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Rapport d'enquête aéronautique A18C0018

Défaillance des freins et collision au sol
Cessna Citation Bravo 550 privé, N4AT
et
Morningstar Partners Ltd., Bombardier CL-600-2B16, C-FXWT
Aéroport international James Armstrong Richardson de Winnipeg (Manitoba)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Déroulement du vol

Le 15 avril 2018, l'avion Cessna Citation Bravo 550 (Cessna) sous immatriculation privée (immatriculé N4AT aux États-Unis, numéro de série 550-0805) effectuait un vol de l'aéroport international de Calgary (CYYC) (Alberta) à destination de l'aéroport Laurence G. Hanscom Field de Bedford (KBED) (Massachusetts, États-Unis), avec une escale d'avitaillement à l'aéroport international James Armstrong Richardson de Winnipeg (CYWG) (Manitoba).

Le Cessna s'est posé sur la piste 36 à CYWG à 14 h 35Note de bas de page 1 et a roulé jusqu'à l'aire de trafic II avec le pilote et 1 passager à son bord. Un placier a guidé l'aéronef pour qu'il se stationne à l'aire de trafic du Fast Air Jet Centre. Une fois l'aéronef arrêté au point de stationnement assigné, le pilote et le passager ont attendu dans la salle d'attente qu'il soit ravitaillé en carburant.

Environ 20 minutes plus tard, une fois l'avitaillement terminé, le pilote et le passager sont retournés à l'aéronef pour se préparer à partir vers KBED. Le démarrage des moteurs s'est fait sous la supervision d'un placier. En mettant les gaz pour commencer à rouler, le pilote a tenté de virer à gauche – pour rouler vers la voie de circulation C et s'éloigner des autres aéronefs sur l'aire de trafic – en enfonçant la pédale du palonnier gauche et en actionnant le frein gauche. L'aéronef n'a pas répondu à la commande de freinage et n'a pas tourné comme prévu. Comme l'aéronef ne virait pas mais accélérait, le pilote a tenté de l'arrêter en enfonçant les deux pédales de frein. Les freins n'ont toutefois pas répondu, et l'aéronef a continué d'accélérer. Le pilote n'a pas tenté de serrer le frein de secours.

L'aile droite du Cessna a ensuite percuté le train avant d'un aéronef Bombardier CL-600-2B16 (Challenger 605) de Morningstar Partners Ltd. (immatriculé C-FXWT, numéro de série 5824), qui était stationné face au Cessna. Lorsque l'aile droite du Cessna est entrée en contact avec le train avant du Challenger 605, le Cessna a pivoté vers la droite et son train avant a touché l'aile droite du Challenger 605 (figure 1).

Figure 1. Lieu de la collision, montrant le N4AT (à gauche) et le C-FXWT (à droite)
Lieu de la collision, montrant le N4AT (à gauche) et le C-FXWT (à droite)

Le pilote du Cessna a alors coupé les moteurs de l'aéronef. Lui et le passager sont ensuite sortis de l'aéronef, par la porte de la cabine. Ni l'un ni l'autre n'a été blessé. On a observé du carburant fuyant de l'aile droite du Cessna. L'équipe au sol a utilisé une trousse de lutte contre les déversements pour confiner cette fuite. L'équipe au sol a également signalé la collision en téléphonant directement au poste d'incendie de l'aéroport. Il n'y a pas eu d'incendie, et la radiobalise de repérage d'urgence ne s'est pas déclenchée.

La collision a causé des dommages importants aux deux aéronefs.

Renseignements sur les pilotes

Le pilote du Cessna avait une licence de pilote de ligne américaine avec annotation de qualification pour le Cessna Citation 550, ainsi qu'un certificat médical valide. Il avait suivi sa formation annuelle au sol et en vol requise, du 12 au 14 juin 2017. Du 29 janvier au 1er février 2018, il avait suivi le cours 9899, approuvé par la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, au terme duquel un pilote américain peut piloter en solo des avions Cessna Citation 500, 550, 550S et 560 immatriculés aux États-UnisNote de bas de page 2. Le pilote avait accumulé plus de 3500 heures de vol, dont 3000 sur l'aéronef en cause dans l'événement à l'étude.

Renseignements sur l'aéronef

Généralités

Le Cessna Citation Bravo 550 est un avion d'affaires à cabine pressurisée propulsé par des turboréacteurs à double flux. L'aéronef en cause dans l'événement à l'étude a été construit en 1997 par Cessna Aircraft Company/Textron Aviation. Son altitude d'exploitation maximale est de 43 000 pieds au-dessus du niveau de la mer, et il est équipé d'un train d'atterrissage escamotable. Il peut accueillir 10 personnes au total, en comptant les sièges du pilote et du copilote. Cet aéronef est homologué pour les vols de jour et de nuit selon les règles de vol à vue ainsi que selon les règles de vol aux instruments. L'aéronef en cause dans l'événement à l'étude est immatriculé aux États-Unis et entretenu conformément à la réglementation de la FAA.

Masse et centrage

L'aéronef en cause dans l'événement à l'étude a une masse à vide de 9173 livres et une masse maximale au décollage de 14 800 livres. Au moment de l'événement à l'étude, il y avait 4860 livres de carburant à bord, et la masse brute totale de l'aéronef était de 14 758 livres. L'aéronef respectait les limites de poids et d'équilibrage applicables pour le vol prévu.

Circuit de freinage hydraulique

L'aéronef en cause dans l'événement à l'étude est équipé d'un circuit de freinage hydraulique multidisques antidérapant assisté par servofrein. Le dispositif antidérapant maximise l'efficacité du freinage en empêchant les roues de se bloquer, tandis que le servofrein permet un freinage assisté en douceur. Lorsque l'aéronef manœuvre au sol à des vitesses inférieures à 12 nœuds, la fonction antidérapage est désactivée.

La pression hydraulique du circuit de freinage antidérapant à assistance par servofrein est fournie par une pompe hydraulique actionnée par un moteur électrique. Le moteur est commandé par un manocontacteur qui s'ouvre lorsque la pression du circuit atteint 1300 lb/po² et se ferme à 900 lb/po². Un accumulateur incorporé permet de maintenir la pression du circuit lorsque la pompe ne fonctionne pas. Lorsque la pression du circuit chute sous 750 lb/po², un manocontacteur de basse pression se ferme et allume le voyant ambré LO BRK PRESS (basse pression de frein) sur le panneau annonciateur (figure 2).

Figure 2. Panneau annonciateur en mode de test, tous voyants allumés, avec le voyant LO BRK PRESS encerclé
Panneau annonciateur en mode de test, tous voyants allumés, avec le voyant LO BRK PRESS encerclé

L'assistance au freinage est commandée par les maîtres-cylindres qui sont connectés au sommet de chaque pédale de palonnier, et parfois appelés freins en bout de pied ou freins de palonnier. Lorsque le pilote actionne les freins de palonnier, la pression hydraulique générée par les maîtres-cylindres actionne le répartiteur de servofrein et d'antidérapage qui applique la force de freinage assisté aux roues.

 Frein de secours

En cas de défaillance dans le circuit de freinage hydraulique, y compris une défaillance de la pompe de frein, seul le circuit de freinage pneumatique de secours peut assurer le freinage. L'aéronef est muni d'un réservoir d'air comprimé qui fournit de l'air haute pression pour le freinage de secours et pour la sortie du train d'atterrissage. Le frein de secours est commandé par un robinet de freinage à main, situé sous le tableau de bord, qui achemine de l'air haute pression à chaque frein.

Inspection des composants des freins

L'ensemble moteur et pompe hydraulique (numéro de pièce MP50B-1) et le manocontacteur de basse pression de servofrein (numéro de pièce 9912163-1) ont été expédiés au Laboratoire d'ingénierie du BST à Ottawa (Ontario) à des fins d'examen approfondi.

Ensemble moteur et pompe hydraulique

L'examen de l'aéronef sur place par le BST et les essais en laboratoire réalisés par la suite sur l'ensemble moteur et pompe hydraulique ont permis de constater que celui-ci était inopérant. Le démontage du moteur a révélé une usure excessive des paliers d'induit et des éraflures sur l'induit (figure 3) et le stator (figure 4). Ces éraflures indiquent qu'il y aurait eu frottement et grippage de l'induit contre le stator.

Figure 3. Éraflures sur l'induit
Éraflures sur l'induit
Figure 4. Éraflures sur le stator
Éraflures sur le stator

L'ensemble moteur et pompe hydraulique est soumis à un programme d'entretien selon l'état, qui comprend une inspection visuelle et une vérification de fonctionnement du système périodiquesNote de bas de page 3, telles qu'elles sont prescrites par le constructeur de l'aéronef. La dernière inspection visuelle planifiée avait eu lieu le 1er mai 2017, soit environ 82 heures de vol avant l'événement. Aucune anomalie n'avait été relevée ou consignée.

Voici comment la FAA définit l'entretien selon l'état [traduction] :

Il s'agit d'une approche principalement axée sur la maintenance préventive, selon laquelle un dispositif ou une pièce fait l'objet d'inspections ou de vérifications périodiques, en fonction d'une norme physique appropriée, visant à déterminer si ce dispositif ou cette pièce peut demeurer en service. Le but de cette norme est le retrait du dispositif ou de la pièce du service avant que se produise une défectuosité en cours d'utilisation normaleNote de bas de page 4.

Manocontacteur de basse pression de servofrein

L'examen sur place a révélé que le voyant LO BRK PRESS du panneau annonciateur ne s'allumait pas lorsque la pression de frein était inférieure à 750 lb/po² (figure 5).

Figure 5. Panneau annonciateur durant l'examen sur place de l'aéronef en cause
Panneau annonciateur durant l'examen sur place de l'aéronef en cause

Les essais en laboratoire du manocontacteur de basse pression de servofrein ont révélé que celui-ci restait toujours ouvertNote de bas de page 5. Une analyse plus poussée a révélé une contamination interne par du liquide hydraulique et des dommages au joint d'étanchéité secondaire. On a découvert que la plaque de pression était grippée en position ouverte, probablement en raison de corrosion causée par le liquide hydraulique. L'ouverture du contacteur empêchait le voyant de basse pression de servofrein sur le panneau annonciateur de s'allumer en cas de basse pression.

L'entretien du manocontacteur de basse pression de servofrein consiste en une inspection visuelle et une vérification de fonctionnement du système périodiquesNote de bas de page 6, dans le cadre d'une approche d'entretien selon l'état. La dernière inspection visuelle planifiée avait eu lieu le 1er mai 2017, soit environ 82 heures de vol avant l'événement. Aucune anomalie n'avait été relevée ou consignée.

Intervention en cas d'urgence

Après la collision, le personnel de Fast Air Jet Centre a mis en branle les procédures de confinement de la fuite de carburant, notamment en recouvrant un drain d'un couvercle de caoutchouc et en créant une barrière pour éviter que le carburant ne pénètre dans le drain. Il a également placé un baril de plastique sous l'aile du Cessna pour recueillir le carburant qui fuyait.

Le personnel de Fast Air Jet Centre a téléphoné directement au poste d'incendie de l'aéroport plutôt qu'au numéro d'urgence de l'aéroport, et l'appelant n'a pas précisé que 2 aéronefs s'étaient percutés et qu'une quantité considérable de carburant se déversait. Lorsque le service d'incendie de l'aéroport est arrivé à l'aire de trafic II et a constaté l'ampleur de l'incident, le protocole d'intervention d'urgence de l'aéroport a été appliqué par le personnel d'intervention d'urgence.

Au cours du nettoyage après l'incident, on a estimé la quantité de carburant récupérée du sol à 55 L et la quantité recueillie dans le baril à 30 L.

Messages de sécurité

Dans l'événement à l'étude, le circuit de freinage de secours n'a pas été utilisé avant la collision, même si l'aéronef ne répondait pas à l'enfoncement de la pédale de frein. Les pilotes devraient être conscients que des défaillances peuvent survenir en tout temps et être prêts à appliquer les procédures d'urgence. Un essai des freins effectué au début du mouvement de l'aéronef pour s'assurer qu'ils fonctionnent correctement pourrait permettre aux pilotes de détecter d'éventuels problèmes du circuit de freinage.

L'événement fait également ressortir l'importance d'aviser l'intervenant approprié lorsque se produit un incident important, pour que les dangers soient circonscrits de la manière appropriée. Comme on a appelé directement le poste d'incendie, l'envergure réelle de l'incident n'a pas été saisie immédiatement. L'opérateur de la ligne téléphonique d'urgence de l'aéroport est formé pour poser des questions précises afin de bien déterminer l'envergure de l'incident et de veiller à ce qu'une intervention d'urgence appropriée soit lancée.

Mesures de sécurité prises

L'Administration aéroportuaire de Winnipeg a rappelé à tous ses locataires l'importance d'appeler le numéro de téléphone d'urgence approprié pour toutes les situations d'urgences touchant l'aéroport. Elle a également créé des affiches à placer un peu partout dans les installations aéroportuaires pour rappeler au personnel les numéros de téléphone à composer en cas d'urgence touchant l'aéroport.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Il a été officiellement publié le .