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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport aérien A18W0113

Collision avec le relief
Kasper Kootenay Wings MS Special (avion ultra-léger de base), C-ITMF
Grande Prairie (Alberta)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

À 14 hNote de bas de page 1 le 31 juillet 2018, l'aéronef ultra-léger de base amphibie et muni de flotteurs Kasper Kootenay Wings MS SpecialNote de bas de page 2 (immatriculation C-ITMF, numéro de série 2001-1) a décollé d'un terrain d'aviation gazonné privé situé à 7 milles marins (nm) à l'est de Grande Prairie (Alberta), à destination de l'aéroport international Saskatoon/John G. Diefenbaker (CYXE) (Saskatchewan). Une escale de ravitaillement était prévue à l'aéroport de St. Paul (CEW3) (Alberta). Le pilote, seul à bord, avait acheté l'aéronef et effectué le transfert de propriété plus tôt le même jour. Aucun plan de vol n'avait été déposé auprès de NAV CANADA.

Lorsque l'aéronef se trouvait à environ 1 nm du terrain d'aviation, aligné sur le cap de piste, on l'a observé à une altitude de 300 à 500 pieds au-dessus du niveau du sol (AGL). On a entendu la vitesse de rotation du moteur augmenter puis diminuer lentement, sans fonctionnement irrégulier toutefois. Quelques instants plus tard, l'aile gauche a baissé, et l'aéronef s'est trouvé en piqué prononcé. Durant la descente, la vitesse de rotation du moteur a augmenté rapidement; elle est demeurée élevée jusqu'à ce que l'aéronef percute le relief (figure 1).

Figure 1. Lieu de l'accident, en regardant vers l'ouest
Lieu de l'accident, en regardant vers l'ouest

Le pilote a été mortellement blessé, et l'aéronef a été détruit par un violent incendie après impact. L'aéronef n'était pas muni d'une radiobalise de repérage d'urgence, et la réglementation en vigueur ne l'exigeait pas; toutefois, un dispositif de messagerie GPS [système mondial de positionnement] par satellite SPOT portatif se trouvait à bord.

Contexte

Le 30 juillet 2018, le pilote en cause a pris un vol commercial à partir de CYXE à destination de l'aéroport de Grande Prairie (CYQU) (Alberta) pour compléter l'achat de l'aéronef en cause. À son arrivée, le pilote a rencontré le vendeur de l'aéronef (le propriétaire) et ils se sont rendus à un terrain d'aviation gazonné privé situé à 7 nm à l'est de Grande Prairie.

Vers 17 h 45, le propriétaire et le pilote ont effectué un vol de familiarisation dans les environs à bord de l'aéronef. Le propriétaire était le commandant de bord et occupait le siège avant de l'aéronef. Le pilote occupait le siège arrière. L'aéronef était muni de manches de commande, de palonniers et de manettes des gaz en double. Seul le poste de pilotage avant comprenait les instruments moteur et de vol. Durant le vol, le pilote a pu commander l'aéronef depuis le siège arrière. Environ 45 minutes plus tard, l'aéronef a atterri au terrain d'aviation privé sans incident. C'est le propriétaire de l'aéronef qui a effectué l'atterrissage.

Le matin du 31 juillet 2018, le propriétaire et le pilote ont retiré le train d'atterrissage à roulette de queue conventionnel et ont installé des flotteurs amphibies. Après le changement de configuration de l'aéronef, le propriétaire et le pilote ont effectué un autre vol de familiarisation dans les environs; ils ont décollé à 10 h. Ce vol consistait en plusieurs circuits et amerrissages sur le lac Clairmont (Alberta). L'aéronef est rentré au terrain d'aviation à 11 h.

Au cours des 3 heures suivantes, on a procédé au transfert de propriété de l'aéronef, et on a préparé celui-ci pour le vol de retour à CYXE. On a refait le plein de carburant des 3 réservoirs, soit 2 principaux réservoirs de carburant de 9 gallons américains (1 dans chaque aile) et 1 réservoir collecteur de 8 gallons américains, situé dans le fuselage derrière le poste de pilotage. Un bidon additionnel de 5 gallons américains de carburant a été arrimé dans le siège arrière du poste de pilotage. Il était prévu que ce carburant additionnel serait utilisé durant l'escale de ravitaillement prévue à CEW3.

Durant les préparatifs pour le vol de retour, on a retiré le siège arrière de l'aéronef pour le remplacer par une boîte de rangement en bois, que l'ancien propriétaire avait utilisé à plusieurs reprises (figure 2). Cette boîte était fixée à la structure du plancher de l'aéronef à 4 points de fixation qui correspondaient à ceux du siège retiré. Tous les dossiers historiques de l'aéronef se trouvaient dans un sac à dos arrimé dans la boîte, avec les articles de voyage personnels du pilote.

Figure 2. Boîte de rangement en bois (Source : ancien propriétaire de l'aéronef)
Boîte de rangement en bois

L'enquête n'a permis de déterminer l'ampleur de la planification du vol ni le nombre de vérifications prévol de l'aéronef effectuées avant le départ.

Transfert de propriété de l'aéronef

Les exigences relatives au transfert de propriété d'aéronefs que décrit le Règlement de l'aviation canadien visent uniquement la documentation d'immatriculation des aéronefs. Aucune formation ni maintenance supplémentaire n'est requise avant la vente d'un aéronef ultra-léger de base ou après son achat. Les préparatifs de vol à bord d'un nouvel aéronef ultra-léger de base incombent entièrement au pilote qui effectuera le vol.

La Stratégie de transition relative aux avions ultra-légers de Transports Canada stipule que [caractères gras dans le texte original] :

Les acheteurs éventuels d'avions ultra-légers de base prêts à monter doivent être conscients que les constructeurs d'avions prêts à monter et les fournisseurs de pièces ne sont liés par aucune exigence légale en vertu de la Loi sur l'aéronautique. Il est fortement recommandé aux propriétaires et propriétaires éventuels d'avions ultra-légers de base de se prévaloir des renseignements et services fournis par l'industrie de l'aviation de loisir, les écoles de pilotage et les milieux de l'aviation des ultra-légers.Note de bas de page 3

Comme le Kasper Kootenay Wings MS Special a été construit à partir de plans, on ne sait pas comment les descriptions générales des systèmes, les limites de l'aéronef, les procédures normales, les procédures d'urgence et l'information de sécurité ont été remises ou communiquées au pilote.

L'enquête n'a pas permis de déterminer dans quelle mesure le pilote en cause avait étudié ou s'était entraîné ou préparé pour piloter l'aéronef, ni sa connaissance ou sa compréhension des divers systèmes de bord, dont le moteur et le système avionique.

Renseignements météorologiques

L'observation météorologique horaire de 14 h à CYQU faisait état des conditions suivantes : vents légers (à 8 nœuds); visibilité de 25 milles terrestres avec nuages épars à 9000 pieds AGL; nuages fragmentés à 22 000 pieds AGL; température de 23 °C; altitude-densité de 3500 pieds au-dessus du niveau de la mer (ASL). Les conditions météorologiques n'ont pas été retenues comme facteur dans cet accident.

Renseignements sur le pilote

Le pilote détenait une licence de pilote d'avion ultra-léger valide, qui avait été délivrée le 17 avril 2018, et un certificat médical de catégorie 4 qui était valide jusqu'en février 2022.

D'après son carnet de vol, le pilote avait entrepris sa formation au pilotage d'avions ultra-légers le 20 juillet 2016 et avait accumulé 58,2 heures de vol lorsque son permis de pilote d'ultra-légerNote de bas de page 4 lui a été délivré. Ce temps de vol comprenait 16,5 heures d'instruction en commande double et 41,7 heures de vol en solo. Depuis la délivrance de ce permis, le pilote avait accumulé 3,3 heures de vol. Toutes les heures de vol avaient été effectuées sur un aéronef ultra-léger de base Husky Norseman II, dont le pilote était propriétaire. Cet aéronef était propulsé par un moteur bicylindre à 2 temps Rotax 582 de 65 HP, qui est moins évolué que le moteur Rotax 912ULS dont était muni l'aéronef dans l'événement à l'étude. Ce dernier était aussi doté du système d'injection électronique de carburant Simple Digital System (SDS).

Avant le vol dans l'événement à l'étude, le pilote avait effectué plusieurs vols de familiarisation et de démonstration à bord du C-ITMF en compagnie de l'ancien propriétaire; ces vols avaient duré environ 2 heures au total. Durant ce temps, le pilote en cause a pu piloter l'aéronef depuis le siège arrière; toutefois, il ne pouvait ni voir ni manipuler les instruments moteur ou de bord. Ainsi, le pilote en cause n'assumait pas les fonctions de commandant de bord. Le vol dans l'événement à l'étude a été la seule fois où le pilote en cause a piloté l'aéronef à l'étude en solo ou comme commandant de bord.

Renseignements sur l'aéronef

Le Kasper Kootenay Wings MS Special est un aéronef à voilure haute et à 2 places fabriqué en tubes d'acier et en toile (figure 3). L'aéronef à l'étude a été construit à partir de plans et de matières brutes en 2001. Tous les dossiers de l'aéronef ont été détruits dans l'incendie après impact.

Figure 3. Kasper Kootenay Wings MS Special (Source : ancien propriétaire de l'aéronef)
Kasper Kootenay Wings MS Special

D'après la demande d'immatriculation d'aéronef faite à Transports Canada, l'aéronef avait une masse maximale au décollage de 1200 livres, une masse à vide de 721 livres, et une vitesse de décrochage de 35 mi/h.

L'aéronef était doté d'un moteur Rotax 912ULS (numéro de série 5651664) fabriqué par Bombardier Recreational Products (BRP). Il s'agit d'un moteur à 4 cylindres à 4 temps à refroidissement liquide/par air qui développe une puissance de 100 HP à une vitesse de rotation maximale de 5800 tr/min.

L'aéronef ne présentait aucune anomalie connue avant le vol en cause. On a vérifié la continuité des commandes du moteur. Un examen du moteur a été effectué aux installations du BST à Edmonton (Alberta) en présence du motoriste. Rien ne donnait à croire que le moteur n'était pas en mesure de produire de la puissance. L'enquête a permis de confirmer la continuité des commandes de vol avant l'accident.

Système d'injection électronique de carburant

Lors de sa construction en 2001, l'aéronef était muni d'un moteur automobile Suzuki de 75 HP qui avait été converti en vue d'être utilisé sur un aéronef. En 2002, on a installé sur le moteur Suzuki le modèle EM-4-FNote de bas de page 5 de système d'injection électronique de carburant fabriqué par SDS.

Le système d'injection électronique SDS est un système de gestion de moteur qui réduit l'alimentation en carburant, prévient le givrage du carburateur, et contrôle et règle le système électronique d'alimentation carburant. D'après son fabricant [traduction] :

Le système F est un système intégré d'injection du carburant et d'allumage. La synchronisation de l'allumage est entièrement programmable pour la vitesse de rotation et la charge du moteur (pression d'admission ou position de la manette des gaz). La programmation se fait au moyen du programmeur manuel SDS. Le déclenchement se fait au moyen d'aimants fixés à la poulie de vilebrequin et d'un capteur à effet Hall installé sur le carter de distributionNote de bas de page 6.

En 2013, le moteur Suzuki a été remplacé par un moteur Rotax 912ULS, et le système d'injection électronique de carburant a été transféré au nouveau moteur. On a conservé l'unité de commande électronique ainsi que les doubles pompes à carburant électriques du moteur d'origine. Les modifications apportées au moteur Rotax comprenaient un disque magnétique et un capteur à effet Hall neufs installés sur l'arrière du moteur, ainsi que des supports d'injecteur monoblocs usinés soudés au collecteur d'admission pour recevoir les dispositifs d'injection de carburant.

Contrôle du mélange

Le système d'injection électronique de carburant SDS est muni d'un bouton de mélange air/carburant situé sur le tableau de bord de l'aéronef (figure 4).

Figure 4. Tableau de bord de l'aéronef à l'étude montrant le programmeur Simple Digital System (carré jaune) et le bouton de commande de mélange air/carburant (cercle jaune) à droite sur le tableau de bord (Source : ancien propriétaire de l'aéronef)
Tableau de bord de l'aéronef à l'étude

Ce bouton permet de programmer le système d'injection électronique de carburant et offre au pilote une commande indépendante dans une marge de réglage de 50 % en plus ou en moins par rapport au réglage préprogrammé en cas de défaillance de certains capteurs. Toutefois, une perte de puissance moteur peut survenir au réglage de mélange le plus pauvre comme au réglage de mélange le plus riche de la marge de réglage. Certains pilotes préfèrent appauvrir manuellement le mélange au moyen du bouton une fois que la puissance pour la vitesse de croisière est réglée. L'enquête n'a pas permis de déterminer si le pilote a manipulé la commande de mélange durant le vol, et le réglage définitif du mélange n'a pu être confirmé à cause du violent incendie après impact.

Message de sécurité

L'exploitation des aéronefs ultra-légers de base est assujettie à peu de règlements et de supervision réglementaire; par conséquent, il incombe aux pilotes de s'assurer d'être bien informés sur les systèmes de ces aéronefs, particulièrement lorsqu'ils pilotent un aéronef qu'ils connaissent peu.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .