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Rapport d'enquête maritime M93L0004

Naufrage de l'embarcation d'excursion «TAN 1»
dans les atterrages de l'Anse aux Basques
Les Escoumins (Québec)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 12 septembre 1993 vers 15 h 15, le «TAN 1», une petite embarcation d'excursion non pontée, a appareillé de l'Anse aux Basques (Québec) avec 13 personnes à son bord, y compris le patron, pour une excursion d'observation des mammifères marins sur le fleuve Saint-Laurent près de Les Escoumins (Québec). La croisière devait durer trois heures environ.

Vers 17 h 50, à la suite d'une panne mécanique, de l'eau a commencé à envahir le pont, des lames se sont abattues sur l'arrière et le «TAN 1» a chaviré. Le patron de l'embarcation et les passagers se sont retrouvés à l'eau, mais ils ont été rapidement recueillis par d'autres embarcations d'excursion qui se trouvaient dans le secteur.

Le Bureau a déterminé que les moteurs hors-bord du «TAN 1» ont calé et n'ont pu être remis en marche à cause d'une contamination du carburant par de l'eau. Peu après, l'embarcation, à la dérive, a été inondée par l'arrière et a éventuellement chaviré.

1.0 Renseignements de base

1.1 Fiche technique du navire

«TAN 1»
Numéro de licence 13D9752
Pavillon Canadien
Type Embarcation non pontée
Jauge brute 5 tonneaux Note de bas de page 1
Longueur 7,62 m
Creux 1,8 m
Construction 1990 (Québec)
Groupe propulseur Deux moteurs hors-bord Mercury développant 150 HP Note de bas de page 2 chacun
Propriétaires Touriste, Aventure Nordique inc. Les Escoumins (Québec)

1.1.1 Renseignements sur le navire

Le «TAN 1» est une embarcation non pontée constituée d'une âme de balsa entre deux couches de fibre de verre. Le poste de gouverne et le tableau des commandes sont situés à l'arrière. Cette embarcation, qui ne transporte pas plus de 12 passagers, sert principalement à des croisières d'observation des mammifères marins en saison estivale dans la région de Les Escoumins.

1.2 Déroulement du voyage

Le 12 septembre 1993, les passagers se sont présentés au hangar de la compagnie, où ils ont reçu des combinaisons isothermiques et de brefs renseignements sur le type d'excursion qu'ils s'apprêtaient à faire à bord du «TAN 1». Vers 15 h Note de bas de page 3, les passagers se sont dirigés vers la jetée de l'Anse aux Basques pour monter à bord de l'embarcation. Avant le départ, le patron leur a expliqué qu'ils devaient demeurer assis pendant toute la durée de l'excursion, sauf lorsque l'embarcation serait immobile pour favoriser l'observation des mammifères marins. Toutefois, les passagers n'ont reçu aucune directive en ce qui concerne l'endroit où étaient entreposés les gilets de sauvetage, ni sur la façon de les enfiler. Les gilets se trouvaient dans un caisson sous le pont, mais il n'y avait aucune inscription à cet effet.

À 15 h 15, le «TAN 1» a appareillé de l'Anse aux Basques avec 12 passagers et le patron à son bord, en direction des sites d'observation. L'embarcation a longé la rive nord entre la Pointe à Otis et la Pointe à Crapaud (Québec) à la recherche de mammifères marins.

Les vents du sud-ouest se sont intensifiés et la mer est devenue de plus en plus agitée.

Vers 17 h, le «TAN 1», qui avançait à vive allure dans une mer houleuse, était projeté d'une crête de lame à l'autre. Lorsque l'embarcation a pris une lame plus grosse que les autres, tous les passagers ont été soulevés et sont retombés tant bien que mal sur leur siège; une passagère est retombée sur l'arête d'un banc. Le patron a mis les moteurs au point mort et est venu à l'aide de la passagère qui se plaignait d'une douleur au coccyx; ses jambes ne la supportaient plus, paralysées par la douleur. La passagère blessée a été installée sur un des bancs à l'avant du poste de gouverne, et le patron de l'embarcation lui a offert de rentrer au port, mais elle a refusé pour ne pas mettre fin à la croisière.

À son retour au poste de gouverne, le patron a constaté que le moteur de droite avait calé, mais il a réussi à le remettre en marche. La croisière s'est poursuivie à vitesse réduite. Des lames, qui déferlaient sur l'arrière, ont commencé à envahir l'ouverture pratiquée dans le tableau arrière de l'embarcation. Le moteur de droite a de nouveau calé et l'embarcation est venue en travers des lames. À l'aide du moteur de gauche, le patron a redressé l'embarcation pour être debout à la mer. Pendant que le patron tentait de faire redémarrer le moteur de droite, celui de gauche a calé à son tour.

Constatant que l'arrière de l'embarcation s'enfonçait de plus en plus, le patron a demandé aux passagers de se déplacer vers l'avant afin de relever l'arrière. Pendant que le patron tentait de faire redémarrer les moteurs, les passagers lui ont demandé des récipients pour écoper, mais il leur a répondu qu'il n'en avait pas et que, de toute façon, il était trop tard.

L'envahissement s'est poursuivi et les passagers avaient de l'eau jusqu'aux genoux. L'eau accumulée dans les fonds a soulevé le couvercle du caisson d'entreposage, et les passagers ont trouvé les gilets de sauvetage. Il était 17 h 50. Des passagers ont empoigné les gilets pendant que le patron lançait un appel par radio très haute fréquence (VHF) au bateau-pilote «ABRAHAM MARTIN» pour lui demander de lui prêter assistance. Entre-temps, une autre embarcation d'excursion de type Zodiac, le «TAN 3», exploitée par la même compagnie que le «TAN 1», se dirigeait vers le «TAN 1» pour porter secours aux passagers.

Avant que le «TAN 3» n'ait pu s'approcher du «TAN 1», ce dernier a chaviré et coulé à pic par l'arrière, projetant tous ses occupants à la mer; certains portaient des gilets de sauvetage non sanglés et d'autres n'en portaient pas du tout. Trois passagers ont réussi à s'agripper au devant du «TAN 1» et d'autres sont partis à la dérive.

Le Centre de trafic maritime (CTM) de Les Escoumins a été alerté et a avisé les embarcations d'excursion qui se trouvaient dans le secteur. Les 13 occupants du «TAN 1» ont été rapidement repêchés des eaux glacées du fleuve et, à 18 h 5, tous étaient à bord sains et saufs.

Une ambulance attendait les embarcations à leur arrivée à la jetée de l'Anse aux Basques, et quatre naufragés qui souffraient d'hypothermie ont été transportés à l'hôpital de Les Escoumins.

1.3 Victimes

Les passagers ont été repêchés sains et saufs, mais certains d'entre eux ont dû être hospitalisés parce qu'ils souffraient d'hypothermie par suite de leur immersion dans l'eau froide. On estime qu'à cet endroit la température de l'eau est de 15 °C durant la saison estivale.

1.4 Certificats et équipement de l'embarcation

Comme l'embarcation ne jaugeait que cinq tonneaux, elle n'était pas tenue de se soumettre à des inspections réglementaires de la Direction de la sécurité des navires de la Garde côtière canadienne (GCC). Cependant, le 13 août 1993, à la suite d'un autre événement maritime, la GCC avait interdit au «TAN 1» de faire des croisières en raison de pièces d'équipement manquantes ou non conformes au Règlement sur les petits bâtiments. Le 19 août 1993, comme le propriétaire avait obtenu sa licence radio et que l'équipement requis en vertu du Règlement sur les petits bâtiments était conforme aux exigences, la GCC avait levé l'interdiction de départ.

1.4.1 Brevets et antécédents du patron

En vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada (LMMC), le patron d'un navire d'au plus cinq tonneaux qui transporte au plus 12 passagers n'est pas tenu d'être titulaire d'un brevet. Le patron du «TAN 1», qui avait la conduite de l'embarcation au moment de l'accident, exerce le métier de pêcheur depuis 1974. Il possède un brevet canadien de Capitaine de bateau de pêche de classe 4 délivré en 1983, et il a suivi un cours sur les Fonctions d'urgence en mer (FUM). Il exerce occasionnellement les fonctions de patron de petits navires à passagers dans le secteur de Les Escoumins.

1.5 Renseignements sur les conditions météorologiques

Au moment de l'accident, le temps était clair, la visibilité était bonne, les vents soufflaient du sud-ouest à 15 à 25 noeuds, et la température de l'eau et de l'air étaient de 15 °C et 12 °C, respectivement.

À 16 h le jour de l'accident, le Centre météorologique du Québec d'Environnement Canada a émis un avertissement aux petites embarcations en raison des forts vents. Le patron du «TAN 1» a écouté l'avertissement en question sur sa radio VHF mais, comme il a estimé qu'il était à l'abri du vent, il a poursuivi la croisière. La hauteur des vagues a été estimée d'un mètre à deux mètres environ.

1.6 Équipement de sauvetage et vêtements

Il y avait 13 gilets de sauvetage à bord du «TAN 1» et, quand l'épave a été retrouvée dans le golfe du Saint-Laurent le 26 septembre 1993, il y en avait encore 4 dans le caisson. Les passagers ont trouvé les gilets de sauvetage lorsque le panneau du caisson a été soulevé par la pression de l'eau accumulée dans les fonds, soit quelques minutes à peine avant le chavirement. Selon les témoignages des passagers, il n'y avait aucune indication de l'endroit où les gilets de sauvetage étaient entreposés. De plus, ils n'avaient reçu aucune directive avant le départ en ce qui concerne la façon d'enfiler les gilets de sauvetage.

Tous les passagers portaient une combinaison de travail isothermique en plus ou moins bon état. Certaines étaient trouées, râpées ou leurs attaches Velcro aux chevilles et aux poignets manquaient. Le patron de l'embarcation portait une veste Mustang et des bottes de caoutchouc.

1.7 Communications radio

Le patron du «TAN 1» n'a pas lancé d'appel de détresse sur la voie 16 de la radio VHF; il a plutôt utilisé la voie 9 pour appeler le bateau-pilote «ABRAHAM MARTIN», et il lui a mentionné, sur la voie 10, qu'il avait une voie d'eau importante et qu'il y avait 12 passagers à bord. Cet appel a été capté par le CTM de Les Escoumins à 17 h 51. De la station radar de Les Escoumins, on a pu voir l'embarcation chavirée.

À 17 h 52, le CTM de Les Escoumins a prévenu d'autres embarcations d'excursion qui se trouvaient dans le secteur du naufrage du «TAN 1» et, à 17 h 55, un «Mayday Relay» a été diffusé pour une embarcation chavirée, avec 12 passagers à son bord, au large de l'Anse aux Basques. À 18 h 5, le CTM a été informé que tous les naufragés avaient été recueillis, et le «ABRAHAM MARTIN» a demandé qu'une ambulance attende l'arrivée des naufragés à l'Anse aux Basques.

1.8 Sauvetage

Après avoir été informés de l'accident, le «ABRAHAM MARTIN» et les embarcations pneumatiques de type Zodiac, le «RORQUAL» et le «MARSOUIN», ont chacun repêché une personne, et le «TAN 3» en a recueilli 10.

1.9 Calcul de l'assiette

Les conditions de stabilité du «TAN 1» ont été calculées en fonction du poids des passagers et du patron ainsi de la quantité maximale de carburant à bord de l'embarcation. Le poids de l'embarcation, au départ, était de 3 200 kg avec une assiette positive de 0,12°. Le franc-bord sur l'arrière était alors de 116 mm. Après 2 heures et 45 minutes d'opération, le carburant ayant diminué, le poids de l'embarcation était de 3 150 kg avec une assiette nulle; le franc-bord était alors de 184 mm.

Les moteurs hors-bord, en porte-à-faux, avaient été boulonnés sur une structure à 686 mm du tableau arrière. Ils ne pouvaient être installés directement sur le tableau arrière parce que, l'axe des hélices étant trop rapproché, il était difficile d'amener suffisamment d'eau aux hélices.

1.10 Examen par le Laboratoire technique du BST

Tous les témoins ont été unanimes pour dire qu'ils avaient aperçu une fumée grisâtre qui sortait des tuyaux d'échappement des moteurs avant même que ceux-ci ne calent, ce qui indique qu'il y avait de l'eau dans le carburant. En outre, le Laboratoire technique du BST a procédé à un examen des deux moteurs hors-bord du «TAN 1» et on a relevé, entre autres, des signes d'une contamination prolongée et des dépôts de sel et d'autres substances dans les circuits d'alimentation en carburant, au niveau des carburateurs et autres composantes.

Les substances qui ont contaminé le carburant provenaient indubitablement du réservoir à carburant. On a constaté plusieurs lacunes dans la conception du réservoir qui, de toute évidence, ne répondait pas aux Normes de contruction pour les petits bâtiments, partie IV.

2.0 Analyse

2.1 Préparatifs pour le départ

Le patron de l'embarcation exerce le métier de pêcheur depuis 1974 et il occupe occasionnellement les fonctions de patron de petits navires à passagers pour le compte de la compagnie TAN. Avant le départ, le patron avait bénéficié d'une période de repos et la croisière de 15 h était sa première de la journée.

Avant d'appareiller, le patron a vérifié le carburant et l'huile, et il a fait démarrer les deux moteurs qui ont tourné rondement. Il a ensuite signalé son départ au CTM de Les Escoumins en précisant le nombre de personnes à bord. Aucune directive de sécurité n'a été donnée aux passagers avant l'appareillage si ce n'est de prendre place de part et d'autre dans l'embarcation. L'endroit où étaient entreposés les gilets de sauvetage n'était pas clairement indiqué.

2.2 Envahissement de l'embarcation

En raison de l'état de la mer, l'embarcation a longé la rive du fleuve Saint-Laurent pendant la croisière. Lorsque l'embarcation avance à vitesse réduite ou est immobile, l'eau peut pénétrer par l'ouverture pratiquée dans le tableau arrière. Toutefois, lorsque l'embarcation prend de la vitesse, l'eau s'écoule vers l'extérieurpar l'effet de Venturi.

L'eau a commencé à envahir l'embarcation par l'arrière lorsque les deux moteurs sont tombés en panne. Les passagers avaient de l'eau jusqu'aux genoux lorsque la pression de l'eau accumulée dans les fonds a soulevé le panneau du caisson où étaient entreposés les gilets de sauvetage. Les passagers ont endossé les gilets de sauvetage et, avant qu'ils aient pu les sangler correctement, l'embarcation a chaviré puis s'est enfoncée par l'arrière.

2.3 Survie des passagers

Quand le «TAN 1» a chaviré, neuf passagers et le patron ont été repêchés par le «TAN 3» qui se trouvait à peu de distance du naufrage. Les trois autres passagers se sont agrippés à l'étrave du «TAN 1» jusqu'à ce qu'ils soient secourus par deux autres embarcations pneumatiques de type Zodiac qui étaient en excursion dans le secteur et par le bateau-pilote.

Les combinaisons isothermiques bien qu'usées ont tout de même permis aux passagers de se maintenir à flot et ont ralenti la perte de chaleur corporelle, évitant ainsi l'hypothermie.

Le patron de l'embarcation portait une veste de flottaison et des bottes de caoutchouc. Il a dû être admis à l'hôpital où il a été traité parce que sa température corporelle avait chuté. Trois autres passagers qui portaient des combinaisons isothermiques ont également dû être traités pour refroidissement.

2.4 Conception du système d'alimentation en carburant

Les essais en laboratoire ont permis d'analyser les raisons probables des pannes moteur à bord du «TAN 1». Le propriétaire de l'embarcation a déclaré que le moteur de droite avait subi de nombreuses pannes depuis le début de la saison. À plusieurs reprises, l'embarcation était rentrée au port, après une excursion, avec un seul moteur. Ces pannes intermittentes sont attribuables, du moins en partie, à l'eau accumulée dans les pointeaux des carburateurs. Quand l'eau s'accumule dans un carburateur, le carburant est retenu momentanément vers les cylindres et le moteur cale.

D'autre part, le circuit d'alimentation en carburant était muni de quatre filtres de papier coalescent qui n'étaient pas conçus pour retenir l'eau du carburant. Toutefois, il existe sur le marché des filtres spécialement conçus pour des usages marins et qui empêchent l'eau du carburant d'atteindre le carburateur.

On avait installé dans le réservoir du «TAN 1» un accumulateur d'eau pour véhicules récréatifs, ce qui laisse croire que le propriétaire s'inquiétait de la présence d'eau dans le carburant.

Cependant, cet accumulateur est destiné à récupérer l'eau qui se trouve dans le réservoir à carburant et qui provient de la condensation lorsque la quantité de carburant est faible. La contamination du carburant par l'eau pouvait également se faire par l'alimentation de même que par le tuyau d'aération qui n'avait aucun dispositif pour empêcher l'eau d'y pénétrer.

La succion, placée dans le réservoir et servant à alimenter le moteur de droite, se trouvait à 30 mm derrière celle qui servait à alimenter le moteur de gauche. C'est pourquoi, lorsque l'embarcation accélérait, l'eau, dont la densité spécifique est supérieure à celle du carburant, en l'occurrence de la gazoline, se déplaçait vers la partie arrière du réservoir d'où les pannes intermittentes causées par la succion d'eau plutôt que de carburant.

2.5 Dispositif pour contrecarrer l'envahissement

L'embarcation était munie de deux pompes de cale; l'une manuelle, l'autre électrique. La pompe manuelle, installée du côté gauche de l'embarcation près du poste de gouverne, n'était pas opérationnelle parce que les raccords d'entrée et de sortie n'étaient pas branchés et la pièce de bois qui servait de manette pour activer la pompe était manquante. La pompe électrique d'une capacité d'environ 9 000 litres à l'heure était branchée sur un commutateur à trois séquences, soit «Auto», «Off» et «Manual», tel qu'indiqué sur le tableau des commandes, et elle était reliée à un fusible et une lampe témoin. Une vérification sur courant continu a confirmé que le fusible était en bon état.

En outre, on a observé que la pompe de cale ne pouvait fonctionner continuellement que si le commutateur était maintenu en mode «Manual». Quand l'embarcation est arrivée au Laboratoire technique du BST, le commutateur de la pompe de cale était en position «Auto». Cette pompe ne fonctionne en mode «Auto» que si elle est reliée à un dispositif flottant qui indique le niveau d'eau, et elle se met en marche lorsqu'il y a accumulation d'eau dans la cale.

Cependant, au cours des examens en laboratoire, on a constaté que la lampe témoin placée au-dessus du commutateur de la pompe de cale n'était branchée à aucune source électrique. Aucun dispositif flottant ou câblage ayant pu servir à un tel dispositif n'a été retrouvé dans la cale. On a retiré la pompe de cale et on a procédé à des essais; la pompe s'est avérée être en bon état de marche. Rien ne laisse supposer que le patron savait que la pompe de cale n'était pas opérationnelle.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis

  1. Le réservoir et les filtres à carburant du circuit d'alimentation des moteurs étaient inadéquats et ont entraîné la contamination du carburant.
  2. Le «TAN 1» a chaviré parce qu'il n'y avait aucun moyen efficace pour évacuer l'eau qui s'est accumulée à bord. Les deux pompes de cale, l'une manuelle et l'autre électrique, n'étaient pas opérationelles avant le départ.
  3. Le chavirement du «TAN 1» est survenu brusquement, et tous les occupants ont été projetés à l'eau.
  4. L'endroit où les gilets de sauvetage étaient entreposés n'était pas indiqué et aucune directive de sécurité n'a été donnée aux passagers à ce sujet avant l'appareillage.
  5. Le patron de l'embarcation portait une veste Mustang tandis que les passagers portaient tous une combinaison isothermique, dont certaines étaient trouées. Le patron et trois passagers souffraient de refroidissement quand ils ont été repêchés.
  6. Compte tenu de la conception de l'embarcation et de l'état des moteurs, le "TAN 1" n'était pas dans un état de navigabilité.

3.2 Causes

Les moteurs hors-bord du «TAN 1» ont calé et n'ont pu être remis en marche à cause d'une contamination du carburant par de l'eau. Peu après, l'embarcation, à la dérive, a été inondée par l'arrière et a éventuellement chaviré.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Navigabilité

En mars 1994, le Laboratoire technique du BST a examiné le «TAN 1» et a produit un rapport d'expertise. En mai 1994, on a informé la Garde côtière canadienne (GCC) des manquements à la sécurité qui compromettaient la navigabilité du «TAN 1», notamment : le carburant du réservoir était contaminé par de l'eau à cause de la dimension et de la position du tuyau d'aération et de l'absence de filtre extracteur d'eau de type marin; l'indicateur de la jauge d'essence du tableau des commandes n'était pas relié à un détecteur de niveau dans le réservoir; le gouleau de remplissage du réservoir était fissuré et le bouchon comportait deux trous d'aération par lesquels l'eau pouvait pénétrer dans le réservoir; plusieurs autres lacunes du réservoir constituaient un r isque d'incendie; les manettes de commande des moteurs étaient mal ajustées; les pompes de cale, l'une manuelle et l'autre électrique, n'étaient pas opérationnelles; et l'embarcation ne répondait pas aux Normes de contruction pour les petits bâtiments de Transports Canada (TP 1332).

Le «TAN 1» n'était pas assujetti aux exigences réglementaires, mais en réponse à la lettre du BST, la GCC a fourni des conseils techniques au propriétaire de façon à corriger les lacunes relevées.

4.1.2 Modifications

En 1994, le propriétaire a apporté plusieurs améliorations au «TAN 1» : la partie arrière de la coque a été fermée et six caissons étanches ont été aménagés sur les côtés de l'embarcation; un caisson étanche à l'arrière augmente la flottabilité sous le s moteurs; deux réservoirs à essence de 250 litres ont été installés dans un compartiment étanche muni d'un détecteur de vapeur et d'un ventilateur de cale; les filtres du circuit d'alimentation en carburant des moteurs ont été remplacés; deux nouveaux mo teurs hors-bord (200 HP chacun) ont été installés; un nouveau dispositif électrique et manuel de pompage des fonds de cale a été installé; le tableau des commandes a été modifié de façon à supporter l'antenne du poste radio très haute fréquence (VHF) ains i qu'un réflecteur radar plus performant. L'ajout d'un radar et d'un nouveau radiotéléphone doté d'une batterie indépendante améliore également la sécurité.

4.1.3 Sécurité des petites embarcations d'excursion

Dans son rapport d'enquête sur l'échouement du «TAN 1», survenu le 11 août 1993, le BST a fait trois recommandations visant à améliorer la sécurité des petites embarcations d'excursion (rapport no M93L0003 du BST). Le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports élabore des normes de formation et des exigences en matière de brevets pour les patrons des petites embarcations d'excursion qui transportent des passagers payants.
Recommandation M96-01 du BST

Le ministère des Transports modifie la réglementation afin d'exiger que les embarcations d'excursion qui transportent des passagers payants soient munies d'équipement radio adéquat et qu'elles soient tenues, avant d'appareiller, de signaler au CTM le nom bre de personnes à bord.
Recommandation M96-02 du BST

Le ministère des Transports et le ministère des Pêches et Océans, en collaboration avec les corps policiers et le personnel SAR, cherchent à trouver des moyens d'améliorer la surveillance et l'inspection des petits navires commerciaux qui transportent de s passagers.
Recommandation M96-03 du BST

4.2 Mesures à prendre

4.2.1 Normes de construction et inspection par la GCC

Le «TAN 1» ainsi que d'autres embarcations de cinq tonneaux du même genre ne sont pas assujettis aux inspections de sécurité de la GCC prévues au Règlement sur l'inspection des coques. Les examens effectués au Laboratoire technique du BST ont permis de constater plusieurs lacunes concernant, notamment, la construction de la coque, le réservoir à carburant et l'entretien des moteurs. En outre, la conception et la construction du réservoir à carburant et du tableau arrière étaient inférieures aux normes, ce qui a permis à l'eau de mer de s'infiltrer dans le réservoir et a entraîné la contamination du circuit d'alimentation en carburant des deux moteurs hors-bord. De plus, les pompes de cale défectueuses n'ont pu évacuer l'eau et il n'y avait aucun autre moyen pour évacuer l'eau manuellement. Compte tenu de ce qui précède, le «TAN 1» n'était pas dans un état de navigabilité et il a chaviré.

En 1993, par mesure parallèle au "Programme de conformité des petits navires à passagers" qui n'était alors plus en vigueur, le bureau de Québec de la Direction de la sécurité des navires de la GCC a inspecté, au hasard, 18 petites embarcations d'excur sion de la région de Tadoussac (Québec). Aucune d'elles n'était conforme aux règlements parce que des pièces d'équipment de sécurité étaient défectueuses ou manquaient tout à fait, et des avis ont été remis à cet égard. Les lacunes les plus souvent notées concernent les gilets de sauvetage, les feux de navigation, les certificats de radiotéléphoniste, les réflecteurs radar, les signaux de détresse, les bouées de sauvetage, les extincteurs d'incendie, les ancres et les pompes de bouchain.

Chaque année, plus de 40 embarcations d'excursion sont exploitées dans la région de Tadoussac sans avoir fait l'objet d'une inspection de la GCC, mais les passagers qui font des croisières à bord de ces petites embarcations supposent qu'elles sont en é tat de navigabilité et exploitées en toute sécurité. Dans la région des Laurentides, il existe plus d'une centaine d'embarcations de toutes tailles et de toutes sortes qui offrent des excursions de tourisme.

En l'absence d'exigences réglementaires, les experts maritimes de la GCC n'ont pas les instruments réglementaires nécessaires pour accroître la sécurité de ces embarcations. Ils comptent sur la bonne volonté des exploitants pour s'assurer que leurs emb arcations sont en état de navigabilité. Cependant, bon nombre d'exploitants n'ont pas les connaissances voulues pour être en mesure d'évaluer adéquatement les lacunes de leurs embarcations sur le plan de la sécurité. Par conséquent, les passagers, à leur insu, montent à bord d'embarcations qui ne sont pas exploitées en toute sécurité du fait qu'elles peuvent ne pas être en état de navigabilité ou ne pas avoir à bord l'équipement de sauvetage ou d'urgence adéquat. C'est pourquoi le Bureau recommande que :< /P>

Le ministère des Transports exige que toutes les embarcations qui transportent des passagers payants fassent l'objet d'inspections de sécurité afin de s'assurer qu'elles sont en état de navigabilité et qu'elles sont exploitées en toute sécurité.
Recommandation M96-04 du BST

4.2.2 Directives de sécurité

Chaque année, souvent par mauvais temps, un grand nombre de petites embarcations d'excursion transportent des passagers dans l'estuaire du Saint-Laurent. La grande majorité de ces passagers ne connaissent pas l'équipement de sauvetage ni les techniques de survie utilisés lors de situations d'urgence en mer. Les passagers ne sont habituellement pas informés des mesures de sécurité à prendre en temps normal et en cas d'urgence.

En effet, dans le cas à l'étude, les passagers ne savaient pas comment enfiler les gilets de sauvetage ni où ceux-ci étaient entreposés parce qu'on ne leur avait pas donné de directives sur l'équipement de sauvetage avant d'appareiller.

Compte tenu des conditions d'exploitation et du manque de normes de sécurité et d'exploitation bien établies, le Bureau est d'avis que, en vue de réduire la gravité des accidents et d'être mieux préparés à réagir en cas d'urgence, les passagers doivent être bien informés des précautions et des mesures de sécurité qui les concernent. Par conséquent, le Bureau recommande que :

Le ministère des Transports exige que les exploitants de petites embarcations d'excursion fournissent aux passagers, avant d'appareiller, des directives de sécurité pour les conditions normales d'exploitation et pour les situations d'urgence.
Recommandation M96-05 du BST

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Maurice Harquail.

Annexes

Annexe A - Croquis du secteur de l'événement

Annexe B - Photographie

Annexe C - Sigles et abréviations

BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
C
Celsius
CTM
Centre de trafic maritime
FUM
Fonctions d'urgence en mer
GCC
Garde côtière canadienne
HAE
heure avancée de l'est
HP
horse power
kg
kilogramme(s)
LMMC
Loi sur la marine marchande du Canada
m
mètre(s)
mm
millimètre(s)
OMI
Organisation maritime internationale
SI
système international (d'unités)
UTC
temps universel coordonné
VHF
très haute fréquence