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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19O0006

Incursion sur piste
Autorité aéroportuaire du Grand Toronto
Véhicules de déneigement
Aéroport international Lester B. Pearson de Toronto
Mississauga (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 28 janvier 2019, l’aéronef Embraer ERJ 170-200 SU (immatriculation C-FEJB, numéro de série 17000086) exploité par Sky Regional Airlines assurait le vol régulier SKV7665 de l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (Ontario) à l’aéroport international de Dallas-Fort Worth (Texas, États-Unis). À 13 h 48, heure normale de l’Est, l’aéronef roulait sur la piste 06L en vue d’un décollage par temps neigeux.

Au même moment, un convoi de déneigement comptant 4 véhicules était au nord de la piste 06L et se dirigeait vers le sud sur la voie de circulation E. Le contrôleur sol a ordonné aux conducteurs des véhicules de tourner à gauche sur la voie de circulation C, mais les véhicules ont plutôt tourné à gauche sur la voie de circulation C2 vers la piste 06L, et 3 des véhicules ont franchi le point d’attente avant piste. Le contrôleur sol a ordonné aux conducteurs des véhicules d’arrêter, ce qu’ils ont fait tout juste avant d’atteindre la piste. Le contrôleur tour a ordonné à l’équipage de conduite du vol SKV7665 d’interrompre le décollage et l’instruction a été respectée. L’aéronef, qui s’est immobilisé juste avant la voie de circulation C2, n’a subi aucun dommage, et aucun de ses occupants n’a été blessé.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le 28 janvier 2019, vers 12 h 30Note de bas de page 1, un convoi de véhicules de déneigement comptant 3 balayeurs chasse-neige et une souffleuse a entrepris le déneigement des voies de circulation de l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ).

La visibilité vers l’avant était réduite en raison de la neige qui tombait et les véhicules de déneigement créaient encore plus de poudrerie en soulevant la neige. Par conséquent, la visibilité vers l’avant des conducteurs était presque nulle. De plus, de la neige s’était amoncelée sur l’aire de manœuvre, ce qui obscurcissait certains des repères visuels, comme les marques de peinture sur la surface des voies de circulation, les feux encastrés d’axe des voies de circulation et les feux des points d’attente.

En raison de la visibilité réduite, le contrôleur sol ne pouvait pas voir la circulation d’aéroport à partir de la tour de contrôle, mais il utilisait, selon la pratique habituelle, le radar sol pour repérer les aéronefs et les véhicules, et contrôler la circulation sur les aires de manœuvre de l’aéroport.

Les véhicules manœuvraient de concert. L’indicatif d’appel du chasse-neige de tête était PLOW 862 et c’était l’indicatif qui était utilisé lors des communications entre le chasse-neige de tête et le contrôleur sol. L’écran radar indiquait cependant que l’indicatif d’appel de ce véhicule était PLOW 170.

Même si tous les véhicules étaient munis d’appareils radio à très haute fréquence (VHF) utilisés pour communiquer avec le contrôleur sol, le conducteur de PLOW 862 s’occupait des communications radio et le contrôleur sol utilisait l’appellation « PLOW 862 and company » [PLOW 862 et compagnie] pour désigner le convoi.

Les conducteurs des autres véhicules du convoi écoutaient les communications par radio VHF sur la fréquence sol et suivaient PLOW 862, ce qui est la procédure courante pour un convoi de véhicules manœuvrant de concert à CYYZ.

À 13 h 47 min 16 s, le convoi « PLOW 862 and company » se dirigeait vers le sud sur la voie de circulation E au moment où il a reçu l’instruction de tourner à gauche sur la voie de circulation C (en direction est et parallèlement à la piste 06L) afin de poursuivre les opérations de déneigement. Lorsque les véhicules ont atteint l’intersection des voies de circulation E et C, ils ont effectué un large virage à gauche, afin de laisser une partie de la neige près de la bordure sud de la voie de circulation C, et se sont placés par inadvertance face à l’entrée de la voie de circulation C2.

PLOW 862 s’est ensuite engagé par inadvertance sur la voie de circulation C2 plutôt que sur la voie de circulation C et a poursuivi vers la piste 06L; les autres véhicules l’ont suivi (figure 1). Le conducteur de PLOW 862 croyait que le convoi était sur la voie de circulation C.

Figure 1. Trajet prévu et trajet réel des chasse-neige, et positions de PLOW 862 et du vol SKV7665 lorsqu’ils se sont immobilisés (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Trajet prévu et trajet réel des chasse-neige, et positions de PLOW 862 et du vol SKV7665 lorsqu’ils se sont immobilisés (Source : Google Earth, avec annotations du BST)

Le conducteur du chasse-neige de tête n’a pas aperçu les feux et les autres repères visuels associés au point d’attente de la piste 06L alors qu’il s’en approchait et le franchissait. Les conducteurs des 3 véhicules qui suivaient le chasse-neige de tête n’ont pas vu non plus les repères visuels. Les 2 véhicules suivant immédiatement le véhicule de tête ont aussi franchi le point d’attente alors que le 3e véhicule s’est arrêté derrière eux, mais n’a pas franchi le point d’attente.

À 13 h 47 min 45 s, la portée visuelle de la piste 06L était de 3 000 pieds au moment où l’équipage de conduite du vol SKV7665 de Sky Regional a reçu l’autorisation de décoller. Une telle réduction de la visibilité empêchait l’équipage de conduite de voir la voie de circulation C2 à partir de sa position au seuil de piste. Quelques secondes plus tard, l’équipage de conduite a amorcé sa course au décollage.

À 13 h 48 min 21 s, l’alarme de dépassement de la barre d’arrêt s’est déclenchée dans la tour de contrôle. Le contrôleur sol a observé les véhicules franchissant le point d’attente sur le radar sol et a ordonné au conducteur du chasse-neige de tête de s’arrêter en transmettant l’instruction suivante : « PLOW 170 hold your position » [PLOW 170, maintenez votre position]. Le conducteur de PLOW 862 (le chasse-neige de tête) n’a pas compris que l’instruction lui était adressée. En constatant que les véhicules ne s’immobilisaient pas, le contrôleur sol a répété l’instruction, en transmettant cette fois « PLOW 170 STOP » [PLOW 170, ARRÊTEZ].

Les véhicules avançant toujours, le contrôleur sol a transmis l’instruction suivante : « PLOW 862 STOP » [PLOW 862, ARRÊTEZ]. Ne recevant pas immédiatement de réponse, le contrôleur sol a répété l’instruction. Le chasse-neige de tête s’est immobilisé à 13 h 48 min 31 s. Le contrôleur sol a alors indiqué au conducteur du chasse-neige de tête ce qui suit : « you are on the runway, hold position there » [vous êtes sur la piste; maintenez votre position].

PLOW 862 s’est immobilisé à environ 270 pieds au-delà du point d’attente avant la piste 06L, mais il se trouvait encore sur la surface de la voie de circulation, à une distance latérale approximative de 100 pieds du bord de piste.

À peu près au même moment où les chasse-neige franchissaient le point d’attente (13 h 48 min 26 s), le contrôleur tour sud ordonnait à l’équipage de conduite du vol SKV7665 d’interrompre son décollage en utilisant la phraséologie « Maple 7665 abortNote de bas de page 2 » [Maple 7665, interrompez].

En raison de la neige, l’équipage de conduite ne pouvait pas voir les chasse-neige devant, mais il a entendu l’instruction d’interruption et a immédiatement amorcé la séquence d’interruption conformément aux procédures de la compagnie, en utilisant les freins et les inverseurs de poussée de façon agressive. À ce moment-là, l’aéronef se trouvait en régime de décollage à haute vitesse et la vitesse anémométrique était de 110 nœuds.

L’aéronef s’est immobilisé dans l’axe de la piste à environ 200 pieds avant l’intersection de la piste 06L et la voie de circulation C2, avec un espacement latéral d’à peu près 200 pieds par rapport à PLOW 862 (figure 2 ).

Figure 2. Espacement latéral entre le vol SKV7665 et PLOW 862 sur l’écran du radar sol (Source : NAV CANADA, avec annotations du BST)
Espacement latéral entre le vol SKV7665 et PLOW 862 sur l’écran du radar sol (Source : NAV CANADA, avec annotations du BST)

1.2 Conditions météorologiques

Au moment de l’événement, la visibilité était réduite, car il neigeait abondamment. Deux messages d’observation météorologique spéciale d’aérodrome (SPECI)Note de bas de page 3 ont été diffusés pour CYYZ au moment de l’événement.

À 13 h 33, le SPECI faisait état des conditions suivantes :

À 13 h 49, le SPECI faisait état des conditions suivantes :

1.3 Contrôle de la circulation aérienne à l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto

1.3.1 Généralités

La tour de contrôle de NAV CANADA à CYYZ se trouve plus ou moins au centre de l’aérodrome et permet une vue d’ensemble des aires de manœuvre. Comme l’aérodrome est très vaste, certaines parties des aires de manœuvre sont relativement éloignées de la tour.

L’aérodrome compte 3 pistes parallèles orientées est-ouest et 2 pistes parallèles orientées nord-sud. Durant les périodes de pointe, les 3 pistes parallèles est-ouest sont en service, ce qu’on appelle communément l’exploitation à 3 pistes.

Le jour de l’événement, la piste 05 était utilisée pour les départs. Toutefois, l’aérodrome était en transition vers l’exploitation à 3 pistes au moment du départ de SKV7665. Celui-ci était le premier départ prévu pour décollage sur la piste 06L dans le cadre de la transition.

En raison des chutes de neige, plusieurs véhicules de déneigement évoluaient sur les aires de manœuvre. Plusieurs aéronefs roulaient aussi au sol en direction ou en provenance des portes d’embarquement. La charge de travail du contrôleur sol était lourde et complexe, car il y avait de nombreux véhicules en service à l’aérodrome et la visibilité était réduite.

1.3.2 Expérience des contrôleurs

Les 2 contrôleurs de la circulation aérienne dans l’événement possédaient les licences et les qualifications nécessaires pour effectuer leurs tâches respectives. Le contrôleur sol comptait environ 15 ans d’expérience en qualité de contrôleur de la circulation aérienne et 1,5 année d’expérience à la tour de CYYZ. Le contrôleur tour comptait 14 ans d’expérience en qualité de contrôleur de la circulation aérienne et 9 années d’expérience à la tour de CYYZ.

1.3.3 Système avancé de guidage et de contrôle de la circulation de surface

Les postes de contrôle de la tour sont munis de divers dispositifs et systèmes destinés à la surveillance et au contrôle les aéronefs, et aux communications avec les équipages de conduite et les conducteurs de véhicules au sol, notamment; un radar sol ou des systèmes de surveillance sol, des appareils de radiocommunication et des panneaux de commande du balisage lumineux des terrains.

La tour est munie d’un système avancé de guidage et de contrôle de la circulation de surface (A‑SMGCS), ou radar sol, qui fournit aux contrôleurs un affichage en temps réel de la circulation d’aéronefs et d’autres véhicules sur les aires de manœuvre de l’aérodrome. Ce système reçoit les données de radars et d’antennes de multilatérationNote de bas de page 4.

Chaque poste de contrôle de la tour comprend son propre écran A-SMGCS. Les véhicules terrestres et les aéronefs sont représentés sur cet écran sous la forme de taches jaunes irrégulières (figure 3). Si les véhicules et les aéronefs sont munis d’un transpondeur, l’écran affiche aussi d’autres informations, tel que l’indicatif d’appel.

Lors de l’événement, le chasse-neige de tête (PLOW 862) portait l’indicatif d’appel PLOW 170 sur l’écran A‑SMGCS du contrôleur. Les indicatifs d’appel des 2 véhicules suivants du convoi n’apparaissaient pas sur l’écran et le dernier véhicule portait l’indicatif d’appel BLR 186.

Figure 3. Représentation des véhicules de déneigement sur l’écran A-SMGCS du contrôleur sol en cause pendant que les véhicules manœuvraient sur la voie de circulation C2 (Source : NAV CANADA)
Représentation des véhicules de déneigement sur l’écran A-SMGCS du contrôleur sol en cause pendant que les véhicules manœuvraient sur la voie de circulation C2 (Source : NAV CANADA)

Le Toronto Control Tower Unit Operations Manual de NAV CANADA énonce les procédures locales que les contrôleurs doivent observer à chacun des postes de la tour, ainsi que les responsabilités des contrôleurs. Le manuel précise les responsabilités des contrôleurs et les mesures qu’ils doivent prendre si l’indicatif d’appel du transpondeur d’un aéronef à l’écran ne correspond pas à son véritable indicatif d’appel. Le manuel n’énonce cependant pas les procédures à suivre lorsque l’étiquette du transpondeur d’un véhicule terrestre ne correspond pas à son véritable indicatif d’appel (c.-à-d., en cas de non-concordance entre l’indicatif d’appel du véhicule et l’étiquette du transpondeur).

Avant le déploiement du A‑SMGCS, le radar sol de CYYZ était basé sur un radar primaire de surveillance appelé équipement aéroportuaire de détection de surface (ASDE). À l’époque, les véhicules n’étaient pas munis de transpondeurs et, pour cette raison, ils étaient illustrés à l’écran sous forme de taches jaunes irrégulières sans étiquette de transpondeur correspondante. Les indicatifs d’appel des véhicules étaient entrés manuellement sur une fiche de progression virtuelle intégrée au système d’affichage amélioré (EXCDS)Note de bas de page 5, que les contrôleurs pouvaient consulter.

Du fait que l’ASDE n’affichait aucune étiquette d’information, les contrôleurs se sont habitués à voir les véhicules sans étiquette associée. Au fil du temps, on a muni certains véhicules de transpondeurs et, lorsque le radar sol a été modernisé avec le A‑SMGCS, les écrans ont commencé à afficher les étiquettes ou les indicatifs d’appel associés aux véhicules.

Si l’étiquette d’un véhicule était erronée, les contrôleurs n’en faisaient pas grand cas, car ils étaient habitués à voir les véhicules sans étiquette et pouvaient consulter l’écran EXCDS afin de connaître le bon indicatif d’appel. Les contrôleurs ne relevaient pas le nombre d’étiquettes ou d’indicatifs d’appel erronés, de sorte qu’il est impossible d’établir à quelle fréquence cela se produisait.

Dans cet événement, le contrôleur sol a vu le chasse-neige de tête franchir le point d’attente sur l’écran A-SMGCS; mais l’étiquette de véhicule illustrée sur l’écran était PLOW 170. Après avoir transmis 2 fois l’instruction d’arrêter sans obtenir de réponse, le contrôleur sol a consulté l’écran EXCDS, a vu le bon indicatif d’appel du chasse-neige et a utilisé ce dernier pour ordonner une nouvelle fois au conducteur du chasse-neige d’arrêter.

1.3.3.1 Système de surveillance des incursions sur piste et d’alerte de conflit

Le système de surveillance des incursions sur piste et d’alerte de conflit (RIMCAS) est un sous-système du A-SMGCS. Le logiciel RIMCAS surveille la circulation d’aéronefs et de véhicules sur l’aire de mouvement de l’aérodrome et d’aéronefs dans l’espace aérien environnant pour détecter les conflits potentiels et alerter les contrôleurs de la circulation aérienneNote de bas de page 6.

La détection des dépassements de barre d’arrêtNote de bas de page 7 et des incursions sur piste est une fonction du logiciel RIMCAS. Lorsqu’un aéronef doit décoller d’une piste désignée en service ou y atterrir, le logiciel évalue les positions des cibles radar et, selon des paramètres configurables, cerne les incursions sur cette piste. Lorsqu’il détecte un danger, le logiciel envoie un message d’alerte au contrôleur de la circulation aérienne et identifie les cibles, leurs positions et la gravité du dangerNote de bas de page 8.

Seuls les contrôleurs de la circulation aérienne entendent les alarmes et voient les alertes qui sont générées par le logiciel RIMCAS pour leur indiquer de transmettre de nouvelles instructions aux aéronefs ou aux véhicules qui sont en danger. Ce logiciel n’avertit pas directement les équipages de conduite à bord d’aéronefs.

1.3.3.1.1 Détection des dépassements de barre d’arrêt

Lorsqu’elle est activée, la fonction de détection des dépassements de barre d’arrêt du logiciel RIMCAS évalue les positions des aéronefs et véhicules. Le logiciel génère une alerte visuelle et sonore à l’intention des contrôleurs lorsqu’un véhicule ou un aéronef traverse une barre d’arrêt illuminée pour s’engager sur une pisteNote de bas de page 9. Cette alerte est réactive plutôt que prédictive; elle ne se déclenche que lorsqu’une barre d’arrêt a été franchie. Un aéronef venant d’atterrir ou des véhicules ou un aéronef se trouvant sur la piste et en sortant ne déclenchent pas d’alerte.

1.3.4 Balisage lumineux et repères visuels

Les contrôleurs de la circulation aérienne commandent le balisage lumineux du terrain d’aviation au moyen d’un système de commande à écran tactile. Le Manuel des services de la circulation aérienne (MATS)Note de bas de page 10 de NAV CANADA énonce les lignes directrices et les exigences d’utilisation du balisage lumineux et de sélection des niveaux d’intensité, auxquelles s’ajoutent celles du Toronto Control Tower Unit Operations Manual et des directives d’exploitations connexes.

À l’intersection d’une voie de circulation et d’une piste, une ligne jaune peinte (la ligne d’attente en retrait) signale le point d’attente. Outre la ligne d’attente en retrait, le point d’attente avant la piste 06L de la voie de circulation C2 est muni de feux de protection de piste surélevés (qui clignotent et qu’on appelle communément « feux à clignotement alternatif »), de feux de barre d’arrêt encastrés et de feux de barre d’arrêt surélevés supplémentaires ainsi que de feux d’axe de voie de circulation. Ces feux ont pour but d’attirer l’attention sur les points d’attente des pistes.

Les feux de barre d’arrêt encastrés (des feux rouges unidirectionnels espacés régulièrement en travers de la voie de circulation) sont encastrés dans la chaussée aux points d’attente.

Le niveau d’intensité des feux de barre d’arrêt est réglable de 1 à 5, le niveau 5 étant le plus intense. L’intensité de l’éclairage de l’aérodrome n’est pas enregistrée et il a donc été impossible de vérifier le niveau d’intensité des feux de barre d’arrêt au moment de l’événement. On a indiqué que l’intensité avait été réglée au niveau 5; mais les feux étaient masqués par la neige qui s’était accumulée au moment de l’événement.

Les feux de barre d’arrêt surélevés supplémentaires sont installés des 2 côtés de la voie de circulation, près des feux de protection de piste, et sont constitués d’une paire de feux rouges unidirectionnels surélevés de chaque côté, pour un total de 4 feux.

Ces feux ont été installés conformément à la norme établie par la 4e édition de la publication TP 312 de Transports Canada, Normes et pratiques recommandées pour les aérodromes, qui stipule que « [ces feux] auront les mêmes caractéristiques que les autres feux de la barre d’arrêt mais doivent être visibles des aéronefs qui s’en approchent jusqu’au moment où ils atteignent la barre d’arrêt Note de bas de page 11 ». Afin de satisfaire à la norme, les feux de barre d’arrêt surélevés étaient orientés vers un point compatible avec la position approximative d’un aéronef arrêté au point d’attente avant piste, soit à environ 3 m (environ 10 pieds) de la ligne d’attente en retrait.

Lorsque les enquêteurs du BST ont visité le lieu de l’incursion, on a remarqué qu’un des feux de chaque paire de feux de barre d’arrêt surélevés ne fonctionnait pas. Il n’a cependant pas été possible d’établir si ces feux fonctionnaient au moment de l’événement.

1.3.5 Phraséologie essentielle à la sécurité

En cas d’incursion grave, un contrôleur peut décider que la marche à suivre la plus sécuritaire est d’ordonner à un aéronef en partance d’interrompre son décollage ou d’ordonner à un aéronef en approche de remettre les gaz. Ces instructions, notamment celle d’interrompre le décollage, ne sont pas courantes, et ne sont émises qu’en dernier recours. Le MATS stipule que :

L’interruption du décollage est une procédure d’urgence utilisée dans des situations où la continuation du décollage présenterait un grand danger pour l’aéronef. La décision d’un contrôleur d’interrompre le décollage est une mesure extrême utilisée uniquement lorsqu’il n’y a aucune solution de rechange possibleNote de bas de page 12.

Il n’est pas courant d’ordonner qu’un aéronef interrompe sa course au décollage à haute vitesse. Avant l’événement à l’étude, le contrôleur tour en cause n’avait jamais ordonné à un aéronef en partance qu’il interrompe sa course au décollage à haute vitesse.

Au cours de l’événement, le contrôleur a utilisé le terme « abort » afin de donner à l’aéronef l’instruction d’interrompre le décollage. Cependant, selon le MATS, la phraséologie normalisée au moment de l’événement était « abort take-offNote de bas de page 13 ». Même si le contrôleur tour a utilisé une phraséologie abrégée, l’équipage de conduite a compris l’instruction et a pris des mesures immédiates afin d’interrompre le décollage.

Le MATS stipule aussi que l’expression « Je répète » signifie « Je répète pour être plus clair ou pour insister » et que le terme « immédiatement » doit être utilisé « uniquement lorsqu’une intervention immédiate est nécessaire pour des raisons de sécuritéNote de bas de page 14 ». Le MATS ne recommande cependant pas spécifiquement d’utiliser cette phraséologie pour donner plus d’importance à l’instruction d’interrompre le décollage.

Dans les situations où l’aéronef concerné a déjà amorcé sa course au décollage, la phraséologie à utiliser, d’après le document de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) intitulé Procédures pour les services de navigation aérienne – Gestion du trafic aérien (PANS-ATM), est [caractères italiques dans l’original] « ARRÊTEZ IMMÉDIATEMENT [(répéter l’indicatif d’appel de l’aéronef) ARRÊTEZ IMMÉDIATEMENT]Note de bas de page 15,Note de bas de page 16 ».

Selon le rapport d’enquête sur une question de sécurité du transport aérien du BST sur des incursions sur piste survenues à CYYZ :

Lorsque les contrôleurs de la circulation aérienne reconnaissent un conflit entre des aéronefs ou des véhicules (p. ex., lorsqu’un aéronef s’engage sur une piste pendant la course au décollage d’un autre aéronef), ils doivent émettre des instructions rapidement pour le résoudre. Ces instructions doivent être reconnues et comprises par les destinataires visés pour que les mesures les plus sécuritaires soient mises en œuvre. Si ces mesures ne sont pas prises, il y a un risque que le conflit se termine en collisionNote de bas de page 17.

À l’époque de l’incident, les directives données aux contrôleurs de la circulation aérienne du Canada sur la phraséologie à utiliser dans les situations essentielles à la sécurité différaient des directives internationales. Les procédures de NAV CANADA n’exigeaient pas l’utilisation d’expressions qui attirent l’attention (p. ex., le mot « immédiatement ») ou la répétition des instructions. Sans employer des mots ayant cet effet, les instructions risquent d’être trop banales pour attirer l’attention des destinataires visés. De plus, comme la phraséologie pourrait être différente de celle à laquelle s’attendent les équipages de conduite, les instructions risquent de ne pas être immédiatement comprises, surtout pendant les périodes où la charge de travail est élevée. En raison de ces 2 facteurs, les équipages de conduite pourraient ne pas réagir aux instructions, ce qui fait croître les risques de collision. Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

NAV CANADA modifie ses directives sur la phraséologie, afin que les transmissions essentielles à la sécurité visant à éliminer les conflits perçus, comme les instructions d’interruption de décollage ou de remise des gaz, soient suffisamment captivantes pour attirer l’attention des équipages de conduite, surtout lorsque leur charge de travail est élevée.
Recommandation A18-04 du BST

En réponse à la recommandation A18-04, NAV CANADA a modifié en juillet 2019 sa phraséologie liée aux interruptions de décollage afin d’inclure la répétition comme méthode visant à s’assurer que l’instruction ressorte suffisamment pour être reconnue au cours des périodes de travail intense, tel que le décollage.

Cette phraséologie n’était cependant pas en vigueur au moment de l’événement à l’étude.

1.4 Autorité aéroportuaire du Grand Toronto

1.4.1 Conducteurs de véhicules

Tous les conducteurs de véhicule dans l’événement avaient plusieurs années d’expérience dans la conduite de véhicules divers (y compris des chasse-neige) sur les aires de manœuvre de l’aéroport. Ils détenaient tous un permis d’exploitation de véhicules côté piste en règle, avaient reçu une formation et étaient qualifiés pour ce type d’opérations.

Les conducteurs étaient familiarisés avec l’utilisation d’équipement sur les aires de manœuvre et s’orientaient sur ces aires grâce à leur connaissance des lieux, à leur expérience ainsi qu’aux repères visuels et à la signalisation. Ils ne disposaient pas d’affichage en temps réel pour les aider à circuler sur les diverses voies de circulation et pistes, comme des cartes défilantes ou un GPS (système de positionnement mondial).

La Federal Aviation Administration a récemment publié une circulaire consultativeNote de bas de page 18 proposant des spécifications de performance non obligatoires pour les systèmes de surveillance des incursions sur piste des véhicules aéroportuaires qui comprennent, notamment, des écrans de navigation en temps réel pour les véhicules aéroportuaires. À ce jour, aucun aéroport canadien n’utilise des véhicules munis de tels écrans et la réglementation ne le prescrit pas.

Toutefois, tous les conducteurs dans l’événement à l’étude ont compris l’autorisation donnée par le contrôle de la circulation aérienne (ATC), savaient où ils se trouvaient sur l’aérodrome avant de virer sur la voie de circulation C2, et connaissaient leur destination.

Chacun des véhicules était muni d’un appareil radio VHF permettant de communiquer avec l’ATC. Bien que le conducteur de tête s’occupait principalement des communications avec l’ATC, les autres conducteurs entendaient les instructions de l’ATC et suivaient le conducteur de tête. Les conducteurs des véhicules de déneigement avaient aussi des appareils radio bidirectionnels portatifs leur permettant de communiquer entre eux.

1.4.2 Véhicules et transpondeurs

L’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (GTAA) a commencé à munir ses véhicules de transpondeurs en octobre 2014. L’installation et la programmation des transpondeurs ont été effectuées par un fournisseur de services contractuel. Au moment de l’événement, 171 transpondeurs de multilatération étaient en service.

Le transpondeurNote de bas de page 19 en cause dans l’événement à l’étude (figure 4) avait été initialement installé sur PLOW 170 et programmé avec cet indicatif d’appel. PLOW 170 a été plus tard retiré du service.

PLOW 862 était un nouveau véhicule sans transpondeur. En raison du long délai de livraison d’un nouveau transpondeur, on a démonté le transpondeur de PLOW 170 pour l’installer sur PLOW 862 le 10 décembre 2018.

Figure 4. Véhicule PLOW 862 dans l’événement à l’étude. La photographie encastrée montre l’antenne du transpondeur. (Source : BST)
Véhicule PLOW 862 dans l’événement à l’étude. La photographie encastrée montre l’antenne du transpondeur. (Source : BST)

La GTAA installe des transpondeurs sur ses véhicules en ayant recours à des procédures d’utilisation normalisées (SOP). D’après ces SOP, la GTAA reçoit de NAV CANADA un bloc d’identifiants hexadécimaux afin de programmer les indicatifs d’appel. Lorsqu’un nouveau transpondeur devient nécessaire, un fournisseur de services contractuel programme l’indicatif d’appel de l’appareil (p. ex., PLOW 170 sera associé à un identifiant hexadécimal de NAV CANADA), puis installe l’appareil et vérifie son fonctionnement.

Les SOP énoncent que le fournisseur de services contractuel doit, en mettant l’appareil à l’essai, utiliser un logiciel sur Internet afin de vérifier le code du transpondeur et s’assurer que le signal ou l’indicatif d’appel est le bon. Cependant, dans le cas du transpondeur dans l’événement, l’étape de la reprogrammation et de la vérification du transpondeur a été sautée. On ne s’est par conséquent pas aperçu que l’indicatif d’appel n’avait pas été changé de PLOW 170 à PLOW 862. Les SOP n’exigent pas de vérifier régulièrement le code du transpondeur afin de s’assurer de son exactitude, et les conducteurs n’ont pas accès au logiciel afin de s’assurer que le code est exact.

Le transfert de transpondeurs entre véhicules n’est pas une pratique courante; on installe dans la plupart des cas de nouvelles unités, qui ne sont donc pas associées à un code préprogrammé.

On a signalé qu’au début du programme de transpondeurs, les contrôleurs interpellaient souvent les véhicules dont le code était erroné ou manquant. Il n’y a cependant aucune note sur la fréquence à laquelle cela se produisait et, comme la GTAA a reçu moins de rétroaction avec le temps, on a présumé que le nombre d’erreurs diminuait.

Une analyse de détermination des dangers et d’évaluation des risques a eu lieu en 2012, au début de la mise en place du projet des transpondeurs, conformément au processus du système de gestion de la sécurité de la GTAA relatif aux changements côté piste. On a déterminé que la non-concordance d’un indicatif d’appel et d’un véhicule constituait un danger dont la mesure corrective serait l’élaboration d’une SOP visant à prévenir le problème.

1.5 Liste de surveillance du BST

La Liste de surveillance du BST énumère les principaux enjeux de sécurité qu’il faut s’employer à régler pour rendre le système de transport canadien encore plus sûr. Le BST publie la Liste de surveillance afin d’attirer l’attention de l’industrie et des organismes de réglementation sur les problèmes qu’il faut régler sans tarder.

Le risque de collisions dues aux incursions sur piste figure sur la Liste de surveillance 2018 et est mentionné dans toutes les éditions de la Liste de surveillance depuis 2010. Depuis l’inscription de cet enjeu sur la Liste de surveillance en 2010, le BST a mené 10 enquêtes sur des incursions sur pisteNote de bas de page 20 dans des aéroports canadiens, notamment une enquête sur une question de sécurité du transport aérien visant les pistes parallèles du « complexe sud » à CYYZNote de bas de page 21. À la fin de 2018 et au début de 2019, le BST a lancé 3 autres enquêtes sur des incursions sur piste pour l’ensemble du paysNote de bas de page 22. Bien qu’il n’y ait eu aucun accident récent découlant d’une incursion sur piste au Canada, les conséquences de ce type de collision pourraient être catastrophiquesNote de bas de page 23.

Le Bureau craint que la fréquence des incursions sur piste au Canada et le risque de collision persistent jusqu’à ce que des mécanismes de défense efficaces soient élaborés afin d’y remédier et mis en œuvre dans les aéroports, les aéronefs, les véhicules et les installations des Services de la circulation aérienne partout au Canada.

MESURES À PRENDRE

  • Le risque de collisions dues aux incursions sur piste demeurera sur la Liste de surveillance du BST tant que l’on n’aura pas constaté une baisse soutenue de la fréquence des incursions sur piste et notamment des cas les plus graves.
  • Transports Canada et tous les secteurs de l’aviation doivent poursuivre leur collaboration en vue d’élaborer des solutions sur mesure pour remédier aux dangers relevés aux aéroports canadiens. Ces solutions pourraient viser à améliorer les procédures de contrôle aérien, les systèmes de surveillance et d’avertissement, la conception des pistes et des voies de circulation, les aides visuelles relatives aux positions d’attente ainsi que les procédures et la formation à l’intention des équipages de conduite.
  • Des solutions techniques modernes devraient aussi être adoptées, comme des aides électroniques à la conscience situationnelle dans le poste de pilotage, et des avertissements directs aux pilotes, comme des feux indicateurs de l’état des pistes.

1.6 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

2.0 Analyse

Lors de l’événement à l’étude, des véhicules de déneigement ont effectué une incursion sur l’aire protégée d’une piste alors qu’un aéronef amorçait sa course au décollage. L’analyse portera les raisons pour lesquelles les conducteurs des véhicules ignoraient leur position et les raisons pour lesquelles les défenses mises en place afin d’atténuer les conséquences d’une incursion ont eu une efficacité réduite.

2.1 Connaissance de la situation

Les 4 conducteurs de véhicule avaient de l’expérience dans la conduite de véhicules sur les zones de manœuvre de l’aéroport et il n’y a pas eu de confusion relativement aux instructions du contrôle de la circulation aérienne (ATC), à l’endroit où les véhicules étaient autorisés à travailler et au trajet prévu.

Les conducteurs des véhicules n’avaient pas accès à un écran de navigation en temps réel pour les aider dans leurs déplacements sur les diverses voies de circulation et pistes, comme des cartes défilantes ou un GPS (système de positionnement mondial). Les conducteurs connaissaient la zone, mais travaillaient dans des conditions de visibilité réduite.

Le conducteur du véhicule de tête, PLOW 862, a reçu l’instruction de rouler vers l’est sur la voie de circulation C. Cependant, après avoir effectué un large virage à gauche afin de laisser de la neige près de la bordure sud de la voie de circulation, il a par inadvertance viré sur la voie de circulation C2. Croyant se trouver sur la voie de circulation C, il a poursuivi sur la voie de circulation C2, suivi des autres véhicules en raison de la visibilité réduite.

En raison de la visibilité réduite causée par la poudrerie, le conducteur de PLOW 862 ne s’est pas rendu compte que son véhicule se trouvait sur la voie de circulation C2 et s’approchait du point d’attente. Par conséquent, le conducteur ne cherchait pas de repères visuels pouvant l’avertir que son véhicule s’approchait d’une piste en activité et ne s’attendait pas à en apercevoir.

Outre la visibilité réduite, la voie de circulation C2 était couverte de neige, ce qui masquait les marques de peinture au sol et les feux de barre d’arrêt encastrés. Lorsque les enquêteurs ont examiné les lieux après l’événement, ils ont remarqué qu’un des feux de chaque paire de feux de barre d’arrêt surélevés ne fonctionnait pas. Bien qu’on n’ait pas pu établir si ces feux fonctionnaient le jour de l’événement, un éclairage réduit aurait probablement encore diminué la visibilité au point d’attente.

Du fait que certains des repères visuels au point d’attente étaient masqués par la neige et que d’autres aient pu être hors service, ces repères n’étaient pas suffisamment évidents pour avertir le conducteur de PLOW 862 de la proximité de son véhicule avec la piste. Par conséquent, PLOW 862 et les 2 véhicules le suivant ont effectué une incursion sur l’aire protégée de la piste.

2.1.1 Procédures relatives aux transpondeurs des véhicules

La Greater Toronto Airports Authority (GTAA) a mené en 2012 une analyse des risques relatifs aux transpondeurs des véhicules et a déterminé que la non-concordance des codes constituait un danger. Par conséquent, des procédures d’utilisation normalisées (SOP) ont été élaborées afin d’empêcher que cette situation ne se reproduise à l’avenir. Les SOP en vigueur pour l’installation et la vérification des transpondeurs comprennent la programmation d’un code pour tout nouveau transpondeur et la vérification du code au moyen d’un logiciel sur Internet avant l’utilisation du véhicule sur une aire de manœuvre. Une fois le transpondeur et le véhicule mis en service, le conducteur du véhicule ne dispose d’aucun moyen de vérifier que le transpondeur affiche le bon code.

D’ordinaire, la GTAA installe les nouveaux transpondeurs sur les véhicules neufs qui seront utilisés sur les aires de manœuvre de l’aéroport. Dans l’événement à l’étude, cependant, il n’y avait pas de nouveau transpondeur disponible et on a donc installé un transpondeur usagé. Le transfert de transpondeurs entre véhicules n’est pas une pratique courante; la plupart des installations concernent de nouveaux appareils pour lesquelles aucun code de transpondeur n’a été préprogrammé. Le fonctionnement du transpondeur usagé a été vérifié et on l’a jugé en bon état avant de l’installer sur PLOW 862, bien que le code programmé était PLOW 170.

On n’a pas effectué de mise à jour du transpondeur installé sur PLOW 862 afin de retirer le code du véhicule sur lequel il avait été précédemment installé (c.-à-d., PLOW 170). Par conséquent, c’est un code erroné qui s’affichait sur l’écran du contrôleur sol.

2.1.2 Code de transpondeur erroné

Avant le déploiement du système avancé de guidage et de contrôle de la circulation de surface (A-SMGCS), le radar sol de l’aéroport international Lester B. Pearson de Toronto (CYYZ) était un radar principal de surveillance. À l’époque, les véhicules n’avaient pas de code de transpondeur et les contrôleurs avaient donc l’habitude de voir sur leur affichage les cibles sans étiquette de code. Avec le temps, des étiquettes ont été associées à certaines cibles radar, mais les contrôleurs utilisaient encore le système d’affichage amélioré (EXCDS) afin d’obtenir l’information sur l’indicatif d’appel. Par conséquent, lorsque l’étiquette de l’écran A-SMGCS et l’indicatif d’appel du véhicule ne concordaient pas, les contrôleurs signalaient initialement l’erreur au conducteur du véhicule sans toutefois estimer qu’il s’agissait d’un danger permanent grave.

Au moment de l’événement, la tour de contrôle de NAV CANADA à CYYZ ne disposait pas de procédures à observer en cas de non-concordance entre l’indicatif d’appel d’un véhicule et le code de son transpondeur. On a signalé qu’au début du programme de transpondeurs, ATC avertissait souvent les véhicules dont le code était erroné ou absent, mais il a été impossible de le vérifier. En outre, il n’y a aucun registre consignant la fréquence ou le nombre des non-concordances entre l’indicatif d’appel des véhicules et les codes de transpondeur. Au fil du temps, la GTAA a reçu moins de signalements et a présumé que les cas de non-concordance étaient plus rares. Même si le code du transpondeur de PLOW 862 était erroné depuis 7 semaines, l’erreur n’a pas été décelée ou signalée à la GTAA.

NAV CANADA ne disposait pas de procédures pour le suivi ou le signalement à la GTAA des erreurs de code des transpondeurs des véhicules.

2.2 Instructions du contrôleur de la circulation aérienne

Lorsque le contrôleur sol a remarqué sur l’écran A-SMGCS que les véhicules franchissaient le point d’attente à la voie de circulation C2, il a utilisé l’indicatif d’appel associé à la cible radar (PLOW 170) pour donner au conducteur du chasse-neige l’instruction d’arrêter. Ne recevant pas de réponse, le contrôleur sol a alors consulté l’écran EXCDS et obtenu le bon indicatif d’appel (PLOW 862).

Le contrôleur sol était conscient de l’incursion de PLOW 862 et a donné 4 fois au véhicule l’instruction d’arrêter; les 2 premières instructions s’adressaient toutefois à PLOW 170 plutôt qu’à PLOW 862. PLOW 862 s’est immobilisé immédiatement après que le contrôleur sol ait utilisé le bon indicatif d’appel, mais 10 secondes et 270 pieds après avoir franchi le point d’attente sur la voie de circulation C2.

2.2.1 Phraséologie liée aux interruptions de décollage

Il n’est pas courant qu’un contrôleur ordonne l’interruption d’un décollage à haute vitesse et c’était la première fois que le contrôleur tour en cause donnait une telle instruction. Ce faisant, il a utilisé le terme « abort » alors que la phraséologie normalisée à l’époque était « abort take-off ». L’équipage de conduite a cependant reconnu l’instruction et a pris des mesures immédiates d’interruption.

Bien que l’utilisation d’une phraséologie abrégée n’ait pas nui au dénouement de l’événement, elle constitue un risque pour la sécurité des transports. Si les contrôleurs de la circulation aérienne utilisent une phraséologie abrégée lorsqu’ils donnent des instructions essentielles pour la sécurité, il y a un risque que ces instructions ne soient pas reconnues ou suivies par les équipages de conduite.

En réponse à la recommandation A18-04 du BST, qui a été formulée après cet événement, NAV CANADA a modifié sa phraséologie liée aux interruptions de décollage afin d’y inclure la répétition comme moyen de s’assurer que l’instruction ressorte suffisamment pour être reconnue en période de travail intense, comme au décollage.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Il s’agit des conditions, actes ou lacunes de sécurité qui ont causé l’incident ou y ont contribué.

  1. On n’a pas effectué de mise à jour du transpondeur installé sur PLOW 862 afin de retirer le code du véhicule sur lequel il avait été précédemment installé. Par conséquent, c’est un code erroné qui s’affichait sur l’écran du contrôleur sol.
  2. NAV CANADA ne disposait pas de procédures pour le suivi ou le signalement à l’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto des erreurs de code des transpondeurs des véhicules.
  3. En raison de la visibilité réduite causée par la poudrerie, le conducteur de PLOW 862 ne s’est pas rendu compte que son véhicule se trouvait sur la voie de circulation C2 et s’approchait du point d’attente. Par conséquent, le conducteur ne cherchait pas de repères visuels pouvant l’avertir que son véhicule s’approchait d’une piste en activité et ne s’attendait pas à en apercevoir.
  4. Du fait que certains des repères visuels au point d’attente étaient masqués par la neige et que d’autres aient pu être hors service, ces repères n’étaient pas suffisamment évidents pour avertir le conducteur de PLOW 862 de la proximité de son véhicule avec la piste. Par conséquent, PLOW 862 et les 2 véhicules le suivant ont fait une incursion sur l’aire protégée de la piste.
  5. Le contrôleur sol était conscient de l’incursion de PLOW 862 et a donné 4 fois au véhicule l’instruction d’arrêter; les 2 premières instructions s’adressaient toutefois à PLOW 170 plutôt qu’à PLOW 862. PLOW 862 s’est immobilisé immédiatement après que le contrôleur sol ait utilisé le bon indicatif d’appel, mais 10 secondes et 270 pieds après avoir franchi le point d’attente sur la voie de circulation C2.

3.2 Faits établis quant aux risques

Il s’agit des conditions, des actes dangereux, ou des lacunes de sécurité qui n’ont pas été un facteur dans cet événement, mais qui pourraient avoir des conséquences néfastes lors de futurs événements.

  1. Si les contrôleurs de la circulation aérienne utilisent une phraséologie abrégée lorsqu’ils donnent des instructions essentielles pour la sécurité, il y a un risque que ces instructions ne soient pas reconnues ou suivies par les équipages de conduite.

3.3 Autres faits établis

Ces éléments pourraient permettre d’améliorer la sécurité, de régler une controverse ou de fournir un point de données pour de futures études sur la sécurité.

  1. Les conducteurs des véhicules n’avaient pas accès à un écran de navigation en temps réel pour les aider dans leurs déplacements sur les diverses voies de circulation et pistes, comme des cartes défilantes ou un système de positionnement mondial.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Autorité aéroportuaire du Grand Toronto

L’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto (GTAA) a modifié sa procédure d’utilisation normalisée relative aux changements de transpondeur des véhicules afin d’exiger que le fournisseur de services contractuel installant un appareil vérifie avec NAV CANADA que l’indicatif d’appel du transpondeur du véhicule est le bon et qu’il n’y a pas de confusion lorsqu’il s’affiche sur les systèmes de NAV CANADA.

En outre, la GTAA a procédé immédiatement après l’événement à une vérification des transpondeurs de tous ses autres véhicules côté piste. Tous affichaient le bon indicatif d’appel.

La GTAA évalue en ce moment des outils de conscience situationnelle de bord pour les véhicules utilisés sur les aires de manœuvre.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le.