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Rapport d'enquête ferroviaire R03T0157

Déraillement en voie principale
du train numéro A-450-31-21
exploité par le Canadien National
au point milliaire 68,9 de la subdivision Bala
à Gamebridge (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 21 mai 2003 à 11 h 44, heure avancée de l'Est, 49 wagons du train A-450-31-21 du Canadien National (CN), qui roulait en direction sud à destination de Toronto (Ontario) après être parti de North Bay (Ontario), ont déraillé au sud du passage à niveau de la route 12, dans le village de Gamebridge (Ontario), au point milliaire 68,9 de la subdivision Bala du CN. Le déraillement a touché 21 wagons-citernes chargés d'acide sulfurique, 2 wagons couverts vides et 26 wagons couverts chargés de papier.

Quelque 250 tonnes d'acide sulfurique se sont déversées de trois wagons-citernes. Un câble de fibre optique qui était enfoui du côté ouest de la voie ferrée a été sectionné, ce qui a entraîné une interruption de service pendant 16 heures. On a dû fermer la route 12 dans le secteur du déraillement jusqu'au matin du 26 mai 2003. En raison de la toxicité du produit qui fuyait et pour faciliter les opérations de nettoyage, on a fait évacuer une cinquantaine de personnes. Deux pompiers ont été légèrement incommodés par les vapeurs toxiques, et un résidant de l'endroit a subi des brûlures mineures aux pieds causées par l'acide.

This report is also available in English.

Renseignements de base

L'accident

Le 21 mai 2003, le train de marchandises A-450-31-21 du Canadien National (CN) part de North Bay (Ontario) et roule en direction sud dans la subdivision Bala, à destination de Toronto (Ontario). La température est de 20 °C, le temps est clair et ensoleillé et un vent léger souffle du nord-est.

Vers 11 h 44, heure avancée de l'EstNote de bas de page 1, pendant que le train roule à 59 mi/h et que la manette des gaz est à la position no 5, un serrage d'urgence intempestif des freins survient. Après avoir pris les mesures d'urgence voulues, l'équipe inspecte le train et constate que 49 wagons, du 47e wagon au 95e wagon derrière le groupe de traction, ont déraillé et se sont empilés un peu au sud du passage à niveau de la route 12, au point milliaire 68,9, dans le village de Gamebridge (Ontario) (voir la photo 1). La voie ferrée est détruite sur une distance de quelque 1700 pieds, à partir de l'extrémité sud du passage à niveau de la route 12 et vers le sud jusqu'au passage à niveau du chemin de concessions A.

Photo 1. Vue aérienne des lieux du déraillement, vers le sud
Vue aérienne des lieux du déraillement, vers le sud

Le déraillement a affecté 21 wagons-citernes de classe 111A chargés d'acide sulfurique (ONU 1830)Note de bas de page 2, 2 wagons couverts vides et 26 wagons couverts chargés de papier. Quelque 250 tonnes d'acide se sont déversées. Les intervenants d'urgence ont confiné le déversement et ont éteint un petit incendie.

Grâce aux attelages à double plateau, la plupart des wagons-citernes déraillés sont restés ensemble, mais une séparation s'est produite entre le 49e wagon (PROX 16159) et le 50e wagon (UTLX 12779). Les 47e, 48e et 49e wagons ont été entraînés vers le sud jusqu'au point milliaire 68,3, où le wagon PROX 16159 s'est détaché du train et s'est renversé sur le côté, à l'ouest de la voie ferrée. L'avant du train a continué en direction sud sur une distance additionnelle de 400 pieds, et s'est arrêté près du point milliaire 68,2.

Le 47e wagon (PROX 16125) est resté à la verticale, les roues de son bogie arrière déraillant du côté intérieur du rail ouest. Le 48e wagon (GATX 6565) est resté sur ses roues après que ses huit roues ont toutes déraillé. Les trois wagons ont causé un élargissement de la voie, endommageant les traverses, les selles de rail, les anticheminants et les crampons, et ont renversé le rail ouest sur une distance additionnelle de 2000 pieds au-delà du secteur du déraillement principal.

L'examen des données du consignateur d'événements a révélé qu'on a actionné le sifflet de la locomotive pour la dernière fois à 11 h 43 min 32 s, alors que le train roulait à 59 mi/h aux alentours du passage à niveau du chemin de concessions A, au point milliaire 68,84. La règle 14 (l) du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) exige qu'on actionne le sifflet de locomotive à au moins un quart de mille de tous les passages à niveau publics jusqu'à ce que le passage à niveau soit entièrement occupé par la locomotive.

La perte de la pression dans la conduite générale s'est produite à 11 h 44 min 7 s. Environ 94 secondes avant la chute de pression dans la conduite générale, le train avait accéléré de 57 mi/h à 59 mi/h. Ni les freins du train ni le frein rhéostatique n'ont été serrés pendant les deux minutes qui ont précédé le serrage d'urgence intempestif.

Pendant les 35 secondes écoulées entre la fin des coups de sifflet et le début du serrage d'urgence intempestif, le train a parcouru une distance d'environ 3030 pieds. Le passage à niveau du chemin de concessions A se trouve à environ 460 pieds au sud du passage à niveau de la route 12. Les wagons qui étaient près du passage à niveau de la route 12 au moment du serrage d'urgence intempestif se trouvaient à environ 3490 pieds de la tête du train. Dans le train A-450-31-21, deux wagons couverts vides, en l'occurrence le 68e wagon et le 69e wagon du train, se trouvaient à environ 3400 pieds de la tête.

Le train pesait quelque 11 800 tonnes et mesurait 5889 pieds. Il tirait 103 wagons chargés, 8 wagons vides et 1 wagon de résidus. Il comptait 3 locomotives, suivies de :

On sait que les trains dans lesquels des wagons vides sont placés entre des wagons chargés sont soumis à des forces de compression accrues pendant les freinages d'urgenceNote de bas de page 3. Le Bureau a enquêté sur des déraillements similaires, lors desquels il y avait eu un freinage d'urgence dans des trains longs comptant des wagons vides à l'avant et des wagons chargés à l'arrière (R00Q0023, R01T0006, et R01M0061).

La subdivision Bala fait partie de la ligne principale du réseau transcontinental du CN; à partir de Toronto, point milliaire 0,0, elle va en direction nord jusqu'à Capreol (Ontario), point milliaire 276,1 (voir la figure 1). En 2002, le trafic ferroviaire qui a circulé dans la subdivision représentait 34,2 millions de tonnes brutes (MTB). Dans la subdivision Bala, la circulation est surveillée par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Toronto, et elle est régie par commande centralisée de la circulation (CCC) en vertu du REF.

Figure 1. Lieu du déraillement (Source : Atlas des chemins de fer canadiens)
Lieu du déraillement

L'équipe de conduite était constituée d'un mécanicien et d'un chef de train. Les membres de l'équipe répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.

Particularités de la voie

La voie de la subdivision Bala est une voie de catégorie 4Note de bas de page 4 sur laquelle la vitesse maximale autorisée est de 60 mi/h pour les trains de marchandises et de 80 mi/h pour les trains de voyageurs. Dans le secteur du déraillement, la voie est en alignement droit, elle a été construite sur un remblai de six pieds et elle descend en direction sud une pente de 0,28 %. Le ballast était constitué de pierre et de laitier concassés.

La voie était faite de longs rails soudés (LRS) de 136 livres, fabriqués en 1996 par la Sydney Steel et posés en 1999. Les rails étaient posés sur des selles de 14 pouces à double épaulement et étaient retenus aux traverses par deux crampons à chaque selle de rail. Ils étaient encadrés par des anticheminants à toutes les deux traverses. Les traverses et les éléments de fixation étaient dans un état acceptable, sauf plusieurs traverses situées au nord du passage à niveau, qui étaient écrasées ou fendues ou dont des crampons étaient manquants. En général, la voie était en bon état au sud du passage à niveau de la route 12.

Il y avait plusieurs joints sur les deux rails, immédiatement au nord du passage à niveau. Sur le rail ouest, un joint avait une cale d'épaisseur. Un coupon de rail de 18 pieds était boulonné sur le rail est, et les deux joints étaient écrasés. Un joint reposait sur deux traverses mais n'était assujetti que par une selle de rail (voir la photo 2), étant donné que l'autre selle avait fini par se séparer de la traverse. Un jeu d'éclisses avait aussi été installé sur le rail est, à un endroit où le champignon était aplati et écrasé. Ces éclisses étaient retenues en place par quatre boulons vissés dans les trous placés aux extrémités. On a relevé des signes de remontées de boue et de mauvais écoulement des eaux, surtout près des joints situés au nord du passage à niveau (voir la photo 3). L'examen de plusieurs autres franchissements routiers dans un rayon de 10 milles des lieux du déraillement a révélé des conditions similaires.

Photo 2. État du joint de rail (point milliaire 68,9 de la subdivision Bala, un peu au nord de la route 12)
État du joint de rail
Photo 3. Gros plan du joint situé au nord du passage à niveau de la route 12
Gros plan du joint situé au nord du passage à niveau de la route 12

Le passage à niveau de la route 12 avait une surface asphaltée et des rails de butée en caoutchouc, et il était protégé par des feux clignotants, une cloche et des barrières. Le revêtement du passage à niveau devait être renouvelé en juin 2003. Un examen du passage à niveau, fait quelque temps après le déraillement, a révélé qu'il n'y avait aucune marque de roue ou de boudin de roue à la surface de la route près du passage à niveau. Au cours de l'évaluation réalisée après l'accident, on a mesuré l'écartement et le nivellement longitudinal de la voie sous le poids d'un wagon chargé, dans le secteur situé au nord du passage à niveau. On a relevé cinq défauts de nivellement transversal sur voie droite qui nécessitaient une intervention quasi urgente (c'est-à-dire au moins 70 % de la limite à laquelle une intervention urgente s'impose), deux défauts de nivellement transversal espacés de moins 62 pieds (Warp 62) qui exigeaient une intervention quasi urgente, et deux endroits où le Warp 62 était de 1 7/16 pouce, soit une valeur supérieure à la limite (1 1/4 pouce) à partir de laquelle une intervention urgente est nécessaire selon la partie II, C. Géométrie de la voie, VI Nivellement, du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV). L'expression Warp 62 désigne la variation du nivellement transversal dans un alignement, un raccordement ou une courbe, mesurée entre deux points quelconque distants de 62 pieds au plus.

Inspection et entretien

Les programmes d'inspection de la voie aident à planifier l'entretien en permettant de déceler sur la voie des dangers qui pourraient empêcher les trains de rouler à la vitesse autorisée. Les normes et directives concernant l'inspection de la voie ferrée figurent dans la Circulaire sur les méthodes normalisées (CMN) 3100 du CN. Les exigences du CN en matière d'inspection de la voie sont conformes à la partie I, section 6 du RSVNote de bas de page 5, qui oblige la compagnie ferroviaire à rétablir la conformité de la voie ou à faire cesser la circulation sur la voie en cause.

La gestion de la sécurité des opérations comprend la mise en place d'une stratégie d'inspection et d'entretien de la voie. La section 13.1 de la partie I du RSV exige qu'on fasse l'inspection des voies à des intervalles et selon des méthodes garantissant que la sécurité de la circulation des trains est assurée. À la partie II, section F du RSV, on expose les exigences minimales pour repérer les dérogations aux normes énoncées dans la partie II.

La subdivision Bala est divisée en des territoires d'entretien et d'inspection dont la responsabilité incombe à un superviseur de la voie, qui relève lui-même du superviseur général de l'Ingénierie. Jusqu'à tout récemment, l'équipe permanente d'entretien avait eu pour objet d'assurer l'entretien et les inspections courantes. Par le passé, des équipes supplémentaires se chargeaient des principaux programmes de travaux et se déplaçaient dans le territoire en fonction d'un programme d'entretien. Bien que la taille de l'équipe permanente du sud de la subdivision Bala soit restée relativement stable ces dernières années, une proportion accrue des travaux projetés est maintenant confiée aux équipes d'entretien en ligne.

Avant 2002, quatre superviseurs adjoints de la voie se partageaient les fonctions d'inspection de la voie dans la partie sud de la subdivision Bala entre les points milliaires 22 et 94, ainsi que dans la subdivision Newmarket entre Washago (Ontario) et North Bay. Lors du déraillement, il n'y avait que deux superviseurs adjoints de la voie dans le territoire : un dans la subdivision Bala et un dans la subdivision Newmarket. Le superviseur adjoint de la voie affecté au secteur du déraillement couvre un territoire d'une longueur totale de 72 milles de voie principale. Le superviseur adjoint de la voie doit inspecter ce tronçon deux fois par semaine tout en se chargeant de ses autres tâches d'inspection et d'entretien des voies d'évitement et de garage.

Comme environ 22 trains circulent chaque jour dans la subdivision Bala dans le secteur où le déraillement a eu lieu, le temps que le superviseur adjoint de la voie peut passer sur la voie ne lui permet normalement pas de terminer son inspection en une journée. Pour cette raison, les inspections s'étalent sur deux journées, à moins que d'autres membres qualifiés du personnel d'entretien de la voie viennent aider.

Au cours de ces inspections, les inspecteurs de la voie doivent être attentifs à un grand nombre de points, notamment les traverses, l'état des rails, les fixations, l'écoulement des eaux, la protection des passages à niveau. La liste de contrôle des superviseurs adjoints de la voie comprend l'évaluation de 23 aspects relatifs à la voie, conformément aux exigences de la CMN 3100 du CN (voir l'annexe A).

La CMN 3100 exige qu'après chaque inspection, le superviseur adjoint de la voie rédige et signe le jour même un rapport qui sera conservé au moins un an après la date de l'inspectionNote de bas de page 6. Les défauts de la voie qui s'écartent des normes énoncées dans le RSV ou dans les CMN sont consignés dans les formulaires en question. Ce rapport n'indique pas les renseignements additionnels relatifs aux inspections, comme les emplacements des défauts d'apparition récente. On signale normalement ces renseignements additionnels dans des journaux de bord personnels.

Avant le déraillement, le superviseur adjoint de la voie a inspecté la voie le 19 mai 2003 lorsqu'il est passé dans le secteur à bord d'un véhicule rail-route. Il n'a pas relevé de problèmes importants près du passage à niveau de la route 12.

En plus de procéder à des inspections visuelles, le CN fait circuler une voiture d'évaluation de la voieNote de bas de page 7 (voiture TEST) au moins cinq fois par année sur les voies de la subdivision Bala. La CMN 3101 du CN précise les écarts admissibles par rapport à un certain nombre de paramètres relatifs à la géométrie de la voie, dont l'écartement, le dressage, le dévers, le nivellement longitudinal, le gauchissement et le nivellement transversal. Tout dépassement des valeurs permises oblige à prendre des mesures correctives. Les écarts supérieurs aux normes du RSV en matière de géométrie de la voie sont définis comme étant des défauts nécessitant une intervention urgente.

La voiture TEST a contrôlé le tronçon en cause le 7 avril 2003 et le 21 avril 2003. Au cours du contrôle du 21 avril, la voiture a enregistré deux défauts de la géométrie de la voie un peu au nord du passage à niveau de la route 12 : un écart de 1 1/8 pouce quant au nivellement transversal sur une voie droite, nécessitant une intervention quasi urgente, et un Warp 62 de 1 3/8 pouce, nécessitant une intervention urgente. Le RSV précise, pour une voie de catégorie 4, qu'à partir de 1 1/4 pouce, une intervention urgente s'impose.

Le paragraphe 3. (b) de la CMN 3101 du CN précise que les défauts nécessitant une intervention quasi urgente doivent être inspectés dans un délai de 72 heures et être corrigés dans un délai de 30 jours. L'alinéa 3. (d) (ii) (3) de la CMN 3101 du CN indique que les défauts combinés nécessitant une intervention prioritaire (c'est-à-dire des défauts qui se trouvent à moins de 100 pieds les uns des autres) près des points de modification du module de la voie (par exemple, près des ponts, des passages à niveau et des branchements) doivent faire l'objet de mesures appropriées.

Bien qu'on ait atteint et même dépassé le seuil à partir duquel une intervention urgente s'imposait, aucun ordre de marche au ralenti n'a été imposé dans le secteur entre le passage de la voiture TEST et la date du déraillement. Il a été déterminé que la voiture TEST avait été réglée et étalonnée d'après les normes de la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis. La voiture TEST avait servi à l'évaluation de voies ferrées aux États-Unis avant l'inspection du 21 avril. Les réglages n'avaient pas encore été modifiés en fonction des exigences du RSV. La norme de la FRA concernant un Warp 62 n'est pas aussi contraignante que celle du RSV; donc, la valeur du Warp 62 à partir de laquelle une intervention urgente était nécessaire s'établissait à 1 3/4 pouce pour des voies de catégorie 4.

Le rapport de l'évaluation faite le 21 avril entre le point milliaire 16 et le point milliaire 92 de la subdivision Bala a révélé 11 défauts nécessitant une intervention urgente, 27 défauts nécessitant une intervention quasi urgente (c'est-à-dire 90 % de la valeur à partir de laquelle une intervention urgente est nécessaire) et 289 défauts nécessitant une intervention prioritaire. En tout, 46 % des défauts étaient dus à des surécartements. Comme il s'agissait d'une des premières inspections faites après les mois d'hiver, le nombre de défauts de la géométrie de la voie n'était pas inhabituel. Bien que le nombre de défauts nécessitant une intervention prioritaire qu'on a relevés lors de ces parcours d'évaluation puisse sembler problématique, la voiture TEST identifiait les écarts de la voie sans tenir compte de la longueur du défaut. Un grand nombre des défauts consignés ne touchaient que quelques pieds de voie. Quand on corrige un défaut nécessitant une intervention urgente, les défauts nécessitant une intervention prioritaire qui se trouvent dans les environs immédiats sont habituellement corrigés en même temps.

On doit réparer immédiatement les défauts nécessitant une intervention urgente, ou placer un ordre temporaire de vitesse réduite afin d'empêcher que les trains roulent à la vitesse maximale, compte tenu de la catégorie de la voie et de la gravité des défauts. Si ces mesures de sécurité ne sont pas mises en application, on doit faire cesser la circulation sur la voie en cause. La capacité de réaliser des travaux d'entretien préalables à l'enlèvement des ordres temporaires de vitesse réduite est tributaire de la durée d'occupation des voies par les équipes en temps voulu. Dès qu'un ordre de marche au ralenti est en vigueur, on s'efforce de corriger rapidement les défauts de la voie de façon à retarder la circulation des trains le moins possible. Les inspecteurs de la voie du CN ne sentent pas qu'on les incite à éviter d'imposer des ordres temporaires de vitesse réduite quand des dérogations aux exigences du RSV sont détectées; toutefois, le personnel de la voie a déjà eu beaucoup de difficulté à obtenir une durée d'occupation adéquate pour faire l'entretien voulu.

Les défauts nécessitant une intervention quasi urgente doivent être inspectés dans un délai de 72 heures et être corrigés dans un délai de 30 jours. Après avoir corrigé les défauts nécessitant une intervention urgente et ceux nécessitant une intervention quasi urgente, il faut s'attaquer aux défauts combinés nécessitant une intervention prioritaire (c'est-à-dire des défauts qui se trouvent à moins de 100 pieds les uns des autres) détectés dans des courbes et des raccordements paraboliques ou près des ponts, des passages à niveau et des branchements. On doit surveiller tous les autres défauts qui nécessitent une intervention prioritaire tant qu'ils n'ont pas été réparés.

Au sein du personnel de l'Ingénierie du CN, la perception générale veut qu'on dispose de ressources suffisantes, sous réserve de la disponibilité du matériel, et que les programmes d'entretien soient adéquats pour assurer un entretien conforme aux normes applicables aux voies de catégorie 4.

Le grand nombre de défauts de l'écartement qui ont été signalés dans la subdivision Bala depuis 2002 a donné lieu à un grand nombre de programmes de renouvellement des traverses. En 2002, on a installé 12 000 traverses entre les points milliaires 73 et 88. Le CN prévoit aussi de remplacer 18 500 traverses entre le point milliaire 27,6 et le point milliaire 76,1 en 2004. Les programmes de renouvellement des traverses s'accompagnent normalement de travaux de nivellement longitudinal de la voie. Au cours des cinq dernières années, en plus du nivellement longitudinal accompagnant les programmes de renouvellement des traverses, on a exécuté chaque année des travaux de nivellement longitudinal sur un tronçon additionnel d'environ 30 milles de voie (voir le tableau ci-après).

ANNÉE TOTAL DES MILLES TOUCHÉS PAR LES TRAVAUX DE NIVELLEMENT LONGITUDINAL*
1998 36.96
1999 92.85
2000 93.78
2001 36.3
2002 47.09

* comprend les travaux effectués pendant un programme de renouvellement des traverses

La voiture TEST produit un rapport sur l'indice de qualité des voies (IQV) dans lequel on calcule la valeur globale de qualité des voies pour chaque quart de mille de voie en prenant la moyenne des valeurs mesurées de nivellement longitudinal, de nivellement transversal, d'écartement et de dressage de la voie. Les valeurs mesurées de ces paramètres vont de 0 à 1000; 1000 correspondant à une voie exempte de défauts.

L'IQV moyen pour la subdivision Bala était de 718 en mai 2002, et il s'est amélioré en octobre 2002, atteignant 760. Cette augmentation de l'IQV reflète l'amélioration du nivellement longitudinal de la voie qui a résulté des travaux d'entretien programmé. L'IQV moyen de la subdivision Bala s'est maintenu continuellement entre 700 et 800 depuis 1998.

Une voiture de détection des défauts de railsNote de bas de page 8 a circulé dans le secteur le 21 mars 2003 et n'a décelé aucun défaut interne des rails dans le secteur où le déraillement a eu lieu.

Vérifications des inspections par Transports Canada

Transports Canada est chargé de surveiller la sécurité des compagnies ferroviaires qui relèvent de la réglementation fédérale. Ses activités de contrôle comprennent la promotion, la surveillance et l'application des règles. Transports Canada administre et applique les dispositions de la Loi sur la sécurité ferroviaire (LSF) et de la réglementation, des règles, des normes et des ordonnances connexes. En vertu des principes énoncés dans cette loi, l'entretien à long terme de la voie ferrée et les inspections et activités courantes d'entretien de la voie sont la responsabilité des compagnies ferroviaires.

Transports Canada surveille la conformité avec le RSV et s'assure de son application. Transports Canada contrôle l'infrastructure des chemins de fer en faisant une vérification des données, des processus et des procédures afin de s'assurer que les compagnies ferroviaires se conforment à la LSF. De plus, il procède à des inspections de voies choisies, en se concentrant sur les systèmes de sécurité des compagnies et sur la pertinence de leurs modèles de surveillance de la conformité afin de déceler les problèmes de sécurité systémiques. Cette démarche de surveillance des voies est distincte des programmes de surveillance antérieurs, qui se fondaient presque tous sur les inspections.

Étant donné l'étendue de certaines des régions de Transports Canada et les ressources limitées, les inspecteurs de l'infrastructure ne sont pas en mesure d'examiner chaque année l'ensemble des voies d'une région donnée. Par conséquent, ils ont recours à une méthode basée sur un échantillonnage stratifié. Cette façon de faire consiste notamment à diviser le réseau ferroviaire de chaque région de Transports Canada en 5 à 10 groupes homogènes parmi lesquels des subdivisions ou des sections de subdivision sont choisies. Pour chaque tronçon sélectionné, les inspecteurs de l'infrastructure font un examen aléatoire des dossiers de données détaillées, y compris les dossiers d'inspection, les données sur les défauts de rails, les données recueillies par la voiture de contrôle de l'état géométrique de la voie et les données sur l'état des branchements.

La taille de l'échantillon examiné pendant ces vérifications est basée sur la longueur de voies qu'il faut inspecter dans la région de Transports Canada et sur le nombre d'inspecteurs disponibles. L'échantillon est sélectionné surtout dans des voies où les risques sont élevés, comme les voies principales à haute vitesse. Au terme de la vérification, on compte être sûr à 95 % que l'état des voies de l'échantillon reflète l'état de l'ensemble du groupe de voies.

En 2002, les deux inspecteurs de l'infrastructure de la région de l'Ontario de Transports Canada devaient contrôler environ 2500 milles de voies, soit 36 % des 6932 milles de voies relevant de la réglementation fédérale qu'on trouve en Ontario. Les inspecteurs de l'infrastructure se chargent aussi des inspections spéciales à la suite d'accidents, ou des inspections dans les secteurs où le taux de défauts est élevé. Depuis novembre 1998, Transports Canada a procédé à des vérifications sur environ 185 milles de voies de la subdivision Bala. Toutefois, étant donné la nature du processus d'échantillonnage, la dernière inspection faite par Transports Canada dans le secteur du déraillement remontait à plus de cinq ans au moment de l'accident.

Intervention d'urgence et dommages causés à l'environnement

L'intervention d'urgence à laquelle ont participé les services des incendies, la police, la compagnie ferroviaire, l'expéditeur et l'organisme de réglementation a été rapide, efficace et exhaustive. Le canton de Ramara a mis en oeuvre son plan d'intervention d'urgence dès que l'accident lui a été signalé. Le CN a mis en oeuvre son plan d'intervention d'urgence pour les marchandises dangereuses, qui intégrait les exigences des expéditeurs concernant les déversements de produits.

On a rapidement circonscrit le déversement d'acide en utilisant une pelle rétrocaveuse et de la terre pour bloquer les fossés et aménager des levées de terre autour du produit répandu. Puis, on a utilisé du carbonate de sodium et du lait de chaux pour neutraliser les bassins contenant le produit. Une couche argileuse sous-jacente qui se trouvait dans le secteur du déraillement a aidé à limiter l'infiltration de l'acide dans le sol.

Initialement, l'acide contenu dans les wagons-citernes déraillés a été transbordé à bord de camions-citernes à mesure qu'on retirait les wagons des lieux du déraillement. Une fois les voies de déviation mises en place, le produit a été transbordé directement à bord d'autres wagons-citernes, lesquels ont ensuite été retirés des lieux du déraillement. Le sol contaminé a été excavé et transporté jusqu'à un lieu d'enfouissement situé à Paris (Ontario). La terre excavée dans les terrains des résidences et des fermes adjacentes a été remplacée par une couche arable propre.

On a fait des tests quotidiens dans 6 puits de résidences et 15 puits d'échantillonnage situés le long de la voie ferrée et de la route 12, et ce jusqu'au 11 juillet 2003. On a continué de surveiller la qualité de l'eau une fois par semaine jusqu'au 25 juillet 2003. Une surveillance additionnelle a été faite tous les mois jusqu'en novembre 2003, après quoi des tests périodiques ont été faits tous les trois mois jusqu'en juillet 2004. Jusqu'à maintenant, l'acide répandu n'a pas eu de répercussions mesurables sur l'alimentation en eau locale ou sur la qualité de l'eau de la rivière Talbot, au sud-est des lieux du déraillement.

Analyse

On n'a relevé aucune défaillance concernant l'état mécanique du train. L'analyse portera donc sur l'état de la voie, les pratiques de formation des trains, l'étalonnage de la voiture TEST, les pratiques d'inspection et d'entretien en vigueur au CN et les vérifications des inspections des voies faites par Transports Canada.

L'absence de marques de roues ou de boudins de roues sur la chaussée de la route 12 indique que le point de déraillement se situe au sud du passage à niveau. Étant donné les dommages considérables subis par la voie ferrée, il a été impossible de déterminer l'emplacement exact du point de déraillement, ou de savoir quel wagon a été le premier à dérailler. Toutefois, immédiatement au nord du passage à niveau, il y avait des problèmes de géométrie de la voie. Lors de son passage du 21 avril, la voiture TEST a enregistré deux défauts de la géométrie un peu au nord du passage à niveau de la route 12 : un défaut de nivellement transversal de 1 1/8 pouce sur une voie droite, nécessitant une intervention quasi urgente, et un Warp 62 de 1 3/8 pouce, qui nécessitait une intervention urgente.

Pendant l'après-midi suivant le déraillement, on a fait rouler un wagon chargé au nord du passage à niveau pour mesurer les paramètres de la voie. On a alors relevé cinq défauts de nivellement transversal sur une voie droite, qui nécessitaient une intervention quasi urgente, deux Warp 62, nécessitant une intervention quasi urgente, et deux autres Warp 62, qui nécessitaient une intervention urgente. Ces défauts de la voie étaient dus à la présence d'un certain nombre de joints de rail affaissés et écrasés qui reposaient sur des traverses défectueuses, posées sur un ballast contaminé par la boue.

Le paragraphe 3. (b) de la CMN 3101 du CN précise que les défauts nécessitant une intervention quasi urgente doivent être inspectés dans un délai de 72 heures et être corrigés dans un délai de 30 jours. L'alinéa 3. (d) (ii) (3) de la CMN 3101 indique que les défauts combinés nécessitant une intervention prioritaire (c'est-à-dire des défauts qui se trouvent à moins de 100 pieds les uns des autres) près des points de modification du module de la voie (par exemple, près des ponts, des passages à niveau et des branchements) doivent faire l'objet de mesures appropriées. Ces deux types de défauts décrivent des variations du nivellement transversal qui contribuent au soulèvement des roues et à un balancement harmonique du matériel roulant, qui peuvent entraîner un déraillement. Quand les oscillations ont une amplitude suffisante, elles s'avèrent supérieures à la tolérance des glissoirs de traverses danseuses des wagons et des ressorts de la suspension, contribuant alors au chevauchement du rail et au soulèvement des roues. Le déraillement a vraisemblablement résulté d'un chevauchement du rail ou du soulèvement de roues, ou des deux, alors que le train roulait sur une voie dont le nivellement transversal était inégal dans le secteur du passage à niveau de la route 12.

Dans le train A-450-31-21, il y avait deux wagons couverts vides, en l'occurrence le 68e wagon et le 69e wagon du train, qui étaient placés à environ 3400 pieds de la tête du train et se trouvaient près du passage à niveau au moment du serrage d'urgence intempestif. Il est vraisemblable que le chevauchement du rail ou le soulèvement de roues a affecté initialement l'un de ces wagons couverts vides plutôt qu'un wagon-citerne chargé. Au moment de l'accident, le train descendait une pente légère et sa vitesse est passée de 57 mi/h à 59 mi/h 94 secondes avant la perte de la pression dans la conduite générale, ce qui indique un léger effet de compression en pente. Combiné aux écarts de nivellement longitudinal de la voie au nord du passage à niveau, cet effet de compression en pente a aussi contribué au chevauchement du rail ou au soulèvement de roues.

Dès que le serrage d'urgence intempestif s'est déclenché, un effet marqué de compression des attelages a dû s'exercer sur les deux wagons couverts vides qui étaient placés derrière 41 wagons-citernes chargés et devant 43 wagons couverts chargés. Les efforts de compression considérables qui se sont exercés sur les deux wagons couverts vides ont dû générer de fortes contraintes de compression à laquelle les deux wagons offraient peu de résistance, de sorte que ces deux wagons couverts vides se sont mis en portefeuille lorsqu'ils ont été poussés contre les wagons-citernes qui les précédaient, déclenchant ainsi le processus de déraillement.

Après le freinage d'urgence, les wagons-citernes déraillés ont continué de rouler vers le sud, ont causé le renversement du rail ouest, ont causé un surécartement et ont endommagé les traverses, les selles de rail et les anticheminants situés au sud du secteur du déraillement. Enfin, le train s'est séparé après que les wagons-citernes déraillés se sont renversés sur le côté l'un à la suite de l'autre, étant donné que leurs attelages à double plateau les empêchaient de se mettre en portefeuille.

Le fait qu'on ait placé les deux wagons couverts vides entre une rame de wagons-citernes chargés et une rame de wagons couverts chargés n'a pas été un facteur déterminant de ce déraillement, mais la façon dont on a agencé les wagons du train a vraisemblablement causé des dommages accrus à la voie ferrée et au matériel roulant.

Étalonnage de la voiture TEST

Avant l'accident, la voiture TEST du CN avait été réglée en fonction des normes de la FRA des États-Unis et n'avait pas encore été réglée de nouveau en fonction des exigences du RSV. Les normes de la FRA concernant les écarts mesurés à la surface de la voie ferrée ne sont pas aussi restrictives que celles du RSV. En raison de ces réglages, un grand nombre de défauts de la géométrie de la voie qui excédaient le seuil correspondant à des défauts nécessitant une intervention urgente ont été classés erronément comme étant des défauts nécessitant une intervention prioritaire lors de l'inspection par la voiture TEST du 21 avril.

Comme un défaut nécessitant une intervention prioritaire n'exige pas qu'on prenne immédiatement des mesures correctives, il n'y a pas eu de travaux d'entretien à ces endroits avant le déraillement. Si les défauts de la voie avaient été classés correctement comme nécessitant une intervention urgente, le CN aurait vraisemblablement réparé la voie immédiatement, ou bien il aurait imposé un ordre de marche au ralenti dans le secteur. Du fait de l'identification incorrecte de la gravité des défauts affectant le nivellement longitudinal de la voie, on a pris des mesures de protection ou des mesures correctives inadéquates.

Pratiques d'inspection et d'entretien de la voie

La voie ferrée est inspectée deux fois par semaine dans la subdivision Bala. Au total, il y avait eu six inspections entre le passage de la voiture TEST, le 21 avril, et le jour du déraillement. Le superviseur de la voie avait en main le rapport de l'inspection faite par la voiture TEST, lequel montrait l'existence d'écarts du nivellement transversal dans le secteur du déraillement. Malgré l'état médiocre de la géométrie de la voie, l'inspecteur n'a entrepris aucune nouvelle activité d'inspection ou d'entretien au cours du mois qui a précédé l'événement.

La voie était affectée d'un grand nombre d'anomalies qui auraient dû inciter les intéressés à faire une inspection plus poussée. Comme les défauts de la voie n'ont pas fait l'objet d'une surveillance active après le passage de la voiture TEST du 21 avril, les inspections visuelles faites avant l'accident n'auraient pas permis de détecter le problème de sécurité qui se posait. Voici les anomalies relevées :

La qualité des inspections dépend de la capacité de l'inspecteur d'être attentif à chacun des 23 éléments qu'il faut évaluer et de décider des mesures à prendre quand il détecte des défauts potentiels. Compte tenu du grand nombre d'éléments à prendre en compte et de la complexité de ceux-ci, et du temps limité pendant lequel l'inspecteur a accès aux voies ferrées, il se peut que l'inspecteur ait parfois de la difficulté à déceler tous les défauts. Le trafic considérable (environ 22 trains par jour) a vraisemblablement pour effet de réduire le temps dont on dispose pour faire une inspection de base et peut faire en sorte que des défauts mineurs de la voie passent inaperçus et qu'ils en viennent à s'aggraver avec le temps.

Il est aussi possible que l'inspecteur de la voie ait sous-estimé la gravité des défauts de la voie, et ce en raison des deux facteurs exposés ci-après :

  1. Désensibilisation au risque : Chaque exposition successive à un risque donné, surtout si l'on n'observe aucune conséquence fâcheuse, peut faire en sorte qu'on porte de moins en moins attention à ce risque, surtout si les indices permettant d'évaluer la présence du risque changent de façon très graduelleNote de bas de page 9. Lors de cet événement, les écarts de nivellement transversal ont dû augmenter très graduellement, ce qui fait que les inspecteurs devaient être au courant des défauts qui affectaient le passage à niveau, mais qu'ils n'ont pas été en mesure de détecter la détérioration graduelle de la voie.
  2. Connaissance des projets de travaux d'immobilisation : Le fait de savoir que le passage à niveau devait bientôt être remis à neuf a pu faire en sorte qu'on accorde moins d'attention aux défauts qui affectaient la voie aux alentours du passage à niveau. L'inspecteur pouvait peut-être s'attendre à ce que les écarts de nivellement transversal soient corrigés au moment de la remise à neuf du passage à niveau.

Le fait que les défauts de la voie aient été à proximité du franchissement très fréquenté de la route 12 a pu aussi aggraver la situation. L'inspecteur devait franchir le passage à niveau de la route 12 à bord d'un véhicule rail-route alors que les dispositifs de protection du passage à niveau n'étaient pas activés, ce qui a pu le distraire de ses fonctions d'inspection. Ces facteurs ont pu empêcher l'inspecteur de faire une inspection plus détaillée du nivellement transversal à partir de son véhicule rail-route.

La détection des défauts de la voie aurait pu se faire plus facilement si l'inspecteur était descendu de son véhicule et avait fait une tournée à pied du secteur en cause, mais rien n'indique qu'il ait procédé de la sorte. On n'a pas porté suffisamment attention aux inspections dans le secteur du déraillement pour pouvoir déceler la détérioration graduelle de l'état de la voie. Même si le programme d'inspection des voies prévoyait des inspections régulières faites par des préposés à l'entretien de la voie, les inspections n'ont pas permis de détecter et de corriger les défauts de la voie nécessitant une intervention quasi urgente ainsi que les défauts combinés du nivellement longitudinal de la voie dans le secteur menant au point de déraillement.

Pour que les équipes puissent procéder aux inspections et aux travaux d'entretien de base qui permettront de retirer dès que possible les ordres de marche au ralenti, il importe qu'elles obtiennent en temps voulu une durée adéquate d'occupation des voies ferrées et les ressources nécessaires pour accomplir leur travail. Le personnel d'entretien de la voie a eu de la difficulté à obtenir une durée d'occupation adéquate pour l'exécution de son travail et a connu une augmentation de sa charge de travail, puisqu'il doit maintenant s'acquitter de travaux qui étaient auparavant confiés à d'autres équipes de travail. Avec l'augmentation de la charge de travail et le volume considérable du trafic qui emprunte la subdivision Bala, le temps disponible pour effectuer les activités courantes d'entretien et d'inspection s'en trouve réduit, de sorte que les défauts de la voie d'apparition récente risquent davantage de passer inaperçus et de s'aggraver avec le temps.

Rapport d'inspection de la voie

Dans l'article 13 de la CMN 3100 du CN, on lit : « Les personnes qui effectuent une inspection doivent établir et signer le jour même un rapport conforme aux prescriptions applicables de Transports Canada ou de la Federal Railroad Administration. » Le rapport d'inspection de la voie sert à documenter les défauts de la voie qui excèdent les limites établies dans le RSV. Même si les compagnies et la réglementation n'exigent pas que l'on consigne les défauts d'apparition récente, les inspecteurs de la voie consignent couramment ces renseignements dans un carnet ou un journal personnel et peuvent partager ou non cette information avec d'autres inspecteurs. Par conséquent, la pratique voulant que l'on ne consigne que les défauts de la voie qui excèdent les normes du RSV peut avoir pour effet d'empêcher que l'information soit mise en commun avec d'autres membres du personnel des compagnies qui participent aux activités d'inspection de la voie dans le territoire.

Vérifications des inspections par Transports Canada

La méthode employée par Transports Canada pour s'assurer de la conformité avec le RSV est basée sur une vérification des données recueillies dans un échantillon prélevé dans un groupe de voies. Plus la taille de l'échantillon est grande, plus la marge d'erreur est petite et plus les résultats sont fiables. Étant donné les ressources limitées dont Transports Canada disposait en 2002, les inspecteurs de l'infrastructure n'ont pu inspecter que 36 % des voies ferrées situées en Ontario. Bien que le programme de surveillance des voies de Transports Canada s'intéresse surtout aux couloirs où la circulation est dense, le fait que les vérifications se fassent de façon aléatoire pourrait faire en sorte que certains tronçons d'un groupe de voies donné soient absents de l'échantillon pendant plusieurs années.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le déraillement a vraisemblablement résulté d'un chevauchement du rail ou du soulèvement de roues, ou des deux, alors que le train roulait sur une voie dont le nivellement transversal était inégal dans le secteur du passage à niveau de la route 12.
  2. En raison d'un étalonnage incorrect de la voiture TEST du Canadien National, les défauts de la voie qui se trouvaient immédiatement au nord du passage à niveau de la route 12 ont été identifiés erronément comme étant des défauts nécessitant une intervention prioritaire alors que les défauts en question nécessitaient une intervention quasi urgente ou urgente, de sorte qu'on a pris des mesures de protection ou des mesures correctives inadéquates.
  3. Même si le programme d'inspection des voies prévoyait des inspections régulières faites par des préposés à l'entretien de la voie, les inspections n'ont pas permis de détecter et de corriger les défauts de la voie nécessitant une intervention quasi urgente ainsi que les défauts combinés du nivellement longitudinal de la voie dans le secteur menant au point de déraillement.

Faits établis quant aux risques

  1. La pratique en vigueur voulant que l'on ne consigne par les défauts d'apparition récente dans les rapports d'inspection exigés par la réglementation pourrait empêcher que cette information soit partagée avec d'autres membres du personnel des compagnies qui participent aux activités d'inspection de la voie dans le territoire.
  2. Avec l'augmentation de la charge de travail et le volume considérable du trafic qui emprunte la subdivision Bala, le temps disponible pour effectuer les activités courantes d'entretien et d'inspection s'en trouve réduit, de sorte que les défauts de la voie d'apparition récente risquent davantage de passer inaperçus et de s'aggraver avec le temps.
  3. Bien qu'il ne soit pas considéré comme un facteur déterminant de ce déraillement, le fait qu'on ait placé des wagons vides entre deux rames de wagons chargés a fait en sorte que le train était particulièrement susceptible d'être affecté par les forces exercées dans le train, à plus forte raison pendant un freinage d'urgence, et qu'il risquait davantage de dérailler et de causer par la suite des dommages considérables à la voie ferrée et au matériel roulant.

Mesures de sécurité prises

Le 18 juin 2003, conformément à l'article 31 de la Loi sur la sécurité ferroviaire, Transports Canada a émis à l'intention du Canadien National (CN) un avis portant sur le fait qu'on aurait mal protégé ou réparé des défauts de la géométrie de la voie qu'on avait mal identifié.

Le CN a répondu le 28 juillet 2003, faisant savoir qu'il avait pris des mesures de protection ou des mesures correctives appropriées pour remédier aux défauts identifiés erronément, et il a ajouté qu'il avait pris aussi les mesures supplémentaires énoncées ci-après :

De concert avec l'industrie, Transports Canada assure un suivi sur la question des méthodes de formation des trains.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Circulaire sur les méthodes normalisées 3100 du Canadien National

L'annexe B, Liste recommandée des éléments à inspecter (en véhicule rail-route) (traverses de bois), de la Circulaire sur les méthodes normalisées 3100 du Canadien National donne les points suivants à observer au cours d'une inspection :

  1. Rails – rupture, fissuration verticale du champignon, dommages et défauts de surface, empreintes de patinage, changement de couleur
  2. Éclisses – rupture
  3. Boulons – desserrage, absence, déformation
  4. Rondelles – absence
  5. Selles – rupture, absence
  6. Crampons – soulèvement, absence
  7. Anticheminants – détachement, dommages, nombre insuffisant
  8. Traverses – cassure, dommages dus au matériel roulant
  9. Profil du ballast – vides dans les cases, pertes de volume en hauteur et en largeur des banquettes
  10. Ballast – pompage, présence de boue, traverses danseuses
  11. Dressage de la voie – mauvais dressage
  12. Nivellement longitudinal – dégradation
  13. Nivellement transversal – dégradation
  14. Écartement – surécartement, irrégularités, marques de boudins, soulèvement ou inclinaison des crampons, traverses détériorées par les selles
  15. Branchements – en plus des points à observer, vérifier s'il y a des aiguilles, des coeurs de croisement et des contre-rails mal alignés, endommagés ou desserrés
  16. Passages à niveau – en plus des points à observer, vérifier si les ornières et les entretoises d'ornière sont mal alignées, endommagées, desserrées ou usées et si l'écartement est correct
  17. Végétation – restriction de la visibilité et obstacle à l'écoulement des eaux, danger d'incendie, contact avec des fils, ballast colmaté
  18. Écoulement des eaux – obstruction des fossés ou des ponceaux, traces de présence de castors, haut niveau d'eau
  19. Éboulements – coulées de boue, éboulis de pierres
  20. Clôtures – dommages, ouverture, présence de bétail sur l'emprise
  21. Gabarit – restriction du dégagement
  22. Passages à niveau de routes et de fermes – absence, desserrement ou soulèvement de madriers, obstruction des ornières, visibilité restreinte, dispositifs d'avertissement endommagés ou absence de dispositifs d'avertissement
  23. Panneaux de signalisation – en mauvais état, absents ou obstrués