM) se trouvent derrière le pupitre principal, du côté tribord de la passerelle de navigation.

1.2.1 Conception du système de commande de barre

La commande de l'appareil à gouverner du MSC Monica se trouve sur un panneau de commande intégré au pupitre principal de la passerelle. Le panneau permet aux membres de l'équipe à la passerelle de choisir différents modes de gouverne (asservi, non asservi, pilote automatique) et la conduite à partir des pupitres des ailerons bâbord ou tribord. La barre (roue de gouvernail) et la commande de barre non asservie font partie du poste de conduite du pupitre principal de la passerelle (figure 2). Les interrupteurs de démarrage des 2 moteurs de l'appareil à gouverner se trouvent sur le pupitre principal de la passerelle, à gauche du poste de conduite.

Figure 2. Poste de conduite
Poste de conduite
1.2.1.1 Mode asservi

Le mode asservi est le mode le plus utilisé pour gouverner un navire dans des eaux restreintes. Dans ce mode, la barre peut être tournée à bâbord ou à tribord pour déplacer le gouvernail entre 0° et 35°. Le système de commande de barre reçoit un signal sur l'angle réel du gouvernail et effectue automatiquement les corrections requises afin que l'angle du gouvernail corresponde en tout temps à l'angle demandé à la barre.

À bord du MSC Monica, la barre du poste de conduite du pupitre principal de la passerelle est utilisée pour gouverner lorsque le navire est en mode asservi. Devant la barre, un indicateur d'angle de barre (figure 2) affiche l'angle commandé de l'appareil à gouverner. Un indicateur d'angle de gouvernail à 3 faces installé au plafond, sur l'axe longitudinal de la passerelle de navigation, indique la position réelle du gouvernail (figure 3).

Figure 3. Indicateur d'angle de gouvernail
Indicateur d'angle de gouvernail
1.2.1.2 Mode non asservi

Le mode non asservi est un mode de gouverne de secours à utiliser en cas de panne du mode asservi; il commande à distance les électrovannes hydrauliques de l'appareil à gouverner, sans rétroaction. En mode non asservi, on peut bouger la commande de barre vers la gauche ou vers la droite pour déplacer le gouvernail à bâbord ou à tribord, à l'aide d'un sélecteur ou d'une manette (figure 4 et figure 5), selon le modèle. Également selon le modèle, le déplacement de la commande de barre vers la gauche déplace le gouvernail soit à tribord, soit à bâbord. Dans ce mode, le timonier doit maintenir la commande de barre jusqu'à ce que le gouvernail atteigne l'angle voulu, puis la relâcher pour arrêter le mouvement du gouvernail. Si des forces extérieures ou d'autres conditions déportent le gouvernail de l'angle souhaité, le timonier doit repositionner manuellement le gouvernail à l'aide de la commande de barre.

Figure 4. Commande de barre non asservie à sélecteur
Commande de barre non asservie à sélecteur
Figure 5. Commande de barre non asservie à sélecteur et à manette
Commande de barre non asservie à sélecteur et à manette

Sur le MSC Monica, la commande de barre non asservie se situe devant la barre, du côté tribord du panneau de commande de l'appareil à gouverner. Au moment de l'événement, la commande prenait la forme d'un levier dont l'extrémité la plus longue pointait vers la proue du navire. Un disque en plastique translucide (disque-témoin) présentant une moitié verte et une moitié rouge était installé à la base du levier. Au sommet du disque, au point de rencontre du vert et du rouge, une bande rétroéclairante illuminait 25 % de sa circonférence (figure 6).

Figure 6. Commande de barre non asservie (NFU) du MSC Monica
Commande de barre non asservie (NFU) du MSC Monica

Selon le fabricant du sélecteur de commande de barre non asservie à bord du MSC Monica [traduction] « si le gouvernail doit être déplacé à bâbord, il faut pousser le levier du sélecteur de commande jusqu'à son butoir à bâbordNote de bas de page 2 ». Ce modèle particulier de commande de barre non asservie s'installe normalement en plaçant le levier vers le bas, l'extrémité la plus longue du levier pointant vers l'arrière du navire. Ainsi, pour orienter le gouvernail à bâbord, il faut tourner le levier du sélecteur de commande vers la gauche, dans le sens horaire, de manière à faire passer la partie rouge du disque-témoin au-delà de la ligne de foi (figure 7).

Figure 7. Schéma de la commande de barre non asservie montrant le disque de plastique et la ligne de foi, le levier du sélecteur pointant vers le bas, les résultats des mouvements horaire et antihoraire, et l'angle de rotation maximal du levier vers la gauche et vers la droite (source : Raytheon-Anschütz Marine GmbH)
Schéma de la commande de barre non asservie

Selon les normes maritimes internationales reconnues, la couleur rouge désigne le côté bâbord, et la couleur verte, le côté tribord. À bord du MSC Monica, le raccordement de la commande de barre non asservie à l'appareil à gouverner était inversé, de sorte que le code de couleur (rouge/vert) était contraire aux normes internationales. Lorsque l'on tournait le levier de la commande de barre non asservie vers la gauche (sens antihoraire), la partie verte du disque-témoin se déplaçait dans la zone rétroéclairée et l'appareil à gouverner déplaçait le gouvernail à bâbord. Lorsque l'on tournait le levier de la commande de barre non asservie vers la droite (sens horaire), la partie rouge du disque-témoin se déplaçait dans la zone rétroéclairée et l'appareil à gouverner déplaçait le gouvernail à tribord (figure 8).

Figure 8. Schéma de la commande de barre non asservie du MSC Monica : la partie verte du disque-témoin désigne le côté bâbord, et la rouge, le côté tribord
Schéma de la commande de barre non asservie du MSC Monica : la partie verte du disque-témoin désigne le côté bâbord, et la rouge, le côté tribord

1.2.2 Conception du gouvernail

Le gouvernail du MSC Monica est en acier, de type caréné partiellement compensé (60,4 %) avec une superficie de 38,89 m². Il atteint un angle maximal de 35°, à bâbord et à tribord.

1.2.3 Enregistreur des données du voyage

L'enregistreur des données du voyage (VDR) enregistre et sauvegarde des renseignements et des paramètres essentiels afférents aux dernières heures d'un voyage afin d'aider les autorités pertinentes à établir les causes et les facteurs contributifs d'un événement dans le cadre de leur enquête.

Le MSC Monica était équipé d'un enregistreur des données du voyage simplifié (S-VDR) conformément à la réglementation. Selon l'Organisation maritime internationale (OMI), [traduction] « il n'est pas nécessaire que les S-VDR enregistrent des données aussi détaillées que les VDR standards, mais ils doivent néanmoins stocker, de façon sûre et de sorte qu'elles puissent être récupérées, des données sur la position, le déplacement, l'état matériel, la gouverne et le contrôle du navire durant la période qui précède et qui suit un incidentNote de bas de page 3 ». Le S-VDR doit enregistrer la date, l'heure, la position, la vitesse, le cap, les conversations sur la passerelle, les communications audio, les données radar affichées et les données du SIANote de bas de page 4. Le S-VDR avait un certificat d'homologation de type et avait été soumis à un essai de fonctionnement annuel obligatoire le 31 août 2015. Le rapport d'entretien indiquait que toutes les fonctions avaient été vérifiées et respectaient les critères.

À la suite de l'événement, les enquêteurs du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) ont extrait toutes les données enregistrées par le S-VDR. Outre les données minimales, le S-VDR avait enregistré le taux de girationNote de bas de page 5 du navire. Il n'avait pas enregistré les commandes de gouverne ni les positions du gouvernail, et la réglementation ne l'exigeait pas.

1.3 Déroulement du voyage

Le Canada protège les enregistrements des conversations en protégeant tous les équipements d'enregistrement embarqués—y compris les VDR et les S-VDR—privilégiés en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Même si le BST peut faire usage de toute l'information que contiennent les enregistreurs de bord dans l'intérêt de la sécurité des transports, il n'est pas autorisé à divulguer sciemment toute partie d'un enregistrement de bord qui n'a aucun rapport avec les causes ou les facteurs contributifs d'un accident ou avec la détermination des lacunes de sécurité.

La raison pour laquelle on protège l'information que contiennent les VDR et les S-VDR se fonde sur le principe selon lequel cette protection aide à assurer que les membres de l'équipage et les pilotes continuent de s'exprimer librement et que ces conversations sont mises à la disposition des enquêtes de sécurité. Le BST a toujours pris très au sérieux ses obligations en la matière, et a rigoureusement limité l'usage des données des VDR/S-VDR dans ses rapports. À moins que le contenu du VDR/S-VDR soit requis pour étayer un fait établi et cerner un manquement important à la sécurité, il n'est pas inclus dans le rapport du BST.

Pour valider les enjeux de sécurité soulevés par la présente enquête, le BST s'est servi de l'information provenant du S-VDR dans son rapport. Dans chaque cas, les données ont été soigneusement examinées pour s'assurer qu'elles étaient nécessaires pour promouvoir la sécurité des transports.

Le 22 janvier 2016, le MSC Monica a quitté Montréal (Québec), descendant le fleuve Saint-Laurent en route vers Saint-John (Nouveau-Brunswick). Le changement de pilotes normal à Trois-Rivières (Québec) a eu lieu vers 6 h 15Note de bas de page 6, et 2 pilotes de la Corporation des pilotes du Saint-Laurent central (CPSLC)Note de bas de page 7, soit le pilote 1Note de bas de page 8 et le pilote 2, sont montés à bord. Les pilotes et le capitaine ont procédé à un échange d'information en bonne et due forme. Pendant l'échange, les 2 pilotes ont confirmé le contenu de la fiche de pilotage, et le capitaine les a renseignés sur les caractéristiques techniques et de manœuvre du navire. Au cours de l'échange, les pilotes et le capitaine ont aussi discuté du plan de voyage sur le fleuve jusqu'au prochain point de changement de pilotes à Québec (Québec).

Le MSC Monica a poursuivi sa descente à une vitesse moyenne de 13,5 nœudsNote de bas de page 9. À 7 h 24, après que les pilotes ont évalué les conditions extérieures telles que la visibilité et le trafic remontant, la vitesse a été augmentée. Le capitaine a quitté la passerelle de navigation à 7 h 35. L'équipe à la passerelle était alors composée de l'officier de quart, du timonier et des 2 pilotes. Peu après que les pilotes ont évalué les conditions externes, comme la visibilité et le trafic montant, la vitesse a été augmentée.

À 7 h 45, le pilote 2, qui assurait alors la conduite du navire, a modifié le cap de la « Route de l'Anse-des-Grondines » (047° vrai [V]) à la « Route de la Pointe-des-Grondines » (066½ °V), puis a amorcé le virage vers  la « Route de Sainte-Emmélie » (092½ °V) en utilisant plusieurs caps intermédiairesNote de bas de page 10. À 7 h 56, le pilote 2 a donné au timonier l'ordre de virer au 085° GNote de bas de page 11. À 7 h 57 min 51 sNote de bas de page 12, le timonier a signalé avoir stabilisé le navire à 085 °G et le taux de giration du MSC Monica a chuté à 0° par minute.

À 7 h 58 min 33 s, le taux de giration a augmenté à 12° par minute et le navire a commencé à virer à tribord. Vingt secondes plus tard, le pilote 2 a informé le pilote 1 que le navire changeait de cap alors qu'il n'avait ordonné aucun changement. Le timonier a dit au pilote 2 « not working » (ça ne fonctionne pas). Le pilote 2 lui a demandé, « it's not responding? » (ça ne répond pas?). Le timonier a répondu « it's not » (non). La vitesse du navire était alors de 16,7 nœuds.

Le pilote 1 a immédiatement donné à l'équipage l'ordre de passer en mode asservi, ordre qu'il a répété 7 fois. En même temps, le pilote 2 a ordonné à l'officier de quart d'appeler le capitaine et la salle des machines pour signaler la panne de l'appareil à gouverner. Puisque le navire était déjà en mode asservi, aucune mesure n'a été prise. L'officier de quart a plutôt suivi les ordres du pilote 2, puis a actionné la cloche d'alarme générale. Le pilote 1 s'est rendu au poste de conduite à 7 h 59 min 29 s et a lui-même manipulé le commutateur de commande de mode de gouverne pour passer du mode asservi au mode non asservi, tandis que l'officier de quart disait au pilote 1 « this is non-follow-up, Sir » (ceci est le mode non-asservi, monsieur). Le pilote 1 a ensuite manié le sélecteur de commande de barre non asservie. Le taux de giration a augmenté, atteignant jusqu'à 36,4° par minute, accentuant l'embardée à tribord du navire.

À 7 h 59 min 40 s, le pilote 1 a ordonné « hard to port » (à bâbord toute) et à 7 h 59 min 45 s, il a ordonné l'arrêt de la machine principale. À 07 h 59 m 53 s, le pilote 1 a ordonné « emergency » (urgence). À 8 h 00 m 11 s, le pilote 1 a rapporté au capitaine, qui venait d'arriver sur la passerelle de navigation, qu'ils « avaient complètement perdu la gouverne » et que le navire allait s'échouer. Au même moment, le chef mécanicien, qui venait d'arriver dans la salle de commande des machines, a observé que l'indicateur d'angle du gouvernail était à 35° à tribord (à tribord toute). Simultanément, le deuxième mécanicien, alarmé par l'appel de l'officier de quart, a quitté la salle de commande des machines pour arriver au compartiment de l'appareil à gouverner. Il a remarqué que le gouvernail était à tribord toute. Il a activé manuellement la valve électrohydraulique du télémoteur et a confirmé que les actuateurs et les hydrauliques de l'appareil à gouverner étaient opérationnels.

À 8 h 00 m 29 s, tandis que le navire quittait le chenal de navigation, l'officier de quart a remarqué que le gouvernail était à tribord toute et a déplacé le sélecteur de la commande de barre non asservie vers la gauche, en disant aux pilotes à 08 00 m 37 s qu'ils avaient auparavant donné un ordre de tribord sur la commande de barre non asservie. L'appareil à gouverner a entraîné le gouvernail à 35° à bâbord (bâbord toute) et le taux de giration a ralenti. À 08 00 m 54 s, le pilote 2 a dit au pilote 1 que le navire « commence à être loin ». À 08 00 m 55 s, le pilote 1 a appelé les Services de communication et de trafic maritimes (SCTM) à Québec avec le radiotéléphone VHF pour signaler que le navire avait perdu sa capacité de gouverne.

À 8 h 1 min 18 s, la vitesse du MSC Monica était réduite à 10 nœuds et le pilote 1 a donné l'ordre de mettre la machine principale en marche arrière toute. À 8 h 1 min 26 s, le navire a commencé à virer à bâbord. À 8 h 1 min 54 s, le pilote 1 a demandé au capitaine de ne pas jeter l'ancre puisqu'il était trop tard pour éviter l'échouement. Le navire s'est échouéNote de bas de page 13 à 8 h 2 min 3 s du côté sud du fleuve, tout juste à l'est de Deschaillons-sur-Saint-Laurent (Québec) (annexe A). Le capitaine a arrêté la machine principale 13 secondes après l'immobilisation du navire.

Conformément aux ordres des pilotes au capitaine, on a sondé tous les réservoirs du navire pour déceler toute infiltration d'eau, et 2 membres de l'équipage ont été placés en vigie pour surveiller tout signe de pollution des eaux autour du navire. À 8 h 9 min 40 s, par marée descendante, on a tenté pour une première fois de dégager le MSC Monica en mettant la machine principale en marche arrière toute durant 5 minutes. Les pilotes ont constaté que le navire ne bougeait pas, et on a ordonné l'arrêt de la machine.

Le 23 janvier 2016, à 7 h 30, les pilotes 1 et 2 ont été remplacés par 2 autres pilotes de la CPSLC. Le MSC Monica a été renfloué avec l'aide de 3 remorqueurs durant la marée montante, à 19 h 18 ce soir-là, puis a été escorté jusqu'à une zone de mouillage sécuritaire près de Grondines (Québec). Le matin du 24 janvier 2016, le navire a levé l'ancre et a repris sa descente, escorté par un remorqueur, jusqu'à Québec, où il a été amarré à 12 h 11.

Avant le départ de Québec, l'équipage a modifié la présentation de la commande de barre non asservie : on a enlevé le disque de plastique translucide fixé à sa base et apposé de chaque côté de la commande deux étiquettes de couleur : une rouge avec le mot PORT (bâbord) et une verte avec l'abréviation STBD (starboard [tribord]) (figure 9).

Figure 9. Commande de barre non asservie du MSC Monica sans le disque de plastique, mais avec de nouvelles étiquettes de couleur
Commande de barre non asservie du MSC Monica

1.4 Avaries au navire

Les 4 pales de l'hélice du MSC Monica ont été lourdement endommagées. La structure du navire a aussi été endommagée au droit de la citerne de ballast tribord no 3 où le bordé et les membrures 82, 83, 84 et 85 ont été déformés entre le plafond de double-fond et la première serre. La quille de roulis à bâbord a été déformée alors que le côté droit du gouvernail, les deux côtés de la proue et toute la longueur de la coque à bâbord ont subi des dommages mineurs (égratignures sur le revêtement de coque et le bordé).

1.5 Conditions environnementales

Le 22 janvier 2016, à Deschaillons-sur-Saint-Laurent, la marée était haute à 7 h 48 et atteignait 2,325 m, soit 0,075 mètre de moins que les prévisions. À Québec, la marée haute a eu lieu à 5 h. Les vents étaient de 8,1 nœuds au 280 °V. La température était de −9,8 °C et l'humidité relative était de 68 %.

1.6 Certificats du navire

Le MSC Monica avait tous les certificats requis pour sa classe de navire et le voyage prévu. La plus récente inspection périodique (annuelle) avait été effectuée le 4 octobre 2015 par l'organisme reconnu par l'État du pavillon.

1.7 Brevets, certificats et expérience du personnel

Tous les membres de l'équipage du MSC Monica possédaient les certificats requis pour les postes qu'ils occupaient à bord. L'équipage était composé de 23 Indiens, 1 Bangladais et 1 Pakistanais.

Le capitaine était titulaire d'un certificat de compétence de capitaine et, depuis mars 2000, avait rempli les fonctions de capitaine à bord de divers navires. Il s'était joint à l'équipage du MSC Monica le 19 décembre 2015. Il s'agissait de son premier mandat à bord du navire et pour cette entreprise. Le capitaine avait aussi suivi une formation sur la gestion des ressources à la passerelle (GRP).

Le chef mécanicien était titulaire d'un certificat de compétence de chef mécanicien depuis 1992 et avait occupé le poste de chef mécanicien sur divers navires depuis 1994. Il s'était joint à l'équipage du MSC Monica en septembre 2015. Il s'agissait de son premier mandat à bord du navire et pour cette entreprise.

L'officier de quart était titulaire d'un certificat de compétence de premier officier de pont depuis 2013 et remplissait la fonction de premier officier depuis moins d'un an. Il était à l'emploi de l'entreprise depuis son premier voyage en 2006 et travaillait à bord du MSC Monica depuis novembre 2015.

Le timonier naviguait depuis 1995 et était titulaire d'un brevet de matelot qualifiéNote de bas de page 14 depuis 1999. Il était à l'emploi de l'entreprise depuis 2006 et membre de l'équipage du MSC Monica depuis octobre 2015. Il s'agissait de son premier mandat à bord du navire.

Le pilote 1 était titulaire d'un certificat de compétence de capitaine au long cours et avait obtenu un brevet de pilote de classe A de l'Administration de pilotage des Laurentides (APL) en 2008. Le pilote 2 était titulaire d'un certificat de compétence de capitaine au long cours et avait obtenu un brevet de pilote de classe A de l'APL en 2013. Les deux pilotes avaient suivi la formation en GRP.

1.8 Pilotage sur le fleuve Saint-Laurent

Sur le fleuve Saint-Laurent, le pilotage est obligatoireNote de bas de page 15 en raison des difficultés et des dangers qu'y présente la navigation. L'APL est la société d'État fédérale chargée de fournir des services de pilotage sûrs et efficaces sur le fleuve Saint-LaurentNote de bas de page 16, de définir les zones de pilotage obligatoire et de délivrer des certificats et des brevets de piloteNote de bas de page 17. L'APL travaille avec 2 associations de pilotes et peut ainsi compter sur 185 pilotes brevetés et apprentis pilotes dans 2 circonscriptions maritimes.

La CPSLC est responsable de la circonscription no 1 entre Montréal (Québec) et Québec (Québec), laquelle est divisée en 2 secteurs : Montréal/Trois-Rivières et Trois-Rivières/Québec. La Corporation des pilotes du Bas-Saint-Laurent (CPBSL) est responsable de la circonscription no 2 entre Québec et Les Escoumins (Québec), qui comprend la rivière Saguenay.

Entre Québec et Montréal, le chenal de navigation a une profondeur et une largeur minimales respectivement de 11,3 mètres et de 229 mètresNote de bas de page 18, et est délimité par des bouées et des feux d'alignement. La Garde côtière canadienne (GCC) enlève ces bouées ou les remplace par des bouées espars avant le début de la saison hivernale de navigation. C'est pourquoi, l'hiver, l'APL affecte dans ce secteur 2 pilotes par navireNote de bas de page 19. Selon l'APL, au cours d'une telle affectation, il faut 2 pilotes pour effectuer les fonctions de pilotage pour assurer la conduite du navireNote de bas de page 20.

1.8.1 Ordres de barre

Lorsqu'un navire voyage dans des eaux restreintes où le pilotage est obligatoire, une relation professionnelle s'établit entre le pilote, qui assure la conduite du navire, et le timonier : le pilote donne les ordres et le timonier doit les exécuter. Le pilote peut soit ordonner de gouverner sur un capNote de bas de page 21 donné, soit préciser les angles de barre sur bâbord ou tribord.

Lorsque le pilote ordonne un cap alors que le navire fait route, il incombe au timonier de déterminer l'angle de gouvernail requis et d'exécuter le commandement à la barre au moyen des commandes de l'appareil à gouverner. Lors d'un changement de cap, le timonier utilisera le gyrocompas ou regardera par les fenêtres de la passerelle pour évaluer le taux de giration du navireNote de bas de page 22. Le timonier établit aussi les ajustements réguliers à apporter à l'angle de gouvernail en fonction de tous les facteurs extérieurs (vents, courants, succion des berges, vitesse du navire, etc.) pour garantir des changements de cap constants et précis et pour que le navire suive constamment le cap ordonné par le pilote.

Selon cette méthode, le pilote donne d'abord le cap et le timonier le confirme en le répétant à haute voix. Une fois le navire stabilisé sur le cap ordonné, le timonier le signale au pilote en répétant de nouveau le cap à haute voixNote de bas de page 23.

Au moment de l'événement, le timonier du MSC Monica utilisait l'indicateur d'angle de barre installé devant la barre et regardait par les fenêtres de la passerelle pour jauger la réaction du navire aux commandes de gouverne. Selon l'information recueillie, il était de pratique courante, à bord de ce navire, que le timonier signale verbalement tout ajustement du gouvernail supérieur à 10° (à bâbord ou à tribord) nécessaire pour que le navire garde le cap. Il s'agissait d'une pratique interne, non officielle, qui n'était pas reprise sur tous les navires de l'entreprise. Même si cette pratique n'était pas documentée, le capitaine, les officiers de navigation et les timoniers la connaissaient. L'objectif n'était pas de restreindre le pouvoir des timoniers de déterminer l'angle voulu du gouvernail, mais de fournir à l'équipe à la passerelle des paramètres objectifs sur le comportement du MSC Monica (p. ex., signaler que la vitesse du navire était réduite au point où il était plus difficile à gouverner). Les 2 pilotes ne connaissaient pas cette pratique et n'en ont pas été informés au cours de l'échange d'information avec le capitaine.

1.8.2 Utilisation des appareils de navigation de bord par les pilotes

Dès qu'un pilote arrive sur la passerelle de navigation et avant qu'il n'assure la conduite du navire, le capitaine et lui procèdent à un échange d'information en bonne et due forme. Le pilote consulte la fiche de pilotage du navire et le capitaine l'informe des caractéristiques techniques et de manœuvre du navire. Le pilote et le capitaine discutent des conditions environnementales locales, du trajet prévu, de l'utilisation de remorqueurs et des ententes d'amarrage, le cas échéant. Le capitaine montre aussi au pilote l'emplacement de certains appareils de navigation essentiels, comme les radars, la connexion au système d'identification automatique (SIA) du navire (prise destinée au pilote) et les radiotéléphones VHF. L'échange d'information ne comprend pas ni n'est censé comprendre de la formation pour les pilotes sur les fonctions et l'utilisation du transmetteur d'ordres et du système de commande de barreNote de bas de page 24.

Le pilote qui assure la conduite d'un navire est légalement autorisé à utiliser lui-même les appareils de navigation à bord du navire. Compte tenu du grand nombre de modèles, de types et de configurations des transmetteurs d'ordres et des systèmes de commande de barre dans la flotte mondiale de la marine marchande, et à la lumière d'une enquête du BST sur un événement maritime antérieurNote de bas de page 25, certaines organisations de pilotage ont adopté des politiques internes sur l'utilisation des appareils de navigation de bord par les pilotes, alors que d'autres n'ont aucune position officielle sur ce sujet.

La CPBSL exige que ses pilotes évitent d'utiliser eux-mêmes les systèmes de manœuvre, comme le transmetteur d'ordres et le propulseur d'étrave, et de prendre la place du timonier à la barre, à moins d'une urgence. Selon la CPBSL, afin de ne pas compromettre la sécurité du navire, les pilotes doivent assurer la conduite d'un navire en donnant les ordres requis aux membres de l'équipage qui sont affectés à la passerelle de navigationNote de bas de page 26.

La CPSLC n'a pas de politique officielle sur l'utilisation des appareils de navigation de bord par les pilotes. Toutefois durant son programme d'apprentissage de 2 ans, la CPSLC conseille aux pilotes en formation de ne pas utiliser eux-mêmes les appareils de manœuvre de bord comme le transmetteur d'ordres, l'appareil à gouverner et le propulseur d'étrave ou de poupe. Les apprentis pilotes reçoivent ce conseil au cours de leurs voyages de formation obligatoires sur le fleuve Saint-Laurent aux côtés de pilotes d'expérience ainsi que durant les cours de formation en classe sur la GRP. La CPSLC croit qu'il y a des avantages à ce que le pilote communique verbalement les ordres au capitaine, à l'officier de quart et au timonier plutôt que d'utiliser lui-même le matériel : tous les membres de l'équipe à la passerelle sont ainsi informés de la progression du navire, et le VDR du navire peut enregistrer les ordres donnés par le piloteNote de bas de page 27.

L'Association des pilotes maritimes du Canada (APMC) stipule que dans une situation d'urgence, pour assurer la sécurité du navire, les pilotes sont non seulement autorisés à utiliser eux-mêmes le matériel de manœuvre, mais sont tenus de le faire, s'ils le jugent nécessaireNote de bas de page 28.

Lorsqu'ils sont montés à bord du MSC Monica à Trois-Rivières, les 2 pilotes n'ont pas été familiarisés avec l'utilisation et le fonctionnement de l'appareil à gouverner. Ils ne savaient pas que l'installation de la commande de barre non asservie n'était pas conforme aux spécifications techniques du fabricant du système, c'est-à-dire qu'elle était inversée, de même que le disque-témoin rouge/vert, et que le sélecteur n'était pas connecté correctement au système de commande de barre. Par contre l'équipage du MSC Monica connaissait la configuration particulière de la commande de barre non asservie.

1.9 Maîtrise de l'anglais

1.9.1 Exigences, tests et maintien des connaissances

Des normes internationales fixent des exigences concernant la maîtrise de l'anglais pour les membres d'équipage des navires, parce que l'anglais est la langue utilisée internationalement dans le secteur maritime. Par exemple, tous les membres de l'équipe à la passerelle durant un quart de veille, comme le timonier, l'officier de quart et le capitaine, doivent satisfaire à des exigences particulières.

Ainsi, les timoniers titulaires d'un brevet de matelot de quart doivent être en mesure d'exécuter les commandements à la barre donnés en anglais. Les communications doivent toujours être claires et concises, et les ordres doivent être confirmés selon les bons usages maritimes. Il est également attendu du timonier qu'il comprenne les ordres et communique avec l'officier de quart en anglais sur les sujets associés à leurs fonctions de veilleNote de bas de page 29. La connaissance de la langue peut être confirmée par un test pratique ou une expérience reconnue (acquise en service ou par de la formation).

À bord du MSC Monica, les officiers de quart et les timoniers discutaient entre eux en hindiNote de bas de page 30. Alors que tous les officiers maîtrisaient très bien l'anglais, certains des autres membres de l'équipage avaient de la difficulté à le parler.

La connaissance de l'anglais du timonierNote de bas de page 31 était limitée aux exigences minimales Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (Convention STCW) sur la capacité de comprendre et d'exécuter les commandements à la barre. Toutefois, les communications avec l'officier de quart sur toutes les autres questions afférentes au quart se faisaient en hindi.

Les pilotes de la CPSLC doivent parler et comprendre le français et l'anglais dans toute la mesure nécessaire pour leurs fonctions de pilotageNote de bas de page 32. Les aspirants apprentis pilotes doivent réussir un examen de connaissances linguistiques pour prouver leur capacité de travailler en anglais et en françaisNote de bas de page 33. Les 2 pilotes à bord au moment de l'événement maîtrisaient le français et l'anglais.

1.9.2 Communication

En 1995, le BST a mené un sondage auprès des pilotes maritimes canadiensNote de bas de page 34 afin de cerner les lacunes de sécurité liées au travail en équipe sur la passerelle, y compris dans les communications entre les pilotes, les capitaines et les officiers de quart.

Un deuxième sondage, mené en 2014Note de bas de page 35, a révélé que les opinions des pilotes au sujet des difficultés linguistiques à bord des navires immatriculés à l'étranger n'avaient guère changé depuis le sondage de 1995.

La langue maternelle des 2 pilotes était le français. Les membres de l'équipe à la passerelle du MSC Monica étaient Indiens et leur langue de travail était l'hindi. Pendant le voyage, l'équipe à la passerelle communiquait en anglais.

Des facteurs culturels peuvent également jouer un rôle dans la communication, et donc influer sur l'efficacité de la GRP. La « distance hiérarchique » désigne la mesure dans laquelle les membres d'une certaine culture acceptent des inégalités hiérarchiques et de pouvoir dans leurs relations personnelles et professionnelles. Des études ont montré que la distance hiérarchique varie d'une culture à l'autreNote de bas de page 36. Les membres de cultures où la distance hiérarchique est grande admettent plus aisément des déséquilibres de pouvoir, ce qui signifie que les personnes de rang subalterne peuvent être réticentes à s'opposer aux personnes qui symbolisent l'autoritéNote de bas de page 37. Les différences culturelles au chapitre de la distance hiérarchique peuvent donner lieu à une mauvaise communication entre les pilotes maritimes et les équipes à la passerelleNote de bas de page 38. Le National Transportation Safety Board des États-Unis a recommandé l'ajout au programme de GRP de l'OMI d'un segment sur les différences culturelles et linguistiques et leur incidence possible sur le rendement des marinsNote de bas de page 39.

1.10 Gestion des ressources à la passerelle

La GRP consiste à gérer et à utiliser efficacement toutes les ressources humaines et techniques à la disposition de l'équipe à la passerelle pour assurer la sécurité du voyage. La GRP inclut des concepts comme la gestion de la charge de travail, la résolution de problèmes, la prise de décisions et le travail d'équipe. Une bonne connaissance de la situation et une bonne communication sont des éléments essentiels de la GRP. Il incombe aux membres de l'équipe à la passerelle d'avoir en tout temps une bonne connaissance générale de la situation en plus d'assumer la responsabilité de leurs fonctions individuelles.

La pensée de groupe est une propension qui peut se manifester chez les membres d'un groupe, comme une équipe à la passerelle, à chercher un consensus sur la résolution d'un problème et, pour certains, à taire tout doute. Elle peut amener à laisser de côté d'autres solutions possibles. Les discussions d'équipe ouvertes et l'apport de nouvelles idées sont des stratégies qui minimisent le risque de pensée de groupeNote de bas de page 40.

Depuis le 1er janvier 2005, le Règlement général de pilotage exige que tous les pilotes brevetés et aspirants pilotes maritimes détiennent un certificat de participation à un programme de GRP. Selon la Convention STCW et les Amendements de Manille de 2010, les navigants doivent démontrer leurs compétences et leurs connaissances en GRP pour obtenir un brevet d'officier de pont de quart, et suivre une formation en GRP pour recevoir un brevet de capitaine.

1.11 Conception de l'équipement de la passerelle

Les lignes directrices sur la conception des commandes et des affichages recommandent de veiller à la compatibilité, c'est-à-dire la mesure dans laquelle le fonctionnement des éléments correspond aux attentes humaines. La compatibilité des mouvements est la correspondance entre le mouvement des affichages et des commandes par rapport aux attentes de l'utilisateurNote de bas de page 41. Dans le cas des commandes de barre en mode non asservi, la compatibilité des mouvements peut être réalisée de 2 façons. Certains modèles sont compatibles sur les plans du mouvement et de la direction : lorsque la commande de barre est placée à gauche, elle fait tourner le gouvernail à bâbord. D'autres modèles reproduisent la position réelle du gouvernail du navire : lorsque la commande de barre est tournée en sens horaire, le navire se déplace vers bâbord lorsqu'il est en marche vers l'avant. Les spécifications techniques du fabricant de la commande de barre non asservie assuraient la compatibilité sur les plans aussi bien du mouvement et de la direction que de la position du gouvernail. Toutefois, sur le MSC Monica, l'installation de la commande de barre assurait la compatibilité seulement pour le mouvement et la direction.

Selon l'International Association of Classification Societies (IACS), la classification des navires vise à vérifier la solidité et l'intégrité structurales des parties essentielles de la coque et des appendices du navire, ainsi que la fiabilité et le fonctionnement de ses différents systèmes essentiels, comme les systèmes de propulsion et de gouverneNote de bas de page 42.

DNV GLNote de bas de page 43 est l'organisme reconnu qui délivre tous les certificats réglementaires au nom de l'État du pavillon du MSC Monica. Il veille à ce que le navire soit conforme aux conventions internationales et aux règlements nationaux pertinents.

DNV GL publie des règles sur l'aménagement ergonomique des passerelles de navigation. Leur objectif est d'informer les concepteurs de navires de principes et de données sur la conception des passerelles de navigation. Dans ces règles, DNV GL précise que [traduction] « le poste de travail doit être aménagé conformément aux principes d'ergonomie reconnus pour garantir une exploitation sécuritaire et efficace et afin que, le plus aisément possible, le navigateur ait accès à tous les renseignements pertinents et prenne les mesures vouluesNote de bas de page 44 ». Entre autres, le système de gouverne d'un navire doit être doté d'une fonction de surpassement (le mode non asservi) pouvant être actionnée par un périphérique d'entrée utilisateur comme un clavier, une commande de barre, une manette, une barre ou des boutons poussoirs. Pour gouverner manuellement le navire en mode non asservi, le périphérique d'entrée utilisateur doit se manier par une rotation en sens horaire pour faire virer le navire à tribord et en sens antihoraire pour le faire virer à bâbord.

Selon l'OMI, les commandes et les affichages de la passerelle doivent être étiquetés clairement selon leur fonction, si possible à l'aide de symboles normalisés. Le mouvement d'une commande d'appareil à gouverner en sens horaire (vers la droite) doit déclencher le mouvement en sens horaire du dispositif ou de l'élément commandé. Les commandes devraient être choisies de sorte que la direction du mouvement de la commande corresponde au mouvement de l'élément de matériel en cause ou du navire. De plus, « la direction du mouvement des éléments de commande du matériel de manœuvre devrait correspondre à la direction de l'effet sur le navire qu'ont les installations ainsi commandéesNote de bas de page 45 ».

L'Organisation internationale de normalisation (ISO) a des lignes directrices similaires sur les commandes des appareils à gouverner installées sur la passerelle de navigationNote de bas de page 46.

1.12 Inspection de l'appareil à gouverner après l'événement

Après l'échouement et le renflouement du MSC Monica, le BST a soumis l'appareil à gouverner et les commandes connexes du navire à un examen rigoureux. Il a procédé à des essais exhaustifs pour confirmer le bon fonctionnement du système et a vérifié l'enregistreur d'alarmes. De plus, les propriétaires du navire ont embauché des spécialistes indépendants des appareils à gouverner et des techniciens en automatisation et contrôle pour une vérification complète des systèmes du navire. DNV GL a aussi envoyé un de ses experts maritimes pour inspecter l'appareil à gouverner et évaluer les avaries subies par le navire. En outre, Sécurité et sûreté maritimes de Transports Canada a chargé 2 de ses inspecteurs d'examiner le navire et son appareil à gouverner. On a examiné notamment les commandes locales (local de l'appareil à gouverner) et à distance (passerelle), y compris le câblage, les connexions électriques, les dispositifs électroniques (comme les électrovannes, les interrupteurs de fin de course, les commutateurs de commande et les potentiomètres) et tout l'équipement auxiliaire des pupitres de barre. On a aussi mis à l'essai le fonctionnement de toutes les alarmes et du système « Safematic »Note de bas de page 47, et vérifié les composants hydrauliques de l'appareil à gouverner.

Les examens de l'appareil à gouverner et des commandes connexes du MSC Monica ont permis de conclure qu'ils étaient en bon état de fonctionnement et qu'aucune alarme associée au système ne s'est déclenchée dans les moments qui ont précédé l'échouement. Aucun composant défectueux ni mauvais fonctionnement du système susceptible d'avoir causé une panne de l'appareil à gouverner n'a été constaté. À la lumière de l'examen, les mesures correctives suivantes ont été apportées : réglage mineur des interrupteurs de fin de course des 4 cylindres hydrauliques; correction de l'ergonomie de la commande de barre non asservie de la passerelle; et recommandation de l'installation d'un chauffage adéquat dans le local de l'appareil à gouverner pour prévenir toute condensation de l'humidité dans les panneaux électriques par temps froid.

1.13 Reproduction des événements sur un simulateur de navigation

Le Centre de simulation maritime (Centre for Marine Simulation – CMS), inauguré en 1994, est une unité industrielle de l'Institut des pêches et de la marine de l'Université Memorial. Il fait partie de l'École des études maritimes de l'Institut de la marine et est situé à St John's (Terre-Neuve-et-Labrador). Le CMS répond à diverses demandes dans les domaines de la manœuvre des navires, des essais de procédures, de l'examen et de l'amélioration de la performance, de la formation personnalisée, des examens d'efficacité opérationnelle, de la mise à l'essai d'équipement maritime et de l'évaluation de la conception portuaireNote de bas de page 48.

Afin de déterminer à quels angles le gouvernail se trouvait au cours de l'événement en l'absence de données à ce sujet dans le S-VDR, et pour reconstituer la séquence probable des événements, le BST a collaboré avec le CMS pour reproduire le voyage du navire et extrapoler les angles du gouvernail à partir de toutes les données enregistrées.

Le CMS a utilisé toutes les caractéristiques hydrodynamiques et de manœuvre qui prévalaient au moment de l'événement pour créer un modèle virtuel du MSC Monica. Les conditions de charge, y compris la répartition du poids de la cargaison dans les cales et l'emplacement des conteneurs sur le pont principal, ont aussi été prises en compte. On a également reproduit les conditions météorologiques et environnementales ainsi que les courants causés par la maréeNote de bas de page 49 au moment de l'événement.

Différents scénarios et hypothèses ont été évalués. De nombreuses simulations ont été exécutées avec le gouvernail en panne à différents angles de barre, notamment à 10° à bâbord, à 5° à tribord, à 10° à tribord et avec le gouvernail bloqué en position centrale. Toutes ces hypothèses ont été jugées invraisemblables. Par ailleurs, dans des simulations, en mettant la machine principale en marche arrière dès qu'il semblait y avoir panne du système de commande de barre, le modèle virtuel quittait le chenal balisé et s'échouait plus loin en aval à une vitesse de 3,4 nœuds.

Le scénario qui reproduit le mieux l'échouement du MSC Monica se décrit comme suit : le gouvernail était à 10° à tribord au moment où le taux de giration était de 12° par minute et que le timonier indiquait « ça ne fonctionne pas »; puis le gouvernail a été réglé à 35° à tribord (tribord toute) au moment précis où le mode de gouverne a été changé pour passer du mode asservi au mode non asservi et que la commande de barre non asservie a été activée.

1.14 Événements antérieurs

L'échouement du transporteur de marchandises générales VaasaborgNote de bas de page 50 le 22 mai 2002 et celui du pétrolier/chimiquier Halit BeyNote de bas de page 51 le 22 avril 2014 sont d'autres cas qui montrent à quel point l'acquisition de compétences et de connaissances sur le matériel de manœuvre, comme les appareils à gouverner et leur système de commande, est essentielle à leur utilisation sécuritaire, en particulier durant une urgence, où il est primordial de réagir rapidement.

L'enquête sur l'événement mettant en cause le Halit Bey a aussi démontré que si les dispositifs essentiels de la passerelle (comme les commandes de l'appareil à gouverner) ne sont pas conçus et agencés pour être conviviaux et intuitifs et s'ils ne sont pas pourvus de protections contre les erreurs humaines, il est possible que la personne les utilisant ne puisse pas réagir rapidement et efficacement en cas d'urgence.

Les enquêtes du BST sur l'échouement du vraquier TundraNote de bas de page 52 le 28 novembre 2012 et sur l'abordage entre le vraquier Heloise et le remorqueur Ocean Georgie BainNote de bas de page 53 le 3 août 2013 ont permis d'établir que la barrière linguistique entre l'équipe à la passerelle et le pilote a été un facteur causal dans les deux cas, qu'elle a nui aux communications et qu'elle a par conséquent mené à une GRP inefficace à un moment critique du voyage. Les facteurs culturels sous-jacents à la distance hiérarchique ont aussi été un facteur causal de l'événement du Tundra : les membres de l'équipage de nationalité étrangère ont hésité à remettre en question l'autorité et les décisions du pilote.

2.0 Analyse

2.1 Facteurs ayant mené à l'échouement

Alors que le MSC Monica descendait la fleuve Saint-Laurent, il a soudainement viré à tribord, a quitté le chenal balisé et s'est échoué. Des essais et des examens ont établi que l'appareil à gouverner et son système de commande étaient en parfait état de fonctionnement et qu'aucune panne de l'appareil à gouverner n'est survenue. Les vents et les courants n'étaient pas assez forts pour causer le changement de cap du navire et la vitesse du navire n'était pas excessive pour ce type de navire dans ce secteur du fleuve.

On a utilisé le simulateur du Centre de simulation maritime (CMS) pour recréer plusieurs scénarios, dans les conditions qui prévalaient au moment de l'événement. Les résultats ont démontré que le scénario le plus plausible de l'embardée du navire à tribord à un taux de giration de 12° par minute est que le gouvernail a d'abord été placé à 10° à tribord alors que le cap gyroscopique (G) devait être maintenu à 085°. Le timonier en service croyait que le gouvernail était à 10° à bâbord. L'objectif étant de maintenir le cap et non de virer à tribord, l'écart initial par rapport au cap établi vient du fait que la barre a probablement été involontairement placée à 10° à tribord.

Constatant l'écart par rapport au cap établi, le timonier a dit au pilote 2 « not working » (ça ne fonctionne pas). Ce message est toutefois ambigu puisqu'il peut désigner soit une panne du système, soit un angle de barre insuffisant. Lorsque le pilote a demandé « it's not responding? » (ça ne répond pas?), le timonier a répondu « it's not » (non). Interprétant les réponses du timonier, les pilotes et l'officier de quart ont conclu à une panne de l'appareil à gouverner. Les pilotes ne connaissaient pas la pratique interne voulant que le timonier avertisse l'équipe à la passerelle lorsqu'il devait déplacer le gouvernail sur plus de 10° afin de garder le cap, or c'est précisément ce que le timonier faisait à ce moment.

Même s'il s'agissait d'une situation urgente, les membres de l'équipe à la passerelle n'ont pas communiqué efficacement et ils ont conclu à une panne. Ils n'ont pas uni leurs efforts pour vérifier la panne présumée de l'appareil à gouverner ou envisager d'autres possibilités. Cette réaction est caractéristique de la pensée de groupe. Par exemple, ils auraient pu vérifier immédiatement le bon fonctionnement de l'appareil à gouverner en ordonnant que la barre soit mise à bâbord toute, tout en naviguant en mode asservi, et en observant l'indicateur d'angle du gouvernail.

Alarmé par l'évolution de la situation, le pilote 1 a donné l'ordre à l'équipage de passer en mode asservi, et ce, à plusieurs reprises, alors qu'il souhaitait passer au mode non asservi. Comme le navire était déjà en mode asservi, l'équipe à la passerelle n'a posé aucun geste pour modifier le mode.

Jugeant qu'il fallait agir immédiatement, le pilote 1 a modifié lui-même le mode de gouverne pour passer en mode non asservi. Le pilote ne connaissait pas la commande de barre non asservie, qui avait été installée en position inversée et contrairement aux spécifications du fabricant. Le pilote 1 a ainsi involontairement orienté le gouvernail à tribord toute plutôt qu'à bâbord toute.

Une fois le gouvernail à tribord toute, le taux de giration du navire a augmenté, atteignant  jusqu'à 36,4° par minute, ce qui a accentué l'embardée à tribord. Soixante secondes se sont écoulées avant que l'officier de quart place la commande de barre non asservie à bâbord. Il était toutefois trop tard pour corriger l'écart de trajectoire et pour empêcher le navire de quitter le chenal et de s'échouer.

Même si l'ordre d'arrêter la machine principale a été donné peu après que l'équipe à la passerelle a supposé que l'appareil à gouverner était en panne, il s'est écoulé 1 minute et 33 secondes avant que l'on ordonne la mise en marche arrière toute de la machine principale pour arrêter le navire.

2.2 Appareil à gouverner et dispositif de commande

Les commandes de barre en mode non asservi et leurs affichages varient selon les navires et les fabricants. Les sociétés de classification ont des règles spéciales sur la conception ergonomique des passerelles, et de nombreuses organisations, comme l'Organisation maritime internationale (OMI) et l'Organisation internationale de normalisation (ISO), publient des normes qui établissent les exigences précises de conception de ces commandes et affichages.

Même si les modèles de commande de barre non asservie varient, les normes maritimes internationales reconnues spécifient que la couleur rouge désigne le côté bâbord et la couleur verte, le côté tribord. À bord du MSC Monica, l'installation de la commande de barre était inversée et non conforme aux spécifications du fabricant et aux normes internationales sur le code de couleur. Lorsque la commande de barre du MSC Monica était déplacée vers la gauche, par exemple, la partie verte du disque-témoin était illuminée et l'appareil à gouverner positionnait le gouvernail à bâbord.

Les membres de l'équipage du MSC Monica connaissaient la configuration particulière de la commande de barre et savaient comment l'utiliser. Cependant, les pilotes qui venaient de monter à bord du navire ne connaissaient pas sa configuration. Lorsqu'il a utilisé la commande, le pilote 1 a involontairement commandé l'orientation du gouvernail à tribord toute plutôt qu'à bâbord toute. Après le renflouement du navire, on a ajouté à la commande de barre non asservie des étiquettes de couleur avec des inscriptions identifiant clairement les positions bâbord et tribord.

Si l'ergonomie des appareils de bord essentiels (dont la commande de barre non asservie) est conçue de façon qu'elle porte à confusion ou soit contraire aux attentes, des utilisateurs non informés de la configuration des appareils risquent de les utiliser incorrectement.

2.3 Utilisation des commandes par les pilotes

Non seulement les pilotes sont-ils légalement autorisés à utiliser eux-mêmes les commandes, mais, selon l'Association des pilotes maritimes du Canada (APMC), ils sont tenus de le faire en cas d'urgence s'ils le jugent nécessaire.

Certaines corporations de pilotage ont toutefois adopté des politiques recommandant que les pilotes n'utilisent pas les commandes, compte tenu des avantages de la séparation des rôles au sein d'une équipe à la passerelle au cours de la navigation. Comme il existe de nombreux modèles de commandes et d'affichages de matériel de bord essentiel, les navigateurs doivent recevoir une formation sur l'utilisation et le fonctionnement de chaque système, ou au moins s'y familiariser, pour réduire les risques de mauvaise utilisation.

Lorsque des pilotes montent à bord d'un navire, l'échange d'information entre le capitaine et le pilote vise à transmettre des renseignements essentiels et non à former les pilotes sur l'utilisation de chaque commande et affichage. Généralement, à bord des navires qui voyagent dans des eaux restreintes, les pilotes donnent des ordres à l'équipage, et c'est l'équipage qui manœuvre les appareils de navigation.

Dans l'événement à l'étude, constatant que l'équipe à la passerelle n'avait pas suivi son ordre contradictoire de passer en mode asservi, le pilote 1 a lui-même manipulé le matériel de manœuvre et sélectionné le mode non asservi. Ne connaissant pas la configuration particulière de la commande de barre non asservie, le pilote 1 a involontairement mis le gouvernail en position tribord toute. L'officier de quart a constaté l'erreur et a placé le gouvernail à bâbord toute, mais il était trop tard pour rectifier la trajectoire et le navire s'est échoué.

Si les pilotes maritimes utilisent des appareils de navigation de bord essentiels sans les connaître convenablement, il y a un risque de mauvaise utilisation.

2.4 Communications au sein de l'équipe à la passerelle

Comme l'a démontré l'événement à l'étude ainsi que dans d'autres enquêtes du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST), malgré la publication des phrases normalisées de l'OMI pour les communications maritimes (SMCP), et malgré les exigences de la Convention internationale sur les normes de formation des gens de mer, de délivrance des brevets et de veille (Convention STCW) et des exigences de pilotage, les barrières linguistiques peuvent encore causer des problèmes à bord de navires immatriculés à l'étranger. Au demeurant, non seulement les barrières linguistiques peuvent-elles nuire aux communications, mais les différences culturelles peuvent avoir une incidence sur les relations entre les membres de l'équipe à la passerelle.

À bord du MSC Monica, les différences de langue et de culture ont pu nuire aux communications au sein de l'équipe à la passerelle. Puisque la distance hiérarchique est plus marquée dans les cultures indiennes que dans les cultures occidentales (comme celle du Canada), les membres d'origine indienne de l'équipage ont peut-être été moins enclins à remettre en question l'autorité des pilotes que ne l'auraient été des Occidentaux. Dans l'événement à l'étude, le timonier et les autres membres de l'équipage n'ont pas contesté l'interprétation des pilotes qu'il y avait une panne de l'appareil à gouverner et n'ont pas tenté d'intervenir lorsqu'un des pilotes a tout d'abord manipulé les commandes de la barre. En outre, lorsqu'il est arrivé sur la passerelle et a entendu qu'il y avait une panne de l'appareil à gouverner, le capitaine n'a fait aucune vérification et n'a posé aucune question. Il a accepté la version des pilotes.

Les différences linguistiques ont aussi mené à un malentendu sur la gouverne au cours de l'échange entre le timonier et les 2 pilotes. Lorsque le MSC Monica virait à tribord, le timonier devait mettre la barre à bâbord sur plus de 10° afin de maintenir le cap du navire. Lorsqu'il a tenté d'en informer les 2 pilotes en anglais, il a dit « not working » (ça ne fonctionne pas), ce que les pilotes ont interprété à tort comme indiquant une panne de l'appareil à gouverner.

Malgré la hiérarchie des rôles au sein de l'équipe à la passerelle, il est essentiel que les renseignements soient échangés de façon claire et régulière par tous les membres afin que tous soient conscients des problèmes potentiels et puissent prendre des mesures correctives efficaces en temps voulu. Cet échange de renseignements peut présenter un défi de taille lorsque les pilotes et les membres de l'équipage n'ont pas la même langue maternelle.

Si tous les membres de l'équipe à la passerelle n'ont pas une connaissance complète et commune d'un problème émergent et s'ils n'échangent pas des renseignements de façon continue afin de régler les problèmes, la réponse de l'équipe à la passerelle risque d'être prématurée, non coordonnée et inefficace.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le MSC Monica a soudainement dévié de sa trajectoire à tribord parce que la barre avait été probablement involontairement placée à 10° à tribord.
  2. En raison de l'ambiguïté de l'échange verbal entre le pilote 2 et le timonier, les pilotes et l'officier de quart ont conclu à tort que l'appareil à gouverner était en panne.
  3. L'équipe à la passerelle n'a pas immédiatement cherché à vérifier l'état de fonctionnement de l'appareil à gouverner après qu'il a été supposé être en panne.
  4. L'équipage n'est pas passé en mode non asservi parce que le pilote 1 a par erreur donné l'ordre contradictoire de passer en mode asservi.
  5. Le pilote 1 a lui-même manipulé le matériel de manœuvre pour passer en mode non asservi.
  6. L'installation de la commande de barre non asservie n'était conforme ni aux spécifications du fabricant ni aux normes internationales reconnues.
  7. Ne connaissant pas l'ergonomie de la commande de barre non asservie installée sur le navire, le pilote 1 a involontairement commandé la barre à tribord toute plutôt qu'à bâbord toute.
  8. L'officier de quart a corrigé la position de la barre en la mettant à bâbord toute, mais il l'a fait tardivement. Par conséquent, la vitesse du navire n'a pas été réduite et le navire a quitté le chenal balisé, puis s'est échoué.
  9. L'ordre de mettre la machine principale en marche arrière toute a été donné trop tard pour que l'équipe à la passerelle puisse utiliser les ancres et ainsi éviter l'échouement ou amoindrir les avaries au navire en réduisant la vitesse à l'impact.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si l'ergonomie des appareils de bord essentiels (dont la commande de barre non asservie) est conçue de façon qu'elle porte à confusion ou soit contraire aux attentes, des utilisateurs non informés de la configuration des appareils risquent de les utiliser incorrectement.
  2. Si les pilotes maritimes utilisent des appareils de navigation de bord essentiels sans les connaître convenablement, il y a un risque de mauvaise utilisation.
  3. Si tous les membres de l'équipe à la passerelle n'ont pas une connaissance complète et commune d'un problème émergent et s'ils n'échangent pas des renseignements de façon continue afin de régler les problèmes, la réponse de l'équipe à la passerelle risque d'être prématurée, non coordonnée et inefficace.

3.3 Autres faits établis

  1. Certaines associations de pilotes ont des politiques demandant à leurs pilotes de ne pas utiliser eux-mêmes les systèmes de manœuvre des navires et de s'en tenir à donner des ordres verbalement, à moins d'une urgence, alors que d'autres associations n'ont pas de position officielle sur ce sujet.

Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada

Le 2 juin 2016, le Bureau de la sécurité des transports du Canada a envoyé l'avis de sécurité maritime (ASM) 02/16 à l'entreprise qui assure la gestion technique et l'exploitation du MSC Monica, afin d'indiquer les problèmes de configuration des commandes de barre en mode non asservi de l'appareil à gouverner du navire. Une copie de l'avis a été transmise à Transports Canada, aux autorités de l'État du pavillon du navire, à la société de classification responsable des 5 navires jumeaux, à l'International Association of Classification Societies et au fabricant du système de commande de barre du MSC Monica.

4.1.2 Mediterranean Shipping Company (MSC) Shipmanagement Limited

Suite à la réception de l'ASM 02/16 envoyé par le BST, les propriétaires du MSC Monica ont effectué une évaluation complète des systèmes de commande et de l'appareil à gouverner. Aucune défaillance n'a été identifiée, cependant quelques composants furent trouvés « fragiles ». Conséquemment, les propriétaires ont fait réviser ou remplacer plusieurs composants pendant la mise en cale sèche périodique du navire, qui a eu lieu en Turquie à l'automne 2016. Entre autres, les 2 pompes hydrauliques ont été remplacées, les pivots, les blocs coulissant des timons et les vérins hydrauliques (béliers) ont été usinés, et leurs joints d'étanchéité ont été remplacés. À la passerelle de navigation, la roue de gouvernail, le pilote automatique, le gyrocompas et son répétiteur ont été remplacés. Le bras de la commande de barre non asservie a été correctement ré-installé, l'extrémité la plus longue du levier pointant vers l'arrière du navire selon les recommandations du fabricant, et les instructions requises ont été affichées. Finalement, les propriétaires ont vérifié que la commande de barre non asservie a été installée correctement sur tous les navires-jumeaux du MSC Monica.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Lieu de l'événement

Source : Google Earth et carte no 1314 du Service hydrographique du Canada, avec annotations du BST
Lieu de l'événement