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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A19W0052

Perte de puissance du moteur et atterrissage forcé
Buffalo Airways Ltd.
Douglas DC3C-S1C3G, C-GJKM
Aéroport de Hay River/Merlyn Carter (Territoires du Nord-Ouest)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 3 mai 2019, à 7 h 41Note de bas de page 1, le Douglas DC3C-S1C3G (immatriculation C-GJKM, numéro de série 13580), exploité par Buffalo Airways Ltd. (Buffalo Airways), a quitté l’aéroport de Hay River/Merlyn Carter (CYHY) (Territoires du Nord-Ouest) pour effectuer un vol régulier de transport de marchandises en régime de vol aux instruments à destination de l’aéroport de Yellowknife (CYZF) (Territoires du Nord-Ouest), avec 2 membres d’équipage de conduite à bord. Le commandant de bord était le pilote aux commandes (PF), et le premier officier (PO) était le pilote qui n’est pas aux commandes (PNF).

La visibilité au moment du départ était de 4 milles terrestres (SM) dans de la neige faible. Quelques minutes plus tard, la visibilité a diminué à 1,5 SM dans de la neige faible, avec un plafond à 3500 pieds au-dessus du solNote de bas de page 2.

Après le départ, pendant que l’avion franchissait 1200 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL)Note de bas de page 3 en montée pour atteindre une altitude de croisière de 5000 pieds ASL, l’équipage de conduite a achevé la liste de vérification après décollage et réglé le réchauffeur de carburateur à 20 °C.

Pendant que le PO réglait le réchauffeur de carburateur, l’équipage a constaté une diminution de la pression d’huile dans le moteur gauche (Pratt & Whitney R-1830-92). Quelques instants plus tard, l’équipage de conduite a aussi constaté des indications de températures d’huile et de culasse de cylindre en hausse pour le moteur gauche. Le commandant de bord a ordonné au PO de joindre le centre de contrôle régional pour déclarer une urgence (PAN PANNote de bas de page 4) et demander l’autorisation de retourner à CYHY; le PO a exécuté l’ordre. Le manuel de vol de l’avion ne contient aucune procédure relative aux indications moteur anormales.

L’avion était muni d’un dispositif de suivi des vols par satellite qui transmettait les renseignements suivants toutes les 2 minutes :

La figure 1 montre la trajectoire de l’avion d’après les données récupérées du dispositif de suivi par satellite. 

Figure 1. Renseignements de suivi par satellite récupérés du vol à l’étude. La ligne magenta représente la trajectoire de l’avion. (Source : BST, d’après les données reçues de Latitude Technologies Corporation)
Renseignements de suivi par satellite récupérés du vol à l’étude. La ligne magenta représente la trajectoire de l’avion. (Source : BST, d’après les données reçues de Latitude Technologies Corporation)

Au moment où l’avion a atteint une altitude de 1969 pieds ASL (figure 1, point 3), le commandant de bord a réduit la puissance du moteur gauche et a augmenté la puissance du moteur droit à la puissance maximale sauf décollage (puissance METO)Note de bas de page 5. L’équipage de conduite a entrepris de préparer une approche par système d’atterrissage aux instruments à CYHY en passant par le point de cheminement TANPONote de bas de page 6.

À 7 h 47 (figure 1, point 4), alors que l’avion effectuait un virage vers la droite en route vers TANPO, l’équipage de conduite a observé de la fumée et de l’huile qui s’échappaient du moteur gauche et a entendu des bruits inhabituels en provenance du moteur gauche. Conformément à la liste de vérification de panne moteur, l’équipage de conduite a éteint le moteur gauche et a mis l’hélice en drapeau.

À 7 h 48, comme la situation s’aggravait, l’équipage de conduite a déclaré une urgence MAYDAYNote de bas de page 7. Quelques instants plus tard, l’équipage de conduite a achevé la liste de vérification de descente avant de commencer la liste de vérification d’approche. Or, étant donné la crise qui s’aggravait, l’équipage de conduite n’a pu achever la liste de vérification d’approche, qui comprenait l’exposé d’atterrissage.

À 7 h 53 (figure 1, point 7), l’équipage de conduite a mis l’avion en palier à 1214 pieds ASL. Le PO a constaté que l’indicateur de pression hydraulique du train d’atterrissage sorti indiquait zéroNote de bas de page 8. Estimant que l’absence totale de pression posait un problème, le PO l’a signalée au commandant de bord, qui lui a ordonné de [traduction] « préparer le train d’atterrissage ». Le PO a sorti le train d’atterrissage, ce que n’attendait pas le commandant de bord, puisque l’avion n’avait pas amorcé son approche finale, et le contact visuel avec l’aéroport n’avait pas encore été établi.

À 7 h 55 (figure 1, point 8), l’avion se dirigeait toujours vers TANPO à une altitude de 1200 à 1300 pieds ASL et à une vitesse anémométrique stable de 100 KIAS (vitesse indiquée en nœuds). Au moment où l’avion passait par le travers du point de cheminement TANPO, le commandant de bord a amorcé un virage vers la droite pour croiser le radiophare d’alignement de piste en vue de l’approche finale. La vitesse anémométrique de l’avion a diminué de 100 KIAS à 80 KIAS, et son altitude a diminué à 1100 pieds ASL. La perte de vitesse anémométrique a réduit la vitesse de réaction des commandes de vol de l’avion; le commandant de bord a ordonné l’escamotage du train d’atterrissage (figure 1, point 9).

Une fois le train rentré, à 7 h 59, l’équipage de conduite a entendu des sons inhabituels et a ressenti des vibrations en provenance du moteur droit. La vitesse anémométrique de l’avion était alors de 80 KIAS, et son altitude a commencé à baisser sous les 800 pieds ASL. 

Pour tenter de maintenir l’altitude, l’équipage de conduite a augmenté la puissance du moteur droit à la puissance maximale au décollage, sans effet toutefois. L’équipage de conduite s’est alors préparé en vue d’un atterrissage d’urgence sur le ventre, et a sorti les volets en courte finale pour réduire la vitesse au poser.

À 8 h 01, l’avion a atterri dans une fondrière sur les terres de la Première Nation K’atl’Odeeche, à environ 3,5 milles marins au sud-est de CYHY. Une fois l’avion immobilisé, le PO a évacué l’avion par la fenêtre de droite du poste de pilotage, pendant que le commandant de bord est resté dans le poste de pilotage pour éteindre le moteur droit et les systèmes de bord avant d’évacuer l’avion par la porte avant. Le PO a joint le centre d’information de vol pour l’aviser de l’état de l’équipage de conduite et de l’emplacement de l’avion. La radiobalise de repérage d’urgence ne s’est pas déclenchée durant l’atterrissage forcé, donc le PO l’a activée manuellement pour aider les ressources de recherche et sauvetage (SAR) à repérer l’épave. L’équipage de conduite n’a pas subi de blessures. L’avion a été lourdement endommagé (figure 2). Il n’y a pas eu d’incendie après l’impact. Les premiers intervenants sont arrivés sur les lieux de l’accident à 11 h 14.

Figure 2. Photo aérienne du lieu de l’accident (vue vers le nord-ouest). La flèche verte indique la trajectoire de l’avion après son poser. (Source : Première Nation K’atl’Odeeche, avec annotations du BST)
Photo aérienne du lieu de l’accident (vue vers le nord-ouest). La flèche verte indique la trajectoire de l’avion après son poser. (Source : Première Nation K’atl’Odeeche, avec annotations du BST)

Renseignements sur le personnel

Les dossiers indiquent que le commandant de bord et le PO possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol en vertu de la réglementation en vigueur.

Le commandant de bord détenait une licence de pilote de ligne - avion et il était titulaire d’un certificat médical valide de catégorie 1 au moment de l’événement. Il avait à son actif plus de 9400 heures de vol au total, dont 300 heures sur type.
Le PO détenait une licence de pilote professionnel – avion et il était titulaire d’un certificat médical de catégorie 1 valide au moment de l’événement. Il avait à son actif plus de 900 heures de vol au total, dont 400 heures sur type.

L’examen des horaires de travail et de repos du commandant de bord et du PO a permis d’écarter la fatigue comme facteur contributif à cet événement.

Renseignements sur l’aéronef

L’aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées. La masse et le centrage se situaient dans les limites prescrites. L’avion n’était pas doté d’un enregistreur de données de vol ou d’un enregistreur de conversations de poste de pilotage et n’était pas tenu d’en avoir, selon la réglementation.

Étant donné la portée limitée de la présente enquête, la cause de la fuite d’huile qui a mené à l’arrêt du moteur gauche n’a pu être déterminée. Pareillement, l’enquête n’a pas permis de déterminer la source des bruits inhabituels émanant du moteur droit que l’équipage de conduite a entendus.

Procédures d’utilisation normalisées et listes de vérification

Buffalo Airways a mis au point des listes de vérification de procédures normales et d’urgence à utiliser durant l’exploitation des aéronefs Douglas DC3C-S1C3G de la compagnie.

Diverses vérifications de la liste de procédures normales comprennent des éléments relatifs au train d’atterrissage, entre autres [traduction] :

VÉRIFICATIONS APRÈS DÉCOLLAGE

TRAIN ET VOLETS……………………RENTRÉS ET POSITION NEUTRE

[…]

VÉRIFICATIONS AVANT ATTERRISSAGE

TRAIN D’ATTERRISSAGE………….RENTRER, PUIS SORTIR

[…]

TRAIN D’ATTERRISSAGE..…..……SORTI, PRESSION HAUTE, VOYANT VERT, VERROUILLAGE CONFIRMÉNote de bas de page 9

Les procédures d’utilisation normalisées (SOP) de Buffalo Airways contiennent plus de détails sur les éléments usuels des listes de vérification en décrivant des exercices d’annonces et de réponses. Le tableau 1 présente les annonces normalisées pertinentes relatives au train d’atterrissage.

Tableau 1. Annonces normalisées pertinentes relatives au train d’atterrissage (Source : Buffalo Airways Ltd., Standard Operating Procedures Douglas DC-3, 705 Airline Operations, modification 3 [12 janvier 2015], section 2.17, p. 2-13 à 2-14)
Phase de vol Condition Pilote aux commandes Pilote qui n’est pas aux commandes
Décollage et montée Envol, vitesse ascensionnelle nette « Positive Rate, Gear Up » (Vitesse ascensionnelle nette, train rentré) « Gear in Transit » (Train rentrant), puis « Gear up » (Train rentré)
Descente et approche 1 point au-dessus de la trajectoire de descente « 1 Dot Above, Gear Down » (1 point au-dessus, train sorti), « Landing Checks » (Vérifications avant atterrissage), « Flaps ¼ » (Volets ¼) « Check, Gear Down Selected » (Compris, train sorti sélectionné), « Gear Down, Pressure UP, Green Light » (Train sorti, pression haute, voyant vert), « Flaps set ¼ » (Volets réglés ¼), (achever la liste de vérification avant atterrissage), « Pre-Landing Checks Complete » (Vérifications avant atterrissage faites)

La liste de vérification d’urgence comprend des exercices d’annonces et de réponses qui exigent une action immédiate, parfois exécutée de mémoire. Les exercices à réaliser de mémoire sont encadrés sur la liste de vérification. La liste de vérification de panne moteur comprend les éléments suivants relatifs au train d’atterrissage [traduction] :

PANNE MOTEUR

PUISSANCE AU MOTEUR EN MARCHE

[…]

TRAIN D’ATTERRISSAGE………………………RENTRÉNote de bas de page 10

D’après les procédures d’atterrissage avec un seul moteur du manuel de vol de l’avion, le train d’atterrissage doit être sorti au moment où l’avion est en approche finale et à une altitude sécuritaireNote de bas de page 11. La liste de vérification de procédures d’urgence de Buffalo Airways pour une approche avec un moteur inopérant correspond à ce que stipule le manuel de vol de l’avion, et indique [traduction] :

APPROCHE AVEC UN MOTEUR INOPÉRANT

TRAIN D’ATTERRISSAGE…………………(EN FINALE, ALTITUDE SÉCURITAIRE) SORTI […]Note de bas de page 12

Les SOP de Buffalo Airways pour un atterrissage avec un moteur inopérant comprennent les instructions suivantes [traduction] :

  • Avant de sortir le train d’atterrissage, s’assurer que tous les autres circuits hydrauliques sont éteints.
  • Sortir le train d’atterrissage à un stade où la traînée n’entraînera pas un atterrissage trop court.
  • (il faut environ 25 secondes pour sortir le train d’atterrissage) […]Note de bas de page 13

Performance avec un seul moteur

Le manuel de vol de l’avion stipule ce qui suit à propos de la performance avec un seul moteur [traduction] :

  1. Vitesse anémométrique minimale : Avec un moteur inopérant et la puissance METO ou moins au moteur opérant, la vitesse anémométrique minimale nécessaire pour maintenir la manœuvrabilité est de 73 KIAS. À la puissance de décollage, la vitesse indiquée minimale pour maintenir la manœuvrabilité est de 76 nœuds. L’avion sera plus facile à manœuvrer si l’on maintient une inclinaison de 2° à 3° du côté du moteur opérant. […]
  2. Montée avec un seul moteur : Le taux de montée du DC-3, avec le train d’atterrissage sorti et pleins volets, est pratiquement nul. Avec le train d’atterrissage rentré et les volets à demi sortis, le taux de montée est très faible; par conséquent, durant la montée avec un seul moteur, les volets et le train d’atterrissage doivent être entièrement rentrés. […]
  3. Croisière : On peut aller jusqu’à la puissance METO pour le vol en croisière avec un moteur inopérant. La vitesse anémométrique dépend de la masse brute et doit être maintenue à 110 nœuds à 26 000 lb, et à 105 nœuds à 24 000 lb ou moinsNote de bas de page 14

La masse au décollage de l’avion à l’étude était de 26 000 livres.

Gestion des ressources de l’équipage

Buffalo Airways a mis en place un programme de formation sur la gestion des ressources de l’équipageNote de bas de page 15 approuvé par Transports Canada. Ce programme comprend de l’information sur la communication efficace. Les 2 membres d’équipage de conduite avaient suivi cette formation. Le commandant de bord l’a achevée le 1er mai 2019, et le PO, le 28 décembre 2018.

D’après le préambule aux SOP de Buffalo Airways, [traduction] « [l]es expressions conventionnelles doivent être utilisées pour réduire la probabilité d’une mauvaise interprétation d’une demande ou d’un ordre et pour lancer la mesure corrective dans des circonstances indésirablesNote de bas de page 16 ».

Au chapitre 10 des SOP, on peut lire que [traduction] « [l]es procédures d’urgence sont conçues pour suivre, autant que possible, les procédures d’utilisation normalisées de manière à éviter toute confusion que pourrait occasionner un événement anormal ». On précise également que [traduction] « durant une situation d’urgence, le PF continue de piloter l’avion et d’annoncer les actions et listes de vérification appropriées. Elles seront annoncées ou lues par le PNFNote de bas de page 17 ».

En ce qui a trait aux expressions conventionnelles, le chapitre 10 des SOP énonce les faits suivants [traduction] :

Durant les situations anormales/d’urgence, il est impératif que l’équipage de conduite non seulement comprenne et effectue les procédures applicables, mais aussi qu’il veille à maintenir une communication efficace. La normalisation des annonces et des actions élimine les imprévus et améliore la communicationNote de bas de page 18.

Message de sécurité

Dans l’événement à l’étude, la vitesse anémométrique et l’altitude de l’avion n’ont pu être maintenues, principalement à cause de l’augmentation de la traînée, occasionnée par la sortie hâtive du train d’atterrissage durant l’approche. Cet événement souligne la nécessité de suivre les SOP et d’employer les expressions conventionnelles, de même que l’importance de la discipline relative aux listes de vérification durant une situation d’urgence.

Le présent rapport conclut l’enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .