Language selection

Rapport d'enquête aéronautique A09C0017

Collision avec le relief au décollage
du De Havilland DHC-6 de la série 100 C-FCCE
exploité par Transwest Air Limited
à La Ronge (Saskatchewan)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le de Havilland DHC-6 de la série 100 monté sur skis, immatriculé C-FCCE, numéro de série 8, exploité par Transwest Air Limited décolle d'une piste sur neige située sur le côté est et en parallèle avec la piste 36 de l'aéroport de La Ronge (Saskatchewan). Dès l'instant où le ski du train avant ne touche plus à la neige, l'aile gauche se soulève et l'aéronef se déporte vers la droite. Le commandant de bord, qui est le pilote aux commandes, poursuit le décollage. Toutefois, le ski droit demeure en contact avec la neige. L'avion décolle brièvement et évite une ravine profonde à droite de la piste. L'appareil demeure fortement incliné à droite et l'aile droite touche le sol recouvert de neige. Il passe au travers d'une clôture à mailles losangées et, vers 9 h 15, heure normale du Centre, il s'écrase dans des arbres qui encerclent l'aéroport. Les cinq passagers et les deux membres d'équipage sont légèrement blessés, mais sortent d'eux-mêmes de l'appareil. Un petit incendie se déclare près de la tuyère d'échappement du moteur droit et il est immédiatement éteint par l'équipage.

Renseignements de base

Les observations météorologiques signalées à La Ronge à 9 hFootnote 1 étaient les suivantes : vent du 180° vrai à 4 nœuds; visibilité de 15 milles terrestres (sm); nuages épars à 12 000 pieds au-dessus du sol (agl); nuages fragmentés à 25 000 pieds agl; température de −10 °C point de rosée de −12 °C calage altimétrique de 29,55 pouces de mercure. L'avion était demeuré stationné à l'extérieur sur la neige pendant plusieurs jours. Il a neigé chaque jour entre le moment où l'appareil a fait son dernier vol le 29 janvier 2009 et la journée de l'accident. La température dans l'après-midi du 31 janvier était égale ou supérieure à 0 °CFootnote 2.

La piste sur neige était située sur le côté est et en parallèle avec la piste 18/36 de l'aéroport de La Ronge. Étant donné que la piste n'était pas entretenue par l'exploitant de l'aéroport, son utilisation était laissée à la discrétion des exploitants pourvus d'appareils montés sur skis. La surface de la piste était constituée d'une couche de neige bien tassée recouverte d'une couche de neige fraîche non tassée d'environ trois à quatre pouces d'épaisseur. La neige sur la bordure de la piste était molle. Un boisé dont le sommet des arbres atteignait environ 90 pieds agl se trouvait à environ 350 pieds à l'est de la piste sur neige.

Le commandant de bord, qui était le pilote aux commandes, était titulaire d'une licence de pilote professionnel valide et son contrôle de compétence pilote sur DHC-6 était à jour. Il totalisait plus de 14 000 heures de vol, dont plus de 11 000 heures sur le DHC-6 (y compris plus de 1000 heures de vol sur des appareils montés sur skis), dont la plupart en tant que commandant de bord. Les dossiers de la compagnie indiquent qu'il avait suivi une formation en pilotage d'appareils montés sur skis en décembre 2008. Il avait également suivi une formation sur les opérations en conditions de givrage au sol en janvier 2009. Le commandant de bord avait travaillé deux jours depuis les sept derniers jours et avait accumulé 5,2 heures de vol. Il n'avait pas piloté le jour précédant l'accident.

Le premier officier, qui était le pilote qui n'était pas aux commandes, était titulaire d'une licence de pilote professionnel valide et son contrôle de compétence pilote sur DHC-6 était à jour. Il totalisait approximativement 625 heures de vol, dont environ 425 heures sur le DHC-6 en tant que premier officier. Il n'avait effectué qu'un seul vol antérieur sur un appareil monté sur skis. Les dossiers de la compagnie indiquent qu'il avait suivi une formation périodique en janvier 2009, ce qui représentait sa seule journée de vol des sept derniers jours, et il avait également suivi une formation sur les opérations en conditions de givrage au sol en janvier 2009.

La formation sur les opérations en conditions de givrage au sol s'articulait autour de la publication de Transports Canada « Dans le doute… Programme de formation pour petits et gros aéronefs - Formation sur la contamination des surfaces critiques des aéronefs à l'intention des équipages de conduite et du personnel de piste » (TP 10643). Les deux membres d'équipage avaient passé un examen écrit basé sur les questions comprises dans le chapitre 6 de ce manuel.

La masse et le centre de gravité de l'aéronef étaient à l'intérieur des limites prescrites. La masse au décollage était d'environ 11 000 livres.

Le premier officier a pris son service à 8 h, soit environ une heure avant le départ, afin de préparer l'avion. Il a terminé la vérification extérieure et a démarré le système de réchauffement des moteurs et de la cabine. Pendant la vérification extérieure, le premier officier a utilisé un escabeau suffisamment haut pour vérifier les ailes et balayer la neige accumulée. Le stabilisateur qui ne semblait pas être couvert de neige n'a pas été balayé. Le commandant de bord est ensuite arrivé et a montré au premier officier, qui était inexpérimenté sur les appareils montés sur skis, comment soulever le train d'atterrissage afin d'éviter que les skis ne collent à la neige. L'équipage n'a pas effectué d'inspection tactile des ailes pour s'assurer qu'elles n'étaient pas contaminées. Ensuite, les cinq passagers ont été appelés, ont quitté le terminal et sont embarqués dans l'avion.

Après le démarrage des moteurs, l'équipage a été avisé qu'un vent de cinq nœuds soufflait du 160° magnétique. Le commandant de bord a choisi la piste sur neige adjacente à la piste 36 afin de réduire le temps de roulage et, compte tenu du faible vent, il a décidé de décoller en mettant le cap au nord. Pendant le roulage, l'équipage a configuré l'avion et a réglé les volets à 30°.

Durant la course au décollage, le premier officier a réglé et a surveillé la puissance moteur dont le réglage du couple moteur au décollage était de 40 livres par pouce carré (lb/po²). Le commandant de bord a tenu le manche complètement vers l'arrière jusqu'à ce que le ski du train avant décolle et, par la suite, il a abaissé légèrement le nez pour prendre de la vitesse le plus rapidement possible. Les pilotes de la compagnie qui pilotent des appareils montés sur skis considéraient que cette procédure de décollage s'apparentait à celle d'un décollage sur terrain mou et ils l'utilisaient régulièrement afin de réduire la contrainte exercée sur le train avant lors d'opérations sur des surfaces non aménagées.

Lorsque le ski du train avant a quitté la neige, l'aile gauche s'est soulevée et l'avion s'est déporté vers la droite. Parce qu'il croyait que l'appareil avait quitté le sol et qu'une réduction de puissance risquait alors d'accroître le moment de roulis, le commandant de bord a pensé qu'il serait plus sécuritaire de poursuivre le décollage. Il ne savait pas que le ski droit touchait encore à la neige. Pendant que l'aile gauche se soulevait, le premier officier se concentrait sur la surveillance et le maintien de la puissance à un couple moteur de 40 lb/po². L'équipage n'a pris aucune autre lecture des instruments moteur et n'a constaté aucun signe d'une défaillance des moteurs, lesquels n'émettaient pas de bruit inhabituel.

Le commandant de bord a enfoncé complètement la pédale de palonnier gauche, mais il a été incapable d'arrêter le moment de roulis et il a essayé de ramener les ailes à l'horizontale en braquant à fond le volant vers la gauche. Il n'a pas réussi à ramener les ailes à l'horizontale, mais il est néanmoins parvenu à freiner le moment de roulis. L'avion a poursuivi sa trajectoire en arc vers la droite en direction d'une ravine profonde, en demeurant incliné à droite, son ski droit toujours en contact avec la neige. L'avion a décollé brièvement et a évité la ravine, mais il ne semblait pas pouvoir éviter les arbres sur le périmètre du terrain d'aviation. Le commandant de bord a donné l'ordre de rentrer les volets dans le but de réduire la traînée et d'éviter ainsi les arbres. L'avion a commencé à s'enfoncer et le commandant de bord a demandé que les volets soient réglés à 30°. L'avion était toujours incliné à droite et l'aile droite s'est enfoncée dans la neige et a ensuite heurté la clôture de l'aéroport. L'aéronef a continué à déraper vers la droite jusqu'à ce qu'il s'écrase dans les arbres au-delà de la clôture. Les passagers et l'équipage ont quitté l'appareil en n'ayant subi que des blessures mineures.

Un autre aéronef a avisé la station d'information de vol qu'il y avait eu un écrasement et les services de secours ont été expédiés immédiatement. Les pompiers répondants n'ont pas eu besoin d'utiliser un agent extincteur.

Les traces laissées par les skis étaient bien visibles après l'accident et elles indiquaient que le dessous des skis était propre. Les traces de la course au décollage étaient droites et leur profondeur correspondait à celle de la couche de neige molle. Elles permettaient de voir que le ski du train avant avait décollé en premier et avait touché de nouveau brièvement le sol à trois reprises avant que le ski du train principal gauche ne décolle à son tour à environ 900 pieds du début de la piste sur neige. À peu près 100 pieds plus loin, la trace du ski du train principal droit a commencé à tourner vers la droite. Dans la neige molle en dehors de la piste, la profondeur de la trace du ski droit était de cinq à sept pouces environ juste avant la ravine, à l'endroit où l'avion a décollé. La trace du bout de l'aile droite a commencé juste au-delà de la ravine et a décrit un arc vers la droite en direction de la clôture de périmètre, là où a débuté les traces de l'épave principale.

Le décollage sur skis a progressé normalement jusqu'au moment où le ski gauche est sorti de la neige. Selon les renseignements contenus dans le supplément du manuel de vol (AFM) de l'avion à skis, le ski du train avant et le ski du train principal gauche ont quitté le sol après avoir parcouru une distance normale pour la technique de décollage utilisée et les conditions existantes.

Aucune anomalie antérieure à l'impact n'a été constatée sur le train d'atterrissage sur skis. Le ski droit était fixé correctement au train d'atterrissage droit. Les câbles porteurs et les ferrures de fixation étaient également fixés correctement.

Une vérification des deux moteurs a révélé que les tubulures de gaine d'échappement étaient tordues, ce qui indique qu'elles ont été frappées par les hélices à grande puissance. Des entailles sur les arbres et des dommages aux deux moyeux d'hélice et aux pales laissent également croire que les moteurs produisaient une grande puissance durant la séquence de l'impact. L'examen des hélices a révélé que les pales étaient réglées à un petit pas au moment de l'impact. Il n'y a eu aucun signe de perte de puissance durant le décollage.

Le moteur droit s'est détaché de la nacelle et a été retrouvé à environ 10 pieds derrière l'aile droite. Une inspection du moteur droit a révélé que les dispositifs anti-vibrateurs intérieur et supérieur, communément appelés bâtis moteur, s'étaient complètement fracturés et que leurs boulons étaient tordus. Le bâti moteur extérieur était intact et il portait un morceau arraché à la structure de la nacelle. Les bâtis fracturés ont été envoyés au laboratoire du BST à Ottawa pour poursuivre l'analyse, laquelle a révélé des criques de fatigue préexistantes. Toutefois, la torsion des boulons des bâtis des deux moteurs indique que les bâtis moteur détériorés par la fatigue étaient encore intacts pendant la course au décollage. L'analyse a révélé que la combinaison des grandes forces rotationnelles de l'hélice à l'impact et la présence des criques de fatigue préexistantes dans les bâtis moteur supérieur et intérieur droit a provoqué une rupture due à une surcharge des deux bâtis, ce qui a entraînée la séparation du moteur droit.

Le calendrier de maintenance de l'exploitant aérien approuvé par Transports Canada (TC) pour les DHC-6 de la compagnie exigeait que les dispositifs anti-vibrateurs des moteurs subissent une inspection visuelle à toutes les 200 heures de vol en vertu d'une spécification selon état figurant dans les exigences relatives aux tâches hors calendrier. Cette spécification n'exigeait pas que le temps dans les airs de chaque bâti soit consigné, et les dossiers de maintenance de la compagnie ne comprenaient aucune inscription quant à l'historique de l'entretien des bâtis moteur et leur temps total en service. Le manuel de maintenance de l'aéronef (AMM) du constructeur exige une révision ou le remplacement des dispositifs anti-vibrateurs des moteurs toutes les 3000 heures. Le manuel exige la tenue de dossiers quant à l'entretien des dispositifs anti-vibrateurs et une inspection des bâtis par liquide fluorescent.

Des dommages et des empreintes constatés sur le côté droit du fuselage près des volets indiquent que les volets étaient braqués à 30° au moment de l'impact. Une inspection ultérieure a révélé que les composants de la cellule, y compris le système de volets, le système de contrôle automatique de vol et le circuit de compensation ne comportaient aucune anomalie avant l'impact.

Plusieurs photos de l'appareil ont été prises immédiatement après l'accident. L'extrados de l'aile droite était visible dans les photos, mais l'aile gauche ne l'était pas. De la contamination était visible sur les volets près de l'emplanture de l'aile droite et semblait s'étendre vers l'extérieur sous la forme d'une ligne le long des flaperons. De la contamination était également visible sur la région peinte en bleu autour de la nacelle du moteur (voir la photo 1). Des dépôts d'huile étaient également visibles sur l'aile droite en provenance du moteur droit lorsqu'il a été arraché de ses bâtis. Ces dépôts d'huile ont été comparés aux dépôts que l'on pouvait voir dans les photos prises le lendemain de l'accident quand la température était passée au-dessus de zéro. On a noté des différences significatives dans la taille de ces dépôts (voir la photo 2). Ces différences s'expliquent probablement par la fonte des contaminants gelés qui, au départ, emprisonnaient l'huile et l'empêchaient de se répandre davantage. La contamination des ailes augmente la traînée aérodynamique et réduit la portance.

L'extrait suivant provient de la publication de Transports Canada « Lignes directrices pour les aéronefs - lors de givrage au sol » (TP 14052).

Une très légère rugosité de surface, causée par des contaminants gelés, peut avoir des effets très importants sur la vitesse de décrochage, les caractéristiques de décrochage, la qualité de la manœuvrabilité et l'augmentation de la puissance due à l'augmentation de la traînée.

L'effet de la contamination des ailes, particulièrement près du bord d'attaque, peut faire que l'angle de décrochage de l'aile soit atteint avant que le klaxon de l'avertisseur de décrochage retentisse ou que le pousseur de manche entre en action, particulièrement durant les manœuvres à fort angle d'attaque, comme lors de la rotation au décollage. Le pilote n'aura pas ou peu d'avertissements dans de telles conditions. La rugosité du bord d'attaque, en particulier durant les périodes à fort angle d'attaque comme lors de la rotation au décollage, a des effets très néfastes sur le rendement des profils aérodynamiques. La contamination du bord d'attaque d'une aile est par conséquent une source de préoccupation particulière.

La contrôlabilité, particulièrement sur l'axe de roulis, peut s'avérer extrêmement difficile ou même impossible. Cette difficulté avec le contrôle latéral peut survenir lorsque l'aile est contaminée à l'avant des ailerons, perturbant ainsi l'écoulement de l'air sur l'aileron et réduisant l'efficacité des ailerons. Cette situation peut s'aggraver si les ailes sont contaminées asymétriquement, ce qui veut dire, si une aile est plus contaminée que l'autre. Le fait d'exploiter un aéronef dans de telles conditions peut entraîner des conséquences pouvant être graves.

La section 3.6 des procédures d'utilisation normalisées (SOP) de Transwest Air Limited stipule ceci : [traduction] « Lors d'opérations par températures froides, le fuselage, les ailes, les ailerons, les volets et la queue, y compris les gouvernes de profondeur, la gouverne de direction et le stabilon, devront être libres de neige, de glace et de givre avant le départ. »Footnote 3

L'information suivante provient de la publication de Transports Canada « Dans le doute… Programme de formation pour petits et gros aéronefs - Formation sur la contamination des surfaces critiques des aéronefs à l'intention des équipages de conduite et du personnel de piste » (TP 10643) : « À moins que d'autres procédures n'aient été approuvées à cette fin, une inspection tactile des surfaces extérieures doit être effectuée sur tous les avions dépourvus de dispositif de bord d'attaque… »

Photo 1. L'aile droite immédiatement après l'accident.
Photo of L'aile droite immédiatement après l'accident.
Photo 2. L'aile droite deux jours après l'accident.
Photo of L'aile droite deux jours après l'accident.

Le supplément du AFM du DHC-6 de la série 100 pour l'avion à skis et à roues, et pour l'avion à skis mentionne que la procédure de décollage de l'avion monté sur skis est identique à celle décrite dans la section 2 du AFM pour un avion terrestre. Selon la procédure, l'appareil doit être piloté de sorte qu'il décolle à la vitesse recommandée dans le AFM, laquelle doit être conforme aux exigences du RAC.

La procédure de décollage employée par le commandant de bord correspondait à la procédure spécifiée pour un décollage à performances maximales pour avion à décollage et atterrissage courts (ADAC). Les procédures à suivre dans le cas d'un décollage sur terrain court se trouvent dans la partie 5 du AFM. Une remarque au début de cette partie précise que les procédures tirent parti du plein potentiel ADAC de l'avion et qu'elles n'assurent pas le niveau de sécurité exigé par le RAC pour la catégorie d'opérations normales et qu'elles ne peuvent pas être employées à moins d'obtenir une autorisation particulière de l'autorité de réglementation. Un décollage à performances maximales ADAC diminue la marge de sécurité de l'avion en ce qui a trait à sa vitesse de décrochage et à sa vitesse minimale de contrôle (Vmc).

Les spécifications d'exploitation 098 de Transports Canada, « Décollages à performances maximales (ADAC) - avion Twin Otter DHC-6 » n'avaient pas été délivrées à Transwest. Ni le manuel d'exploitation de Transwest ni les procédures d'utilisation normalisées (SOP) du DHC-6 n'offraient de lignes directrices quant aux décollages et aux atterrissages à performances maximales ADAC.

On a déposé pour fins d'analyse l'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) et ses composants connexes. Le CVR contenait des données audio d'un vol antérieur et n'était pas en marche lors du vol en question. L'examen du CVR a révélé que le commutateur à inertie avait été déclenché. Il a été impossible de déterminer avec précision à quel moment le CVR est devenu non-fonctionnel et depuis combien de temps. Il est permis, en vertu de la liste d'équipement minimal (MEL) de l'aéronef, d'effectuer un vol en l'absence d'un CVR fonctionnel pourvu que les réparations soient faites en dedans de trois jours de vol; toutefois, le boîtier de commande du CVR n'était pas fixé et aucune inscription n'a été faite dans le carnet de route d'aéronef comme l'exige la MEL. La séquence et le minutage des activités de l'équipage durant le roulage et le décollage qu'il a tenté d'effectuer n'ont pu être rigoureusement établis faute d'information dans le CVR.

Transwest est titulaire de nombreux certificats d'exploitation aérienne (CEA) délivrés par Transports Canada (TC), dont un qui a été délivré en vertu de la sous-partie 705 du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Le RAC exige que le titulaire d'un CEA délivré en vertu de la sous-partie 705 mette en place, tienne à jour et fasse usage d'un système de gestion de la sécurité (SGS). De plus, le SGS doit être représentatif de la taille, de la nature et de la complexité des opérations, sans oublier les activités et les risques afférents aux opérations du titulaire d'un tel certificat. Transwest était en train de mettre en place un SGS à l'échelle de l'entreprise qui portait notamment sur ses opérations sur Twin Otter. Le SGS est un concept relativement nouveau dans l'industrie de l'aviation au Canada et TC avait antérieurement effectué une vérification réglementaire chez Transwest de type inspection/vérification. Un plan en quatre phases a été mis en œuvre pour la transition vers le SGS.

En janvier 2007, un B100 de Transwest s'est écrasé durant une remise des gaz à Sandy Bay (Saskatchewan). L'enquête du BSTFootnote 4 a mis en évidence le fait que des manquements reliés aux activités de supervision de Transwest ont mené à de grands écarts par rapport aux SOP du King Air, une pratique constante et très répandue qui est passée inaperçue. À cette époque (en 2007), le système de gestion de la sécurité de Transwest ne pouvait pas, ou on ne s'attendait pas à ce qu'il puisse, détecter, analyser et atténuer les risques inhérents à l'événement.

Au début de 2008, TC était venu sur les lieux afin d'évaluer si les composants et les éléments nécessaires à la phase 3 de la mise en œuvre du SGS de Transwest avaient été mis en place et s'ils étaient fonctionnels. Le degré d'achèvement de la phase 3 indiquait que Transwest avait mis en place un processus proactif d'identification des risques. Une lettre d'acceptation avait été émise à Transwest le 6 mars 2008. La phase 4 devait se terminer à la fin de 2009.

Un examen de l'état d'avancement du programme de Transwest sur le SGS a été effectué par TC en avril 2009 en prévision de l'évaluation de la phase 4 qui devrait avoir lieu pour que TC puisse statuer sur l'état d'achèvement de la phase 4. L'examen a révélé que le système de rapports de l'entreprise était en développement, mais que Transwest en était encore essentiellement à la phase de réaction de la mise en œuvre du SGS. Il s'est avéré nécessaire d'améliorer la phase portant sur le plan des mesures correctives de chaque enquête de sécurité menée à l'interne. TC n'a fait aucune constatation ni observation quant à la supervision effectuée par Transwest en ce qui a trait au respect des SOP.

Analyse

Malgré le fait que l'exploitant n'avait pas l'autorisation d'effectuer des décollages à performances maximales ADAC sur ce type d'aéronef, l'équipage a néanmoins tenté d'effectuer un tel décollage.

Un examen de l'état de la neige sur la piste ainsi que du ski du train principal droit et de ses ferrures de fixation a révélé que ces éléments ne constituaient pas un facteur probable dans la séquence de l'accident. Les traces du bref contact du ski du train avant laissées après son décollage initial, suivies de près par le décollage du ski gauche, laissent croire que l'avion a accéléré jusqu'au point où il aurait dû décoller. Étant donné que le commandant de bord était convaincu que l'avion avait pris son envol, il est probable qu'il a interprété ces mouvements comme des signes que l'appareil avait effectivement décollé et qu'il était alors en vol. Les traces du contact bref du ski du train avant laissent également croire que le commandant de bord a d'abord tenté d'effectuer un décollage à performances maximales ADAC tel que décrit dans le manuel de vol.

Quand l'avion s'est mis à effectuer des mouvements de lacet et de roulis vers la droite, le commandant de bord a choisi de poursuivre le décollage croyant que ce plan d'action serait plus sûr que d'interrompre le décollage alors que l'avion était déjà en vol. Le fait qu'il a été capable de maîtriser les mouvements de roulis, de lacet et de cabrage de l'avion indique que les commandes étaient fonctionnelles. La réponse des gouvernes correspond aux résultats obtenus lors de l'examen après impact des systèmes de commandes, et il est peu probable que le mauvais fonctionnement d'une commande soit un facteur contributif de l'accident.

La position de déjaugeage du ski du train avant et du ski du train principal gauche se trouvait à peu près à l'endroit où l'on pouvait s'attendre que le décollage ait lieu, ce qui laisse croire que le premier officier a maintenu la puissance à un couple moteur de 40 lb/po². Même si le ski du train droit s'est enfoncé davantage dans la neige molle au moment où l'avion s'est déporté, sa vitesse a continué à augmenter et il a décollé juste avant la ravine. Cette accélération indique une puissance moteur élevée et correspond aux résultats obtenus lors de l'examen après impact des moteurs et des hélices.

L'examen et l'analyse effectués par le laboratoire du BST des criques de fatigue trouvées dans les deux bâtis du moteur droit ont révélé qu'elles n'ont probablement pas contribué à l'accident. Par conséquent, il est peu probable qu'une perte de puissance moteur ou qu'un mauvais fonctionnement aient été un facteur contributif de l'accident.

Les activités de maintenance décrites dans le AMM pour les dispositifs anti-vibrateurs des moteurs sont plus strictes que les exigences d'inspection contenues dans le calendrier de maintenance approuvé de l'entreprise et elles auraient dû être suivies. Les criques de fatigue sur les dispositifs anti-vibrateurs des moteurs n'ont pas été décelées parce qu'ils ont fait l'objet d'une inspection visuelle en vertu du calendrier de maintenance de l'entreprise plutôt que d'une inspection par liquide fluorescent.

Lorsque l'équipage a rentré les volets dans le but d'accélérer et de franchir ainsi les arbres, la perte de portance a fait s'enfoncer l'avion. Puisque l'avion était encore incliné à droite, le bout de l'aile droite s'est enfoncé dans la neige et a heurté la clôture. Le commandant de bord avait ordonné que les volets soient à nouveau réglés à 30° et les traces de l'impact sur le fuselage correspondaient à ce réglage. Le déplacement des volets n'a pas produit de mouvement aérodynamique autre qu'une perte d'altitude, ce qui est normal. Le comportement de l'avion pendant le déplacement des volets est conforme aux résultats obtenus lors de l'examen après impact du système de volets et il est peu probable qu'un mauvais fonctionnement des volets soit un facteur contributif de l'accident.

Les données météorologiques de La Ronge indiquaient qu'il y avait eu deux périodes de neige après que l'avion eut été stationné le 29 janvier 2009 et que, dans l'après-midi du 31 janvier, des températures égales ou supérieures à zéro avaient été observées. Par conséquent, il est probable que la neige sur les gouvernes ait fondu, se soit ensuite transformée en glace et ait adhéré aux gouvernes. Une chute de neige survenue subséquemment a camouflé cette contamination. Même si le premier officier a balayé toutes les gouvernes pour y enlever la neige, il aurait été impossible de confirmer que toute contamination avait été éliminée sans faire une inspection tactile, ce qui n'a pas été fait. Par conséquent, il y a probablement eu contamination des surfaces critiques, comme le laissent croire les photos prises après l'accident.

Aucune défaillance mécanique, qui aurait pu expliquer le mouvement de lacet vers la droite et l'inclinaison latérale après que le ski du train avant et le ski du train principal gauche ont cessé de toucher au sol, n'a été trouvée. Toutefois, la contamination sur l'aile droite, mise en évidence par les photos, aurait pu provoquer une dégradation de la portance et une augmentation de la traînée sur l'aile droite, la laissant en décrochage à la faible vitesse propre à un décollage à performances maximales ADAC. Bien que l'état de l'aile gauche n'ait pas été documenté en photo, le déjaugeage de l'aile gauche s'est fait à l'intérieur des limites prévues par le supplément du manuel de vol pour avion sur skis. Par conséquent, l'aile gauche était probablement non-contaminée ou moins contaminée. Il est probable, cependant, qu'une contamination asymétrique des ailes ait créé un différentiel de portance, provoquant un mouvement de roulis et de lacet vers la droite. L'intervention du commandant de bord qui a tenté de soulever l'aile en braquant l'aileron aurait augmenté l'angle d'attaque de l'aile droite et empiré la situation. L'avion a réussi à atteindre une vitesse qui générait suffisamment de portance sur l'aile droite, ce qui a permis au ski droit de décoller. La proximité des arbres empêchait, toutefois, un départ sécuritaire. Quand on a sorti les volets, la portance sur l'aile droite a diminué de nouveau et le bout de l'aile droite s'est enfoncé dans la neige.

Les deux anomalies principales qui ont été trouvées au cours de l'enquête - la contamination d'aile non détectée et l'utilisation non autorisée de techniques de décollage à performances maximales ADAC - n'ont pas été identifiées par le SGS en fonction à Transwest, pas plus que les deux autres anomalies - l'utilisation de moyens moins efficaces pour la vérification des bâtis moteur et l'absence d'une mention dans le carnet de route d'aéronef de l'indisponibilité du CVR. Un SGS bien rôdé et proactif qui amène tout le personnel à travailler constamment pour identifier et éliminer les menaces à la sécurité permet effectivement d'atténuer ce genre d'anomalies.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. La contamination sur les ailes de l'avion n'a pas été complètement enlevée avant le décollage. Il est probable qu'une contamination asymétrique des ailes ait créé un différentiel de portance et une perte de contrôle latéral.
  2. Même si l'exploitant n'avait pas l'autorisation d'effectuer des décollages et atterrissages courts (ADAC) avec cet appareil, l'équipage a exécuté un décollage à performances maximales ADAC, réduisant la marge de sécurité de l'avion en ce qui a trait à sa vitesse de décrochage et à sa vitesse minimale de contrôle.
  3. À cause de la perte de contrôle latéral, de la faible vitesse utilisée pour le décollage à performances maximales ADAC et de la sollicitation des volets, l'avion n'est pas demeuré en vol et s'est déporté vers la droite, heurtant des obstacles qui se trouvaient à côté de la piste sur neige.

Faits établis quant aux risques

  1. Les exigences relatives aux tâches hors calendrier qui touchent les dispositifs anti-vibrateurs des moteurs répertoriées dans le calendrier de maintenance de l'exploitant approuvé conduisent à des exigences en termes d'inspection qui sont moins strictes, augmentant ainsi la probabilité que des criques de fatigue ne soient pas détectées.
  2. Les bâtis intérieur et supérieur du moteur droit présentaient des criques de fatigue pré-existantes susceptibles de causer une défaillance catastrophique.

Autres faits établis

  1. L'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) contenait des données audio d'un vol antérieur et n'était pas en marche lors du vol en question. Les procédures de la liste d'équipement minimal (MEL) relatives aux inscriptions dans le carnet de route et celles relatives aux affichettes n'ont pas été suivies.
  2. Le système de gestion de la sécurité (SGS) de Transwest Air Limited n'a pas décelé les écarts commis à l'égard des procédures d'utilisation normalisées.

Mesures de sécurité

L'exploitant a pris les mesures suivantes :

Tous les bâtis moteur du DHC-6 ont été inspectés.

Le programme d'inspection de l'exploitant a été modifié afin d'y inclure la recommandation du constructeur de réviser ou de remplacer les bâtis moteur toutes les 3000 heures.

L'utilisation des procédures de décollages et atterrissages courts (ADAC) a été interrompue provisoirement.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .