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A17C0146 : Fond-du-Lac mot d’ouvertur

Kathy Fox, présidente du BST
et
David Ross, enquêteur désigné
Saskatoon (Saskatchewan)
14 décembre 2018

Version française du mot d'ouverture, prononcé en anglais

Seul le texte prononcé fait foi.

Kathy Fox

Bonjour,

Le 13 décembre 2017, un avion ATR 42 exploité par West Wind Aviation a quitté l'aéroport de Fond-du-Lac, en Saskatchewan, avec 3 membres d'équipage et 22 passagers à bord. Dix-sept secondes après le décollage, l'avion s'est écrasé contre des arbres et le relief. Les 25 occupants ont été blessés, dont 10 ont subi des blessures graves. L’un des passagers grièvement blessés est décédé par la suite.

L'enquête du BST sur cet événement est en cours. Aujourd'hui, compte tenu de ce que nous avons appris jusqu'ici, nous émettons deux recommandations concernant les équipages qui décollent malgré la présence de givre, de glace ou de neige sur leur aéronef, notamment aux aéroports nordiques éloignés. Premièrement, Transports Canada, les exploitants aériens et les autorités aéroportuaires doivent assurer la disponibilité d'un équipement de dégivrage et d'antigivrage adéquat là où il est nécessaire. Deuxièmement, il faut insister sur le respect de la réglementation afin de réduire les possibilités qu'un équipage décolle malgré la contamination des surfaces critiques, comme les ailes, les hélices, les stabilisateurs et certaines autres parties du fuselage.

Je reviendrai sur ces deux recommandations dans quelques minutes. Je vais d'abord céder la parole à l'enquêteur désigné, Monsieur David Ross. Il expliquera comment le BST a appris à quel point ce problème est généralisé.

David Ross

Lorsque le BST amorce une enquête, nous portons attention à un large éventail de facteurs : en plus des problèmes mécaniques, les conditions météorologiques, les politiques et les procédures d'exploitation, la formation et les performances humaines. Notre objectif est de recueillir le plus de renseignements possible pour établir la séquence des événements et aussi, parce qu'on ne sait jamais ce qui pourrait se révéler important au fil de l'enquête.

Dans le cas présent, nous avons appris dès le début que l'appareil en cause n'avait pas été dégivré avant le décollage, même si une inspection prévol réalisée par un des pilotes avait révélé la présence de glace sur certaines surfaces critiques. Nous avons aussi appris qu'il y avait de l'équipement de dégivrage au terminal de Fond-du-Lac, mais qu'il n'était pas adéquat. Par exemple, aucune des deux échelles sur les lieux n'était assez longue pour permettre le dégivrage des ailes ou du stabilisateur horizontal, et les vaporisateurs à main n'étaient pas assez puissants pour nettoyer l'appareil en entier.

Le Règlement de l'aviation canadien interdit à toute personne d'effectuer ou de tenter d'effectuer le décollage d'un aéronef si du givre, de la glace ou de la neige adhère à des surfaces critiques de l'appareil. La raison est simple : la présence de neige ou de givre sur des surfaces critiques mène à une dégradation aérodynamique qui peut rendre l'aéronef difficile à contrôler.

Mais, lorsque les équipages n'ont pas accès à l'équipement nécessaire pour respecter le règlement, cela augmente inutilement le risque et élimine dans la pratique une des mesures de sécurité mises en place pour voler sans danger et épargner des vies. L'été dernier, le BST a donc envoyé un questionnaire aux pilotes de 83 exploitants canadiens qui desservent de nombreux aéroports nordiques éloignés au pays. Nous voulions savoir si les circonstances de l'événement de Fond-du-Lac se retrouvent ailleurs dans l'industrie.

Les résultats de cet exercice, auquel la participation était anonyme et facultative, ont été révélateurs.

Nous avons reçu plus de 650 questionnaires remplis par des pilotes de nombreux types d'aéronefs qui livrent une vaste gamme de services aériens commerciaux.

L'analyse préliminaire de ces données nous a appris qu'aux aéroports nordiques éloignés, les aéronefs décollent fréquemment alors que leurs surfaces critiques sont contaminées. Et par « aéronef », j'entends tous les modèles : des avions de transport à réaction et à turbopropulseurs, des turbopropulseurs pour les navettes et des taxis aériens de tous types.

Et le problème est beaucoup trop fréquent. En fait, près de 40 % des pilotes qui ont répondu au questionnaire ont indiqué qu'ils sont « rarement » ou « jamais » en mesure de faire dégivrer leur aéronef efficacement dans les aéroports éloignés.

Il ne s'agit pas d'un problème localisé. Selon les répondants, il se retrouve sur une vaste étendue du pays. Comme la saison du gel peut durer 10 mois ou plus à de nombreux aéroports éloignés, le risque est substantiel.

C'est pourquoi nous émettons nos recommandations aujourd'hui au lieu d'attendre la fin de l'enquête. L'hiver est déjà arrivé dans les régions nordiques éloignées, et les lacunes que visent nos recommandations doivent être corrigées maintenant.

Kathy Fox

Le BST émet des recommandations lorsqu'il découvre des lacunes de sécurité graves et systémiques auxquelles il faut remédier. Des milliers de départs ont lieu chaque année dans les aéroports nordiques éloignés, et l'analyse des réponses au questionnaire est claire : ce problème est généralisé et courant. Il expose les équipages et les passagers à un risque indu.

Voici ce que nous recommandons.

Tout d'abord, il faut assurer la disponibilité de l'équipement nécessaire. Transports Canada, les exploitants aériens et les administrations aéroportuaires doivent collaborer d'urgence pour cibler les emplacements à risque élevé, analyser les risques, et prendre des mesures d'atténuation. Autrement dit, il faut donner aux employés les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail : des pulvérisateurs plus puissants et de l'équipement pour atteindre les surfaces élevées, comme des appareils élévateurs et des flèches. Tant pour le dégivrage que pour l'antigivrage. Comme les pilotes de toutes les régions du pays nous l'ont dit : on ne peut pas utiliser ce qu'on n'a pas.

En deuxième lieu, il faut améliorer la conformité au règlement. Pourquoi y a-t-il tant de pilotes qui continuent de décoller avec du givre, de la neige ou de la glace sur des surfaces critiques de l'appareil contrairement au règlement? Au-delà de l'équipement inadéquat et des pressions opérationnelles, la raison découle partiellement de la nature humaine. Faites quelque chose d'un peu risqué une fois. S'il n'arrive rien de grave, vous serez plus enclin à recommencer. Non pas parce que vous ignorez les risques, mais parce que vous n'avez pas subi de conséquences négatives. Faites-le souvent, même si ce n'est qu'un peu chaque fois et avec le temps, votre écart du règlement, cette déviation des procédures de vol sécuritaires, deviendra normalisé.

Pour renverser cette situation, Transports Canada et les exploitants aériens doivent agir immédiatement. Ils pourraient, par exemple, modifier les politiques, la formation ou les normes d'exploitation des compagnies. Ils pourraient aussi modifier les listes de vérification des inspections prévol afin qu'elles exigent, disons, un avion décontaminé ou une autre mesure d'atténuation prise par le commandant de bord. Quelles que soient les mesures retenues, elles doivent, à brève échéance, renforcer la conformité au Règlement de l'aviation canadien et réduire la possibilité que des équipages décollent avec des surfaces critiques contaminées.

Sinon, les personnes qui voyagent en direction et en provenance de nombreuses communautés nordiques éloignées partout au Canada demeureront exposées à des risques indus.

Merci.