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Rapport d'enquête aéronautique A17W0024

Perte de maîtrise et collision avec le relief
Mount Royal University
Tecnam P2006T (C-GRDV)
32 nm NW de l'aéroport de Calgary/Springbank (Alberta)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 13 février 2017, un Tecnam P2006T (immatriculé C-GRDV, numéro de série 088) exploité par la Mount Royal University effectuait un vol d'instruction de jour selon les règles de vol à vue depuis l'aéroport de Calgary/Springbank (Alberta). À bord, il y avait un instructeur de vol et un pilote qui suivait une formation au pilotage d'aéronef multimoteur. Environ 30 minutes après le décollage, à 17 h 04, heure normale des Rocheuses, l'aéronef est sorti de la plage du vol contrôlé et a percuté le relief à 32 milles marins au nord-ouest de l'aéroport. La radiobalise de repérage d'urgence n'a transmis un signal qu'un moment. L'aéronef a été détruit par l'incendie qui a suivi l'impact. Les 2 occupants ont été mortellement blessés.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Le 13 février 2017 à 16 h 34Note de bas de page 1, le Tecnam P2006T (immatriculé C-GRDV, numéro de série 088) de la Mount Royal University a décollé de l'aéroport de Calgary/Springbank (CYBW) (Alberta). À son bord, il y avait un instructeur de vol et un pilote qui suivait une formation au pilotage d'aéronef multimoteur (l'élève). Pour ce dernier, il s'agissait de son premier vol d'entraînement en vue d'obtenir la qualification multimoteur. L'aéronef a fait route vers le nord-ouest en montant à 8000 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Étant donné le relief dans cette région, cette altitude équivaut à 2500 à 3000 pieds au-dessus du niveau du sol (agl).

Le vol d'entraînement devait comprendre 2 segments : le premier se déroulant à vitesses plus élevées, et le second à vitesses plus basses (annexe A). Après que l'aéronef eut atteint l'altitude souhaitée, le premier segment de vol a duré 9 minutes, à des vitesses corrigées (KCAS) variant de 100 à 120 nœudsNote de bas de page 2. Le segment comprenait une séquence de virages qui a duré de 16 h 48 à 16 h 50, soit un virage à 360° vers la droite, un virage à 180° vers la droite et un virage à 180° vers la gauche. Ces virages ont été effectués à des vitesses de 95 à 115 KCAS, à un angle d'inclinaison d'environ 45° et à une accélération verticale atteignant 1,3 gNote de bas de page 3. Le segment de vol à vitesses plus élevées s'est achevé à 16 h 53 par une séquence de virages à 90° de gauche à droite avec des angles d'inclinaison d'environ 30°.

L'aéronef a ensuite ralenti. Le reste de ce segment s'est déroulé à des vitesses anémométriques plus faibles et comprenait une série de virages à 90° en alternance à des angles d'inclinaison de 20° à 30° et à des vitesses variant de 65 à 80 KCAS. Les 2 segments de vol se sont déroulés à 8000 pieds asl, avec très peu de variation d'altitude.

À 17 h 1, l'aéronef a accéléré à environ 100 KCAS. À 17 h 2, la vitesse anémométrique a diminué à 65 KCAS avant d'augmenter de nouveau à 80 KCAS. L'aéronef a perdu environ 300 pieds, soit la plus grosse perte d'altitude à ce stade du vol. L'aéronef est remonté à son altitude de départ à 80 KCAS; puis, à 17 h 3, il a ralenti à 70 à 75 KCAS. Il s'agissait de sa dernière position relevée par le système de radars secondaires de surveillance, à 2800 pieds agl, directement au-dessus du lieu de l'accident.

Au cours des 10 à 15 secondes suivantes, le radar primaire de surveillance a renvoyé 2 échos radar, puis toutes les données radar ont disparu. La chute de l'aéronef à partir du dernier écho radar jusqu'à l'impact équivalait à un taux de descente de 11 200 à 14 000 pieds par minute.

À 17 h 12, le Centre conjoint de coordination de sauvetage (JRCC) à Trenton (Ontario) a communiqué avec la Mount Royal University et NAV CANADA pour les informer que le système Cospas-SarsatNote de bas de page 4 avait détecté le signal de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) du C-GRDV. La détection du signal n'a été que momentanée, trop brève pour permettre de fixer sa position. La Mount Royal University a lancé une recherche radio et téléphonique.

À 17 h 32, les services de la circulation aérienne de NAV CANADA ont communiqué avec un autre aéronef de la Mount Royal University pour demander à l'équipage de communiquer avec la tour de contrôle de CYBW et de prendre part aux recherches. Les services de la circulation aérienne ont fait une recherche radio afin de joindre le C-GRDV.

À 17 h 50, le second aéronef de la Mount Royal University a repéré le C-GRDV au sol; il était lourdement endommagé et en proie aux flammes. Un hélicoptère-ambulance est arrivé sur les lieux de l'accident à 18 h 50. À 19 h, la Gendarmerie royale du Canada et le service des incendies de Ghost River se sont rendus sur les lieux de l'accident et ont confirmé qu'il n'y avait aucun survivant.

Renseignements sur l'épave et sur l'impact

L'épave se trouvait à proximité d'une route, au pied d'un talus, à une élévation de 4850 pieds asl. L'aéronef avait été presque entièrement consumé par les flammes. Les marques au sol et les dommages à l'aéronef correspondaient à une collision à vitesse élevée avec le talus alors que l'aéronef se trouvait dans une assiette quasi verticale. Le dessus de l'aéronef a percuté le talus en premier, et l'aéronef a poursuivi sa course sur 50 pieds vers le bas de la pente avant de s'immobiliser au pied de celle-ci, où s'est déclaré un incendie après impact (figure 1).

Figure 1. Lieu de l'accident vu du haut du talus montrant le côté gauche de l'aéronef, vers le sud (source : Alberta Occupational Health and Safety)
Lieu de l'accident vu du haut du talus montrant le côté gauche de l'aéronef, vers le sud (source : Alberta Occupational Health and Safety)

Tous les principaux composants du C-GRDV ont été retrouvés sur les lieux de l'accident. Un examen de l'épave a permis de déterminer que les volets étaient rentrés et que le train d'atterrissage était escamoté. On a inspecté les restes des systèmes de commandes de vol, sans relever d'indication de défaillance.

L'incendie après impact a complètement détruit l'avionique et les instruments moteur. L'aéronef a été lourdement endommagé par les flammes, à l'exception de l'empennage et du bout de l'aile gauche.

Les 2 hélices et leurs boîtes de transmission se trouvaient au point d'impact initial; elles n'avaient pas été endommagées par les flammes. Les moyeux d'hélice ont été analysés à des installations de révision en présence de membres du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST). On a déterminé que les pales des 2 hélices étaient au calage de petit pas au moment de l'impact.

Un examen des 2 moteurs a été réalisé aux installations du BST à Edmonton (Alberta) en présence du motoriste. Les 2 carters moteurs étaient distordus et présentaient des dommages provoqués par la rotation, ce qui indique que les moteurs développaient de la puissance au moment de l'impact.

Renseignements météorologiques

Au moment de l'accident, un système de haute pression au-dessus de Cranbrook (Colombie-Britannique) influait aussi sur les conditions météorologiques dans la partie sud de l'Alberta. Les prévisions de zone graphique (GFA) émises à 16 h 31 et valides à 17 h faisaient état d'une visibilité supérieure à 6 milles terrestres et de nuages fragmentés à partir de 9000 pieds asl. On ne prévoyait ni turbulence ni condition givrante importante dans le secteur de Springbank.

Le message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) diffusé par CYBW à 16 h faisait état des conditions suivantes :

Le METAR émis à 17 h était identique à celui de 16 h, à l'exception des vents qui soufflaient du 290 °V à 4 nœuds.

Le soleil s'est couché à 17 h 50, et la nuit a officiellement commencé à 18 h 24.

Renseignements sur l'aéronef

Le Tecnam P2006T est un aéronef bimoteur léger, de construction tout aluminium et à voilure haute (figure 2). Il compte 2 moteurs Rotax 912S3 et est muni d'un train d'atterrissage escamotable. La Mount Royal University avait acheté 3 Tecnam P2006T, dont le premier a été mis en service en avril 2012. Au moment de l'accident, les 3 aéronefs de la Mount Royal University étaient les seuls Tecnam P2006T immatriculés au Canada; environ 100 exemplaires de cet aéronef étaient en service à l'échelle mondiale.

Figure 2. Dimensions du Tecnam P2006T (source : Construzioni Aeronautiche, Aircraft Maintenance Manual—TECNAM P2006T, doc. no 2006/045, 2e édition, révision 2 [29 septembre 2012], chapitre 6-00 : Dimensions and Areas, p. 2)
Dimensions du Tecnam P2006T (source : Construzioni Aeronautiche, <em>Aircraft Maintenance Manual—TECNAM P2006T</em>, doc. no 2006/045, 2e édition, révision 2 [29 septembre 2012], chapitre 6-00 : Dimensions and Areas, p. 2)

Les dossiers indiquent que l'aéronef était certifié, équipé et entretenu conformément aux règlements en vigueur et aux procédures approuvées. La plus récente inspection aux 100 heures du C-GRDV avait eu lieu le 26 janvier 2017.

Durant tout le vol à l'étude, le C-GRDV a été exploité dans les limites approuvées de masse et de centrage.

Renseignements sur le personnel

Les dossiers indiquaient que l'instructeur et l'élève possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol en vertu de la réglementation en vigueur.

Instructeur

L'instructeur était un pilote de ligne retraité qui avait à son actif plus de 20 000 heures de vol. Il avait auparavant été titulaire d'une qualification d'instructeur de classe 1 et avait été chef instructeur de vol d'une unité de formation au pilotage de 1985 à 1988.

Après qu'il fut entré au service de la Mount Royal University en août 2016, l'instructeur a entrepris une formation en vue de renouveler sa qualification d'instructeur de classe 2 et réussir des contrôles de compétence sur le Cessna 172 et le Tecnam P2006T. Au moment de l'accident, il était titulaire d'une licence de pilote de ligne valide, d'un certificat médical de catégorie 1 et d'une qualification d'instructeur de classe 2. Il avait accumulé 61 heures de vol sur le Tecnam P2006T et 48 heures sur le Cessna 172 depuis qu'il était au service de l'université.

L'examen des horaires de travail et de repos de l'instructeur a permis d'écarter la fatigue comme facteur contributif à cet accident.

Élève

L'élève était un pilote instructeur retraité de l'Aviation royale canadienne; la Mount Royal University l'avait embauché comme instructeur de vol en décembre 2016. Il détenait une licence de pilote professionnel et un certificat médical de catégorie 1 valide, et il avait de l'expérience tant sur les aéronefs à voilure tournante (830 heures de vol) que sur les aéronefs monomoteurs à voilure fixe (1070 heures de vol). Le 24 janvier 2017, l'élève avait obtenu la qualification d'instructeur de classe 3. Au moment de l'accident, il avait accumulé 25 heures de vol sur le Cessna 172 et était instructeur de pilotage à la Mount Royal University.

L'élève suivait une formation en vue d'obtenir une qualification multimoteur, qui était une condition d'emploi. Étant donné son manque d'expérience sur les aéronefs multimoteurs à voilure fixe, cette formation suivait le même plan de cours que celui des étudiants inscrits au programme de l'université (voir le sous-alinéa 1.6.1.1). L'élève avait terminé 2 exposés de formation prévol avant le vol à l'étude, son premier vol à bord du Tecnam P2006T.

Renseignements sur les organismes et sur la gestion

Mount Royal University

La Mount Royal University est un établissement d'enseignement supérieur de taille moyenne, dont le campus principal se trouve à Calgary (Alberta). Elle offre, outre divers programmes de certificat ou de premier cycle, un programme de 2 ans pour l'obtention d'un diplôme en aviation régi par la Faculty of Business and Communications Studies. Les étudiants qui réussissent ce programme reçoivent une licence de pilote professionnel, une qualification de vol de nuit, une qualification multimoteur et une qualification pour le vol aux instruments multimoteur. Le volet pratique du programme se déroule à CYBW sur le Cessna 172 et le Tecnam P2006T.

Programme de formation au pilotage multimoteur

Les étudiants inscrits au programme de formation au pilotage multimoteur de la Mount Royal University doivent effectuer 11 missions durant lesquelles ils doivent accumuler 10,2 heures de vol sur le Tecnam P2006T en double commande, 2 heures de simulation de vol, 10,2 heures d'exposés au sol, et 1,5 heure de temps de vol (durant lequel a lieu l'examen de vol multimoteur)Note de bas de page 5.

Deux exposés prévol (missions 1 et 2) ont lieu avant le premier vol. Pour la mission 3, qui est la première séance de formation en vol, l'instructeur de vol ou l'élèveNote de bas de page 6 doit exécuter les exercices suivants :

La mission 3 devait durer 1,7 heure, dont environ 1 heure devait être passée dans les airs. Le C-GRDV avait effectué environ 30 minutes de cette heure de vol lorsque l'accident s'est produit.

Entraînement sur la sortie de décrochage sur le Tecnam P2006T

Le programme de formation au pilotage multimoteur de la Mount Royal University décrit 2 mises en situation pour apprendre aux élèves la sortie de décrochage :

L'amorce de décrochage se fait avec le train d'atterrissage sorti, les pleins volets et les manettes de gaz en position de ralenti; on maintient l'altitude en tirant graduellement sur le manche. Le recueil de notes du cours de pilotage de l'université comprend les instructions suivantes pour sortir d'un décrochage [traduction] :

Sortie : PREMIER SIGNE D'UN DÉCROCHAGE (avertisseur de décrochage, aiguille dans l'arc de cercle rouge de l'indicateur de vitesse anémométrique, tremblement). Sortir en suivant la procédure d'atterrissage interrompu de l'AFM [manuel de vol]Note de bas de page 10

Le manuel de vol du Tecnam P2006T comprend les procédures d'atterrissage interrompu suivantes [traduction] :

  1. Manettes de commande des hélices GAUCHE ET DROITE POSITION AVANT MAXIMALE
  2. Manettes des gaz GAUCHE et DROITE PUISSANCE MAXIMALE

    ATTENTION : On doit déplacer les manettes de commande des hélices au régime (tr/min) maximal avant de déplacer les manettes des gaz à la position de puissance maximale de décollage. On doit appliquer la puissance maximale de décollage pendant au plus 5 minutes.
  3. Volets T/O [décollage]
  4. Vitesse Maintenir au-dessus de 62 KIAS, monter à VY ou à VX selon le cas.
  5. Train d'atterrissage ESCAMOTÉ en réalisant la montée positive
  6. Volets RENTRÉSNote de bas de page 11

Le décrochage en configuration lisse se fait avec le train d'atterrissage escamoté, les volets rentrés, et la puissance au régime de ralenti; on maintient l'altitude en tirant graduellement sur le manche de commande jusqu'au décrochage de l'aéronef. Le recueil de notes de cours de la Mount Royal University décrit ainsi la sortie de ce décrochage [traduction] :

Sortie : […]

L'enquête a permis d'établir que certains instructeurs de vol à la Mount Royal University avaient adopté une méthode de formation particulière : ils provoquaient un mouvement de lacet, soit par des manipulations des commandes de vol, soit par une application soudaine de puissance, avant que l'aéronef ne soit sorti du décrochage. Cette méthode avait pour objet de montrer la réaction du Tecnam P2006T en cas de mouvement de lacet excessif durant un décrochage.

On utilisait cette méthode de formation particulière depuis que l'université avait commencé à exploiter ses Tecnam P2006T; elle avait été transmise de bouche à oreille et était présentée aux nouveaux instructeurs, mais elle n'était ni documentée ni approuvée par le fabricant. Le personnel de supervision de la Mount Royal University était au courant de cette méthode singulière, mais il ignorait que les limites de l'aéronef étaient dépassées par l'utilisation de cette méthode.

On n'a pu déterminer si l'instructeur ou l'élève dans l'événement à l'étude avait été exposé à cette approche particulière de l'entraînement de la sortie de décrochage, ou si l'instructeur l'avait utilisée durant le vol à l'étude ou durant des vols précédents.

Données de vol du Tecnam P2006T de la Mount Royal University

La Mount Royal University a commencé à exploiter ses Tecnam P2006T au printemps de 2012; les 3 aéronefs étaient munis d'un système avionique Garmin 950. Les cartes mémoire Secure Digital (SD) du système avionique du C-GRDV ont été détruites dans l'incendie après impact. Le BST a pu obtenir celles des 2 autres aéronefs pour les analyser.

Comme l'université échangeait les cartes mémoire SD d'un aéronef à l'autre lorsqu'elle mettait à jour les systèmes des postes de pilotage, chacune d'elles contenait des données de vol des 3 Tecnam P2006T. L'une des cartes mémoire contenait 565 fichiers sur des vols qui remontaient au 30 avril 2015. L'autre contenait 79 fichiers qui couvraient des vols qui remontaient au 13 novembre 2016. Chaque fichier contenait un numéro d'identification du système unique qui indique l'aéronef sur lequel il a été enregistré. Les fichiers de données renvoient aux dossiers de vol quotidiens de l'université, ce qui permet de déterminer l'aéronef utilisé et la mission de vol que l'on effectuait au moment d'un certain enregistrement.

Chaque fichier de données contenait divers paramètres de vol que le système enregistrait environ chaque seconde. Les données qui ont le plus retenu l'intérêt des enquêteurs étaient :

De nombreuses sorties de décrochage avaient été enregistrées. En général, durant ces sorties, il y avait eu une réduction graduelle de la vitesse anémométrique jusqu'à la vitesse de décrochage, puis un piquer du nez pour sortir du décrochage. Les ailes demeuraient à l'horizontale durant les sorties, et la perte d'altitude se limitait à environ 300 pieds. Les données recueillies n'ont pas permis de déterminer si dans chaque cas, les mesures prises pour amorcer la sortie étaient en réaction au système avertisseur de décrochage ou au tremblement de la cellule.

Afin de cerner des manœuvres contraires aux paramètres d'exploitation normaux, on a analysé les données pour trouver des cas où l'angle d'inclinaison de l'aéronef avait dépassé 55°Note de bas de page 13. On a cerné 22 cas de la sorte; tous sauf 1 étaient associés à l'entraînement sur la sortie de décrochage.

Contrairement aux sorties de décrochage normales, ces cas allaient de roulis avec remise des ailes à l'horizontale, aux amorces de vrille avec l'aéronef en position inversée et aux vrilles complètesNote de bas de page 14 comprenant jusqu'à 1,5 tour. En général, ils avaient en commun des caractéristiques importantes (annexes B, C et D) qui avaient entraîné la perte de maîtrise :

Malgré l'absence de données sur les manipulations des commandes de vol et des manettes des gaz, les mouvements des aéronefs en question montrent que les pilotes étaient parfois les artisans du tangage et du roulis ou des interventions de puissance moteur durant les décrochages. Dans chacun de ces cas, ces conditions de vol non coordonné ont mené à un décrochage asymétrique aggravé et à une excursion relativement rapide en roulis ou en tangage, puis à une amorce de vrille.

Dans l'un des cas enregistrés, un aéronef est sorti d'une vrille de 1,5 tour et s'est trouvé en position inversée avant d'amorcer un piqué plus abrupt encore en effectuant une demi-boucle descendante (annexe C). De toutes les pertes de maîtrise qui ont été examinées, ce cas présentait le taux de descente (12 500 pieds par minute) et le facteur de charge (3,1 g) les plus élevés, ainsi que la deuxième plus grande perte d'altitude (1400 pieds).

Parmi les cas examinés, on a relevé des vitesses anémométriques aussi élevées que 153 KIAS. D'après le manuel de vol (AFM)Note de bas de page 15, la vitesse de manœuvre de calcul (VA)Note de bas de page 16 est de 122 KIAS, la vitesse maximale en croisière (VNO)Note de bas de page 17 est de 138 KIAS, et la vitesse limite (VNE)Note de bas de page 18 est de 171 KIAS. Quoique la VNE n'a été dépassée dans aucun des cas enregistrés, on a dépassé la VNO à 5 reprises, et la VA, à 11 reprises.

Parmi les cas examinés, les pertes d'altitude variaient de 525 pieds à 1500 pieds, pour une perte moyenne de 960 piedsNote de bas de page 19. Tous les vols s'étaient déroulés à une altitude tout juste inférieure à 8000 pieds asl. Toutefois, cette altitude et les élévations du relief réduisaient considérablement les marges de manœuvre en cas de vrille. Les élévations du relief survolé variaient énormément; dans certains cas, des sommets locaux dépassaient 5000 pieds asl, ce qui accordait aussi peu que 2500 pieds pour rétablir l'aéronef après une excursion.

L'annexe D compare les profils de trajectoires de vol et pertes d'altitude durant les pertes de maîtrise des aéronefs en question; on y montre aussi une sortie de décrochage normale. De toutes les sorties de décrochage examinées, la plus faible hauteur au-dessus du relief fut de 700 pieds; ce cas a aussi affiché la plus importante perte d'altitude (1500 pieds).

Au sein de la Mount Royal University, le manuel des procédures d'exploitation de la compagnie (Company Operating Procedures Manual) régit les activités de formation au pilotage. Le paragraphe 9.18, « Safety Checks » (vérifications HASELNote de bas de page 20), stipule notamment que [traduction] : « Les pilotes ne doivent faire aucun décrochage ni vol à basse vitesse et aucune vrille ni acrobatie, à moins que l'aéronef puisse en sortir à au moins 2000 [pieds] aglNote de bas de page 21. » Cette altitude correspond au guide de test en vol pour qualification multimoteur de Transports CanadaNote de bas de page 22.

La section sur les procédures d'urgence du manuel de vol duTecnam P2006T indique que [traduction] « le comportement [de l'aéronef] dans une vrille n'a pas été établiNote de bas de page 23 », car les exigences de certification de cette catégorie d'aéronef n'en font pas mention. Ce manuel stipule en outre que [traduction] « les vrilles intentionnelles sont interditesNote de bas de page 24 ».

Gestion de la sécurité

L'unité de formation au pilotage de la Mount Royal University comprenait la chaire du département de la Gestion générale, des ressources humaines et de l'aviation; un chef instructeur de vol (CFI) et 12 instructeurs de vol. Un des instructeurs de vol de l'équipe était chef instructeur de vol adjoint, et un autre était la personne responsable de la maintenance (PRM). La chaire du département et le chef instructeur de vol géraient et approuvaient les procédures d'utilisation normalisées, la documentation pour l'exposé prévol et les documents de formation au pilotage.

Au sein de la Mount Royal University, on utilisait le manuel des procédures d'exploitation de la compagnie et le manuel du système de gestion de la sécurité (manuel SGS) pour gérer la sécurité. Quoique la réglementation n'obligeait pas la Mount Royal University d'avoir un SGS, cette dernière avait développé un programme de sécurité inspiré du SGS approuvé par TC. Ce programme comprenait plusieurs des éléments clés d'un SGS en bonne et due forme, par exemple un système de signalement non punitif et un cadre supérieur responsable. La supervision du programme était confiée au chef instructeur de vol; le gestionnaire du SGS relevait de ce dernier, mais pouvait également se rapporter au cadre supérieur responsable. En janvier 2017, un gestionnaire du SGS spécifique a été embauché à temps partiel. Auparavant, la fonction de gestionnaire du SGS était une tâche secondaire de l'un des instructeurs de vol.

En outre, l'université comptait un comité permanent, le Mount Royal University Aviation Safety Board (ASB) [Comité de la sécurité aérienne], qui avait pour mandat de se réunir chaque mois pour [traduction] « examiner tous les incidents et dangers qui se produisent et faire des recommandations au gestionnaire du SGSNote de bas de page 25 ». De février 2015 à février 2017, l'ASB s'est réuni à 12 reprises.

Dans le cadre du programme d'aviation de l'université, les rapports sur la sécurité se faisaient par l'intermédiaire d'un système de signalement électronique en ligne. De novembre 2013 jusqu'à l'accident à l'étude, le 13 février 2017, on avait signalé 77 incidents liés à l'exploitation du Tecnam P2006T. De ce nombre, 38 avaient été évalués à faible risque, 25 à risque moyen, et 10 à risque élevé; 4 autres n'avaient toujours pas été évalués. La plupart des incidents à risque élevé concernaient des problèmes de moteur de l'aéronef, tous survenus avant mai 2015. Aucun des incidents signalés ne concernait l'entraînement sur la sortie de décrochage, la dynamique de vol ou des cas d'excursion en roulis.

Le système avionique du Tecnam P2006T collecte beaucoup de données de vol, mais la Mount Royal University n'avait aucun programme de suivi des données de vol, et la réglementation n'en exigeait pas.

Le 6 juin 2016, Tecnam a publié un bulletin de service sur les limites opérationnelles de tous les aéronefs Tecnam. Ce bulletin abordait les questions concernant la perte de maîtrise des aéronefs durant les vols à basse vitesse et l'entraînement sur la sortie de décrochage. Il soulignait en outre les considérations de sécurité suivantes [traduction] :

La Mount Royal University a diffusé ce bulletin de service accompagné d'une liste de contrôle qui comprenait les noms des instructeurs de vol et des élèves qui étaient inscrits au programme. À côté de chaque nom, il y avait une ligne où chaque personne devait signer et indiquer la date de lecture du bulletin. Une note en haut de cette page indiquait que tous les élèves et instructeurs devaient lire le bulletin et signer la liste avant qu'ils puissent effectuer leurs prochaines missions sur le Tecnam P2006T. Le manuel des procédures d'exploitation de la compagnie de la Mount Royal University ne mentionnait ni n'expliquait l'utilisation de ce bulletin et de cette liste de contrôle. De plus, la formule d'autorisation de volNote de bas de page 27 ne faisait aucune mention de ces documents.

Tous les instructeurs ont été informés de l'existence du bulletin de service le 4 octobre 2016. La liste de contrôle qui accompagnait ce bulletin comprenait les noms de 13 instructeurs; 11 d'entre eux l'avaient signée, dont l'instructeur en cause dans l'accident, mais pas l'élève.

Surveillance exercée par Transports Canada

Depuis 2012, TC avait effectué 3 inspections de validation de programme (IVP) sur le programme de formation au pilotage de la Mount Royal University. La première, qui s'est tenue du 11 au 15 juin 2012, a permis de relever 3 risques jugés modérés. L'un des risques portait sur la disponibilité des listes de vérification d'urgence à bord des aéronefs; les 2 autres avaient pour objet le programme d'assurance de la qualité (PAQ) de la maintenance du programme de formation. TC a accepté le plan de mesures correctives (PMC) de l'université et a fait un suivi avant de clore le dossier IVP le 10 octobre 2013.

La seconde IVP s'est tenue du 31 août au 4 septembre 2015; celle-ci a donné lieu à 10 constatations :

Étant donné la nature systémique des constatations de la seconde IVP, TC a placé la Mount Royal University sous surveillance accrue (SA), le 5 octobre 2015. Le 9 décembre 2015, le ministère a accepté le PMC de l'université. La période de SA devait se poursuivre jusqu'à ce qu'une autre IVP y mette fin; la troisième IVP a eu lieu du 28 au 30 mars 2017. Elle avait pour objet d'évaluer le PAQ, les responsabilités du chef instructeur de vol et le contrôle opérationnel de la Mount Royal University. Le 16 mai 2017, TC a clos le dossier IVP, ce qui a mis fin à la surveillance accrue.

Renseignements supplémentaires

Entraînement sur la reconnaissance et la sortie de décrochage

Normes de certification d'aéronefs multimoteurs (catégorie normale)

Le Tecnam P2006T a été certifié dans la catégorie normaleNote de bas de page 28 par l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) et la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis en 2010, et par TC en septembre 2011. Le Règlement de l'aviation canadien (RAC) établit les exigences de certificationNote de bas de page 29 pour les aéronefs multimoteurs. Les paragraphes 523.201 à 523.207 du Manuel de navigabilité du RAC présentent en détail les exigences relatives aux  caractéristiques de vol et aux systèmes d'avertissement à respecter à l'approche d'un décrochage et durant la sortie de décrochage. D'après le paragraphe 523.221 (Vrilles) du Manuel de navigabilité du RAC, « Un avion monomoteur de la catégorie normale doit pouvoir sortir d'une vrille d'un tour ou d'une vrille de trois secondes, selon celle qui prend le plus de temps […].Note de bas de page 30 ». La certification des aéronefs multimoteurs ne comprend aucune exigence sur les vrilles.

Qualification multimoteur – avion

Le Guide de test en vol – Qualification multimoteur – Avion de TC exige l'exécution de 2 exercices de décrochage : un décrochage, et une amorce de décrochage. Dans ce dernier cas, l'objectif est de

Déterminer si le candidat peut reconnaître l'imminence d'un décrochage, en configuration d'atterrissage, et effectuer une sortie sécuritaire appropriée et en douceur avec une perte minimale d'altitudeNote de bas de page 31.

Le Guide de l'instructeur – Qualification sur multimoteurs de TC fixe les objectifs suivants pour les exercices de décrochage :

Apprendre à l'élève à :

Toujours d'après le Guide de l'instructeur :

On doit produire tous les décrochages à partir d'un vol en palier rectiligne en régime de ralenti et en décélération lente selon le POH [ manuel d'utilisation de l'avion] /AFM. Éviter les décrochages avec puissance. Amorcer un décrochage avec puissance peut conduire à une vrille involontaire dont il serait difficile de sortir et qui occasionnerait une perte d'altitude importanteNote de bas de page 33.
Circulaire d'information de Transports Canada

En novembre 2013, TC a publié une circulaire d'information (CI) ayant pour objet la prévention et la sortie du décrochage d'un avion. Cette CI s'adressait à

tout le personnel de Transports Canada, Aviation civile (TCAC), ainsi qu'aux exploitants, constructeurs, organismes de formation, pilotes et membres d'équipage de conduite, de même qu'aux particuliers et aux organismes qui font usage des avantages qui leur sont accordés en vertu d'une Délégation ministérielle de pouvoirs pour les délégations à l'extérieurNote de bas de page 34.

Écrite en partie comme suite à la constatation que les événements de perte de maîtrise en vol étaient la première cause de pertes de vie dans les accidents d'aviation à l'échelle mondiale, la circulaire abordait les principes fondamentaux suivants :

  1. La prévention des événements de décrochage par la reconnaissance efficace, l'évitement, ainsi que la sortie de décrochage si de tels événements surviennent;
  2. La réduction de l'angle d'attaque est la mesure la plus impotante à prendre en cas de décrochage;
  3. Les critères d'évaluation d'une sortie de décrochage ou d'amorce de décrochage ne reposent pas sur une perte d'altitude prédéterminée, mais doivent tenir compte des multiples variables, tant internes qu'externes, affectant l'altitude de rétablissement;
  4. Les pilotes doivent être formés au moyen de scénarios réalistes susceptibles de survenir en conditions opérationnelles, tels que des décrochages ayant lieu alors que le pilote automatique est engagé;
  5. La formation des pilotes doit insister sur la nécessité de traiter une amorce de décrochage de la même façon qu'un « décrochage total » et d'exécuter la sortie de décrochage dès les premiers signes de décrochage;
  6. Les scénarios de formation au vol doivent intégrer une formation sur l'activation du pousseur de manche, si l'avion en est équipéNote de bas de page 35.
Circulaire d'information de la Federal Aviation Administration

En novembre 2015, soit 2 ans après la publication de la CI de TC, la FAA a publié une CI semblable sur la prévention et la sortie de décrochage. La CI de la FAA abordait les principes fondamentaux suivants [traduction] :

Recommandations antérieures du BST

Durant son enquête sur la désintégration en vol d'un DHC-3TNote de bas de page 37 en mars 2011, le BST a émis une recommandation de sécuritéNote de bas de page 38 sur les enregistreurs de bord légers et les programmes de suivi des données de vol. Dans le préambule de cette recommandation, le BST affirme qu'une surveillance systématique des activités normales peut aider les exploitants à améliorer leur efficacité opérationnelle et à déceler les lacunes de sécurité avant qu'elles causent un accident. Si un accident venait à se produire, les enregistrements de systèmes d'enregistrement des données de vol légers fourniraient aux enquêteurs des renseignements utiles pour permettre de mieux déterminer les lacunes de sécurité.

Le Bureau a reconnu qu'il fallait régler certains enjeux pour faciliter l'utilisation efficace des enregistrements provenant des systèmes d'enregistrement des données de vol légers, notamment des questions relatives à l'intégration de cet équipement dans un aéronef, à la gestion des ressources humaines et à des enjeux d'ordre juridique, comme la restriction concernant l'utilisation d'enregistrements des conversations et d'enregistrements vidéo dans le poste de pilotage. Néanmoins, compte tenu des possibilités qu'offre cette technologie combinée à la surveillance des données pour améliorer considérablement la sécurité, le Bureau croit qu'aucun effort ne doit être épargné pour surmonter ces obstacles.

Par conséquent, le Bureau a recommandé que :

le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie, élimine les obstacles et élabore des pratiques recommandées en ce qui a trait à la mise en œuvre du suivi des données de vol et à l'installation de systèmes d'enregistrement des données de vol légers par les exploitants commerciaux qui ne sont pas actuellement tenus de munir leurs aéronefs de ces systèmes.
Recommandation A13-01 du BST

TC a reconnu que les programmes de suivi des données de vol amélioreraient la sécurité. Depuis 2013, TC tente d'organiser un groupe de discussion avec les parties prenantes du secteur de l'aviation pour aborder cette recommandation, mais en vain. Dans sa réponse de janvier 2017, TC a renouvelé sa proposition d'organiser un groupe de discussion en 2017, activité que le ministère projetait depuis 2013. À l'automne 2017, TC a informé le BST qu'il allait réunir un groupe de discussion avec les parties prenantes du secteur de l'aviation en février 2018 pour aborder cette recommandation.

Rapports de laboratoire du BST

Le BST a produit les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

Analyse

Étant donné que l'aéronef a été presque entièrement détruit par l'impact avec le relief et l'incendie qui a suivi, on n'a pu déterminer si une défaillance ou un mauvais fonctionnement d'un système avant l'impact avait été un facteur dans l'accident. Toutefois, les composants qui ont été examinés n'ont révélé aucun signe de défaillance.

L'analyse portera sur la perte de maîtrise, l'entraînement sur la sortie de décrochage et les processus de gestion de la sécurité de la Mount Royal University, les documents d'orientation de Transports Canada (TC), et les normes de certification et de test en vol d'aéronefs multimoteurs.

Perte de maîtrise

Il est probable que la perte de maîtrise de l'aéronef se soit produite durant un exercice de décrochage ou une amorce de décrochage, étant donné

Le premier événement qui a mené à une perte de maîtrise était probablement un exercice d'amorce de décrochage ou de décrochage en configuration lisse durant lequel l'aéronef a amorcé une vrille à environ 2800 pieds au-dessus du niveau du sol. Les renseignements étaient insuffisants pour déterminer la cause du mouvement de lacet qui a transformé un décrochage en vrille.

Durant la perte d'altitude, le pilote a pu sortir de la vrille qui a entraîné un piqué. Les marques d'impact à régime élevé et la distance relativement courte entre la dernière position radar et les lieux de l'accident attestent de cette situation.

Comparativement aux données sur les taux de descente des 2 autres aéronefs exploités par la Mount Royal University, le taux de descente du C-GRDV était comparable à celui des vols durant lesquels l'aéronef était entré en vrille et avait récupéré en effectuant une sortie de piqué.

L'instructeur et l'élève n'ont pu sortir l'aéronef de son piqué. D'après les données de vol enregistrées sur les cartes mémoire, la plupart des vrilles antérieures, sinon toutes, étaient intentionnelles. Leur perte d'altitude moyenne était de 960 pieds, la plus importante ayant été de 1500 pieds.

Pour des raisons inconnues, l'aéronef s'est trouvé dans une vrille durant un exercice de décrochage. L'instructeur et l'élève ont réussi à sortir l'aéronef de la vrille, mais à une altitude insuffisante pour sortir du piqué qui a suivi.

Entraînement sur la sortie de décrochage

Mount Royal University

Les exercices de sortie de décrochage insistent sur l'importance de réduire au minimum les pertes d'altitude. Le guide de test en vol et les guides de l'instructeur publiés par l'organisme de réglementation soulignent cette précaution. Dans son exercice d'amorce de décrochage, la Mount Royal University utilise la sortie d'atterrissage interrompu plutôt que la sortie de décrochage axée sur une perte d'altitude nulle.

Les documents de formation au pilotage de la Mount Royal University indiquent 2 méthodes de sorties de décrochage : une à utiliser lorsque l'aéronef approche un décrochage, et l'autre à la suite d'un décrochage. Toutefois, les circulaires d'information publiées par TC et la Federal Aviation Administration des États-Unis préconisent une seule technique pour sortir d'un décrochage, puisque les équipages de conduite pourraient ignorer s'il s'agit d'une amorce de décrochage ou d'un décrochage complet. Si les unités de formation au pilotage n'insistent pas sur la plus importante réaction à un décrochage ou à une amorce de décrochage – la réduction de l'angle d'attaque –, une perte de maîtrise pourrait s'ensuivre.

Quoique l'on se soit assuré que les instructeurs de vol et les élèves de la Mount Royal University connaissaient les caractéristiques de manœuvrabilité du Tecnam P2006T, certains instructeurs avaient néanmoins développé une méthode de formation particulière. Cette méthode a persisté, même si elle a parfois donné lieu à des manœuvres (c.-à-d. des mouvements acrobatiques et des vrilles) qui faisaient en sorte que les aéronefs dépassaient leurs limites. Le système avionique du Tecnam P2006T collecte beaucoup de données de vol, mais la Mount Royal University n'avait aucun programme de suivi des ces données. En outre, malgré les processus de comptes rendus sur la sécurité mis en place par l'université, aucun des incidents signalés depuis 2013 ne concernait l'entraînement sur la sortie de décrochage, la dynamique de vol ou les excursions en roulis.

Si les processus de sécurité organisationnels ne permettent pas de cerner et d'atténuer les méthodes non standard, on risque alors d'effectuer des manœuvres qui font en sorte qu'un aéronef dépasse les limites définies dans son manuel de vol, ce qui augmente les risques d'accident.

Documents d'orientation de Transports Canada

TC a publié une circulaire qui soulignait l'importance de veiller à réduire l'angle d'attaque de l'aéronef avant toute autre action, peu importe l'exercice de formation (c.-à-d. qu'il s'agisse d'une amorce de décrochage ou d'un décrochage). Les renseignements de la Circulaire d'information 700-031 ne figurent pas dans la publication technique TP 11575F, Guide de l'instructeur – Qualification sur multimoteurs.

Certification des multimoteurs et normes de test en vol

Durant la certification d'un aéronef monomoteur, ce dernier est soumis à un processus qui requiert un essai de vrille. L'aéronef peut aussi être certifié pour des vrilles intentionnelles, si le fabricant l'exige. Ces essais servent de mécanisme de défense pour garantir une reprise rapide de la maîtrise de l'aéronef au cas où un exercice de décrochage entraînerait une vrille. Le processus de certification des aéronefs multimoteurs ne comprend aucun essai de vrille.

Si la démonstration d'un décrochage total était requise, on ajouterait un danger dans la formation au pilotage d'un multimoteur. Toutefois, comme le processus de certification des aéronefs multimoteurs ne comprend aucun essai de vrille, il n'y a aucun mécanisme de défense contre ce danger. Les caractéristiques de vrille d'un aéronef bimoteur sont donc inconnues, et l'efficacité des techniques de sortie que l'on utilise demeure hypothétique.

Les caractéristiques de vrille étant inconnues, si le test de qualification sur multimoteurs devait comprendre la démonstration d'un décrochage total, on augmenterait le risque que les pilotes soient incapables de reprendre la maîtrise de l'aéronef au cas où un décrochage évoluerait en vrille.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

Ces faits établis sont liés aux actions dangereuses, aux conditions dangereuses ou aux manquements à la sécurité qui sont associés aux événements importants pour la sécurité ayant joué un rôle majeur quant à la cause de l'événement et/ou à la contribution à l'événement.

  1. Pour des raisons inconnues, l'aéronef s'est trouvé dans une vrille durant un exercice de décrochage.
  2. L'instructeur et l'élève ont réussi à sortir l'aéronef de la vrille, mais à une altitude insuffisante pour sortir du piqué qui a suivi.

Faits établis quant aux risques

Ces faits établis n'ont ni causé l'événement ni contribué à ce dernier. Ils énoncent un risque cerné durant l'enquête qui peut compromettre la sécurité. Ils peuvent décrire une condition de nature systémique qui vise un auditoire autre que les personnes immédiatement en cause dans l'événement.

  1. Si les unités de formation au pilotage n'insistent pas sur la plus importante réaction à un décrochage ou à une amorce de décrochage, soit la réduction de l'angle d'attaque, une perte de maîtrise pourrait s'ensuivre.
  2. Si les processus de sécurité organisationnels ne permettent pas de cerner et d'atténuer les méthodes non standard, on risque alors d'effectuer des manœuvres qui font en sorte qu'un aéronef dépasse les limites définies dans son manuel de vol, ce qui augmente les risques d'accident.
  3. Les caractéristiques de vrille étant inconnues, si le test de qualification sur multimoteurs devait comprendre la démonstration d'un décrochage total, on augmenterait le risque que les pilotes soient incapables de reprendre la maîtrise de l'aéronef au cas où un décrochage évoluerait en vrille.

Autres faits établis

Ces faits établis n'ont ni causé l'événement ni contribué à ce dernier et ne sont pas de nature systémique. Ils déterminent un élément ou contiennent un message qui peut améliorer la sécurité. Ils peuvent résoudre une controverse ou fournir un point de données pour les futures études ou analyses de sécurité.

  1. On n'a pu déterminer si l'instructeur ou l'élève dans l'événement à l'étude avait été exposé à la méthode particulière utilisée dans l'entraînement sur la sortie de décrochage, ou si l'instructeur l'avait utilisée durant le vol à l'étude ou durant des vols précédents.
  2. Étant donné que l'aéronef a été presque entièrement détruit par l'impact avec le relief et l'incendie qui a suivi, on n'a pu déterminer si une défaillance ou un mauvais fonctionnement d'un système avant l'impact avait été un facteur dans l'accident. Toutefois, les composants qui ont été examinés n'ont révélé aucun signe de défaillance.
  3. Les renseignements dans la Circulaire d'information 700-031, Prévention et sortie du décrochage d'un avion, ne figurent pas dans la publication TP 11575F, Guide de l'instructeur – Qualification sur multimoteurs.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Mount Royal University

Immédiatement après cet accident, la Mount Royal University a suspendu toutes les activités de formation au pilotage et a inspecté ses 2 derniers Tecnam P2006T pour détecter tout dommage causé par des efforts excessifs. Aucun dommage n'a été constaté.

Le 22 février 2017, le programme de pilotage a été réactivé de façon progressive. Chaque instructeur a dû effectuer 4 vols à bord du Cessna 172 : 2 depuis le siège gauche, et 2 depuis le siège droit. Les élèvent ont dû ensuite effectuer 2 vols à bord du Cessna 172. Une fois ces vols de réactivation terminés, on a rétabli le programme normal avec les Cessna 172.

Le 3 mars 2017, la Mount Royal University a publié une modification au paragraphe 9.18 (Safety Checks [HASELNote de bas de page 39 checks]) de son manuel des procédures d'exploitation de la compagnie (Company Operating Procedures Manual). Cette modification augmentait l'altitude minimale à laquelle les aéronefs doivent sortir d'un décrochage, de 2000 pieds au-dessus du niveau du sol à 4000 pieds au-dessus du niveau du sol.

Le 10 mars 2017, une note de service a été envoyée à l'ensemble du personnel instructeur pour clarifier les rôles de l'instructeur et de l'élève désignés lorsque 2 instructeurs effectuent ensemble des vols d'entraînement du personnel.

À la fin de mars 2017, les instructeurs de vol de la Mount Royal University ont suivi une formation sur le bimoteur Piper PA 34 Seneca exploité par une autre école de pilotage située à l'aéroport de Calgary/Springbank (CYBW) (Alberta). Son personnel de nouveau qualifié, la Mount Royal University a rouvert son programme d'études multimoteur après s'être entendu avec l'autre école de pilotage pour utiliser ses aéronefs. Cet accord consistait en une mesure de transition pendant que l'université achevait un examen de son programme multimoteur.

Au début d'août 2017, la Mount Royal University a décidé d'acheter 2 Piper PA 34 Seneca, qui sont devenus les aéronefs désignés pour son programme multimoteur. L'université n'a pas encore décidé ce qu'elle fera de ses 2 Tecnam P2006T.

En septembre 2017, la Mount Royal University a modifié ses procédures d'utilisation normalisées multimoteur pour qu'elles indiquent clairement que la première mesure de sortie à prendre durant un exercice d'amorce de décrochage est d'abaisser le nez de l'aéronef.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Trajectoire du vol à l'étude

Annexe A. Trajectoire du vol à l'étude
Trajectoire du vol à l'étude

Source : Google Earth, avec annotations du BST

Annexe B – Analyse des données de vol : séquence d’amorce de vrille de vols d’entraînement antérieurs

Annexe B. Analyse des données de vol : séquence d’amorce de vrille de vols d’entraînement antérieurs
Analyse des données de vol : séquence d’amorce de vrille de vols d’entraînement antérieurs

Source des images de la surface : Google; DigitalGlobe

Annexe C – Analyse des données de vol : amorce de vrille et sortie du piqué de vols d’entraînement antérieurs

Annexe C. Analyse des données de vol : amorce de vrille et sortie du piqué de vols d’entraînement antérieurs
Analyse des données de vol : amorce de vrille et sortie du piqué de vols d’entraînement antérieurs

Source des images de la surface : Google; DigitalGlobe

Annexe D – Analyse des données de vol : comparaison des profils de trajectoire de vol et des pertes d'altitude lors de pertes de maîtrise durant des entraînements sur la sortie de décrochage

Annexe D. Analyse des données de vol : comparaison des profils de trajectoire de vol et des pertes d'altitude lors de pertes de maîtrise durant des entraînements sur la sortie de décrochage
Analyse des données de vol : comparaison des profils de trajectoire de vol et des pertes d'altitude lors de pertes de maîtrise durant des entraînements sur la sortie de décrochage