Language selection

Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A21A0024

Décrochage et collision avec le relief
Forest Protection Limited
Air Tractor, Inc. AT-802, C-GJJX
Popple Depot (Nouveau-Brunswick)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 11 août 2021, l’aéronef Air Tractor, Inc. AT-802 (immatriculation C-GJJX, numéro de série 802-0121) exploité par Forest Protection Limited sous l’indicatif Tanker 624 effectuait une opération de lutte contre un incendie de forêt à partir de l’aéroport de Miramichi (CYCH) (Nouveau-Brunswick) avec 1 membre d’équipage à son bord. Vers 15 h 53, heure avancée de l’Atlantique, alors qu’il effectuait la 4e passe de largage de la journée, l’aéronef a percuté le flanc d’une colline dans une région densément boisée dans le nord du Nouveau-Brunswick. Le pilote a été légèrement blessé. Aucun incendie ne s’est déclaré après l’impact, mais l’aéronef a été détruit.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Vers 9 hNote de bas de page 1 le 11 août 2021, le pilote de l’aéronef Air Tractor, Inc. (Air Tractor) AT-802 (immatriculation C-GJJX, numéro de série 802-0121), exploité sous l’indicatif Tanker 624, est arrivé à l’aéroport international de Fredericton (CYFC) (Nouveau-Brunswick) pour un vol de jour selon les règles de vol à vue (VFR). Le but du vol était d’effectuer une série d’exercices de largage dans l’une des zones d’entraînement de Forest Protection Limited (FPL). En raison des nuages à basse altitude à CYFC, l’exercice de largage a été retardé jusqu’à ce que les conditions météorologiques s’améliorent.

Peu avant 12 h, le service des opérations aériennes de FPL a reçu un rapport du Centre provincial de lutte contre les incendies de forêt faisant état d’un petit feu touchant un seul arbre; le vol d’exercice de largage prévu a été modifié pour devenir un vol opérationnel de reconnaissance d’incendieNote de bas de page 2 afin d’enquêter sur le feu signalé.

Dans le contexte de ce vol de reconnaissance d’incendie, l’aéronef dans l’événement à l’étude, Tanker 624, faisait partie d’une équipe composée d’un aéronef Piper PA60-600 Aerostar Bird Dog (BD172), d’un chef d’équipeNote de bas de page 3 à bord d’un aéronef AT-802 (exploité sous l’indicatif Tanker 620) et d’un autre aéronef AT-802.

Les conditions météorologiques à CYFC s’étaient progressivement améliorées et, vers 12 h, Tanker 624, ainsi que les 3 autres aéronefs, ont décollé. L’incendie avait été signalé à Popple Depot, une région éloignée du nord du Nouveau-Brunswick, à environ 51 milles marins (NM) au nord-ouest de l’aéroport de Miramichi (CYCH) (Nouveau-Brunswick). Popple Depot est située dans une zone de relief escarpé, où la hauteur entre les vallées et les sommets peut atteindre jusqu’à 2000 pieds.

L’aéronef Bird Dog a été le premier à arriver à proximité de l’incendie. L’incendie a été localisé dans une zone d’arbres partiellement abattus, dont la superficie était d’environ 50 hectares (figure 1).

Figure 1. Carte du lieu de l’incendie de Popple Depot, qui comprend une photo prise 5 jours après l’événement (Source de l’image principale : Google Earth, avec annotations du BST; source de l’image insérée : ministère des Ressources naturelles et du Développement de l’énergie)
Carte du lieu de l’incendie de Popple Depot, qui comprend une photo prise 5 jours après l’événement (Source de l’image principale : Google Earth, avec annotations du BST; source de l’image insérée : ministère des Ressources naturelles et du Développement de l’énergie)

Il est rapidement devenu manifeste pour l’officier d’attaque aérienne (AAO) à bord de l’aéronef Bird Dog que le feu ne se limitait pas à un seul arbre et qu’il était plus important et se propageait plus vite qu’on ne l’avait pensé au départ. L’AAO a communiqué avec le Centre provincial de lutte contre les incendies de forêt pour demander du renfort, lequel s’est traduit par l’envoi d’un avion-citerne supplémentaire et d’un avion suiveurNote de bas de page 4.

Les passes de largageNote de bas de page 5 sont généralement effectuées au moyen d’avions-citernes qui s’approchent du feu sous le vent (vent arrière), ce qui permet aux pilotes de mieux voir l’incendie. Dans l’événement à l’étude, l’incendie était sur le flanc d’une colline escarpée et les pilotes des avions-citernes devaient voler en descente pendant le largage. L’approche de l’incendie se faisait donc face au vent (vent debout), ce qui rendait la visibilité de la cible plus difficile que d’habitude pour les pilotes. Tout au long de la journée, plusieurs passes effectuées par divers pilotes d’avions-citernes se sont soldées par des largages avortés.

À 12 h 47, le pilote de Tanker 624 a reçu de la part de l’AAO l’autorisation de procéder au largage, et la charge de mousseNote de bas de page 6 qu’il transportait à bord a été larguée sur le brasier. L’AAO a ensuite demandé au pilote de l’appareil Tanker 624 de se rendre à CYCH pour que l’aéronef soit rechargé. Le pilote de l’avion-citerne a ensuite effectué 2 autres largages au-dessus du site de l’incendie, se rendant chaque fois à CYCH pour le rechargement.

À 15 h 31, Tanker 624 a décollé de CYCH pour le 4e largage de la journée avec 2081 litres de produit ignifuge. Environ au même moment, un autre aéronef Bird Dog (BD175) arrivait à proximité de l’incendie à Popple Depot pour remplacer le premier Bird Dog (BD172), qui devait être ravitaillé à CYCH. Vers 15 h 51, Tanker 624 est également arrivé dans le secteur. Alors que Tanker 624 entrait dans le circuit autour de l’incendie par le nord en finale obliqueNote de bas de page 7, Tanker 620, le chef d’équipe, se trouvait à environ 5 NM derrière. Le pilote de Tanker 624 a exécuté les listes de vérification requises, a amorcé la descente finale et a configuré le système de largage de produit ignifuge de l’aéronef en vue du largage.

À 15 h 52 min 13 s, Tanker 624 a franchi la première crête (crête nord) (figure 2). À ce moment, Tanker 624 se trouvait à 2000 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL) et se déplaçait à une vitesse indiquée de 92 nœuds (KIAS).

Figure 2. Profil approximatif de la trajectoire de vol (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Profil approximatif de la trajectoire de vol (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

À 15 h 52 min 31 s, Tanker 624 a franchi la deuxième crête (sud). Dans une tentative pour empêcher l’aéronef d’accélérer en descente et pour atteindre la hauteur de largageNote de bas de page 8, le pilote a braqué les volets afin qu’ils soient complètement sortis (30°) et a ramené la manette des gaz de l’aéronef à la position de ralenti. Étant donné qu’il n’était pas correctement aligné pour permettre un largage en toute sécurité, le pilote de Tanker 624 a entrepris un largage avorté. Le pilote a augmenté la puissance à environ 2200 pieds-livres de couple (53 % de la puissance de décollageNote de bas de page 9), a rentré les volets à un angle de braquage de 20°, a amorcé un virage serré à gauche à un angle d’inclinaison de 45° et a avisé l’AAO (figure 3). Tanker 624 se trouvait à 1600 pieds ASL et se déplaçait à 100 KIAS lorsque la remise des gaz a été amorcée. À cette altitude, l’aéronef se trouvait entre 60 et 100 pieds au-dessus du sol (AGL).

Figure 3. Capture d’écran vidéo de l’aéronef de l’événement lors de la 4e tentative de largage (Source : ministère des Ressources naturelles et du Développement de l’énergie)
Capture d’écran vidéo de l’aéronef de l’événement lors de la 4<sup>e</sup> tentative de largage (Source : ministère des Ressources naturelles et du Développement de l’énergie)

Tanker 624, qui se dirigeait vers le sud, a effectué un virage d’environ 90° vers la gauche de sorte qu’à 15 h 52 min 45 s, il se dirigeait désormais vers l’est. L’aéronef est remonté d’environ 100 pieds, mais en raison du relief descendant, il se trouvait à environ 500 pieds AGL. Sa vitesse a diminué à 90 KIAS pendant le virage.

À 15 h 52 min 56 s, Tanker 624 avait fait un autre virage à 90° à partir de l’est et commençait à franchir de nouveau la crête sud, cette fois en direction nord, pour remonter la colline et tenter un autre largage. Le pilote surveillait la position de l’aéronef par rapport à l’incendie, qui se trouvait maintenant derrière son épaule gauche. L’aéronef évoluait maintenant par vent arrière, et le réglage de la puissance avait lentement augmenté pour atteindre 2420 pieds-livres de couple (58 % de la puissance de décollage). Quelques secondes plus tard, l’aéronef a commencé à monter lentement, mais en raison du relief ascendant, il se trouvait maintenant à une hauteur d’environ 300 pieds AGL et sa vitesse diminuait.

À 15 h 53 min 10 s, à une altitude de 1800 pieds ASL, l’aéronef se trouvait maintenant à environ 100 pieds AGL et avait une vitesse de 78 nœuds. Alors que l’aéronef s’approchait du relief, le pilote a amorcé un virage à gauche et a entendu un signal sonore. Croyant qu’il s’agissait de l’activation du système d’avertissement de surcoupleNote de bas de page 10 de l’aéronef, le pilote a réduit la puissance à environ 1890 pieds-livres de couple (environ 45 % de la puissance de décollage). En moins de 3 secondes, l’aéronef a décroché, a amorcé une vrille et a heurté le tapis forestier.

Alors que l’aéronef Bird Dog se positionnait en prévision de la prochaine tentative de largage de Tanker 624, le pilote du Bird Dog a observé Tanker 624 dans une inclinaison latérale de 90° juste avant que l’aéronef ne disparaisse dans la forêt. Le pilote du Bird Dog a avisé l’AAO et s’est dirigé vers la dernière position connue de Tanker 624. Une fois la position localisée, le pilote du Bird Dog a effectué plusieurs passages au-dessus de l’épave afin de fournir les coordonnées GPS (système de positionnement mondial) au personnel au sol qui combattait l’incendie à proximité. L’AAO à bord de l’aéronef Bird Dog a informé les personnes qui participaient aux activités de lutte contre l’incendie de la situation et a déclenché l’intervention d’urgence.

L’aéronef s’était écrasé sur un versant abrupt (sur une pente d’environ 25°) densément boisé de conifères. Le lieu de l’écrasement était difficile à voir du haut des airs, sauf si l’équipage du Bird Dog se trouvait directement au-dessus de la scène.

À 15 h 57, le Centre conjoint de coordination de sauvetage à Halifax (Nouvelle-Écosse) a reçu un signal de la radiobalise de repérage d’urgence (ELT) à bord de Tanker 624.

Le pilote dans l’événement à l’étude a réussi à sortir de l’aéronef et, vers 16 h 30, des chercheurs au sol ont localisé le pilote et l’épave. Le pilote a été capable de marcher jusqu’à une route voisine où un véhicule l’attendait pour le mener à l’hôpital.

1.2 Personnes blessées

Le pilote, qui était seul à bord, a été légèrement blessé. Il portait un casque et une ceinture de sécurité à 4 points.

Tableau 1. Personnes blessées
Gravité des blessures Membres d’équipage Passagers Personnes ne se trouvant pas à bord de l’aéronef Total selon la gravité des blessures
Mortelles 0 - - 0
Graves 0 - - 0
Légères 1 - - 1
Total des personnes blessées 1 - - 1

1.3 Dommages à l’aéronef

L’aéronef a été détruit par les forces d’impact. Il n’y a pas eu d’incendie après l’impact.

1.4 Autres dommages

Une quantité non précisée de carburant Jet A-1 et de produit ignifuge Phos-Chek LC95Note de bas de page 11 a été déversée sur le tapis forestier.

1.5 Renseignements sur le personnel

Tableau 2. Renseignements sur le personnel
Licence de pilote Licence de pilote de ligne
Date d’expiration du certificat médical 1er avril 2022
Heures de vol totales 9264,5
Heures de vol sur type 57,3
Heures de vol au cours des 7 jours précédant l’événement 4,3
Heures de vol au cours des 30 jours précédant l’événement 7,1
Heures de vol au cours des 90 jours précédant l’événement 33,5
Heures de vol sur type au cours des 90 derniers jours précédant l’événement 31,4
Heures de service avant l’événement 7,5
Heures hors service avant la période de travail 17,5

Le pilote était titulaire de la licence appropriée et satisfaisait aux exigences de mise à jour des connaissances pour le vol, conformément à la réglementation en vigueur.

Le pilote a commencé à travailler pour FPL dans le cadre d’un contrat saisonnier à titre de pilote d’avion-citerne sur l’AT-802 en avril 2020. Toute l’expérience du pilote sur type a été acquise en effectuant des vols liés aux activités de lutte contre les incendies de forêt. La dernière vérification de la compétence du pilote sur l’AT-802 a été effectuée le 31 mars 2021.

L’examen de l’horaire de travail et de repos du pilote a permis d’écarter la fatigue comme facteur contributif à cet événement.

1.6 Renseignements sur l’aéronef

Tableau 3. Renseignements sur l’aéronef
Constructeur Air Tractor
Type, modèle et immatriculation AT-802 C-GJJX
Année de construction 2002
Numéro de série 802-0121
Date d’émission du certificat de navigabilité / permis de vol 16 avril 2002
Total d’heures de vol cellule 1360,4 heures
Type de moteur (nombre) Pratt & Whitney PT6A-67-AG (1)
Type d’hélice ou de rotor (nombre) Hartzell HC-B5 MA-3D (1)
Masse maximale autorisée au décollage 16 000 lb (7257 kg)
Type(s) de carburant recommandé(s) Jet A, Jet A-1, Jet B
Type de carburant utilisé Jet A-1

L’aéronef Air Tractor AT-802 est un modèle monoplace à aile basse doté d’un atterrisseur classique à roulette de queue et conçu précisément pour l’épandage agricole (figure 4). Il peut également être configuré pour être utilisé dans la cadre d’une attaque aérienne. Sa conception a été certifiée en vertu du Federal Aviation Regulations des États-Unis dans la catégorie restreinte. Son exploitation au Canada est permise en vertu d’un certificat spécial de navigabilité – RestreintNote de bas de page 12.

Figure 4. L’aéronef dans l’événement à l’étude (Source : Forest Protection Limited)
L’aéronef dans l’événement à l’étude (Source : Forest Protection Limited)

Un système de largage de produit ignifuge Trotter Controls GEN II avait été installé sur cet aéronef aux fins d’attaque aérienne.

D’après les dossiers, il n’y avait aucune défectuosité non réglée au moment de l’événement. En outre, rien n’indique qu’une défaillance d’un système ou d’un composant ait joué un rôle dans l’événement à l’étude.

La masse et le centre de gravité de l’aéronef étaient dans les limites prescrites.

1.6.1 Vitesses de décrochage

Le manuel de vol de l’aéronef (AFM) Air Tractor AT-802Note de bas de page 13 comporte une section sur les performances qui comprend un tableau (tableau 4) indiquant les vitesses de décrochage calculées selon 2 masses différentes : 12 500 lb et 16 000 lb.

Tableau 4. Vitesses de décrochage pour l’aéronef Air Tractor AT-802 à différentes configurations de masse et de volets (Source : Tableau du BST fondé sur l’Airplane Flight Manual 01-0559 for Air Tractor Model AT-802, page 30 de 34)
Masse de l’aéronef Configurations des volets Angle d’inclinaison de 0° (vol en palier) (KCAS*) Angle d’inclinaison de 15° (KCAS) Angle d’inclinaison de 30° (KCAS) Angle d’inclinaison de 45° (KCAS) Angle d’inclinaison de 60° (KCAS)

12 500 lb (5670 kg)

Volets rentrés (0°) 81 83 87 96 115
Volets sortis (30°) 71 72 76 85 101

16 000 lb (7257 kg)

Volets rentrés (0°) 92 94 99 109 130
Volets sortis (30°) 81 83 87 96 115

* KCAS : vitesse corrigée exprimée en nœuds

L’enquête a permis d’établir que la masse de l’aéronef au moment de l’événement était d’environ 14 500 lb (6577 kg); toutefois, l’angle d’inclinaison n’a pu être déterminé. La dernière vitesse indiquée enregistrée était de 72 KIAS.

1.6.2 Avertissements de décrochage et de surcouple

Les avertissements de décrochage et de surcoupleNote de bas de page 14 reposent tous deux sur des alarmes sonores qui informent le pilote d’un état de fonctionnement différent de l’aéronef. Le klaxon de l’avertisseur de décrochage se met à retentir de façon continue d’un haut-parleur du poste de pilotage, tant lorsque l’aile de l’aéronef s’approche d’une condition de décrochage aérodynamique que pendant un décrochage.

Le système d’avertissement de surcouple est à la fois sonore et visuel. Lorsque le couple de sortie du moteur dépasse la limite de 4170 pieds-livres de couple, un signal sonore retentit dans le casque du pilote et un voyant jaune s’allume sur le tableau de bord. Le signal sonore de surcouple continuera à retentir et le voyant jaune restera allumé jusqu’à ce que le couple de sortie du moteur soit sous le seuil susmentionné.

Des enregistrements du système d’avertissement de décrochage et de surcouple ont été effectués sur un aéronef de référence. Une analyse de chaque signal sonore a été réalisée afin de déterminer la structure acoustique des signaux.

Le klaxon de l’avertisseur de décrochage émet une tonalité dont la fréquence fondamentale est d’environ 2700 Hz. Le klaxon de l’avertisseur de surcouple émet également une tonalité dont la fréquence fondamentale est d’environ 1287 Hz. Les deux tonalités sont continues et ne présentent pas de variations selon le rythme ou le tempo.

1.6.3 Volets

Les volets sont un dispositif mécanique hypersustentateur installé sur le bord de fuite de la plupart des aéronefs modernes et conçu pour augmenter la portance et réduire la vitesse de décrochage de l’aéronef en modifiant la forme ou la cambrure de l’aile. En plus d’augmenter la portance, les volets augmentent également la traînée.

Les volets de l’AT-802 sont actionnés de manière électrique et peuvent être arrêtés dans n’importe quelle position entre celle où ils sont complètement rentrés (0°) et celle où ils sont complètement sortis (30°). Les volets sont commandés par un commutateur à ressort de rappel à sa position centrale OFF (arrêt). Le commutateur de volets est adjacent à la manette des gaz sur le côté gauche du poste de pilotage (figure 5). Le pilote doit retirer sa main de la manette des gaz pour actionner le commutateur de volets.

Figure 5. La manette des gaz et le commutateur de volets d’un aéronef de référence (Source : Air Tractor, avec annotations du BST)
La manette des gaz et le commutateur de volets d’un aéronef de référence (Source : Air Tractor, avec annotations du BST)

Le pilote règle la position des volets en maintenant le commutateur à ressort de rappel vers l’avant en position UP pendant la rentrée des volets, ou en maintenant le commutateur vers l’arrière en position DOWN pendant leur sortie. Ils se règlent en alignant l’un des indicateurs de position des volets (lignes noires), situés sur le volet gauche, avec le bord de fuite de l’aile (figure 6). Pour braquer les volets à un angle précis, le pilote doit regarder l’indicateur de position des volets par la fenêtre; il n’y a aucune rétroaction haptique, visuelle ou sonore dans le poste de pilotage pour informer le pilote de l’angle de braquage des volets sélectionné. Il faut normalement 2 secondes pour déplacer les volets d’un angle de 10° (6 secondes pour sortir complètement des volets complètement rentrés ou vice versa).

Figure 6. Les marques des indicateurs de position des volets à un angle de braquage de 10°, de 20° et de 30° sur l’aile gauche d’un aéronef de référence. La position du volet présentée indique un angle de braquage de 30°. (Source : BST)
Les marques des indicateurs de position des volets à un angle de braquage de 10°, de 20° et de 30° sur l’aile gauche d’un aéronef de référence. La position du volet présentée indique un angle de braquage de 30°. (Source : BST)

1.7 Renseignements météorologiques

Le système automatisé d’observations météorologiques (AWOS) de l’aéroport de Bathurst (CZBF) (Nouveau-Brunswick), la station d’observation la plus proche (environ 35 NM à l’est-nord-est du lieu de l’événement), a émis à 15 h le message d’observation météorologique régulière d’aérodrome (METAR) suivant :

Le METAR diffusé à 16 h pour CZBF faisait état des conditions suivantes :

1.8 Aides à la navigation

Sans objet.

1.9 Communications

Sans objet.

1.10 Renseignements sur l’aérodrome

Sans objet.

1.11 Enregistreurs de bord

L’aéronef n’était pas équipé d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage ni d’un enregistreur de données de vol, et il n’était pas tenu de l’être selon la réglementation.

L’aéronef était muni d’un dispositif de suivi des vols par satellite et d’un système d’acquisition de données sur l’aéronef (ADAS). Les deux systèmes contenaient des données électroniques de vol et de moteur relatives au vol de l’événement, qui ont été utilisées pour l’enquête.

1.12 Renseignements sur l’épave et sur l’impact

L’aéronef a heurté plusieurs arbres avant de toucher le tapis forestier. À la suite de l’impact avec le sol, le fuselage s’était déplacé de la section centrale de l’aile. L’hélice et le réducteur s’étaient séparés du moteur, lequel s’était complètement délogé de son support. La partie avant de l’aéronef, de la paroi arrière du système d’écope jusqu’à l’avant de l’aéronef, a été détruite. Le bord d’attaque de chaque aile a été trouvé repoussé vers l’arrière en raison de l’impact avec le sol, et les deux extrémités des ailes avaient été détruites par l’impact avec les arbres. Les deux stabilisateurs horizontaux étaient partiellement détachés du fuselage. Chaque train d’atterrissage principal s’était séparé de la structure de l’aéronef. La cabine est demeurée presque intacte et ne présentait que des dommages mineurs au niveau du pare-brise, du bloc manette de commande moteur et du tableau de bord. L’examen de l’épave sur place n’a révélé aucune défaillance antérieure à l’impact (figure 7).

Figure 7. Épave de l’aéronef accidenté (Source : BST)
Épave de l’aéronef accidenté (Source : BST)

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

Selon les renseignements recueillis pendant l’enquête, rien n’indique que des facteurs médicaux aient nui au rendement du pilote.

1.14 Incendie

Il n’y a eu aucun incendie à bord de l’aéronef avant ou après l’événement.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

Au moment de l’événement, le pilote portait un casque ainsi que la ceinture de sécurité à 4 points disponible. En raison des forces de décélération, le pilote a été légèrement blessé au cou et à la poitrine par les sangles de la ceinture-baudrier de l’aéronef.

L’ELT de 406 MHz à bord de l’aéronef en question a fonctionné comme prévu. Le Centre conjoint de coordination de sauvetage à Halifax a reçu un signal de l’ELT de l’aéronef par l’entremise du système Cospas-Sarsat dans les 4 minutes suivant l’impact.

1.16 Essais et recherche

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

FPL détient un certificat d’exploitation aérienne et mène ses activités conformément à la sous-partie 702 (travail aérien) du Règlement de l’aviation canadien (RAC). La compagnie détient également un certificat d’organisme de maintenance agréé. Ses activités de maintenance sont réalisées conformément à la sous-partie 573 du RAC.

Au moment de l’événement, la flotte de FPL comptait 15 aéronefs, dont 8 Air Tractor AT-802 et 7 Piper PA60-600 Aerostar.

FPL offre les services suivants :

Au moment de l’événement, FPL n’avait aucun système de gestion de la sécurité en place, et la réglementation en vigueur n’en exigeait pas.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Réglage de la vitesse et des volets pour les passes de largage

La vitesse et de l’utilisation des volets pendant les opérations de lutte contre les incendies par voie aérienne sont abordées dans plusieurs documents mis à la disposition des pilotes de FPL. Ces documents comprennent les procédures d’exploitation normalisées (SOP) de l’AT-802 de FPLNote de bas de page 15, l’AFM pour le modèle AT-802 de l’aéronef Air Tractor et le manuel d’extinction des incendies de FPLNote de bas de page 16.

FPL aborde l’utilisation des volets pendant les activités de lutte contre les incendies dans plusieurs sections de ses SOP. La sous-section 4.10, Bombing Run (passe de largage), indique ce qui suit [traduction] :

Normalement, l’aéronef sera stabilisé à 105 KIAS avec les volets braqués à 20° au-dessus de la cible. On considère que 105 KIAS est la vitesse normale de largageNote de bas de page 17.

La sous-section 4.12 traite d’une plage acceptable de braquage des volets et énonce ce qui suit [traduction] :

Lorsque l’aéronef doit suivre une trajectoire descendante à pente abrupte, la procédure suivante peut être utilisée pour contrôler la vitesse anémométrique.

À pleine charge :

  1. Entamer le segment de base à 95-100 KIAS avec les volets braqués à 10-20° et l’hélice tournant à un régime de 1700 tr/minNote de bas de page 18.

L’AFM de l’Air Tractor AT-802 recommande de sortir les volets à un angle de 10°. La section 2, Normal Procedures (procédures normales), indique ce qui suit [traduction] :

Pendant les opérations de lutte contre les incendies, à l’approche de la cible de largage, la vitesse anémométrique de l’aéronef devrait être réduite entre 125 mi/h (109 kt [nœuds]) et 130 mi/h (113 kt [nœuds]). L’ordinateur de bord, lorsqu’il est correctement configuré, contrôle le largage en fonction de la vitesse sol déterminée.

Il est recommandé de sortir les volets à un angle de 10° pendant la phase d’approche et de largage de la charge, ce qui crée une condition d’approche très stable. Il convient de noter que 10° est la première marque visible sur le bord d’attaque des volets lorsque ceux-ci sont abaissésNote de bas de page 19.

Le manuel d’extinction des incendies de FPL fournit également des lignes directrices au personnel des opérations de la compagnie dans l’exécution de ses tâches liées aux opérations d’extinction des incendies. Le manuel conseille aux pilotes de consulter le manuel de vol de l’aéronef pour obtenir des instructions d’exploitation précises, mais il suggère également d’utiliser les volets au 1/3 (angle de braquage des volets de 10°).

[traduction] Voir le manuel d’utilisation aéronef (POH) ou le manuel de vol pour obtenir des listes de vérification et des instructions d’exploitation précises.

Vérification de la disponibilité et de la quantité de carburant; recirculation activée au besoin; injection de mousse au besoin; phares d’atterrissage sortis et allumés; vérification des températures et des pressions; hélice 1700 tr/min.

Vitesse anémométrique 100 KIAS; volets 1/3Note de bas de page 20.

1.18.2 Atterrissages interrompus et largages avortés

Un atterrissage interrompu est une tentative d’atterrissage non poursuivie qui est généralement amorcée à basse altitude, mais avant le toucher des rouesNote de bas de page 21. Un atterrissage interrompu est normalement suivi d’une remise des gaz.

Air Tractor définit la procédure à suivre pour effectuer un atterrissage interrompu ou une remise des gaz dans le manuel de vol de l’aéronef AT-802 [traduction] :

ATTERRISSAGE INTERROMPU / REMISE DES GAZ :

  1. Manette des gaz – AVANCER pour obtenir la puissance de décollage
  2. Assiette – Tangage d’environ 7 degrés en cabré
  3. Volets hypersustentateurs – RENTRER à 20°
  4. Vitesse de montée – 100 mi/h (87 nœuds) jusqu’à ce que les obstacles soient franchis
  5. Volets hypersustentateurs – RENTRER après avoir atteint une altitude sécuritaire et une vitesse de montée de 115 mi/h (100 KIAS)Note de bas de page 22.

Les largages avortés sont effectués lorsqu’un avion-citerne n’est pas aligné avec la cible proposée, lorsqu’un mauvais fonctionnement du système de largage de charge se produit ou lorsqu’un largage ne peut être réalisé en toute sécurité.

Un largage avorté diffère de la procédure d’atterrissage interrompue et de remise des gaz puisqu’il n’y a aucune intention d’atterrir et que l’avion-citerne doit s’éloigner de la zone cible avec le contenu du système d’écope toujours à bord de l’aéronef.

Dans leurs manuels, ni Air Tractor ni FPL ne précisent la procédure à suivre en cas de largage avorté.

1.18.3 Formation dans les zones de relief escarpé ou montagneux

Afin de donner aux équipages de conduite l’occasion de maintenir leur niveau de compétence pendant les périodes prolongées de faible indice de danger d’incendie, les pilotes de FPL effectuent des exercices de largage.

FPL a désigné 2 zones pour effectuer ces exercices. Ces zones d’entraînement sont situées à une distance relativement courte de la base d’opérations principale (à moins de 27 NM de CYFC) et constituent des échantillons représentatifs du relief relativement plat que l’on trouve dans la majeure partie du Nouveau-Brunswick.

Ces zones d’entraînement sont toutefois très différentes du relief escarpé dans le secteur de l’incendie de Popple Depot.

Les pilotes de FPL n’ont pas reçu de formation pour voler dans des zones de relief escarpé ou montagneux. Le manuel d’extinction des incendies comprenait un supplément intitulé « Mountain Flying » [vol en région montagneuse] (section 4.1); toutefois, au moment de l’événement, le supplément était vide.

Dans l’événement à l’étude, le relief escarpé a rendu difficile l’alignement de l’aéronef avec la cible parce que le brasier était masqué par une ligne de crête, ce qui a contribué à la complexité générale de ce largage.

1.18.4 Illusions liées au relief escarpé ou montagneux

L’information sensorielle la plus précise dont dispose un pilote sur l’assiette et le mouvement de l’aéronef provient des indices visuels offerts par l’horizon, les instruments de vol de l’aéronef ou les deux. La Civil Aviation Authority de la Nouvelle-Zélande a publié une brochure intitulée Mountain FlyingNote de bas de page 23 qui décrit les illusions courantes qui pourraient affecter un pilote.

La brochure décrit l’illusion de faux horizon qui se produit lorsqu’un horizon externe défini est souvent masqué. Cette illusion peut causer des problèmes d’assiette et de vitesse anémométrique. On y indique ce qui suit [traduction] :

[p]endant un vol en région montagneuse, ou à tout autre endroit où l’horizon n’est pas visible, le pilote doit apprendre à imaginer cet horizon. […] Dans un espace restreint où la visibilité est réduite, le regard [du pilote] doit être tourné vers l’extérieur, et la performance doit être interprétée en fonction de tout changement subtil de l’assiette en cabré et uniquement confirmée par les instrumentsNote de bas de page 24.

Les pilotes inexpérimentés commettent souvent l’erreur d’utiliser une ligne de crête comme horizon. Ils modifient alors l’assiette de façon involontaire, font monter l’aéronef, ce qui fait diminuer la vitesse anémométrique, et ne se décident pas assez vite de faire demi-tour. L’horizon se situe à la base de la montagne et non sur les crêtes. Cette illusion peut également être exacerbée par le mélange des lignes de crête au loin, en raison d’un manque de contraste.

Le flux optiqueNote de bas de page 25 est utilisé pour estimer l’altitude-sol et la vitesse, en particulier lorsque les indices de position sont peu nombreux ou absents. Les objets plus rapprochés se déplacent plus rapidement dans le champ de flux optique comparativement aux vitesses angulaires relativement faibles d’objets plus éloignés et du reliefNote de bas de page 26,Note de bas de page 27. Un flux optique accru peut être une indication de vitesse croissante ou d’une diminution de l’altitude.

Une illusion de pente ascendante se produit lorsque l’on vole vers un relief ascendant. Lorsque l’aéronef suit la pente ascendante, la densité de la végétation sur les collines peut masquer le relief ascendant, si bien que le pilote pense que la hauteur de son aéronef est supérieure à ce qu’elle est en réalitéNote de bas de page 28.

La vitesse relative des images se déplaçant sur la rétine d’une personne est également utilisée pour déterminer sa propre vitesse. Lorsqu’un pilote survole un relief ascendant, les objets situés directement devant le poste de pilotage sont plus près qu’ils ne le sont lorsque le pilote survole un relief plat. Du fait que les objets proches sont perçus comme se déplaçant plus rapidement que les objets plus éloignésNote de bas de page 29, un pilote qui survole un relief ascendant peut avoir l’impression que la vitesse de son aéronef est plus élevée qu’elle ne l’est en réalité. Cette illusion de vitesse plus élevée par rapport au sol est aggravée lorsque l’aéronef se trouve dans une situation de vent arrière.

1.18.5 Perception et différenciation des alarmes sonores

Les alarmes sont des [traduction] « outils efficaces pour transmettre de l’information critique dans des environnements exigeants sur le plan cognitifNote de bas de page 30 ». Les alarmes sonores peuvent être particulièrement utiles, car elles sont perceptibles à partir de n’importe quel endroit dans le poste de pilotage et offrent un temps de réponse rapideNote de bas de page 31.

Tel qu’il est décrit dans un article de Human Factors, pour qu’une alarme sonore soit efficace, elle doit être [traduction] « audible, identifiable et interprétableNote de bas de page 32 ». L’audibilité indique si un son peut être perçu dans le bruit ambiant. Les caractères identifiable et interprétable d’une alarme supposent que le son sera [traduction] « interprété comme une alarme et que sa signification sera compriseNote de bas de page 33 ».

La plupart des alarmes sonores se présentent sous la forme de sons abstraits que l’utilisateur doit reconnaître et associer à une signification. Cependant, les alarmes abstraites sont difficiles à apprendreNote de bas de page 34, surtout si leur structure temporelle et leur tonalité sont semblables. En effet, la capacité des gens à se souvenir d’une certaine tonalité décroît avec le temps, ce qui fait que les sons ayant une structure acoustique semblable sont facilement confondus les uns avec les autresNote de bas de page 35,Note de bas de page 36.

Ce phénomène peut s’expliquer par la façon dont les sons sont traités et différenciés. Selon la théorie de la cohorte de reconnaissance des sons (ou linguistique)Note de bas de page 37, le son initial perçu par l’utilisateur active en mémoire une cohorte de correspondances possibles. Alors que le son progresse, le nombre de correspondances possibles diminue. Il y a identification lorsqu’il ne reste plus qu’une seule correspondance possibleNote de bas de page 38. Cependant, en présence d’un son continu, ce processus d’identification ne peut être mené à bien et l’utilisateur doit faire appel à sa mémoire associativeNote de bas de page 39 pour déterminer la signification de l’alarmeNote de bas de page 40. Ce processus est moins efficace et nécessite une exposition fréquente pour qu’une alarme soit facilement associée à sa significationNote de bas de page 41. Par conséquent, pour qu’il y ait identification efficace des alarmes, il faut qu’elles soient aussi distinctes que possible et qu’elles présentent des variations selon le rythme, le timbre et le tempoNote de bas de page 42.

1.18.6 Charge de travail

La relation entre la charge de travail et les performances humaines n’est pas linéaire; une charge de travail trop faible peut être aussi néfaste qu’une charge de travail excessive. Une charge de travail excessive survient lorsque l’exécution d’une tâche nécessite plus de ressources que celles qui sont disponibles, ce qui entraîne une diminution des performances. Une augmentation de la charge de travail peut être occasionnée par différents facteurs, dont le niveau d’expérience d’une personne. En effet, les pilotes novices ont une charge de travail plus élevée que celle de leurs collègues experts lorsqu’ils effectuent la même tâcheNote de bas de page 43. Les pilotes experts confrontés à une situation inhabituelle verront également leur charge de travail augmenter.

Une augmentation marquée de la charge de travail peut limiter la capacité d’attention, accroître le stress et réduire la mémoire de travail.

1.18.7 Attention partagée

L’attention est une ressource cognitive limitée. L’attention est partagée lorsqu’une tâche exige qu’une personne porte son attention sur plusieurs aspects de l’environnement ou lorsqu’il faut accomplir simultanément plus d’une tâche. Cependant, l’attention partagée n’est pas sans conséquence : en règle générale, la qualité de l’exécution d’une tâche ou des deux tâches est compromise.

1.18.8 Création d’adaptations

Une adaptation est une pratique qui consiste à s’écarter intentionnellement des règles, des instructions ou des procédures. Des politiques et des procédures sont prescrites dans le but de fixer des limites qui rendent les opérations sécuritaires; cependant, certaines personnes peuvent jouer avec ces limites afin d’être plus productives ou d’obtenir d’autres avantages. Il en résulte des versions adaptées des procédures et un écart par rapport aux limites fixées par les procédures d’exploitation de la compagnie qui mènent à des pratiques dangereusesNote de bas de page 44.

2.0 Analyse

L’examen de l’épave n’a révélé aucun indice permettant de penser qu’un mauvais fonctionnement d’un système de l’aéronef ait contribué à cet événement. L’analyse portera sur les facteurs qui ont conduit à la perte de maîtrise de l’aéronef.

2.1 Arrivée au lieu de l’incendie et largage avorté

La lutte aérienne contre les incendies est une activité très risquée qui exige une charge de travail élevée. Les pilotes doivent partager leur attention entre le pilotage de l’aéronef, la surveillance de leur environnement et la communication avec les autres pour synchroniser leur travail. Dans l’événement à l’étude, la charge de travail du pilote a été encore plus alourdie par les conditions environnementales (p. ex., la fumée et la direction du vent) et, en particulier, par le relief escarpé. En présence d’une situation nouvelle, les pilotes ne peuvent pas se fier à leurs expériences passées pour éclairer leurs décisions. Par conséquent, chaque décision nécessite un plus grand nombre de ressources cognitives que d’habitude. On sait qu’une charge de travail trop élevée et une attention partagée nuisent aux performances.

Alors que l’aéronef à l’étude (Tanker 624) arrivait sur le lieu de l’incendie pour le 4e largage de la journée, le pilote est entré dans le circuit en finale oblique. Par conséquent, le pilote de Tanker 624 a eu moins de temps pour exécuter les éléments requis de la liste de vérification, programmer le système de largage de produit ignifuge et aligner l’aéronef en vue du largage.

L’emplacement de l’incendie de Popple Depot s’est avéré un défi pour tous les pilotes d’avions-citernes de Forest Protection Limited (FPL) ce jour-là. L’incendie était sur le flanc d’une colline escarpée, et les nombreuses crêtes qui se trouvaient sur la trajectoire d’approche rendaient difficile la descente jusqu’à l’altitude de largage tout en maintenant une vitesse de largage sécuritaire. En réponse, le pilote dans l’événement à l’étude a réglé la manette des gaz à la position de ralenti. Il a également sorti les volets au-delà de l’angle de braquage standard de 10° ou de 20°, tel qu’il est indiqué dans les documents d’orientation, afin d’augmenter la traînée et d’empêcher l’aéronef d’accélérer au-delà de la vitesse de descente recommandée alors qu’il suivait une pente descendante.

Un peu avant d’atteindre la cible, le pilote s’est rendu compte que l’aéronef n’était pas aligné et il a entrepris un largage avorté. La procédure de largage avorté différait de celle d’un atterrissage interrompu et d’une remise des gaz, et aucun des manuels de procédures de l’aéronef ou de la compagnie ne précisait les procédures à suivre en cas de largage avorté.

La charge de travail s’est accrue lorsque le pilote a amorcé un virage serré à un angle d’inclinaison de 45° pour s’éloigner de l’incendie, augmenté la puissance et rentré les volets. En même temps, le pilote communiquait avec l’officier d’attaque aérienne (AAO) et tentait de positionner l’aéronef pour la prochaine passe de largage.

Pendant le largage avorté, la manette des gaz a d’abord été poussée à 2200 pieds-livres de couple (53 % de la puissance disponible). Au cours des 15 secondes qui ont suivi, la puissance a lentement grimpé à sa valeur maximale après le largage avorté de 2420 pieds-livres de couple (58 % de la puissance disponible); toutefois, le pilote n’a pas consigné la valeur précise du réglage de la puissance. Aucune autre augmentation n’a été apportée au réglage de la puissance. Le pilote a dû retirer sa main de la manette des gaz pour rentrer les volets, car l’interrupteur à ressort de rappel de volets exigeait que le pilote le maintienne en position pendant toute la durée de la rentrée des volets.

Le pilote a maintenu l’interrupteur de volets en position UP (rentrée) pendant environ 2 secondes. Étant donné que les volets étaient braqués à l’angle non standard de 30° pendant la passe de largage, les volets ont été rentrés à un angle de 20° seulement. Par conséquent, une traînée plus importante que la normale est demeurée sur l’aéronef après le largage avorté.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Pendant le largage avorté, la puissance a été augmentée pour atteindre 58 % de la puissance disponible et les volets ont été rentrés pour passer d’un angle de braquage de 30° à 20°. En raison de sa charge de travail élevée et de son attention partagée, ces réglages sont passés inaperçus.

Alors qu’il poursuivait son virage à gauche et s’apprêtait à remonter la colline pour effectuer un autre largage, le pilote avait toujours une attention partagée. L’incendie était maintenant positionné derrière l’aéronef, à sa gauche, ce qui obligeait le pilote à se concentrer sur plusieurs zones différentes en même temps, notamment le relief devant l’aéronef, l’incendie derrière l’aéronef et à gauche, ainsi que les instruments de l’aéronef à l’intérieur du poste de pilotage.

Au départ, les réglages de la puissance et des volets ne constituaient pas une menace immédiate, puisque l’aéronef maintenait un vol en palier, mais lorsqu’il s’est approché du relief ascendant et a amorcé une montée, sa vitesse a diminué.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Le réglage de puissance choisi, combiné au réglage des volets, a entraîné une réduction de la vitesse anémométrique de l’aéronef au moment où celui-ci amorçait une montée lente dans le but d’éviter le relief ascendant.

2.2 Illusions créées par un relief escarpé

Il est important que les pilotes soient conscients de leur environnement lorsqu’ils volent dans des secteurs au relief escarpé afin de s’assurer de maintenir une altitude minimale sécuritaire. Cela est particulièrement difficile lors d’opérations de lutte contre les incendies de forêt, qui exigent souvent que les aéronefs soient exploités à proximité du sol.

Un relief escarpé ou montagneux peut parfois créer l’illusion d’un faux horizon, donnant lieu à une situation dans laquelle une montée est amorcée de façon involontaire et à une réduction de la vitesse anémométrique. Cette illusion peut être particulièrement dangereuse lorsqu’un aéronef vole à des vitesses anémométriques qui s’approchent de sa vitesse de décrochage.

Dans l’événement à l’étude, après le largage avorté, l’aéronef se dirigeait vers un relief ascendant, ce qui a créé plusieurs illusions pour le pilote. Ces illusions, combinées au vent arrière à basse altitude, donnaient au pilote l’impression que son aéronef se déplaçait plus rapidement qu’en réalité. Cette situation a probablement renforcé la conviction du pilote selon laquelle la vitesse anémométrique de l’aéronef était suffisante.

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

Pendant que l’aéronef approchait le relief ascendant, la basse altitude et le vent arrière ont fait en sorte que le pilote avait l’impression que la vitesse anémométrique était suffisante, alors que, en fait, elle diminuait.

2.3 Similitudes entre les signaux sonores du système d’avertissement

Les structures acoustiques des alarmes de décrochage et de surcouple sont semblables : il s’agit de tonalités continues qui ne présentent aucune variation de rythme ou de tempo. Elles alertent toutefois le pilote au sujet de 2 conditions de vol très différentes.

La fréquence fondamentale du klaxon de l’avertisseur de décrochage est d’environ 2700 Hz, tandis que la fréquence fondamentale du klaxon de surcouple est d’environ 1287 Hz. Cette différence de fréquence est suffisante pour être perçue lorsque les alarmes sont jouées l’une après l’autre, mais elles peuvent ne pas être facilement différenciées et identifiées lorsqu’elles retentissent individuellement. En effet, les alarmes abstraites sont très difficiles à apprendre. Pour faciliter la reconnaissance, les alarmes doivent être hétérogènes, c’est-à-dire qu’elles doivent présenter des variations de tonalité, de fréquence et de structure temporelle. Les alarmes mélodiques, par exemple, sont plus faciles à distinguer que les sons simples.

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Alors que l’aéronef s’approchait du décrochage, le klaxon de l’avertisseur de décrochage a retenti. Comme le pilote avait l’impression que la vitesse de l’aéronef était suffisante, il a identifié ce signal sonore comme étant celui qui prévient d’une condition de surcouple et, par conséquent, il a réduit la puissance.

En raison de la diminution de puissance, l’aéronef a décéléré encore plus, a décroché et a amorcé une vrille à une altitude trop basse pour permettre une sortie de décrochage.

2.4 Formation

2.4.1 Vitesses cibles et utilisation des volets

Les documents d’orientation mis à la disposition des pilotes de FPL concernant les vitesses cibles à atteindre et l’utilisation des volets pendant les activités de lutte contre les incendies se trouvent dans plusieurs documents différents.

Selon le manuel utilisé, la vitesse cible peut varier de 95 nœuds à 113 nœuds et le braquage des volets de 10° à 20°.

Le fait de disposer de toutes ces options peut amener les pilotes à ne pas savoir quelle procédure suivre. Sans procédures claires, il est possible que les pilotes puissent créer leurs propres interprétations ou élaborer de nouvelles procédures.

Fait établi quant aux risques

Si les procédures d’exploitation de la compagnie comportent des renseignements contradictoires provenant de diverses publications, il y a un risque accru que les employés commettent des erreurs procédurales ou procèdent à des adaptations qui peuvent mener à des pratiques dangereuses.

2.4.2 Zones de relief escarpé ou montagneux

Les pilotes de FPL ont la possibilité d’effectuer des exercices de largage. Les zones désignées pour ces largages sont situées dans un secteur où le relief est relativement plat.

Certaines régions du Nouveau-Brunswick comportent des zones de relief escarpé ou montagneux, et la topographie de ces zones est très différente de celle des zones où les pilotes de FPL effectuent leurs exercices de largage.

Le manuel d’extinction des incendies de FPL comprenait un supplément intitulé « Mountain Flying » [vol en région montagneuse]; toutefois, au moment de l’événement, cette section du manuel était vide. Aucune autre ligne directrice n’a été fournie aux pilotes de FPL concernant les dangers liés au vol dans des zones de relief escarpé ou montagneux, tels que les illusions.

Fait établi q uant aux risques

Si les pilotes ne sont pas formés sur les dangers associés au vol à basse altitude dans des zones de relief escarpé ou montagneux, il y a un risque accru de collision avec le relief.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’événement ou y ont contribué.

  1. Pendant le largage avorté, la puissance a été augmentée pour atteindre 58 % de la puissance disponible et les volets ont été rentrés pour passer d’un angle de braquage de 30° à 20°. En raison de sa charge de travail élevée et de son attention partagée, ces réglages sont passés inaperçus.
  2. Le réglage de puissance choisi, combiné au réglage des volets, a entraîné une réduction de la vitesse anémométrique de l’aéronef au moment où celui-ci amorçait une montée lente dans le but d’éviter le relief ascendant.
  3. Pendant que l’aéronef approchait le relief ascendant, la basse altitude et le vent arrière ont fait en sorte que le pilote a eu l’impression que la vitesse anémométrique était suffisante, alors que, en fait, elle diminuait.
  4. Alors que l’aéronef s’approchait du décrochage, le klaxon de l’avertisseur de décrochage a retenti. Comme le pilote avait l’impression que la vitesse de l’aéronef était suffisante, il a identifié ce signal sonore comme étant celui qui prévient d’une condition de surcouple et, par conséquent, il a réduit la puissance.
  5. En raison de la diminution de puissance, l’aéronef a décéléré encore plus, a décroché et a amorcé une vrille à une altitude trop basse pour permettre une sortie de décrochage.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si les procédures d’exploitation de la compagnie comportent des renseignements contradictoires provenant de diverses publications, il y a un risque accru que les employés commettent des erreurs procédurales ou procèdent à des adaptations qui peuvent mener à des pratiques dangereuses.
  2. Si les pilotes ne sont pas formés sur les dangers associés au vol à basse altitude dans des zones de relief escarpé ou montagneux, il y a un risque accru de collision avec le relief.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Forest Protection Limited

Après l’événement, Forest Protection Limited (FPL) a procédé à la révision de son manuel d’extinction des incendies dans le cadre d’un groupe de discussion avec ses pilotes les plus expérimentés en la matière et en consultation avec le Centre provincial de lutte contre les incendies de forêt. Le manuel a été modifié de manière à inclure les nouvelles pratiques suivantes :

FPL a également modifié son plan de formation pour y inclure :

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .