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Rapport d'enquête ferroviaire R11C0118

Déraillement en voie principale
du train de marchandises Q11531-18
du Chemin de fer Canadien National
au point milliaire 13,20 de la subdivision Three Hills
à Alix Junction (Alberta)
le


Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 21 octobre 2011, vers 9 h 35, heure avancée des Rocheuses, 7 wagons (13 caisses) du train de marchandises Q11531-18 du Chemin de fer Canadien National (CN) faisant route vers le sud au départ de Mirror (Alberta) et à destination de Calgary (Alberta), déraillent au point milliaire 13,2 de la subdivision Three Hills, près d'Alix Junction (Alberta). Les wagons déraillés transportaient des conteneurs chargés de divers produits, dont des marchandises dangereuses. Quelque 900 litres d'acide phosphorique (produits de nettoyage) se sont déversés et 470 pieds de voie ont été détruits. Il n'y a pas eu de blessés.

This report is also available in English .

Autres renseignements de base

Le 21 octobre 2011, vers 8 h 45Note de bas de page 1, le train de marchandises Q11531-18 (le train) du Chemin de fer Canadien National (CN) quitte Mirror (Alberta) à destination de Calgary (Alberta). Le train est tracté par 3 locomotives 6 essieux de General Motors, suivies de 87 wagons chargés. Les 25 premiers sont des wagons de marchandises mixtes et les autres, 62 wagons plats intermodaux porte-conteneurs à 2 niveaux. Le train pèse 11 135 tonnes et mesure 10 989 pieds de long.

L'équipe de train est composée d'un mécanicien et d'un chef de train, postés dans la cabine de la locomotive de tête. Les 2 connaissent bien la subdivision, se conforment aux normes en matière de repos et de condition physique et répondent aux exigences de leurs postes respectifs.

À 9 h 35, alors que le train roule vers le sud sur la subdivision Three Hills à 22 mi/h, manipulateur à la position 4 et les freins desserrés, un freinage intempestif provenant de la conduite générale (UDE) se déclenche près d'Alix Junction (Figure 1). Juste avant l'UDE, plusieurs saccades légères avaient secoué le train. Après l'immobilisation du train, l'équipe lance le message d'urgence qui s'impose et informe le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF). Ensuite, le chef de train procède à une inspection du train et découvre que 7 wagons plats intermodaux porte-conteneurs à 2 niveaux, du 53e au 59e wagon, avaient déraillé à environ 5 770 pieds derrière les locomotives. Les wagons déraillés comprennent au total 13 caisses (plates-formes) et 26 conteneurs chargés. Il n'y a pas de blessés.

Au moment de l'accident, il faisait 0°C et le ciel était dégagé dans l'ensemble, malgré un peu de brouillard de faible altitude.

Figure 1. Lieu du déraillement (Source : Atlas des chemins de fer canadiens, Association des chemins de fer du Canada)

Examen du site

L'accident s'est produit dans une zone rurale sans passages à niveau ni voies d'évitement à proximité. Les marques sur le rail et les dommages causés à la voie indiquent que le point de déraillement (PDD) se situait au point milliaire 13,2 dans une courbe à gauche de 6°, juste au sud du pont d'Ardley enjambant la rivière Red Deer. La courbe, située dans une rampe de 0,7 %, présentait un dévers de 1 pouce. La plate-forme de la voie à cet endroit se trouvait surélevée d'environ 40 pieds par rapport au terrain adjacent. La vitesse maximale dans le secteur était de 25 mi/h jusqu'au point milliaire 13,5, où elle était relevée à 40 mi/h.

Les 2 premiers wagons (4 plates-formes) avaient déraillé sur le côté haut de la courbe et, après avoir dévalé le remblai, s'étaient renversés. Le troisième wagon chevauchait la dernière plateforme du deuxième wagon. Les autres wagons et plates-formes avaient déraillé des 2 côtés de la voie (Figure 2). Chaque plate-forme transportait 2 conteneurs chargés de divers produits.

Figure 2. Croquis du site

Les wagons déraillés se répartissaient en 2 groupes, séparés par une distance d'environ 80 pieds. À l'intérieur de cette distance, la voie n'était pas endommagée et comportait 3 joints dans le rail haut. Il n'y avait pas de marques de roue sur la voie intacte. À l'extrémité sud de ce tronçon, un morceau de rail Dominion de 1959 s'était rompu sur une longueur de 14 pieds, ses 2 bouts présentant un défaut transversal bien identifié sur le congé de roulement (photos 1 et 2). À l'extrémité nord du tronçon, il y avait des marques sur le patin du rail haut, ce qui indiquait que le rail avait été poussé vers le sud dans les anticheminants; le bout nord d'un autre morceau du rail haut exhibait un écrasement à la hauteur d'un joint rompu. Un certain nombre de sections de rail rompu arboraient des microfissures de surface du champignonNote de bas de page 2 et un écaillageNote de bas de page 3 dans la partie centrale de la surface de roulement.

Photo 1. Vue vers le nord du site de déraillement (Nota : Fissure de fatigue dans l'about de rail)

Photo 2. Rail rompu et ses 2 défauts transversaux

Renseignements sur le train

Le train Q115 quittait Toronto (Ontario) chaque jour, à destination de Calgary (Alberta). Entre Edmonton et Calgary, il traversait les subdivisions Camrose et Three Hills. Ce train, et sa contrepartie vers le nord, le Q114, parcouraient ces 2 subdivisions depuis 2008. Le train en cause avait été formé selon les normes du CN en matière de formation des trains (figure 3).

Figure 3. Superposition de la formation du train et du profil de la voie (Nota : La ligne rouge indique le PDD)

Renseignements sur la subdivision

La subdivision Three Hills est constituée d'une voie principale simple de catégorie 2 qui s'étend de Mirror (Alberta) au triage Sarcee à Calgary (Alberta), au point milliaire 126,0. Les mouvements de train y sont régis par le système de régulation de l'occupation de la voie (ROV) autorisé en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REFC) et supervisé par un contrôleur de la circulation ferroviaire en poste à Edmonton (Alberta).

De 2007 à 2010, le trafic ferroviaire, mesuré en millions de tonnes brutes (MTB), avait augmenté d'environ 86 %, passant de 5,1 à 9,5 MTB (Figure 4). 

Figure 4. Trafic ferroviaire (MTB) de 2006 à 2010

Renseignements sur la voie

Au lieu du déraillement, le rail haut consistait en un long rail soudé (LRS) de 115 livres provenant de trois fabricants : Dominion Steel (1949/1950), Algoma Steel (1956/1957) et Dosco Steel (1961/1965). Le rail bas était un LRS de 115 livres fabriqué par Nippon en 2002. Les rails reposaient sur des selles de 14 pouces à double épaulement et étaient fixés sur des traverses en bois dur no 2 à raison de 3 crampons par selle. Tout au long de la courbe, chaque traverse était munie d'anticheminants sur les 2 rails. Le ballast de pierre concassée était en bon état.

Inspection et entretien de la voie

Un inspecteur autorisé avait inspecté la voie à bord d'un véhicule rail-route le 20 octobre 2011, soit la veille de l'accident; aucun défaut de voie n'avait été relevé près du lieu du déraillement. Les derniers travaux d'entretien exécutés dans le secteur remontaient aux 5 et 6 octobre; ils consistaient à remplacer 4 rails sur le haut rail après qu'un certain nombre de fissures de fatigue transversales (FFT) aient été découvertes lors du contrôle ultrasonique des rails du 19 septembre 2011.

En 2010, la subdivision Three Hills avait fait l'objet de 3 contrôles de la géométrie de la voie par la voiture TEST du CN. Deux autres contrôles identiques ont eu lieu en 2011 avant l'accident, soit les 20 mai et 10 août; lors de ces contrôles, on a déterminé que le dévers de la voie était approprié pour la vitesse. Le contrôle du 20 mai a révélé sur le rail gauche un défaut de surface de courte longueur exigeant une intervention prioritaireNote de bas de page 4 (≥ 1 pouce ½) dans le raccordement de la courbe. Le contrôle du 10 août a permis de détecter, sur une distance de 211 pieds dans la courbe, un surécartement exigeant une intervention prioritaire (> ¾ de pouce).

Dans la subdivision Three Hills, on a procédé tous les ans à un meulage des rails pour supprimer les défauts de surface et corriger le profil de certaines courbes. Le plus récent programme de meulage à cet endroit a eu lieu le 8 juin 2011. De plus, de grands programmes de remplacement de rails ainsi que de renouvellement des traverses et du ballast y avaient été réalisés au cours des 4 années précédentes dans le cadre d'une modernisation de la voie pour qu'elle puisse accueillir le trafic ferroviaire qui avait été détourné auparavant sur la ligne sud du CN dans les PrairiesNote de bas de page 5. L'usure des rails dans cette subdivision se situait en général dans les limites de la spécification du CN relative à leur durée de vie. Le récent programme de remplacement de rails consistait surtout à déposer et à remplacer les rails plus anciens d'Algoma, de Dosco et de Dominion. Vers la fin de 2010, quelque 4,25 milles de rails datant des années 1950 et 1960 (Algoma/Dosco/Dominion) armaient encore la voie, y compris le tronçon dont il est question ici.

Auscultation des rails

Les auscultations par ultrasons sont la principale méthode dont on se sert pour détecter les défauts internes de rail et limiter les risques de rupture. Ces récentes années, les méthodes d'auscultation de rails ont connu des améliorations, notamment la formation des opérateurs, l'ajout de sondes additionnelles placées à des angles différents et l'amélioration des logiciels de reconnaissance des défauts. C'est une méthode de contrôle qui s'avère fiable et économique, mais qui comporte certaines limites. Le seuil de détectabilité des défauts dépend de la taille et de l'orientation du défaut transversal et peut varier en raison de la présence de graisse ou de saleté sur le champignon. D'autres facteurs comme des microfissures de surface du champignon et des écailles internes peuvent influer sur les résultats des contrôles.

Le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) exige que les voies de catégorie 2 soient inspectées au moins 1 fois par année à la recherche de défauts internes. En 2010 et 2011, le CN a soumis la subdivision Three Hills à des contrôles mensuels, dépassant ainsi les exigences du RSV et celles de ses propres circulaires sur les méthodes normalisées (CMN)Note de bas de page 6. Selon les registres des contrôles, le contrôle de détection des défauts de rail effectué le 11 octobre, soit 10 jours avant le déraillement, n'a révélé aucun défaut de voie dans la zone du déraillement. On avait utilisé pour ce contrôle la voiture 951 de Sperry Rail Services (SRS), qui est équipée du plus récent des outils d'analyse par l'opérateur et de la technologie de contrôle par ultrasons et induction (Annexe A). Les résultats du contrôle ont effectivement noté la présence d'un ruban de petits éclats, d'écailles, de saleté et de graisse sur le champignon. Un examen d'échantillons de rail par le CN et la SRS après le déraillement a conclu que l'existence et la profondeur des microfissures de surface du champignon et des écailles dans la partie centrale de la surface de roulement avaient nui à la capacité des signaux ultrasoniques de pénétrer l'acier.

On trouve à l'Annexe B un résumé de l'information sur la détection des défauts de rail en 2010 et 2011 dans la subdivision Three Hills. Pour cette période, tous les défauts étaient situés dans les rails d'époque, plus anciens, d'Algoma, Dosco et Dominion. En 2011, 54 ruptures de rail en service ont été relevées dans la subdivision, mais aucune dans le voisinage du lieu du déraillement.

Fatigue des rails

Une fissure de fatigue transversale (FFT) est un type de fissure dont le plan est perpendiculaire au sens de roulement du rail. Une fissure de fatigue est une rupture progressive qui résulte d'une séparation longitudinale voisine de la surface de roulement, ou d'un écaillage qui prend naissance au congé de roulement et s'étend transversalement dans le champignon du rail. Connu sous le nom de « fissure de fatigue causée par l'écaillage », ce défaut ne peut pas être identifié formellement tant que le rail ne s'est pas brisé, étant donné qu'il arrive peu souvent que la séparation ou la couture longitudinale attribuable à une fissure de fatigue soit exposée. La défaillance se manifeste souvent avant que le défaut devienne visible, et elle entraîne généralement une rupture complète du rail.

Les FFT présentent généralement des anneaux de croissance qui témoignent de la croissance progressive de la fissure de fatigue avec chaque cycle de fatigue. La surface du champignon sur laquelle la charge repose diminue à mesure de l'augmentation de la taille de la fissure de fatigue. La taille critique est atteinte lorsque la surface du champignon disponible n'est plus capable de supporter la charge; il se produit alors une rupture soudaine et complète du rail.

La taille d'une fissure de fatigue est habituellement exprimée en fonction d'un pourcentage de la surface du champignon d'un rail neuf ou non usé. Dans le cas des rails récupérés au cours du présent évènement, la taille de la fissure de fatigue la plus grande équivalait à environ 25 % de la surface du champignon d'un rail neuf.

Les défauts transversaux sont des défauts qui se forment couramment dans les rails qui ont atteint ou sont sur le point d'atteindre leur limite de fatigue. La durée de vie en fatigue dépend d'un certain nombre de facteurs, dont le tonnage accumulé, l'endroit (courbe ou alignement droit), la propreté de l'acier, l'état des supports, la qualité de l'acier et les contraintes résiduelles dans le rail. Dans des conditions optimales, cette durée peut aller jusqu'à plus d'un milliard de tonnes brutes pour certains rails. Cependant, grâce au nombre accru de contrôles, d'inspections et de programmes de remplacement de rails, les rails fatigués sont normalement reconnus et enlevés avant d'atteindre leur durée de vie en fatigue.

Renseignements sur les wagons

Les wagons déraillés étaient des wagons intermodaux porte-conteneurs à 2 niveaux et à évidement central. Ce type de wagon peut être construit en différentes configurations. Parmi les versions courantes, on trouve le wagon articulé à 5 plates-formes à évidement de 40 pieds (longueur totale : 265 pieds) pour le transport de conteneurs internationaux de 20, 40 et 45 pieds, ainsi que le wagon articulé à 3 plates-formes à évidement de 53 pieds (longueur totale : 203 pieds) pour le transport de conteneurs de 53 pieds. Ces 2 modèles de wagon se trouvaient à bord du train, mais seuls des wagons à 3 plates-formes et des wagons à une seule plate-forme ont été impliqués dans le déraillement.

Au moins 4 jours avant le présent évènement, tous les wagons avaient été soumis à des inspections autorisées ainsi qu'à un essai des freins à air. Au cours de l'inspection, aucune condition ni aucun défaut préexistant n'a été observé sur le matériel roulant déraillé.

Avant le déraillement, le train avait franchi un détecteur de défauts de roue (DDR) au point milliaire 219,1. de la subdivision Wainwright; les chocs enregistrés se situaient dans la plage normale de service. Le train avait aussi franchi un détecteur de boîtes chaudes et de pièces traînantes (DBC) au point milliaire 5.2 de la subdivision Three Hills; le DBC n'a émis aucune alarme.

Marchandises dangereuses

Le DTTX 785225, wagon plat intermodal à 3 plates-formes en cause dans le déraillement, transportait 3 conteneurs chargés de marchandises dangereuses :

Les produits dangereux placés à l'intérieur des conteneurs se trouvaient dans des emballages allant de bidons de 4 litres jusqu'à des fûts de 170 litres. Certains de ces emballages ont été endommagés lors du déraillement, provoquant le déversement de quelque 900 litres d'une solution nettoyante liquide contenant de l'acide phosphorique.

Autres événements similaires

Le BST a mené des enquêtes sur un certain nombre de déraillements provoqués au cours des dernières années par des ruptures de rail attribuables à des défauts de rail non détectés lors de contrôles effectués peu de temps avant l'accident ou quand les résultats des contrôles avaient été affectés par un mauvais état de la surface des rails. Voici ces enquêtes :

Analyse

On considère que ni l'état du matériel roulant ni la conduite du train n'ont été des facteurs contributifs à cet accident. L'analyse s'intéressera surtout à la fatigue et à l'auscultation des rails.

L'accident

Les wagons ont déraillé en 2 groupes distincts, séparés par une distance d'environ 80 pieds de voie non endommagée. Étant donné l'absence de marques de roue sur le tronçon de voie intact et la manière dont les wagons se sont empilés sur chaque côté de la voie dans la partie nord du site, à l'intérieur d'une courbe à gauche de 6 °, on conclut à une défaillance catastrophique soudaine du rail haut, probablement attribuable à un défaut transversal existant dans le rail. Lors du renversement du rail haut rompu, le wagon DTTX 680689 a déraillé en premier, basculant sur son côté et glissant le long de la banquette ouest. Ce premier wagon déraillé a été suivi par 2 plates-formes du wagon DTTX 724959 derrière lui. Le rail à ce premier point de rupture a continué de se fissurer et de se casser en plusieurs morceaux, créant dans la voie une brèche où les wagons se sont empilés.

Au cours du déraillement, un second groupe de wagons a quitté la voie juste au sud du premier point de rupture du rail. À ce deuxième endroit, le haut rail avait été poussé vers le sud; à cause de ce déplacement, elle s'est désalignée et brisée en plusieurs courts tronçons (jusqu'à 14 pieds de long) en raison d'un certain nombre de défauts de voie transversaux préexistants dans le rail.

Contrôle ultrasonique des rails

Le rail d'époque des années 1950 et 1960 sur la subdivision Three Hills n'a pas dépassé la durée de vie prévue dans les spécifications du CN, même s'il était en service depuis plus de 45 ans. Le rail avait été soumis régulièrement à des contrôles ultrasoniques. On avait récemment augmenté la fréquence de ces contrôles, sans pour autant pouvoir détecter la FTT au point initial du déraillement.

Parmi les morceaux de rail sur le site du déraillement, certains présentaient des microfissures de surface du champignon et des écailles dans la partie centrale de la surface de roulement. Le contrôle ultrasonique des rails n'est pas toujours fiable quand la surface du rail est en mauvais état ou contaminée; dans ces situations, en effet, il est possible que le signal ultrasonique ne pénètre pas suffisamment la surface du rail, masquant ainsi tout défaut de rail interne en voie de développement, ce qui augmente le risque de déraillement par rupture de rail.

En dépit des avancées technologiques du contrôle ultrasonique, la détection ponctuelle de tous les défauts internes de rail continue de poser problème.

Fatigue des rails

Le CN s'attaque au problème de la fatigue des rails en procédant à des contrôles plus fréquents et en surveillant étroitement le nombre et le type de défauts détectés. De plus, il met en œuvre d'importants programmes de remplacement de rails sur le point d'atteindre leur durée de vie en fatigue. Au cours des 4 années précédentes, de tels programmes avaient été axés sur l'enlèvement des rails plus anciens d'Algoma, de Dosco et de Dominion sur la subdivision Three Hills. Au moment du déraillement, quelque 4,25 milles de ces rails d'époque demeuraient encore en place; le maintien en service de tels rails continuera d'augmenter le nombre de défauts de fatigue, ce qui accroît le risque de défaillance des rails.

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le train a déraillé à la suite d'une défaillance catastrophique soudaine de la file haute, probablement causé par un défaut transversal existant dans le rail.
  2. Un second groupe de wagons a quitté la voie juste au sud du premier point de rupture du rail. À ce deuxième endroit, le haut rail avait été poussé vers le sud; à cause de ce déplacement, il s'est désaligné et s'est brisé en plusieurs courts tronçons (jusqu'à 14 pieds de long) en raison d'un certain nombre de défauts de voie transversaux préexistants dans le rail.
  3. En dépit de la fréquence accrue des auscultations, les contrôles ultrasoniques n'ont pas réussi à détecter tous les défauts transversaux dans le rail d'époque, plus ancien.
  4. 4. Les résultats des contrôles ultrasoniques des rails ont été probablement affectés par le mauvais état de la surface du rail, y compris certaines microfissures de surface du champignon et la présence d'écailles dans la partie centrale de la surface de roulement.

Faits établis quant aux risques

  1. 1. Le contrôle ultrasonique des rails n'est pas toujours fiable quand la surface du rail est en mauvais état ou contaminée; dans ces situations, en effet, il est possible que le signal ultrasonique ne pénètre pas suffisamment la surface du rail, masquant ainsi tout défaut de rail interne en voie de développement; il en résulte un risque accru de déraillement par rupture de rail.
  2. 2. Quand un rail d'époque, plus ancien, demeure en voie, le nombre de défauts de fatigue continuera d'augmenter, d'où un plus grand risque de défaillance du rail.

Autre fait établi

  1. 1. En dépit des avancées technologiques du contrôle ultrasonique des rails, la détection ponctuelle de tous les défauts de rail internes continue de poser problème.

Mesures de sécurité

Le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV), dont la révision est entrée en vigueur le 25 mai 2012, renforce sensiblement l'obligation de la détection des défauts de rail et comprend maintenant une exigence ainsi qu'une mesure d'atténuation à l'égard d'un « tronçon omis d'une inspection de détection des défauts de rail » :

Article 5.8 - Tronçon omis d'une inspection de détection des défauts de rail

  1. Si le conducteur d'un appareil de détection des défauts de rail estime que, en raison de l'état de la surface de roulement ou pour toute autre raison, il n'était pas possible de procéder à une recherche valable des défauts internes sur une longueur particulière de la voie, le contrôle de ce tronçon de voie ne peut être considéré comme une recherche de défauts internes en vertu du présent article.
  2. S'il n'a pas été possible, pour les raisons décrites en a), de procéder à une recherche valable des défauts internes, le chemin de fer doit, avant l'expiration du délai d'inspection ou avant l'atteinte de la limite de tonnage transporté
    1. effectuer une telle recherche, ou
    2. déclasser la voie de manière à en rétablir la conformité jusqu'à ce qu'une recherche valable des défauts internes puisse être effectuée; ou
    3. retirer le rail de la voie.

Le CN continue de travailler en étroite collaboration avec ses fournisseurs d'appareils de détection de défauts des rails pour améliorer les protocoles et les méthodes d'auscultation des rails.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le . Il est paru officiellement le 10 septembre 2012.

Annexes

Annexe A - Méthodes d'auscultation des rails

Figure 5. Transducteur logé
dans une roue

La méthode d'auscultation des rails par induction consiste à induire un fort champ magnétique dans le rail en y faisant passer une grande quantité de courant à faible tension. La présence d'un défaut interne modifie le champ magnétique, et l'indication de défaut est consignée par un enregistreur à bande déroulante. La méthode par induction permet surtout de sonder le champignon du rail. Quoiqu'elle puisse déceler des fissures transversales, elle ne permet pas de détecter un grand nombre d'autres défauts de fabrication et de défauts et fissures de fatigue qui sont dus au service et se trouvent sous le champignon du rail.

Les contrôles ultrasoniques complètent l'auscultation par induction et font appel à des ondes sonores à haute fréquence qui sont générées par un transducteur et qui se propagent dans le matériau. Quand une fissure crée une discontinuité qui affecte la propagation de l'onde, une partie de l'énergie est réfléchie par la surface du défaut. Le signal réfléchi est transformé en signal électrique par le transducteur et s'affiche à l'écran. La force du signal réfléchi s'affiche en fonction du temps qui s'est écoulé entre l'émission du signal et la réception d'un écho. On peut établir une relation directe entre le temps de déplacement du signal, la distance parcourue par le signal et la position, la taille et l'orientation exacte du réflecteur. Les compagnies ferroviaires nord-américaines utilisent l'auscultation des rails par ultrasons depuis l'introduction de la première voiture d'inspection par ultrasons en 1959; cette méthode est encore la plus utilisée de nos jours.

Les transducteurs sont logés dans des roues remplies de liquide qui assurent le couplage entre les transducteurs et le rail (Figure 1). Un liquide de couplage consistant en une fine pellicule d'eau mélangée à du glycol ou du calcium facilite la transmission des ultrasons entre les transducteurs et le rail. Les transducteurs sont placés dans différents angles de façon que l'inspection soit aussi complète que possible.

  1. Toutes les heures indiquées correspondent à l'heure avancée des Rocheuses (temps universel coordonné, moins 6 heures).
  2. Le terme microfissure de surface du champignon désigne des fissures fines qui se forment à la surface du rail.
  3. Le terme écaillage désigne une fissuration sous-surfacique du rail, dans le sens longitudinal.
  4. Un défaut de surface se mesure à la flèche maximale positive ou négative formée par une corde de 62 pieds tendue le long de la surface supérieure du rail.
  5. La ligne sud du CN dans les Prairies constitue l'itinéraire de cette compagnie entre Saskatoon et Calgary.
  6. Les calendriers des contrôles ont été établis en fonction des exigences d'entretien du RSV et du CN ainsi que, dans une certaine mesure, des défauts en service. De plus l'intervalle entre les inspections était plus court en hiver parce que les défauts progressent plus vite (et la défaillance se produit plus tôt) par temps froid.

Annexe B – Résumé des défauts de rail (2010 et 2011)

BHJ
Trou d’éclissage à un joint
VSH
Fissuration verticale du champignon
TDD
Fissure de fatigue transversale
HWJ
Séparation du champignon et de l’âme dans la zone du joint
SWO
Fissuration de l’âme à l’extérieur du joint
SWJ
Fissuration de l’âme à un joint
HSH
Fissuration horizontale du champignon
CH
Écrasement du champignon
PRO
Retassure
DWP
Défectuosité d’une soudure effectuée en usine
HWO
Séparation du champignon et de l’âme à l’extérieur du joint