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Rapport d’enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R17V0220

Collision en voie principale entre un train et du matériel d’entretien
Chemin de fer Canadien Pacifique
Train de marchandises 868-078
Point milliaire 68,4, subdivision de Mountain
Fraine (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 31 octobre 2017, vers 6 h, heure avancée du Pacifique, le train de marchandises 868-078 du Chemin de fer Canadien Pacifique circulait vers l’est à 15 mi/h sur la subdivision de Mountain lorsqu’il est entré en collision avec une pelle rétrocaveuse équipée d’un chariot rail-route tout juste à l’ouest du point milliaire 68,4, près de Fraine (Colombie-Britannique). L’opérateur de rétrocaveuse a été grièvement blessé et transporté à l’hôpital. La flèche et le pare-brise de la rétrocaveuse ont été endommagés. Aucun membre de l’équipe de train n’a été blessé. La locomotive de tête a subi des dommages mineurs.

This report is also available in English.

1.0 Renseignements de base

1.1 L'accident

Le 31 octobre 2017 à 3 h 52Note de bas de page 1, le train de marchandises 868-078 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) a quitté Revelstoke (Colombie-Britannique) vers l'est à destination de Golden (Colombie-Britannique) (figure 1). Le train était composé de 2 locomotives de tête, 1 locomotive télécommandée en milieu de train, 1 locomotive télécommandée en queue de train et 152 wagons vides. Il pesait 3290 tonnes et mesurait 8363 pieds. L'équipe de train se composait de 1 mécanicien de locomotive et de 1 chef de train. Les 2 employés étaient qualifiés pour leur poste respectif, connaissaient bien le territoire et satisfaisaient aux exigences établies de repos et d'aptitude au travail.

Figure 1. Carte du lieu de l'événement (Source : Association des chemins de fer du Canada, Atlas des chemins de fer canadiens, avec annotations du BST)
Carte du lieu de l'événement

Des travaux en voie étaient en cours entre les points milliaires 66 et 69 sur la subdivision de Mountain, incluant l'installation d'un nouveau panneau d'aiguillageNote de bas de page 2. À cet endroit, il y a 2 voies principales – celle du nord est la voie Connaught, et celle du sud, la voie Macdonald (figure 2). Les travaux se déroulaient principalement sur la voie Connaught et étaient protégés en vertu de la règle 42 (Protection prévue) du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF)Note de bas de page 3.

Figure 2. Plan du lieu de l'événement
Plan du lieu de l'événement

À 5 h 45, tandis que le train approchait du point milliaire 71 sur la voie Connaught, l'équipe de train a communiqué avec le contremaître pour demander l'autorisation de circuler dans la zone de travaux, comme le stipule la règle 42. Le contremaître a communiqué avec les travailleurs de la voie qui étaient sous sa surveillance directe; le sous-contremaître, qui protégeait les travailleurs en vertu d'une autorité de protection déléguée par le contremaître; et le superviseur. Ayant reçu la confirmation que tous les travailleurs avaient dégagé la voie Connaught, le contremaître a accordé à l'équipe de train l'autorisation de circuler sans restriction dans la zone de travaux sur la voie Connaught.

Le contremaître se trouvait dans son véhicule, à un passage à niveau au nord-est de l'endroit où le superviseur et son équipe travaillaient sur le panneau d'aiguillage. Le contremaître pouvait voir la plupart des employés qui travaillaient hors voie, mais les travaux se déroulant sur la voie principale à l'ouest du signal 683C (là où se trouvait la rétrocaveuse) (figure 3) échappaient à sa vue.

Figure 3. Position des travailleurs au moment de l'accident
Position des travailleurs au moment de l'accident

Vers 6 h, alors que le train circulait à 25 mi/h et sortait d'une courbe de 1° vers la droite près du chantier, l'équipe de train a aperçu une pelle rétrocaveuse (rétrocaveuse) sur la voie. L'équipe de train a serré d'urgence les freins du train, mais n'a pu l'immobiliser, et le train a percuté la rétrocaveuse. L'opérateur de rétrocaveuse a été grièvement blessé et transporté à l'hôpital. La rétrocaveuse a été lourdement endommagée et la locomotive de tête n'a subi que des dommages mineurs. La voie n'a pas été endommagée.

L'événement s'est produit à la noirceur. Il pleuvait légèrement et la température était de 0 °C. L'appareil d'éclairage de chantier le plus près se trouvait à environ 600 pieds à l'est de la rétrocaveuse et au sud de la voie Macdonald. Le phare de la rétrocaveuse faisait face à l'est, et les projecteurs de travail arrière, à l'ouest. Le superviseur pouvait voir le phare de la rétrocaveuse, mais pas l'emplacement de celle-ci sur la voie. Le contremaître ne voyait ni le phare ni la position de la rétrocaveuse. L'opérateur de rétrocaveuse faisait face au train pendant qu'il travaillait.

1.2 Subdivision de Mountain

La subdivision de Mountain s'étend vers l'ouest depuis Field (Colombie-Britannique) (point milliaire 0,0) jusqu'à Revelstoke (Colombie-Britannique) (point milliaire 125,7). Dans les environs du lieu de l'événement, la voie consiste en une voie principale double en pente descendante d'environ 1 % vers l'est. Il y avait une courbe de 1° vers la droite dans le sens de la marche du train. Étant donné la pente montante vers l'ouest sur la voie Connaught, les trains se dirigeant vers l'ouest circulent habituellement sur la voie Macdonald, et les trains vers l'est, sur la voie Connaught.

Les mouvements de train y sont régis par le système de commande centralisée de la circulation autorisé en vertu du REF et supervisés par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) en poste à Calgary (Alberta).

Habituellement, 28 trains de marchandises circulent quotidiennement sur ce tronçon de la subdivision de Mountain. Dans les environs du lieu de l'événement, la voie est de catégorie 2, conformément au Règlement concernant la sécurité de la voie de Transports Canada (TC).

1.3 Règle 42 (Protection prévue) du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada

Au cours des 20 jours précédents, la règle 42 du REF avait été en vigueur pendant 17 jours à l'emplacement des travaux sur les 2 voies principales, de 2 h à 11 h (annexe A). Un contremaître désigné en vertu de la règle 42 (le contremaître) supervisait la protection des travailleurs de la voie pour s'assurer que tous les employésNote de bas de page 4, entrepreneurs et sous-contremaîtresNote de bas de page 5 avaient dégagé la voie avant que des trains soient autorisés à circuler dans la zone de travaux. Un superviseur qualifié en vertu du REF (le superviseur) était sur le chantier pour surveiller les travaux.

Certains des travailleurs de la voie (soudeurs, opérateurs d'équipe de nivellement, et opérateurs de divers matériels d'entretien [p. ex., rétrocaveuse, excavatrice]) étaient des employés contractuels de PNR RailWorks (PNR) ou de Talarico Excavating Ltd (Talarico). Les soudeurs sur le chantier étaient sous la protection directe du contremaître. Le contremaître avait accordé à l'équipe de nivellement (opérateurs de la régaleuse à ballast et de la bourreuse) la protection de sous-contremaître. Ces travailleurs de la voie étaient qualifiés pour leur poste respectif, connaissaient bien le territoire, et satisfaisaient aux exigences établies de repos et d'aptitude au travail.

Le superviseur avait officieusement assumé le devoir de protéger la plupart des travailleurs contractuels (y compris l'opérateur de rétrocaveuse, l'opérateur d'excavatrice, une équipe des services publics et des arpenteurs). Le contremaître n'avait pas délégué la protection de sous-contremaître au superviseur, mais il savait que le superviseur assumait officieusement ce rôle.

Durant les séances d'information sur les travaux avant le début des travaux, les travailleurs de la voie ont été informés des dispositions prévues à propos de l'itinéraire d'acheminement des trains. Avant le début des travaux ce jour-là, le contremaître avait convenu avec le CCF que les trains venant des 2 directions emprunteraient la voie Macdonald pour circuler dans la zone de travaux. Le CCF n'avait pas appliqué le blocage des signaux sur l'affichage de la voie pour indiquer les dispositions convenues. Ce matin-là, avant l'événement à l'étude, 2 trains vers l'ouest avaient traversé la zone de travaux sur la voie Macdonald.

Environ 1 heure avant l'événement, après avoir vérifié l'affichage de la voie sur son ordinateur portable, le contremaître a remarqué que le train 868-078 vers l'est approchait de la zone de travaux sur la voie Connaught. Le contremaître a averti les employés sous sa surveillance directe, les employés qui avaient reçu la protection de sous-contremaître, ainsi que le superviseur, qu'un train vers l'est allait circuler dans la zone de travaux sur la voie Connaught.

Avant qu'il n'autorise le train vers l'est à circuler dans la zone de travaux sur la voie Connaught, le contremaître a vérifié et reçu des employés sous sa surveillance directe, du sous-contremaître et du superviseur la confirmation que tous les employés et tout le matériel d'entretien avaient dégagé la voie. Il faisait noir et, depuis sa position, le contremaître ne pouvait pas apercevoir tout le matériel d'entretien, dont la rétrocaveuse.

Le superviseur a affirmé qu'il ne se rappelait pas avoir reçu d'appel de suivi du contremaître désigné en vertu de la règle 42 ni avoir confirmé que la voie Connaught était libre. Or, d'autres employés sur le chantier ont dit qu'ils se rappelaient avoir entendu cette conversation. Ces conversations n'ont pas été consignées.

1.4 Renseignements sur les travailleurs de la voie et sur le contrôleur de la circulation ferroviaire

1.4.1 Contremaître désigné en vertu de la règle 42

Le contremaître connaissait bien le territoire et était qualifié pour le poste qu'il occupait. Au cours des 5 années précédentes, le contremaître avait été responsable de la protection prévue en vertu de la règle 42 à divers endroits sur le réseau du CP dans l'Ouest canadien, lors de 5 quarts différents. Il s'agissait de sa première affectation sur la subdivision de Mountain comme contremaître désigné en vertu de la règle 42, en remplacement du contremaître habituel. La semaine précédente, le contremaître avait été affecté à ces travaux comme conducteur de machine et avait vu le superviseur dégager les entrepreneurs de la voie.

1.4.2 Superviseur

Le superviseur connaissait bien le territoire et était qualifié pour le poste qu'il occupait. Au cours des 2 semaines qui ont précédé l'événement, le superviseur avait travaillé en compagnie de 2 autres contremaîtres qui étaient responsables de la protection prévue en vertu de la règle 42. Il lui incombait de veiller à l'exécution des travaux en voie en toute sécurité et à temps.

1.4.3 Opérateur de rétrocaveuse

L'opérateur de rétrocaveuse était un employé de Talarico. Au cours des 12 dernières années, il avait travaillé comme opérateur de divers types d'équipement lourd, dont la rétrocaveuse. Comme employé contractuel, il avait déjà pris part à des travaux en voie à divers endroits pour le compte de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) et du CP.

Au cours des 2 semaines qui ont précédé l'événement, l'opérateur de rétrocaveuse avait travaillé en vertu de la règle 42 entre Fraine et Rogers (Colombie-Britannique) sur la subdivision de Mountain avec le même superviseur.

1.4.4 Contrôleur de la circulation ferroviaire

Le CCF connaissait bien le territoire et était qualifié pour le poste qu'il occupait. Il travaillait comme CCF depuis près de 10 ans et avait supervisé la subdivision de Mountain pendant au moins 225 quarts de travail. Au cours des 2 semaines précédentes, il avait été affecté à la subdivision de Mountain pendant que la règle 42 était en vigueur.

1.4.5 Actions de l'opérateur de rétrocaveuse

Travaillant sous la direction du superviseur, l'opérateur de rétrocaveuse effectuait des travaux de nettoyage le long des voies et entre celles-ci, à quelque 1000 pieds à l'ouest des liaisons. La rétrocaveuse était reliée à un chariot muni d'un dispositif rail-route pour faciliter son déplacement sur la voie (figure 4).

Figure 4. Rétrocaveuse avec chariot rail-route semblable à celle à l'étude
Rétrocaveuse avec chariot rail-route semblable à celle à l'étude

Juste avant l'arrivée du train qui se dirigeait vers l'est, le superviseur a donné l'instruction à l'opérateur de retirer la rétrocaveuse de la voie Connaught pour laisser passer plusieurs autres machines. Peu après, le superviseur a autorisé l'opérateur à remettre la rétrocaveuse sur la voie Connaught et à poursuivre ses travaux.

Le contremaître ignorait que l'opérateur de rétrocaveuse avait reçu l'instruction de travailler sur la voie Connaught, et que le superviseur lui avait indiqué de reprendre ses activités après qu'il eut dégagé la voie pour laisser passer d'autres machines.

Lorsqu'il est retourné sur la voie, l'opérateur de rétrocaveuse a entendu, sur le canal d'attente désigné des Services de l'ingénierie, que le train vers l'est approchait, mais n'a pas entendu sur quelle voie il circulerait. L'opérateur de rétrocaveuse avait appris durant la première séance d'information sur les travaux que des trains circuleraient sur la voie Macdonald. Plus tôt ce matin-là, il avait aperçu plusieurs trains vers l'ouest circulant dans la zone de travaux sur la voie Macdonald. Le superviseur n'a pas communiqué avec lui et ne lui a pas indiqué de dégager la voie Connaught pour laisser passer le train vers l'est.

Lorsque l'opérateur de rétrocaveuse a aperçu le train vers l'est qui approchait, il a supposé que le train circulait sur la voie Macdonald; il est descendu de son véhicule pour inspecter le train au défilé. Puis, lorsqu'il a constaté que le train approchait sur la voie Connaught, l'opérateur est immédiatement remonté dans la rétrocaveuse pour essayer de la retirer de la voie et ainsi éviter une collision. L'opérateur a pu relever les pattes antibasculement et embrayer la transmission de la machine. Toutefois, le train a percuté la rétrocaveuse avant que l'opérateur puisse la déplacer.

1.5 Résumé des événements

Le tableau 1 présente un résumé des faits pertinents de l'événement à l'étude.

Tableau 1. Sommaire des faits de l'événement
Heure (approximative) Heure (approximative)
0 h 1 À Revelstoke, le superviseur a rempli et imprimé le formulaire de séance d'information sur la sécurité en voie.
0 h 5 Le superviseur a tenu une séance d'information sur les travaux* avec l'équipe des services publics, l'équipe de nivellement et l'opérateur de rétrocaveuse.
0 h 7 Le contremaître a obtenu un permis d'occuper la voie pour poser des drapeaux sur la voie principale à l'est de la zone protégée en vertu de la règle 42.
1 h 7 Le contremaître a obtenu un permis d'occuper la voie pour poser des drapeaux sur les voies principales près de Griffith à l'ouest de la zone protégée en vertu de la règle 42.
2 h 11 Après son arrivée à Fraine, le superviseur a tenu une séance d'information sur les travaux avec le contremaître. Cette séance d'information a couvert les points suivants :
  • Le superviseur a demandé que les trains circulent sur la voie Macdonald.
  • Les travaux sur la voie Connaught pouvaient se dérouler jusqu'à 6 h.
  • Cinq groupes de travail distincts seraient présents et travailleraient en vertu de la règle 42.
  • Seuls les travailleurs contractuels (PNR) seraient sous la surveillance directe du contremaître.
2 h 13 Le superviseur a tenu une séance d'information sur les travaux avec les arpenteurs.
2 h 14 Le superviseur a tenu une séance d'information sur les travaux avec les excavateurs.
2 h 15 Le superviseur a tenu une séance d'information sur les travaux avec les soudeurs de PNR; ces derniers devaient appeler le contremaître pour obtenir sa protection directe.
2 h 32 Le contremaître a communiqué avec le CCF pour établir que les trains venant des 2 directions circuleraient dans la zone de travaux protégée en vertu de la règle 42 sur la voie Macdonald.
2 h 33 Le CCF a confirmé que les trains circuleraient sur la voie Macdonald pour que la voie Connaught demeure libre pour les travaux. Le CCF n'a pas appliqué le blocage des signaux** pour protéger les dispositions convenues pour l'itinéraire d'acheminement des trains.
2 h 40 Conformément aux instructions du superviseur, l'opérateur de rétrocaveuse a entrepris de retirer des matériaux entre les voies Macdonald et Connaught, juste à l'est des liaisons***.
2 h 51 Un membre de l'équipe de nivellement a obtenu du contremaître la protection de sous-contremaître pour occuper la voie Connaught.
3 h 52 Le train 868-078 a quitté Revelstoke vers l'est sur la subdivision de Mountain.
4 h Le contremaître a constaté, en regardant l'affichage de la voie du CCF sur son portable, que le train 868‑078 vers l'est circulait sur la voie Connaught et approchait de sa zone protégée en vertu de la règle 42.
4 h 5 Les équipes de conduite de 2 trains consécutifs vers l'ouest ont communiqué avec le contremaître pour obtenir l'autorisation de circuler sur la voie Macdonald dans la zone protégée en vertu de règle la 42. Le contremaître a ordonné aux employés sous sa surveillance directe, au sous-contremaître et au superviseur, de dégager la voie.
4 h 10 Le superviseur a ordonné à l'opérateur de rétrocaveuse et à d'autres travailleurs contractuels de dégager la voie pour les trains vers l'ouest en approche.
4 h 16 Le contremaître a reçu la confirmation du sous-contremaître et du superviseur que la voie Macdonald était dégagée.
4 h 17 Le contremaître a confirmé au CCF que les 2 trains vers l'ouest pouvaient circuler sur la voie Macdonald.
4 h 18 Le CCF a acheminé les 2 trains vers l'ouest sur la voie Macdonald.
4 h 18 Le contremaître a autorisé les 2 trains vers l'ouest à circuler dans la zone de travaux sur la voie Macdonald.
4 h 32 Conformément aux instructions du superviseur de poursuivre son travail, l'opérateur de rétrocaveuse s'est employé à dégager des matériaux du côté nord des voies, à quelque 1000 pieds à l'ouest des liaisons.
4 h 38 Le contremaître a appelé le CCF pour s'informer des dispositions qu'il prévoyait prendre pour le train 868-078 vers l'est. Le CCF a dit au contremaître qu'il allait retenir le train à Griffith, à l'ouest de la zone de travaux.
4 h 40 Le contremaître a informé certains employés (dont le superviseur) que le train 868‑078 vers l'est était dirigé vers la zone de travaux sur la voie Connaught.
5 h Le train 868-078 a transmis le signal d'entrée à Glacier.
5 h 30 Les soudeurs de PNR ont indiqué qu'ils avaient dégagé la voie. De plus, ils ont informé le contremaître qu'ils avaient terminé leurs travaux de la journée.
5 h 36 L'opérateur de rétrocaveuse a dégagé la voie pour laisser passer l'équipe de nivellement et l'excavatrice.
5 h 41 L'équipe du train 868-078 vers l'est a demandé l'autorisation de circuler dans la zone de travaux sur la voie Connaught.
5 h 43 Le contremaître a communiqué avec les employés sous sa surveillance directe ainsi qu'avec le superviseur et le sous-contremaître pour les informer qu'un train vers l'est avait demandé l'autorisation de circuler dans la zone de travaux. Le contremaître a reçu la confirmation que la voie était dégagée.
5 h 43 Le superviseur a indiqué à l'opérateur de rétrocaveuse de retourner sur la voie Connaught et de poursuivre ses travaux de dégagement de la voie.
5 h 44 Le contremaître a autorisé le train 868-078 à circuler sans restriction dans la zone de travaux sur la voie Connaught.
5 h 59 min 45 s L'opérateur de rétrocaveuse a aperçu le phare du train en approche et est descendu de la rétrocaveuse pour inspecter le train au défilé.
6 h 1 s Lorsqu'il a constaté que le train vers l'est circulait sur la voie Connaught, l'opérateur est aussitôt remonté dans la rétrocaveuse pour essayer de la retirer de la voie.
6 h 5 s L'équipe de train a aperçu la rétrocaveuse devant sur la voie et a serré d'urgence les freins du train.
6 h 30 s Après un serrage du frein d'urgence, le train 868-078 a percuté la rétrocaveuse à une vitesse de quelque 15 mi/h.

* Les séances d'information sur les travaux étaient verbales; les employés ne les ont pas consignées.
** Le CCF peut appliquer le blocage des signaux pour empêcher l'acheminement de trains vers un emplacement particulier sur une voie ou une zone d'application particulière, comme une zone de travaux protégée en vertu de la règle 42.
*** Les liaisons à Fraine consistent en 2 voies courtes reliant les 2 voies principales. Les voies de liaison sont orientées de manière à permettre le déplacement, d'une voie à l'autre, de trains venant des 2 directions sur l'une ou l'autre des voies.

1.7 Certification des entrepreneurs tiers

D'après l'article 26 de la Partie I du Règlement de 2015 sur le système de gestion de la sécurité ferroviaire :

26. La compagnie de chemin de fer veille à ce que toute personne, autre qu'un employé, qu'elle autorise à accéder au chemin de fer et dont les activités peuvent avoir une incidence sur la sécurité ferroviaire connaisse ce qui suit :

a) les exigences des instruments visés au paragraphe 10(1) que la personne doit connaître pour exercer ses activités en toute sécurité;

b) les lois fédérales qui peuvent avoir une incidence sur la sécurité ferroviaire et que la personne doit connaître pour exercer ses activités en toute sécurité;

c) les procédures — y compris toute procédure mentionnée dans la présente partie — normes, instructions, bulletins ou autres documents internes de la compagnie de chemin de fer qui peuvent avoir une incidence sur la sécurité ferroviaire et que la personne doit connaître pour exercer ses activités en toute sécuritéNote de bas de page 6.

L'opérateur de rétrocaveuse détenait l'accréditation eRailSafe du CP. Il avait obtenu sa certification le 8 février 2016, et elle était valide pour 3 ans. Il détenait également une accréditation eRailSafe valide du CN.

Le système eRailSafe Canada est un système de conformité pour la main-d'œuvre du secteur ferroviaire canadien. Les compagnies, employés et entrepreneurs ferroviaires utilisent ce service pour garantir la conformité aux exigences de santé et sécurité de l'industrie. Au CP, après avoir achevé la formation eRailSafe, les entrepreneurs tiers ne sont pas tenus d'être qualifiés en vertu du REF, à moins que le travail à accomplir ne l'exige.

À titre comparatif, au CN, les entrepreneurs tiers qui conduisent de l'équipement rail-route dans des situations exigeant l'occupation de la voie doivent être qualifiés en vertu du REF (annexe B), même s'ils ont suivi la formation eRailSafe.

Au CP, pour travailler sur les voies à l'intérieur de zones de travaux protégée en vertu de la règle 42, les entrepreneurs tiers sont habituellement protégés par un contremaître ou un sous-contremaître qualifié du CP. Toutefois, les entrepreneurs qualifiés en vertu du REF et ayant de l'expérience du CP peuvent se voir confier une protection de sous-contremaître. Au CN, pour travailler sur les voies à l'intérieur de zones de travaux protégées en vertu de la règle 42, les entrepreneurs tiers doivent être qualifiés en vertu du CN et du REF et se voient habituellement confier la protection de sous-contremaître directement. Cela n'exclut pas la possibilité qu'ils soient appelés à travailler sous la protection d'un contremaître ou d'un sous-contremaître qualifié.

1.8 Exigences de sécurité pour les employés du Chemin de fer Canadien Pacifique qui travaillent à proximité des voies

Au CP, les employés qui effectuent des travaux d'entretien de la voie doivent être qualifiés en vertu du REF. Ces employés doivent effectuer leur travail conformément aux règles, aux normes et aux instructions de la compagnie.

Le Rule Book for Engineering Employees (manuel des règles pour les employés du service de l'ingénierie) du CP établit les procédures de protection des travailleurs de la voie (dégagement de la voie par les employés) avant que l'on autorise un mouvement à circuler dans une zone de travaux. Le Rule Book for Engineering Employees établit également les procédures de transmission et de documentation des instructions au mouvement et les exigences à respecter dans le cadre d'une protection de contremaître ou de sous-contremaître.

L'article 4.3 du Rule Book for Engineering Employees stipule en partie ce qui suit [traduction] :

Dégagement de la voie par les employés

  1. Avant de donner des instructions à un mouvement à l'intérieur d'une zone protégée, tous les employés concernés doivent :
    1. avoir été informés de l'itinéraire à suivre et avoir interrompu leurs travaux;
    2. quitter leurs véhicules d'entretien sauf s'ils ne peuvent le faire sans danger; et
    3. mettre en lieu sûr toutes les machines, les matières, etc., et demeurer à l'écart de la voie sur laquelle le mouvement doit passer.

[…]

Transmission des instructions à un mouvement

[…]

  1. Avant de donner des instructions à un mouvement, sur la portion de voie à utiliser, le contremaître doit :

[…]

  1. vérifier dans le document écrit que tous les sous-contremaîtres ont confirmé avoir dégagé la zone ou ont annulé;
  2. inscrire le nombre de sous-contremaîtres qui sont protégés dans la colonne de gauche des instructions au mouvement;
  3. communiquer au mouvement le statut du sous-contremaître.
  1. Lorsqu'il faut utiliser une voie en particulier, les instructions du contremaître doivent préciser la voie qu'elles visentNote de bas de page 7.

La section 7 du Rule Book for Engineering Employees stipule en partie ce qui suit [traduction] :

  1. Avant de se prévaloir de la protection assurée par un contremaître, les employés doivent :
    1. ne pas être d'un métier différent au sein du Groupe Ingénierie; et
    2. être des membres réguliers de l'équipe.
      Les autres employés doivent recevoir une protection de sous-contremaître ou séparée.
  2. Au sein du renouvellement de la voie, les véhicules d'entretien de tête et de queue doivent recevoir une protection par sous-contremaître du contremaîtreNote de bas de page 8.

Le CP avait également élaboré et mis en place un carnet intitulé Engineering on Track Safety/Task Assessment Booklet (livret de l'ingénierie – sécurité en voie et évaluation de la tâche) (le livret). Ce livret guide les travailleurs à l'égard de la planification avant le départ et des affectations, des séances d'information sur la sécurité en voie sur les chantiers (au besoin), et des évaluations des tâches. Il comprend un formulaire préimprimé à remplir avant de commencer les travaux. Ce livret indique notamment ce qui suit [traduction] :

Il faut organiser une séance d'information sur la sécurité en voie avant que des employés obstruent la voie pour effectuer des travaux. Cette séance doit fournir tous les renseignements sur la sécurité à chaque employé qui obstruera la voie pour effectuer des travaux.

Il faut fournir à tout le moins les renseignements suivants :

  • Employé responsable
  • Type d'autorisation d'occuper la voie
  • Zone de circulation autorisée
  • Limites temporelles de l'autorisation d'occuper la voie
  • Voie(s) qu'il est permis d'obstruer
  • Protection des voies adjacentes, s'il y a lieu, y compris :
    • Identification des machines qui obstrueront les voies adjacentes
    • Instructions sur la nature du travail qui sera effectué par la machine
    • Caractéristiques du chantier pertinentes pour la voie adjacente
  • Procédure visant à assurer la sécurité sur d'autres voies, s'il y a lieu

Il faudra organiser une nouvelle séance d'information sur la sécurité en voie chaque fois que :

  • les conditions de travail ou procédures changent;
  • d'autres travailleurs entrent dans les limites des travaux;
  • l'autorisation d'occuper la voie est modifiée, prolongée ou sur le point d'être annulée.

Le contenu des séances d'information sur la sécurité en voie sera noté par l'employé responsable ou d'autres employés selon le cas. On pourra utiliser des copies de l'imprimé si le groupe est plus gros. Les groupes sur le chantier peuvent utiliser les imprimés de protection en voie pour noter et faire connaître les exigencesNote de bas de page 9.

Le formulaire « On Track Safety » (formulaire sur la sécurité en voie) du CP (annexe C), qui a été remis aux employés, ne comprenait aucun champ pour noter les détails sur les employés qui travaillaient dans la zone protégée ou sur les tâches à accomplir. Le formulaire sur la sécurité en voie que le superviseur a rempli (annexe D) ne comprenait aucun renseignement sur les employés qui travaillaient dans la zone protégée ou sur les tâches à accomplir. Rien n'obligeait de consigner le nom et le nombre des employés qui étaient ainsi protégés. La compagnie de chemin de fer considérait qu'il n'était pas réaliste de le faire, en particulier avec de grands groupes d'employés. En outre, des signatures n'étaient requises sur ni l'un ni l'autre des formulaires de séance d'information sur la sécurité en voie.

Le matin de l'événement à l'étude, 5 séances d'information ont eu lieu à différents endroits et à différents moments avec différents employés et entrepreneurs. Or, le superviseur n'a rempli qu'un seul formulaire de séance d'information sur la sécurité en voie. Les travailleurs de la voie et entrepreneurs n'avaient pas de copies du formulaire de séance d'information sur la sécurité en voie rempli, et le règlement ne l'exigeait pas.

Durant la séance d'information initiale, on a dit que tous les trains ne devaient circuler que sur la voie Macdonald. Plus tard, lorsque le contremaître désigné en vertu de la règle 42 et le superviseur ont discuté d'un train vers l'est qui circulerait sur la voie Connaught, l'opérateur de rétrocaveuse n'a pas été informé du changement. De plus, lorsque l'itinéraire d'acheminement du train vers l'est a été modifié, il n'y a eu aucune séance d'information sur les travaux avec tous les travailleurs de la voie.

1.9 Exigences de sécurité minimales pour les entrepreneurs du Chemin de fer Canadien Pacifique

Le CP exige que tous les entrepreneurs qui travaillent sur le domaine ferroviaire suivent la formation eRailSafe. Les entrepreneurs doivent réussir l'examen pour confirmer leur connaissance des notions enseignées. Ils doivent également respecter d'autres exigences spécifiques établies par la compagnie.

Au CP, les entrepreneurs doivent mener leurs activités conformément au document Minimum Safety Requirements for Contractors Working on CP Property in Canada (exigences de sécurité minimales à l'égard des entrepreneurs effectuant des travaux sur le domaine du CP au Canada)Note de bas de page 10 du CP. Ce document établit les responsabilités des entrepreneurs qui travaillent sur le domaine du CP, entre autres [traduction] :

3 Conformité et responsabilités de l'entrepreneur

3.1 Conformité générale

3.1.1 L'entrepreneur est pleinement et exclusivement responsable de la sécurité et de la santé de son personnel. Il lui incombe de veiller à ce que ses travaux et autres activités ne menacent pas la santé et la sécurité du personnel du CP ou de toute autre partie; l'intégrité de l'environnement et du domaine du CP et de celui de toute autre partie; et la sécurité des activités ferroviaires du CP.

[…]

5 Formation en sécurité

5.1 Formation et qualifications minimales

5.1.1 L'entrepreneur s'assurera, à ses frais, que son personnel est totalement formé et qualifié pour les travaux qu'il exécutera. L'entrepreneur et son personnel égaleront ou surpasseront toutes les exigences de formation et de qualification des lois applicables.

5.1.2 En outre, la formation et la qualification du personnel de l'entrepreneur égaleront ou surpasseront toutes les normes sectorielles applicables.

[…]

7 Séance d'information sur la sécurité

7.1.1 Le personnel de l'entrepreneur assistera à toutes les séances d'information sur la sécurité lorsqu'elles ont lieu. Il appartient pleinement et exclusivement au personnel de l'entrepreneur de comprendre le contenu de la séance d'information sur la sécurité, et obligatoirement :

(a) de comprendre la portée des travaux devant être exécutés ainsi que la nature de l'emplacement, de l'environnement et des conditions où les travaux seront exécutés;

(b) d'être au fait de conditions dangereuses particulières ou inhabituelles, existantes ou potentielles, ainsi que des mesures requises pour assurer une protection contre de telles conditions, les contrôler et les atténuer ou dans la mesure du possible, les éviter;

(c) d'avoir un plan d'intervention en cas d'urgence ou des procédures d'évacuation d'urgence.

7.1.2Lorsque le personnel de l'entrepreneur travaille directement avec le personnel du CP ou à proximité de ce dernier (dans le temps ou l'espace), il doit, avec le personnel du CP ainsi que toute tierce partie concernée, assister aux séances d'information sur les travaux. La séance d'information sur la sécurité doit indiquer la nature et la portée de l'interaction entre les travaux effectués par le personnel de l'entrepreneur, et ceux réalisés par le personnel du CP ou d'autres tierces parties. À toutes les séances d'information sur la sécurité avant le début des travaux, ou dès qu'il s'en aperçoit, le personnel de l'entrepreneur informera le personnel du CP, ainsi que toutes autres tierces parties des risques et des conditions potentiellement dangereux, connus, potentiels ou inhérents à leurs travaux ou pouvant être créés par leurs travaux ou en résulter, ainsi que des mesures de prévention, d'atténuation et/ou de contrôle correspondantes.

[…]

12 Protection de la voie

[…]

12.2 Dégagement de 15 m (50 pi) requis

[…]

12.2.2 À moins d'y être autorisés par le CP, le personnel de l'entrepreneur, le matériel et les véhicules ne peuvent se trouver en deçà de 50 pieds de l'axe de la voie la plus proche.

12.2.3 Si les travaux doivent être faits à moins de 15 m (50 pieds) de l'axe de la voie la plus proche, le chef responsable doit les autoriser par écrit, et le personnel de l'entrepreneur doit en tout temps et dans la mesure du possible, respecter la distance maximaleNote de bas de page 11.

1.10 Adaptations des règles ou des procédures normales d'exploitation

On peut définir une adaptation comme étant une défaillance sur le plan de la planification où l'on prend délibérément la décision d'agir à l'encontre d'une règle ou d'un plan. On fait chaque jour des adaptations de routine quand on modifie des procédures de travail ou ne les observe pas à la lettre, et ce, souvent pour tenter d'améliorer la productivité ou l'efficacité. En analyse d'erreur, on peut catégoriser une adaptation comme un acte dangereux lorsque celle-ci a lieu avant un accident. Le BST définit un acte dangereux comme étant une erreur ou un écart intentionnel des procédures d'exploitation prescrites qui, en présence d'une condition dangereuse potentielle, mène à un événement ou augmente les risques d'événement. Le BST définit une condition dangereuse comme étant une situation ou une condition qui pourrait amorcer, exacerber ou autrement laisser le champ libre à un événement déplorable, notamment un acte dangereux.

Les règles et les instructions sont rarement respectées à la lettre; les gens adaptent ces exigences pour des raisons et selon des manières qui leur semblent logiques, selon leurs connaissances, leurs buts et les circonstancesNote de bas de page 12.

Les entreprises prescrivent des politiques et des procédures normales d'exploitation dans le but de fixer des limites sécuritaires pour les opérations; cependant, certaines personnes peuvent jouer avec ces limites afin d'être plus productives ou d'en tirer d'autres avantages. Il en résulte des versions adaptées des procédures et un écart par rapport aux limites fixées par les procédures normales d'exploitation qui mènent à des pratiques dangereusesNote de bas de page 13. Si rien n'est fait pour y remédier, les membres d'équipe se communiquent entre eux les versions adaptées qui fonctionnent bien et celles‑ci se répandent dans toute l'entreprise.

Il est peu probable que les personnes qui utilisent de telles adaptations y voient un écart par rapport aux procédures. Les adaptations se transforment lentement en comportement normal, et il devient peu probable qu'on reconnaisse le risque connexeNote de bas de page 14. Cette tendance a été décrite comme la normalisation de la dévianceNote de bas de page 15.

Sans supervision, éducation ou application des limites attendues sur une base régulière, certaines personnes auront tendance à continuer à adapter les procédures et à prendre des raccourcis jusqu'à ce qu'elles découvrent la véritable limite d'une situation dangereuse au cours d'un accident, petit ou grave.

Dans l'événement à l'étude, le superviseur a assumé le rôle de sous-contremaître sans qu'on lui ait conféré la protection officielle de sous-contremaître. Le superviseur croyait qu'il était mieux positionné pour observer les activités des entrepreneurs, car certains d'entre eux se trouvaient en dehors du champ de vision du contremaître. Cette adaptation s'était probablement produite auparavant sans conséquence grave. De plus, le superviseur croyait qu'il n'avait pas besoin de la protection officielle de sous-contremaître pour exercer la fonction de sous-contremaître.

1.11 Conscience situationnelle

Le maintien de la conscience situationnelle constitue un processus en 3 étapes par lequel les opérateurs tirent l'information nécessaire de leur environnement, en saisissent la signification dans la situation du moment, et se projettent dans l'avenir pour faciliter leur planificationNote de bas de page 16.

La mémoire de travail a une capacité limitée. Dans un environnement opérationnel dynamique, l'information mémorisée peut être facilement remplacée par de l'information nouvelle. Ainsi, la mémoire de travail constitue une importante limite de la capacité d'une personne à maintenir sa conscience situationnelle. Pour surmonter ces limites, il faut concevoir des systèmes permettant de compter le moins possible sur sa mémoire de travail pour l'information cruciale [traduction] : « les systèmes qui contraignent les personnes à mémoriser l'information, même à court terme, augmentent la probabilité de défaillance [de la conscience situationnelle]Note de bas de page 17 ».

Par exemple, dans l'événement à l'étude, il n'y avait aucun endroit sur le formulaire de la règle 42 pour noter les emplacements et les heures en voie et hors voie de chaque employé et matériel d'entretien qui n'avaient pas la protection de sous-contremaître, et la consignation de cette information n'était pas requise. Par conséquent, le contremaître a utilisé divers outils improvisés (comme un bloc-notes et des papillons adhésifs sur le tableau de bord du véhicule) pour assurer le suivi des endroits où les employés travaillaient dans la zone protégée.

Outre leur conscience situationnelle individuelle, les employés qui travaillent en groupe doivent développer une conscience situationnelle commune (c'est-à-dire, 2 membres d'équipe ou plus ayant une compréhension commune de la situation) et une conscience situationnelle d'équipe (qui représente la compréhension commune de toute l'équipeNote de bas de page 18).

Parmi les facteurs reconnus pour renforcer l'aptitude d'une équipe à développer une conscience situationnelle commune, citons : le partage bénéfique d'information pertinente entre membres d'une équipe et l'aptitude à surveiller les activités d'autres membres de l'équipe sans devoir parler. Une compréhension commune des rôles, responsabilités et attentes de chacun des membres d'une équipe est essentielle pour exécuter utilement cette surveillanceNote de bas de page 19. Le recours constant à des procédures normales d'exploitation et les séances d'information d'équipe appropriées sont des moyens efficaces pour établir une compréhension commune des rôles et responsabilités au sein d'une équipe.

Cette compréhension commune, aussi appelée modèle mental commun, permet aux membres d'une équipe de comprendre les rôles au sein de l'équipe et de prévoir les besoins d'information et des autres membres de l'équipeNote de bas de page 20.

1.12 Contrôle d'efficacité

Pour assurer la conformité à l'exploitation ferroviaire, la direction des chemins de fer effectue périodiquement un contrôle d'efficacité. Le CP utilisait un manuel de contrôle d'efficacité pour guider les superviseurs sur les procédures de contrôle et d'évaluation des résultats à suivre. Il y avait 7 contrôles d'efficacité connexes à la règle 42 pour les employés des Services de l'ingénierie. Aucun de ces contrôles n'exigeait du contremaître ou des sous-contremaîtres de tenir compte des entrepreneurs lorsqu'ils demandaient de dégager la voie à l'approche d'un train, puisque la définition d'« employé », dans le REF, comprend les entrepreneurs.

Tous les employés du CP doivent être contrôlés au moins une fois tous les 3 mois. Pour chaque contrôle, les employés obtiennent une note de réussite ou une note d'échec. Lorsqu'un employé passe un contrôle d'efficacité, il reçoit immédiatement de la rétroaction, qu'il ait réussi ou non le contrôle.

En cas d'échec, l'employé reçoit au minimum de l'information verbale pour l'aider à mieux comprendre la règle et à la respecter. Dans les cas plus graves, il se peut que l'employé doive revoir les règles et reprendre le contrôle ou écope de mesures disciplinaires. Un employé qui échoue au contrôle doit le reprendre, habituellement dans les 7 jours suivants. Toutefois, si un entrepreneur échoue au contrôle d'efficacité, le CP n'exige aucune reprise, étant donné que dans bien des cas, l'entrepreneur ne reviendra pas sur le domaine.

Au cours des 3 années qui ont précédé l'accident, le CCF n'a pas été testé ni contrôlé sur la règle 42, et il n'était pas tenu de l'être.

1.13 Avis de sécurité ferroviaire antérieur du BST sur la règle 42 (Protection prévue)

Le 5 novembre 2015, le train 246-04 du CP a été acheminé par erreur dans la zone d'application exclusive aux travailleurs sur la voie sud de la subdivision de Galt du CP. Avant d'acheminer le train, le CCF et le contremaître n'avaient pas discuté de changements aux dispositions relatives à l'itinéraire d'acheminement des trainsNote de bas de page 21.

Le 11 décembre 2015, le BST a émis l'avis de sécurité ferroviaire 16/15 à TC, dans lequel il indiquait qu'afin d'assurer une protection adéquate dans une situation qui évolue, les dispositions relatives à l'itinéraire d'acheminement doivent être claires, concises et cohérentes pour toutes les parties en cause. L'avis suggérait que, compte tenu des risques que représentent pour les travailleurs de la voie les trains roulant dans une zone de protection établie en vertu de la règle 42, TC pourrait souhaiter examiner les pratiques de travail et la formation fournies aux CCF relativement à la zone de protection établie en vertu de la règle 42 portant sur des voies multiples, et examiner la façon dont les dispositions relatives à l'itinéraire d'acheminement sont communiquées à tous les travailleurs de la voie.

Le 30 mai 2016, TC a répondu à l'avis de sécurité [traduction] :

  • Les employés des Services de l'ingénierie du CP ont achevé un examen de sécurité dynamique sur la protection des sous-contremaîtres et les exigences relatives aux voies multiples. Ils ont ainsi révisé les procédures des instructions spéciales du CP et examiné les incidents en privilégiant l'application des règles.
  • Le CP continuera d'effectuer des contrôles d'efficacité en vertu de la règle 42 pour s'assurer que les employés appliquent correctement les règles sur le terrainNote de bas de page 22.

1.14 Autres enquêtes du BST ayant relevé des lacunes de protection des travailleurs de la voie ou des entrepreneurs travaillant sur la voie

Depuis 2011, le BST a mené 5 autres enquêtes (annexe E) sur des lacunes de protection des travailleurs de la voie ou des entrepreneurs travaillant sur la voie. Ces enquêtes se sont penchées sur plusieurs problèmes de protection des travailleurs de la voie, entre autres 

2.0 Analyse

L'état de la voie et la conduite du train 868-078 n'ont pas contribué à l'événement à l'étude. L'analyse portera sur la protection des travailleurs en voie, incluant les entrepreneurs tiers, les séances d'information sur la sécurité, les adaptations des procédures de sous-contremaître, la conscience situationnelle, et l'examen de la protection générale des travailleurs de la voie assurée par la compagnie.

2.1 L'accident

L'accident s'est produit lorsque le train 868-078, autorisé à circuler vers l'est dans la zone de travaux protégée en vertu de la règle 42 (Protection prévue) du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) sur la voie Connaught, a percuté une rétrocaveuse où se trouvait un opérateur qui a subi de graves blessures. L'accident a causé des dommages à la rétrocaveuse et à la locomotive de tête.

À 2 h 32, le contremaître désigné en vertu de la règle 42 a convenu avec le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) que les trains qui devaient franchir la zone de travaux emprunteraient la voie Macdonald. Plus tôt, le superviseur avait demandé au contremaître que cette disposition soit prise, et il l'avait communiquée aux autres durant les séances d'information sur les travaux. Par la suite, 2 trains vers l'ouest ont franchi sans problème la zone de travaux sur la voie Macdonald. Plus tard, le contremaître a constaté que le CCF avait dirigé un train vers l'est vers la zone de travaux sur la voie Connaught. Le CCF n'a pas respecté l'entente sur l'itinéraire d'acheminement des trains prise avec le contremaître.

Le contremaître a informé tous les sous-contremaîtres et travailleurs contractuels sous sa protection directe et le superviseur qu'un train vers l'est allait emprunter la voie Connaught dans environ 1 heure. Contrairement aux directives de l'Engineering on Track Safety/Task Assessment Booklet (livret de l'ingénierie – sécurité en voie et évaluation de la tâche) du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP), aucune séance officielle d'information sur les travaux n'a eu lieu pour informer tous les employés et entrepreneurs du changement à l'itinéraire d'acheminement des trains. À ce moment, le train vers l'est n'était pas encore arrivé sur les lieux, et son équipe n'avait pas encore demandé l'autorisation de circuler dans la zone de travaux.

En approche de la zone de travaux, l'équipe de train a communiqué avec le contremaître pour demander l'autorisation de circuler dans la zone de travaux. Avant d'autoriser le train à circuler dans la zone de travaux, le contremaître désigné en vertu de la règle 42 a demandé confirmation que tous les employés et tout le matériel d'entretien sous sa surveillance directe avaient dégagé la voie et le sous-contremaître ainsi que le superviseur lui ont dit que la voie était libre.

Il incombait au superviseur de veiller à l'exécution des travaux en voie en toute sécurité et à temps. Or, même si la zone de travaux n'était pas de son ressort, il dirigeait les activités de plusieurs entrepreneurs dans la zone de travaux. Lorsque le contremaître a fait l'appel de suivi pour confirmer que la voie Connaught était libre pour le train vers l'est, le superviseur était occupé par une autre tâche en rapport avec d'autres travaux hors voie. À l'insu du contremaître et sans son autorisation, le superviseur avait indiqué à l'opérateur de rétrocaveuse de reprendre ses travaux sur la voie Connaught, après qu'il a confirmé au contremaître que cette voie était libre.

Au CP, les règles et procédures d'exploitation exigent que tous les employés, incluant les entrepreneurs qui travaillent en voie principale dans une zone protégée en vertu de la règle 42, soient sous la direction du contremaître ou d'un sous-contremaître désigné. Un contrôle ponctuel exercé sur plusieurs activités de travail crée une confusion par rapport à la personne ayant l'autorité de la protection des travailleurs de la voie. Dans l'événement à l'étude, le superviseur a assumé le rôle de sous-contremaître sans délégation officielle du contremaître pour assurer une protection de sous-contremaître pour certains des travailleurs de la voie contractuels. Cette mise en pratique fautive des procédures de protection de la règle 42 a suscité un malentendu parmi les membres d'équipe. Par conséquent, de l'information importante est passée inaperçue.

2.2 Protection des entrepreneurs tiers en vertu de la règle 42 par le Chemin de fer Canadien Pacifique

Au CP, les entrepreneurs embauchés pour effectuer des travaux en voie ne reçoivent pas la même formation que les employés de la compagnie sur les règles applicables, la réglementation et les instructions de la compagnie. Les entrepreneurs suivent la formation de familiarisation eRailSafe. Un employé de chemin de fer compétent veille normalement à la protection sur le terrain des entrepreneurs qui travaillent sur ou à proximité de la voie. La sécurité est assurée dans la mesure où l'employé de chemin de fer compétent demeure vigilant pour protéger les entrepreneurs.

2.2.1 Séances d'information sur la sécurité

Le matin de l'événement à l'étude, plusieurs séances d'information sur la sécurité en voie ont eu lieu à différents emplacements et à différents moments avec différents employés et entrepreneurs. Or, le superviseur n'a rempli qu'un seul formulaire de séance d'information sur la sécurité en voie. Les travailleurs de la voie et entrepreneurs n'avaient pas de copies du formulaire de séance d'information sur les travaux, et le règlement ne l'exigeait pas.

Durant la séance d'information initiale, on a dit que tous les trains ne devaient circuler que sur la voie Macdonald. Or, après que l'itinéraire d'acheminement du train vers l'est a été modifié pour la voie Connaught et que le superviseur en a été informé, l'opérateur de rétrocaveuse n'a pas été mis au fait, et aucune nouvelle séance d'information sur les travaux n'a eu lieu. Une séance d'information secondaire sur les travaux indiquant que l'itinéraire d'acheminement du train avait changé aurait suffi pour informer tous les travailleurs, y compris l'opérateur de rétrocaveuse, qu'ils devaient dégager la voie Connaught.

S'il n'y a aucune séance d'information de suivi sur les travaux avec les travailleurs de la voie lorsque des décisions essentielles à la sécurité se prennent, comme des changements aux itinéraires d'acheminement des trains dans une zone de travaux protégée en vertu de la règle 42, le risque d'accident augmente.

2.2.2 Recours à la mémoire de travail

Le fait de compter sur la mémoire de travail augmente la probabilité d'erreurs. Les procédures et aide-mémoire dont le contremaître désigné en vertu de la règle 42 aurait pu se servir étaient tous conçus pour l'aider à surveiller les sous-contremaîtres. De plus, les sous-contremaîtres n'ont aucun document préimprimé officiel pour noter les endroits où les travailleurs qu'ils supervisent se trouvent.

L'enquête a permis de déterminer que le contremaître désigné en vertu de la règle 42 et le sous-contremaître ont employé divers outils de contrôle ponctuel pour suivre les déplacements des employés, incluant un bloc-notes à part et des papillons adhésifs sur le tableau de bord du véhicule. Par conséquent, les contremaîtres utilisaient leurs propres méthodes pour faire le suivi des personnes sur la voie. Si tous les contremaîtres qui gèrent des activités dans une zone de travaux ne disposent pas d'aide-mémoire approprié pour les aider, ils risquent de compter principalement sur leur mémoire de travail, ce qui augmente les risques d'erreur.

2.3 Conscience situationnelle

L'exploitation en toute sécurité exige des membres d'équipe qu'ils développent et maintiennent une conscience situationnelle commune (modèle mental commun) du milieu opérationnel. Pour les aider, des procédures favorisent le partage d'information pertinente entre eux, limitent leur recours à la mémoire de travail et leur permettent de se surveiller l'un et l'autre correctement.

Dans l'événement à l'étude, le recours à la mémoire de travail, plutôt qu'au processus officiel de protection de sous-contremaître, a créé un malentendu entre le contremaître désigné en vertu de la règle 42 et le superviseur quant à la voie qu'emprunterait le train 868-078, la position de la rétrocaveuse, et la protection requise pour l'opérateur de rétrocaveuse.

2.2.4 Adaptations des règles ou des procédures normales d'exploitation

Lorsque l'on prend délibérément la décision d'agir à l'encontre d'une règle ou d'une procédure normale d'exploitation et qu'on adapte notre démarche avant qu'un accident se produise, on peut considérer cette adaptation comme étant un acte dangereux. Dans l'événement à l'étude, le superviseur a décidé d'assumer officieusement le rôle de sous-contremaître en vertu de la règle 42. Le superviseur avait agi de la sorte auparavant, sans conséquence néfaste. Le superviseur croyait qu'en assumant officieusement la responsabilité des activités de plusieurs entrepreneurs, il réduirait la charge de travail du contremaître désigné en vertu de la règle 42.

Comme beaucoup d'adaptations des règles ou des procédures normales d'exploitation, celle du superviseur était bien intentionnée. Or, cette adaptation a créé une certaine confusion entre ceux qui faisaient l'objet de la protection (les travailleurs contractuels) et ceux qui l'assuraient (le superviseur et le contremaître). Cette confusion par rapport à la ligne d'autorité à l'intérieur de la zone de travaux protégée en vertu de la règle 42 a engendré une condition dangereuse, de sorte que l'opérateur de rétrocaveuse a reçu l'instruction de reprendre ses travaux sur une voie active.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'accident s'est produit lorsque le train 868-078, autorisé à circuler vers l'est dans la zone de travaux protégée en vertu de la règle 42 (Protection prévue) du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada sur la voie Connaught, a percuté une rétrocaveuse où se trouvait un opérateur qui a subi de graves blessures. L'accident a causé des dommages à la rétrocaveuse et à la locomotive de tête.
  2. Le contrôleur de la circulation ferroviaire n'a pas respecté l'entente sur l'itinéraire d'acheminement des trains prise avec le contremaître.
  3. Aucune séance officielle d'information sur les travaux n'a eu lieu pour informer tous les employés et entrepreneurs du changement à l'itinéraire d'acheminement des trains.
  4. À l'insu du contremaître et sans son autorisation, le superviseur avait indiqué à l'opérateur de rétrocaveuse de reprendre ses travaux sur la voie Connaught, après qu'il a confirmé au contremaître que cette voie était libre.
  5. La mise en pratique fautive des procédures de protection de la règle 42 a suscité un malentendu parmi les membres d'équipe. Par conséquent, de l'information importante est passée inaperçue.
  6. La confusion par rapport à la ligne d'autorité à l'intérieur de la zone de travaux protégée en vertu de la règle 42 a engendré une condition dangereuse, de sorte que l'opérateur de rétrocaveuse a reçu l'instruction de reprendre ses travaux sur une voie active.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. S'il n'y a aucune séance d'information de suivi sur les travaux avec les travailleurs de la voie lorsque des décisions essentielles à la sécurité se prennent, comme des changements aux itinéraires d'acheminement des trains dans une zone de travaux protégée en vertu de la règle 42, le risque d'accident augmente.
  2. Si tous les contremaîtres qui gèrent des activités dans une zone de travaux ne disposent pas d'aide-mémoire approprié pour les aider, ils risquent de compter principalement sur leur mémoire de travail, ce qui augmente les risques d'erreur.

3.3 Autres faits établis

  1. Le recours à la mémoire de travail, plutôt qu'au processus officiel de protection de sous-contremaître, a créé un malentendu entre le contremaître désigné en vertu de la règle 42 et le superviseur quant à la voie qu'emprunterait le train 868-078, la position de la rétrocaveuse, et la protection requise pour l'opérateur de rétrocaveuse.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Bureau de la sécurité des transports du Canada

Le 4 décembre 2017, le BST a émis l'avis de sécurité ferroviaire 14/17 à Transports Canada (TC). L'avis disait que, compte tenu des dangers auxquels sont exposés les travailleurs de la voie lorsque des trains circulent dans les chantiers de travaux en voie, TC pourrait souhaiter revoir la méthode de protection des travailleurs de la voie, et plus particulièrement des entrepreneurs tiers.

4.1.2 Transports Canada

Le 10 novembre 2017, TC a envoyé une lettre de préoccupation au Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) concernant l'événement à l'étude. Le ministère se disait inquiet que [traduction] « d'autoriser un train à entrer dans une zone de travaux protégée par un contremaître lorsque du matériel obstrue la voie pourrait compromettre la sécurité des opérations ferroviaires et entraîner une collision et des blessures gravesNote de bas de page 23 ».

4.1.3 Chemin de fer Canadien Pacifique

Le 2 novembre 2017, le CP a diffusé un bulletin Info-Sécurité [traduction – soulignement dans l'original] :

Tous les employés doivent s'assurer d'établir des communications claires lorsqu'un mouvement est autorisé à franchir une zone de protection.

Il faut notamment s'assurer que toutes les parties connaissent la direction du mouvement et les limites de l'autorisationNote de bas de page 24.

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Règle 42 (Protection prévue) et règle 842 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada

La règle 42 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada stipule en partie que :

(a) Les signaux de la règle 42 ne doivent pas être en place plus de 30 minutes avant ou après les heures indiquées dans le BM [bulletin de marche] à moins que ce ne soit prévu dans le BM.

Figure A1. Mise en place des signaux, règle 42 (Source : Transports Canada, Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada)
Mise en place des signaux, règle 42

Dans la figure A1 ci-dessus, pour une voie simple, les signaux rouges sont illustrés aux endroits indiqués dans le BM, et les drapeaux à bande jaune sur bande rouge sont placés au moins 2 milles avant les drapeaux rouges. Les drapeaux sont placés du côté droit de la voie pour être vus distinctement par l'équipe d'un mouvement qui approche. Dans le cas de voies multiples, les signaux rouges sont illustrés aux endroits indiqués dans le BM, et les drapeaux à bande jaune sur bande rouge sont placés à au moins 2 milles avant les drapeaux rouges. Les drapeaux doivent être placés à l'extérieur des voies principales les plus à l'extérieur.

La règle 42 du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada stipule également que :

(b) Un mouvement en possession du modèle Y ne doit pas poursuivre sa route au-delà du signal rouge situé au point repérable indiqué dans le BM, ni entrer dans la zone protégée indiquée dans le BM, ni inverser son mouvement à l'intérieur de cette zone avant d'avoir reçu des instructions du contremaître nommé dans le BM. Lorsqu'il faut utiliser une voie en particulier, les instructions du contremaître doivent préciser la voie sur laquelle les instructions s'appliquent.

(c) Avant de donner suite à ces instructions, il faut les répéter au contremaître nommé dans le BM, et celui-ci doit en accuser réception.

(d) Lorsqu'il y a un branchement signalisé à moins de deux (2) milles d'une protection-règle 42 qui ne s'applique pas à toutes les voies, tous les mouvements doivent s'en approcher prêts à observer les exigences de la règle 42, jusqu'à ce que leur itinéraire soit confirmé.

Annexe B – Exigences de formation pour les entrepreneurs de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

L'annexe D du programme de formation eRailSafe de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN) sur les lignes directrices en matière de sécurité à l'intention des entrepreneurs stipule en partie que [traduction] :

4.2.7 Véhicules

[…]

.4 Tous les employés qui conduisent un véhicule rail-route en vertu d'un permis d'occuper la voie doivent suivre une formation sur le REF [Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada] et obtenir la certification d'une source approuvée par le CN. L'entrepreneur doit inscrire ses employés à une formation sur les règles du REF avant le début des travauxNote de bas de page 25.

Les Instructions générales de l'Ingénierie (IGI) du CN exigent en partie [traduction] :

12.0 Qualifications des employés des entrepreneurs

[…]

Exigences relatives aux entrepreneurs

[…]

12.2 Fournir au CN une liste des employés qui travaillent ou qui pourraient travailler sur le domaine du CN ainsi que leurs qualifications. Cela comprend le nom complet de chaque employé, leur date de naissance, ainsi que :

  • les dates de réussite de la formation
  • les dates à venir de formation de recyclage et de recertification
  • une preuve de réussite de la formation (par ex., CN, autres chemins de fer, établissement d'enseignement externe, etc.)
    • le CN n'acceptera que les qualifications REF qui ont été délivrées par un fournisseur de formation approuvé pour les pratiques d'exploitation du CN.

12.3  Les employés doivent avoir en leur possession une attestation de formation lorsqu'ils sont sur le domaine du CN. Les employés qui ne figurent pas sur la liste indiquée en 12.2 et qui ne peuvent produire de preuve de qualification ne seront pas autorisés à entrer sur le domaine du CN.

12.4 Les entrepreneurs doivent s'assurer que leurs employés ont reçu un exposé ainsi que des copies des normes et politiques du CN en vigueur, incluant leurs plus récentes mises à jour.

[…]

Exigences relatives au CN

12.7  Le CN assure la protection de la voie pour les entrepreneurs, sauf dans des cas précis et soumis à l'autorisation du vice-président, Services de l'ingénierie.

12.8 Le CN stipule le niveau de formation requis dans les tableaux ci-dessousNote de bas de page 26.

Annexe C – Formulaire de séance d'information sur la sécurité en voie fourni aux employés*

Formulaire de séance d'information sur la sécurité en voie fourni aux employés

* En anglais seulement

Annexe D – Formulaire de séance d'information sur les travaux rempli par le superviseur*

Formulaire de séance d'information sur les travaux rempli par le superviseur - 1/2
Formulaire de séance d'information sur les travaux rempli par le superviseur - 2/2

* En anglais seulement

Annexe E – Autres enquêtes du BST ayant relevé des lacunes de protection des travailleurs de la voie ou des entrepreneurs travaillant sur la voie

R16V0195 (Roberts Bank) – Le 18 décembre 2016, une équipe de manœuvre de la Toronto Terminals Railway poussait 66 plateformes intermodales vides sur la voie de la branche est à la gare de triage Roberts Bank, à Delta (Colombie-Britannique). Au même moment, 2 travailleurs de la voie de PNR RailWorks déneigeaient un aiguillage sur la même voie. Un des travailleurs a été heurté par la plateforme de tête du mouvement; il a subi de graves blessures et a dû être transporté à l'hôpital. L'enquête a permis de déterminer que, si tous les travailleurs de la voie ne participent pas à une séance d'information sur les travaux complète, ils pourraient ne pas se protéger contre les dangers inhérents à leurs tâches, ce qui augmente les risques d'accident.

R16H0024 (Nemegos) – Le 6 mars 2016, le train de marchandises 100-03 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CP) circulait vers l'est à environ 35 mi/h lorsqu'il a heurté un véhicule rail-route immobilisé au point milliaire 118,36, près de Chapleau (Ontario). Le contremaître et l'opérateur de machine ont quitté le véhicule rail-route juste avant la collision. Il n'y a eu ni blessure ni déraillement. Le véhicule rail-route a été détruit. La collision s'est produite lorsqu'on a conduit par erreur le véhicule d'entretien au-delà du signal extérieur de la voie principale à l'extrémité ouest de la voie d'évitement de Kinogama sans avoir d'abord obtenu un permis d'occuper la voie pour protéger le mouvement. L'enquête a permis de déterminer que si l'on ne met pas en œuvre des moyens de défense physiques offrant des avertissements ou permettant d'intervenir lorsque des véhicules d'entretien dépassent leur zone de circulation autorisée, des situations dangereuses causées par des erreurs humaines peuvent passer inaperçues, ce qui augmente les risques de collision entre des trains et des véhicules d'entretien.

R15T0245 (Whitby) – Le 25 octobre 2015, le train de voyageurs no 65 de VIA Rail Canada Inc. (VIA) roulait vers l'ouest de Montréal (Québec) à Toronto (Ontario) sur la voie sud de la subdivision de Kingston, près de Whitby (Ontario). Alors qu'il roulait à environ 38 mi/h, le train a dépassé un drapeau rouge et est entré à l'intérieur d'une zone de travaux exécutés par des travailleurs de la voie. Le train s'est arrêté à environ 500 pieds des travailleurs de la voie et de leur équipement sur la voie. Le contrôleur de la circulation ferroviaire avait acheminé le mouvement par erreur dans la zone de travaux. L'enquête a permis de déterminer que la mise en œuvre de la technologie existante, comme les détecteurs de proximité et les dispositifs d'avertissement avancé, peut être un moyen efficace pour avertir les équipes de train et les travailleurs de la voie qu'ils s'approchent les uns des autres.

R12V0008 (Messiter) – Le 14 janvier 2012, le train de marchandises n° A41651 13 de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (CN), circulant vers l'est de Kamloops (Colombie-Britannique) à Edmonton (Alberta), a percuté un véhicule d'entretien au point milliaire 14,5 de la subdivision de Clearwater du CN. Il n'y a eu ni blessure ni déraillement. Le véhicule d'entretien a été détruit. La locomotive de tête du train n'a pas été endommagée. L'enquête a permis de déterminer que des systèmes d'avertissement avancé existent et peuvent constituer des moyens de défense supplémentaires pour les contremaîtres qui dépassent par erreur leur zone de circulation autorisée. Au moment de l'événement, de tels systèmes n'étaient pas d'usage courant au Canada.

R11T0161 (Durham Junction) – Le 14 juillet 2011, le train de voyageurs no 051 de VIA roulait vers l'ouest depuis Montréal (Québec) jusqu'à Toronto (Ontario) lorsqu'il a heurté et tué accidentellement un employé des Services de l'ingénierie du CN au point milliaire 314,4 de la subdivision de Kingston. Le CN s'occupait de l'entretien de la voie dans ce secteur. Les travailleurs se concentraient sur leurs tâches et ne se sont pas rendu compte de l'approche imminente du train.