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Rapport d'enquête ferroviaire R02E0114

Déraillement en voie principale
du train numéro 614-046
exploité par le Chemin de fer Canadien Pacifique
au point milliaire 11,8 de la subdivision Taber
à Bullshead (Alberta)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 4 décembre 2002 à 0 h 55, heure normale des Rocheuses, 42 wagons-citernes non pressurisés chargés de soufre liquide du train de marchandises 614-046 du Chemin de fer Canadien Pacifique, qui roulait vers l'est à destination de Dunmore (Alberta) en provenance de Lethbridge (Alberta), ont déraillé au point milliaire 11,8 de la subdivision Taber, près de Bullshead (Alberta). Dix des wagons-citernes ont été percés et ont laissé fuir leur chargement de soufre liquide, lequel a pris feu. Par mesure de précaution, on a fait évacuer une vingtaine de personnes des fermes voisines en raison de la toxicité de la fumée. Personne n'a été blessé.

This report is also available in English.

Renseignements de base

Le 4 décembre 2002, à 0 h 55, heure normale des RocheusesNote de bas de page 1, le train de marchandises 614-046 du Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP), qui roule vers l'est à une vitesse d'environ 38 mi/h, déraille au point milliaire 11,8 de la subdivision Taber du CFCP, à la suite d'un freinage d'urgence provenant de la conduite générale. L'équipe communique immédiatement avec le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF), qui alerte les services des incendies de Medicine Hat et de Seven Persons, le service ambulancier et la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L'inspection du train révèle qu'un groupe de 42 wagons-citernes chargés de soufre liquide, commençant derrière le septième wagon du train, ont déraillé et que 10 des wagons ont pris feu. Les roues arrière du huitième wagon ont déraillé. Les locomotives et les huit premiers wagons ont continué leur route et se sont arrêtés à environ 1/4 de mille à l'est du principal groupe de wagons empilés. Les 40 wagons suivants se sont mis en portefeuille perpendiculairement à la voie et se sont entassés les uns contre les autres sur une distance de 400 pieds jusqu'au dernier wagon, dont les roues avant ont déraillé. La voie a été détruite sur une distance d'environ 440 pieds.

Photo 1. Lieux du déraillement; les wagons-citernes sont perpendiculaires à la voie ferrée
Lieux du déraillement

Par mesure de précaution, la GRC a ordonné l'évacuation de sept familles d'agriculteurs (une vingtaine de personnes), qui étaient établies à un mille ou moins des lieux de l'accident. L'équipe du train, les premiers intervenants et le public n'ont pas subi de blessures et n'ont ressenti aucun effet nuisible à la suite de l'accident. Le service des incendies de Seven Persons est resté sur les lieux pour éteindre les flambées pendant l'opération de nettoyage des lieux.

On a dû envoyer 40 wagons-citernes à la casse, étant donné qu'ils avaient subi des dommages considérables. Neuf wagons-citernes de la série SHLX et un wagon-citerne de la série PROX ont subi une rupture causée par des bosselures et des perforations sur la tête et les côtés de l'enveloppe de citerne. Six wagons, dont le wagon de la série PROX, ont subi une rupture, quatre wagons de la série SHLX ayant subi de lourds dommages après que leurs évents de sécurité ont été arrachés et que leur enveloppe latérale a été tordue. Aucun des wagons-citernes n'était équipé de boucliers protecteurs; toutefois, la résistance à la perforation des wagons de la série SHLX avait été améliorée de 9 %, de façon que les wagons soient conformes aux exigences du permis de niveau équivalent de sécurité SR 5206 délivré par Transports Canada. Malgré les dispositifs de protection des raccords inférieurs et les plaques de protection dont ces wagons sont munis, certains des wagons déraillés ont laissé fuir leur contenu. Les robinets de vidange par le bas de quatre wagons ont été sectionnés, mais ils ne se sont pas ouverts. Tous les wagons-citernes en cause dans le déraillement étaient des wagons-citernes polyvalents, isolés, non pressurisés, dépourvus de boucliers de protection supérieurs. Ils répondaient à la spécification DOT 111A100W2 ou 211A100W1.

Le train avait un groupe de traction constitué de deux locomotives General Electric AC4400, d'une puissance de 4400 HP, et il comptait 80 wagons chargés. Il pesait environ 10 948 tonnes et mesurait 3748 pieds. Le train est passé devant les détecteurs de boîtes chaudes (DBC) situés aux points milliaires 52,0, 34,6 et 12,6, lesquels n'ont déclenché aucune alarme. L'inspection de ces détecteurs a révélé qu'ils étaient en bon état de fonctionnement. D'ailleurs, aucune alarme n'a été enregistrée lorsque les trains précédents (864-046, 573-12, 387-05 et 463-02) sont passés devant le DBC du point milliaire 12,6 le 3 décembre.

On a enregistré une lecture d'impact de 126,3 kips à Mortlach (Saskatchewan), dans la subdivision Swift Current. Cette lecture avait été causée par un wagon de potasse faisant partie du dernier train à passer sur le point de déraillement avant le déraillement proprement dit. L'impact était inférieur à la valeur seuil de déclenchement d'une alarme, fixée à 170 kips. À partir du détecteur, ce wagon a roulé jusqu'à Lethbridge avant qu'on le retire du service en raison des méplats qui affectaient toutes ses roues. Le CFCP a attribué les forces d'impact générées par ce wagon à un certain nombre de rails brisés dans d'autres subdivisions du secteur et à un rail brisé qui a causé le déraillement dont il est question dans le présent rapport.

L'équipe de conduite comprenait un mécanicien et un chef de train. Ils répondaient tous deux aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de repos et de condition physique.

Dans la subdivision Taber, la circulation est supervisée par un CCF posté à Calgary (Alberta). Le contrôle de la circulation est assuré grâce à la régulation de l'occupation de la voie, en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada. La subdivision Taber fait partie du couloir de transport ferroviaire est-ouest du CFCP, qui va de North Portal (Saskatchewan) à Kingsgate (Colombie-Britannique). La subdivision est située en Alberta et couvre une distance de 116,4 milles allant de Dunmore à Lethbridge. La vitesse maximale autorisée par l'indicateur est de 40 mi/h, la voie étant classée comme une voie de catégorie 3 aux termes du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) de Transports Canada.

En 2002, 12,2 millions de tonnes brutes de marchandises ont transité dans la subdivision, et 72 % de ce trafic consistait en trains-blocs de charbon, de céréales, de soufre et de potasse. D'ordinaire, les trains de ce type sont tirés par des locomotives de 3000 à 4400 HP. La compagnie ferroviaire encourage les équipes à utiliser surtout le frein rhéostatique pour contrôler la vitesse des trains. Le freinage rhéostatique a pour effet d'exercer des forces dynamiques additionnelles sur la structure de la voie.

Lors du déraillement, le ciel était dégagé, la visibilité était bonne, le vent était calme et la température était de -15 °C.

Particularités de la voie

Dans le secteur du déraillement, la voie est en alignement droit et descend une pente de 0,61 % avant d'aborder une courbe verticale rentrante au point de déraillement. La plate-forme de la voie aux environs du point de déraillement était construite de matériaux locaux consistant en argile limoneuse et sableuse et en sable, et elle reposait sur un remblai de six à huit pieds. Dans le secteur où le déraillement s'est produit, le terrain est plat et est bien drainé en général.

Photo 2. Traverses en faux équerrage près d'un joint de rail
Traverses en faux équerrage près d'un joint de rail

Dans le secteur du déraillement, la voie était faite de rails éclissés de 100 livres à champignon chanfreiné (HF), fabriqués par Lackawanna, Dominion et Algoma entre 1943 et 1960. Les rails, posés en 1979, avaient les abouts recoupés, étaient soudés en longueurs de 72 pieds et étaient reliés ensemble par des éclisses à six trous. L'usure du champignon était d'environ 1/8 à 3/16 de pouce, et il y avait peu d'usure latérale, sinon aucune. La majorité des rails de la subdivision Taber sont des rails de ce type. Toutefois, des longs rails soudés (LRS) recyclés de 115 livres ont été posés entre le point milliaire 104 et le point milliaire 114,8 et dans plusieurs courbes accentuées.

La voie repose sur des traverses de bois mou (mesurant 7 pouces sur 9 pouces sur 8 pieds de longueur), posées à raison d'environ 3000 traverses par mille de voie. L'examen des traverses dans le secteur du déraillement a révélé qu'il y avait en moyenne 600 traverses défectueuses par mille. Des échantillons qu'on a prélevés au hasard dans l'ensemble de la subdivision pour déterminer le nombre de traverses défectueuses ont révélé un taux de 300 à 400 par mille de voie, les défauts étant concentrés principalement près des joints de rail. Près des joints, des traverses étaient en faux équerrage, étaient endommagées par des selles de rail brisées et avaient une capacité minime de maintien des crampons. Des échantillons pris au hasard ont indiqué que des groupes de cinq à huit traverses étaient affectés à chaque joint où les selles étaient brisées et que de trois à cinq traverses étaient défectueuses. À ces endroits, les éclisses étaient gauchies vers l'intérieur, causant un sous-écartement de 3/8 de pouce à 1/2 pouce. Plusieurs joints montraient des signes indiquant des contacts entre les boudins de roues et les éclisses. On a signalé 61 ruptures d'éclisses dans la subdivision Taber en 2000, 211 en 2001 et 284 en 2002.

Dans le tronçon formé de rails de 100 livres, les selles de rail étaient des selles standard pour rails de 100 livres, auxquelles s'ajoutaient des selles combinées pour rails de 85 livres et 115 livres et quelques selles à double épaulement. Les selles étaient assujetties par deux crampons du côté intérieur et un crampon du côté extérieur du rail. Des échantillons pris au hasard montrent qu'en moyenne, il y avait de 5 à 10 selles brisées par longueur de 72 pieds de rail, soit une proportion d'environ 20 % des selles. Les selles brisées se trouvaient en plus grand nombre près des joints de rail. Le personnel de la compagnie a dit estimer que le nombre de ruptures de selles avait augmenté considérablement par rapport à l'année précédente. À la suite d'une rupture, le joint de rail s'incline vers l'intérieur et contribue à un rétrécissement de l'écartement (sous-écartement). À cause de l'état des selles, un ordre temporaire de vitesse réduite à 25 mi/h, dont la zone d'application commençait à environ 3,2 milles du lieu du déraillement, était en vigueur entre le point milliaire 15 et le point milliaire 23,8. Un programme de remplacement, visant le remplacement des selles de rail brisées entre les points milliaires 0,4 et 20,0, devait débuter en 2003. Le RSV exige que les rails de roulement reposent sur des selles de rail en bon état, sur au moins 8 traverses d'un groupe de 10 traverses consécutives.

Les rails sont encadrés par des anticheminants à toutes les deux traverses. Au moment du déraillement, les anticheminants étaient dans un état acceptable, mais un grand nombre d'entre eux étaient à deux ou trois pouces des traverses, ce qui est un signe de déplacement du rail. Dans certains secteurs de la subdivision où la voie est déconsolidée, on a placé des anticheminants supplémentaires à chaque traverse (excédant ainsi les exigences des normes exposées dans les notices techniques) pour prévenir le cheminement du rail.

Photo 3. Indice de déplacement de la voie
Indice de déplacement de la voie

Le ballast de gravier concassé était conforme à la spécification G-3Note de bas de page 2 du CFCP, car il y avait de 6 pouces à 7 pouces d'épaisseur sous les traverses et des banquettes de 20 pouces. Des travaux localisés de nivellement d'entretien, visant à corriger les principaux problèmes, sont réalisés tous les ans à l'aide d'une bourreuse et d'un régulateur. On a nivelé l'équivalent de 21,6 milles de voie dans la subdivision Taber en 2002. Des travaux de nivellement de cette envergure sont la norme depuis quatre ans, et il continuera d'en être ainsi dans l'avenir. En règle générale, les parties de la subdivision Taber où le profil de ballast était conforme aux spécifications G-3 ou G-4.5 étaient considérées comme étant adéquates. Toutefois, les sections de ballast tout-venant étaient en mauvais état, car le ballast était affecté par des remontées de glaise entre les traverses, plus particulièrement à la hauteur des joints. La surface de la voie et l'état des rails sont généralement bons pour une voie de catégorie 3 dans ces secteurs, bien qu'il y ait des joints affaissés un peu partout. La présence de ballast tout-venant et de ballast pollué et un mauvais alignement des soudures et des rails dont l'extrémité est cintrée vers le bas contribuent au mauvais état de la voie et de la surface dans une grande partie de la subdivision Taber.

Voici une liste des secteurs de la subdivision et des types de ballast qu'on y trouve :

Le ballast répondant à la spécification G-4.5 est un matériau plus grossier ayant un pourcentage plus élevé de particules fracturées que le ballast répondant à la spécification G-3, ce qui fait qu'il convient mieux pour les lignes à forte circulation où les rails sont des LRS. On a imposé d'autres ordres temporaires de vitesse réduite dans la subdivision Taber, en raison de l'état de la surface; 25 mi/h au point milliaire 98,54, entre les points milliaires 28,0 et 29,0, et entre les points milliaires 91,5 et 96,0.

Il a été impossible de déterminer avec exactitude le point de déraillement et de récupérer tous les morceaux de rail, mais on a pu récupérer sur place un certain nombre de bouts de rail et sept joints (quatre du rail nord et trois du rail sud), portant encore des éclisses, et les envoyer pour analyse au laboratoire du CFCP, à Winnipeg (Manitoba). Toutes les éclisses observées étaient des éclisses à six trous pour rails de 100 livres de profil RE HF, et avaient été fabriquées en 1978. Tous les joints menant au point de déraillement éventuel étaient intacts quand on les a retrouvés, ce qui indique que, si le rail s'est rompu, il s'est rompu entre les joints. Sept des 14 éclisses inspectées montraient des fissures mineures orientées dans le sens vertical le long du raccord supérieur, au milieu de l'éclisse, mais il a été déterminé qu'il ne s'agissait pas de fissures importantes.

Sécurité de la voie

Au Canada, les compagnies ferroviaires sous réglementation fédérale sont régies par le RSV, qui a été approuvé par le ministre des Transports en mars 1992 et est entré en vigueur le 3 septembre 1992. Le RSV a pour but de garantir la sécurité des trains circulant sur les voies à.écartement normal qu'une compagnie ferroviaire possède, exploite ou utilise. Ce règlement n'est pas censé remplacer les bonnes pratiques d'entretien de la voie qui sont énoncées dans les notices techniques du CFCP – Voie, et ne permet pas non plus qu'on se soustraie à leur application.

Le classement des voies est fonction de la vitesse maximale permise pour les trains, et non pas du tonnage ou du type de trafic, et il se base sur l'état géométrique de la voie. Il en découle une norme d'entretien qui se base sur la vitesse des trains plutôt que sur la résistance de la voie. Les compagnies ferroviaires déterminent la vitesse des trains en tenant compte des besoins de leur exploitation et doivent entretenir les voies conformément aux exigences énoncées dans le RSV pour la catégorie de voie qui correspond à la vitesse des trains, quels que soient la charge par essieu des wagons ou le tonnage transporté sur le tronçon.

La Notice technique 08 du CFCP traite de l'alignement, de l'entretien et du renouvellement des traverses. L'article 4.0, portant sur l'inspection des traverses et les défauts des traverses, exige que les traverses situées près d'un joint, là où la portance doit être à son maximum, doivent être solides et doivent être capables de maintenir le nivellement et l'écartement. À chaque joint de rail, chaque rail doit être posé sur au moins une traverse non défectueuse et sur une selle de rail placée à 12 pouces ou moins de l'extrémité du rail. Sur une voie secondaire ou une voie de dérivation, le nombre de traverses défectueuses voisines d'un joint ne doit pas être supérieur à deux, et à trois lorsque les traverses sont à l'extérieur de la zone du joint. Même si le nombre de traverses défectueuses dans l'ensemble de la subdivision n'est pas excessif et qu'il ne justifie pas la mise en oeuvre d'un programme de renouvellement dans toute la subdivision, l'état général des traverses dans le secteur du déraillement n'était pas conforme aux exigences de la Notice technique 08 du CFCP.

La rigidité du rail doit augmenter à mesure qu'on accroît les charges par essieu, la vitesse et le trafic. L'augmentation du poids du rail a pour effet d'accroître sa rigidité et d'en réduire le fléchissement. L'augmentation du poids contribue à la stabilité et contribue à limiter la formation de pontsNote de bas de page 3 entre les traverses, surtout aux endroits où le ballast et la surface de roulement sont en mauvais état.

Inspection de la voie

Aux termes du RSV, les voies de catégorie 3 doivent être inspectées deux fois par semaine. Dans le secteur du déraillement, la voie a été inspectée pour la dernière fois le 3 décembre, soit la veille du déraillement. L'inspection a révélé des boulons d'éclisse desserrés ou manquants, qu'on a resserrés et remplacés selon le cas. La voie a aussi été inspectée le 2 décembre, à la suite de quoi on a remplacé deux éclisses brisées et on a resserré et remplacé des boulons desserrés ou manquants. Les rapports des inspections faites dans le secteur de l'événement pendant le mois précédant le déraillement signalaient couramment des boulons d'éclisse desserrés ou manquants.

Transports Canada a inspecté la voie du point milliaire 23 au point milliaire 80,94 le 28 juin 2001. Son inspection a révélé qu'un dérailleur était mal installé et que la surface et les lignes de visibilité de certains passages à niveau laissaient à désirer. L'inspection n'a révélé aucune anomalie concernant les traverses, le rail de roulement ou l'état des joints. Avant cette inspection, la dernière inspection faite dans les environs du secteur du déraillement remontait à avril 1995, et elle avait indiqué des dérailleurs mal installés ainsi que des irrégularités de la surface de certains passages à niveau.

Le 17 juillet 2002, Transports Canada a inspecté la voie entre les points milliaires 55,69 et 114,64, et a relevé des endroits où le ballast était pollué, ainsi que des groupes de traverses défectueuses, une détérioration des traverses et des selles de rail, des anticheminants inefficaces et un mauvais état général de la voie. Transports Canada a écrit au CFCP le 18 juillet 2002 pour demander de l'information sur le programme de travaux de renouvellement des rails, des traverses et du ballast qui a pris fin en 2001 et sur les travaux planifiés pour 2002. On a donné 14 jours au CFCP pour fournir des renseignements sur les mesures correctives qu'il entendait prendre afin de régler les défaillances de la voie qu'on avait signalées lors de l'inspection du 17 juillet. Le CFCP a répondu le 8 août 2002, expliquant que des mesures correctives immédiates avaient été prises. Toutefois, il n'a pas donné de renseignements supplémentaires au sujet des plans d'entretien à long terme qui permettront de régler les problèmes observés par l'inspecteur.

Le 8 janvier 2003, une autre inspection a été faite entre le point milliaire 32,5 et le point milliaire 62,0. Le 10 janvier 2003, Transports Canada a fait part de ses préoccupations au sujet de la dégradation continue et accélérée de la voie causée par l'augmentation généralisée du tonnage circulant dans la subdivision et par l'augmentation du poids des wagons au cours des quatre années précédentes. Le 30 avril 2003, Transports Canada a demandé au CFCP de lui communiquer des détails sur la façon dont il entendait entretenir l'infrastructure de la subdivision Taber afin d'assurer l'acheminement sûr du trafic prévu. Le CFCP a répondu le 28 avril 2003, indiquant que, pour l'année 2003, ses plans d'entretien pour la subdivision Taber comprendraient l'installation de rails de réemploi, l'amélioration de branchements et le remplacement de selles de rail brisées. De plus, le CFCP a informé Transports Canada de son plan d'entretien pluriannuel pour les années 2004 à 2008. Après examen de cette information, Transports Canada a fait part de ses préoccupations quant au programme de remplacement des traverses et au plan de remise en état du ballast. Transports Canada a demandé au CFCP de tenir compte de ces préoccupations et de faire un suivi.

Le 22 septembre 2003, le CFCP a avisé Transports Canada qu'il limiterait la vitesse des trains dans la subdivision jusqu'à ce qu'il ait rétabli l'état de l'infrastructure grâce à l'amélioration des rails, des moyens de fixation, du ballast et, au besoin, des traverses. Le CFCP a ajouté qu'il serait possible de répondre aux autres préoccupations exposées précédemment par Transports Canada en procédant à des révisions appropriées du plan d'immobilisations. Il n'a communiqué aucune autre information au sujet des révisions qu'il envisageait de faire au plan d'immobilisations.

Voici les ruptures de rails en serviceNote de bas de page 4 qui ont été signalées dans la subdivision Taber depuis l'an 2000 : trois en 2000, sept en 2001 et huit en 2002.

Évaluation de la voie et essais

La voiture TEST du CFCP a contrôlé les voies de la subdivision Taber le 2 mai et le 4 septembre 2002. Les deux contrôles ont relevé un désalignement du rail nord de l'ordre de 3/4 de pouce près du point de déraillement. Le contrôle du 4 septembre a aussi révélé un désalignement du rail sud de l'ordre de 3/4 de pouce. Lors des deux contrôles, des écarts mineurs du nivellement en surface, de l'ordre de plus ou moins 1/2 pouce, ont été relevés dans tout le secteur du déraillement. Comme ces problèmes n'étaient pas considérés comme des défauts nécessitant des réparations urgentes, ils n'ont fait l'objet d'aucune mesure particulière.

La voiture TEST a relevé des défauts nécessitant des réparations urgentes et prioritaires dans la subdivision Taber, entre le point milliaire 0 et le point milliaire 106,7 (jonction de la subdivision Stirling). En voici la liste :

La voiture de détection des défauts de rails sert à détecter les imperfections du rail. Le dernier contrôle fait par cette voiture dans la subdivision Taber a eu lieu le 23 juillet 2002 entre les points milliaires 37 et 0,4. À ce moment-là, le détecteur a signalé neuf défauts au total : deux défauts transversaux, trois fissures verticales du champignon et quatre joints brisés. Aucun de ces défauts n'a été relevé dans les environs des lieux du déraillement. Le jour du déraillement, la voiture de détection des défauts de rails était à Taber, attendant d'être réparée. On prévoyait faire un contrôle dans la partie est de la subdivision Taber, en l'occurrence dans le secteur du déraillement, une fois les réparations terminées.

Lors du déraillement, l'inspection et l'entretien réguliers de la subdivision Taber, y compris dans le triage Lethbridge et l'épi Turin (d'une longueur de 27 milles), étaient assurés par 13 employés. Quatre employés sont basés à Taber (point milliaire 76,3), six à Montana (point milliaire 106,7) et trois au triage Lethbridge (point milliaire 116,4). Le groupe de six employés basés à Montana comprend une équipe mobile de quatre personnes qui peut être appelée à prêter main-forte aux équipes régulières chargées de l'entretien des subdivisions Stirling, Coutts et Cardston, et à prêter main-forte au besoin dans la subdivision Taber. En février 2003, le CFCP a créé deux postes additionnels basés à Taber. Le CFCP comptait déplacer trois personnes de Taber à Bow Island (point milliaire 41,4) au cours de 2003.

Pendant les trois ans qui ont précédé l'événement (2000, 2001 et 2002), le CFCP a remplacé 23 393 traverses dans différents secteurs de la subdivision Taber ainsi que 42 960 pieds de rails, mais aucun de ces remplacements n'a été fait dans le secteur du déraillement. La compagnie a remplacé 4000 selles de rail brisées en 2001, entre les points milliaires 15 et 22. Lors du déraillement, un ordre temporaire de vitesse réduite à 25 mi/h était en vigueur entre le point milliaire 15 et le point milliaire 23,8, en raison de l'état des selles de rail.

La planification de l'entretien du CFCP se base sur des plans pluriannuels sur un cycle de quatre ans. Les programmes varient d'année en année. Au cours des quatre années suivant l'événement, le plan d'entretien du CFCP pour la subdivision Taber était le suivant :

Fortes charges par essieu

Ces dernières années, les compagnies ferroviaires d'Amérique du Nord ont accru la charge par essieu dans leurs réseaux, passant de 33 tonnes (263 000 livres) à 36 tonnes (286 000 livres). Les wagons de 263 000 livres dont la capacité est augmentée à 286 000 livres doivent satisfaire aux exigences de la règle 88 du manuel administratif de l'Association of American Railroads et doivent satisfaire au minimum aux exigences de la spécification S-259 concernant un service d'échange contrôlé et restreint. En plus d'exigences particulières quant à la résistance des wagons, la spécification S-259 impose un renforcement des ressorts de suspension pour tenir compte d'une augmentation de 8,75 % de la masse statique. En date de juillet 2004, tous les wagons neufs de 286 000 livres doivent satisfaire aux exigences plus strictes de la spécification S-286 et de la spécification connexe S-976 concernant les bogies. Des charges par essieu accrues supposent une augmentation de la résistance des voies et devraient permettre une diminution des frais d'exploitation des trains, étant donné qu'on utilise moins de locomotives, de wagons et de trains pour transporter un volume de marchandises plus considérable.

Le 22 avril 2002, la Direction générale du transport des marchandises dangereuses de Transports Canada a délivré le permis de niveau équivalent de sécurité SR 5206. Aux termes de ce permis, le poids brut maximal sur rails des wagons-citernes portant les numéros d'enregistrement SHLX 100 à 395 et PROX 61000 à 61049 (affectés au transport de soufre liquide, classe 4.1, UN 2448) peut atteindre 286 000 livres. Cette valeur est supérieure aux 263 000 livres autorisées dans la norme CAN/CGSB 43.147-97Note de bas de page 8. Le permis comprend une note explicative qui dit que, « Vu les avantages économiques et environnementaux que des expéditions plus importantes peuvent apporter à l'industrie ferroviaire, Transports Canada et la Federal Railroad Administration des États-Unis ont publié conjointement un livre blanc indiquant les conditions sous lesquelles un permis de niveau équivalent de sécurité et/ou une exemption peuvent être émis quant à l'augmentation du poids brut maximum sur rails, tout en maintenant ou même en améliorant le niveau de sécurité actuel. La demande de permis a été évaluée en tenant compte des 7 exigences concernant des dispositifs de sécurité supplémentaires, tel qu'indiqué dans la révision A du livre blanc sur la maximisation de la sécurité et du poids brut, en date de septembre 1999. »

Les exigences du livre blanc dont il est question se limitent à la conception des wagons proprement dite et visent essentiellement les concepteurs et les constructeurs des wagons et, dans une moindre mesure, les locataires ou les propriétaires. Il incombe aux compagnies ferroviaires et à la Direction générale de la sécurité ferroviaire de Transports Canada de déterminer les exigences ou les restrictions relatives à l'infrastructure qui découlent de cette augmentation des charges. Le permis SR 5206 ne faisait état d'aucune exigence ou restriction relative à l'infrastructure.

Les wagons de grande capacité dont les trains-blocs sont formés posent des difficultés particulières en ce qui a trait à la structure de la voie. Les trains-blocs dont la charge par essieu est forte exercent habituellement une contrainte uniforme sur la voie, c'est-à-dire que tous les wagons sont du même modèle et sont chargés également, et leurs bogies et leurs caisses réagissent un peu comme s'ils formaient une seule unité. Par conséquent, chaque wagon du train réagit aux irrégularités de la voie de la même façon que celui qui le précède, de sorte que les impacts cumulatifs se concentrent à l'endroit où il y a des irrégularités dans la voie. Quand un train compte un grand nombre de wagons du même modèle dont la capacité de charge est grande, la voie a peu de possibilités, sinon aucune, de reprise élastiqueNote de bas de page 9 pendant le passage des wagons. La voie est alors soumise à une déformation rapide, permanente et habituellement non uniforme.

Remise en état de l'emprise

Avant de restaurer l'emprise ferroviaire, on a dû excaver le sol contaminé par le soufre et le remplacer par de la terre propre. Le sol contaminé a été transporté vers le lieu d'enfouissement municipal de Medicine Hat.

Analyse

La conduite du train s'est avérée conforme aux consignes de la compagnie et aux exigences de la réglementation. La façon dont le train était conduit n'a joué aucun rôle dans l'accident. De plus, on n'a relevé aucun équipement défectueux à bord du train en cause dans l'événement.

Il a été impossible de déterminer avec certitude le rôle qu'aurait joué un wagon chargé de potasse dont les roues avaient des méplats, et qui faisait partie du dernier train qui a circulé sur les lieux du déraillement avant l'accident. Bien que les valeurs d'impact des roues mesurées dans une subdivision voisine aient été très en deçà des seuils de sécurité de la compagnie, elles ont été attribuées au passage du wagon sur des rails brisés d'autres subdivisions et à la basse température ambiante au moment du passage du wagon sur les lieux du déraillement (-15 °C), qui a dû réduire la ductilité du rail et le rendre plus cassant. Par conséquent, le passage de ce wagon dans la subdivision Taber est considéré comme un des facteurs contributifs possibles. L'analyse traitera aussi de l'état général de la voie, de l'inspection et de l'entretien de la voie, ainsi que de l'incidence du type et du volume du trafic sur l'infrastructure de la subdivision Taber.

L'analyse des morceaux de rail et des joints de rail, faite conjointement par le BST et le CFCP, a révélé sur un grand nombre de morceaux de rail des ruptures visibles ainsi que des ruptures fragiles typiques qui concordent avec les dommages causés au rail par le déraillement. Bien que l'inspection visuelle des morceaux et des joints de rail récupérés n'ait pas révélé de défauts susceptibles d'avoir contribué à l'événement, un bout de 24 pouces du rail nord, situé entre deux joints et voisin de l'éventuel point de déraillement, montrait des signes évidents de martelage à son extrémité ouest. Compte tenu de l'extrémité martelée du rail, du grand nombre de wagons en cause et des avaries localisées consécutives au déraillement, le déraillement a vraisemblablement été causé par la rupture soudaine du rail nord au moment du passage du train.

La subdivision Taber est constituée d'un réseau de voies secondaires ou de voies de dérivation définies comme étant des voies de catégorie 3 aux termes du RSV de Transports Canada. L'état de la voie et de la sous-structure de voies ferroviaires de ce type est généralement adéquat pour des wagons classiques pesant jusqu'à 263 000 livres (charge par essieu de 33 tonnes), mais il pourrait s'avérer inadéquat et potentiellement dangereux pour des wagons dont le poids atteint 286 000 livres (charge par essieu de 36 tonnes). Sur des voies comme celles de la subdivision Taber, dont l'état géométrique laisse à désirer et dont les joints de rail sont mal supportés, cette augmentation de 9 % de la charge peut entraîner un accroissement exponentiel du chargement dynamique, ce qui accélérerait la détérioration de la structure d'une voie qui n'a pas été conçue pour supporter de telles charges.

Alors qu'un rail de 100 livres peut supporter sans danger une charge concentrée de 30 000 livres par roue, la charge concentrée additionnelle de 5750 livres par roue excède la marge de sécurité du rail. Compte tenu des limites relatives à la force portante des rails plus légers à longue échéance, il serait prudent, comme dans le cas des rails affectés par le déraillement dans la subdivision Taber, qu'on n'utilise des rails de 100 livres ou des rails plus légers que dans les secteurs où le passage de wagons dont la charge par roue est supérieure à 30 000 livres est susceptible d'être peu fréquent.

Les forces d'impact dues aux charges par essieu considérables et au mauvais état du ballast et de la surface de la voie ont entraîné une augmentation du nombre d'éclisses et de selles de rail brisées et de traverses endommagées près des joints de rail. Les traverses en faux équerrage et les anticheminants éloignés des traverses étaient des indices de déplacement et d'instabilité de la structure de la voie et de cheminement du rail. De plus, l'utilisation accrue du freinage rhéostatique pour contrôler la vitesse de trains-blocs fortement chargés a soumis la structure de la voie à des contraintes additionnelles. Ces facteurs combinés ont causé une diminution générale de l'intégrité de la voie.

Les voies secondaires et voies de dérivation faites de rails de 100 livres ou moins peuvent supporter à court terme le passage d'un nombre limité de wagons dont les charges par essieu sont considérables, pourvu que les voies en question soient faites de longs rails soudés et que le ballast, la surface de la voie et les traverses soient en bon état. Si les rails sont éclissés et si l'état du ballast, de la surface et des traverses laisse à désirer, comme c'est le cas dans une grande partie de la subdivision Taber et notamment dans le secteur du déraillement, on peut s'attendre à une augmentation marquée du nombre de défauts de rails. Les données concernant la subdivision Taber indiquent une augmentation régulière du nombre de ruptures en service entre 2000 et 2002. Le ballast de gravier concassé de la subdivision Taber est un ballast mou et fin qui est susceptible de se colmater et de se dégrader lorsque le trafic est lourd. Le grand nombre de défauts nécessitant des réparations urgentes et prioritaires que les voitures TEST ont relevés depuis mars 2001 est un indice de la détérioration accélérée du ballast et de la surface de la voie dans la subdivision Taber. L'état de la voie et le nombre de défauts et de ruptures qu'on signale actuellement dans la subdivision Taber sont des indices d'une détérioration accélérée de la voie attribuable au passage fréquent de wagons dont la charge par essieu est élevée.

Bien que la dégradation et les exigences d'entretien de la voie augmentent à mesure que les charges par essieu augmentent, les tests de l'industrie et l'expérience acquise ont démontré qu'il est possible d'accroître sans danger la charge par essieu du matériel roulant circulant sur des voies conventionnelles en procédant à la mise à niveau ou à l'amélioration de l'état des rails, des traverses, des attaches de la voie, du ballast et de la plate-forme. Faute de grands programmes d'amélioration des éléments de l'infrastructure (rails, éclisses de grande résistance, traverses, selles de rail, augmentation du nombre de crampons, ballast et drainage), on considère que l'augmentation des activités d'entretien, d'inspection et de renforcement des rails et de la voie correspond aux mesures minimales qu'il faut prendre pour obtenir le niveau de sécurité qui existait avant l'augmentation des charges par essieu dans une subdivision.

L'expérience recueillie par l'industrie suggère qu'il est possible de faire circuler un tonnage accru sans danger sur des voies conventionnelles, à condition d'apporter les améliorations appropriées. Toutefois, les programmes actuels d'entretien et de renouvellement des installations de la subdivision Taber sont peut-être inopportuns et insuffisants pour compenser la détérioration accélérée de la voie et ne permettent pas la circulation à long terme de wagons dont la charge par essieu est considérable, même à des vitesses réduites. Par conséquent, le risque de déraillement dû à des circonstances similaires est toujours présent.

Les compagnies ferroviaires ont une certaine latitude quant au choix des pratiques relatives à leur trafic, à leurs opérations, à l'entretien et à l'acheminement de leur trafic. Quand la voie se détériore, les compagnies peuvent choisir d'améliorer l'infrastructure ou de réduire la vitesse des trains et, au besoin, de modifier à la baisse la classification de la voie. La réduction de la vitesse des trains permet de réduire les charges d'impact et le taux de dégradation de la voie, et de différer ainsi temporairement les travaux d'amélioration de l'infrastructure. Toutefois, le fait de continuer de faire circuler ce trafic sans procéder aux travaux nécessaires d'amélioration de l'infrastructure pose des risques pour la sécurité à long terme.

Même si la partie II (c) du RSV précise qu'on doit augmenter la fréquence des inspections faites par les voitures de contrôle de l'état géométrique des voies de catégories 1, 2 et 3 qui ont vu passer plus de 25 millions de tonnes brutes (MTB) au cours des 12 mois précédents, le RSV ne comporte aucune disposition quant au type de trafic qu'on achemine sur ces voies. La subdivision Taber a vu passer 12,2 MTB en 2002, dont 72 % était constitué de trains-blocs de charbon, de céréales, de soufre et de potasse. Aux termes du RSV, il ne serait pas nécessaire d'accroître le nombre d'inspections faites par les voitures de contrôle de l'état géométrique et d'inspections visuelles dans la subdivision Taber. Bien que les compagnies puissent réduire la vitesse pour se conformer aux exigences du RSV, l'actuel RSV ne tient pas suffisamment compte de l'incidence des fortes charges par essieu, du tonnage et de la fréquence des trains lorsqu'il s'agit de déterminer la catégorie d'une voie.

Les activités d'inspection de Transports Canada dans la subdivision Taber et le signalement des défauts de la voie à la compagnie ferroviaire donnent à penser qu'en règle générale, Transports Canada était au courant de la détérioration de la voie. Cependant, le fait d'attendre la révision du plan d'immobilisations de la compagnie pour que certaines des lacunes de sécurité soient corrigées pourrait faire en sorte qu'il faut beaucoup de temps avant que l'on corrige les lacunes en question, ce qui accroît les risques de déraillements éventuels.

En délivrant le permis de niveau équivalent de sécurité afin de permettre que les wagons de soufre liquide soient chargés davantage, Transports Canada a pris en compte des critères qui se limitent à la conception des wagons proprement dite et qui visent essentiellement les concepteurs et les constructeurs des wagons et, dans une moindre mesure, les locataires ou les propriétaires. Le permis ne faisait état d'aucune condition, exigence ou restriction relative à l'infrastructure et à la circulation dans la subdivision Taber de wagons plus lourds chargés de soufre liquide. Il incombait aux compagnies ferroviaires et à la Direction générale de la sécurité ferroviaire de Transports Canada de déterminer les exigences ou les restrictions relatives à l'infrastructure qui découlent de cette augmentation des charges. Bien que le CFCP et l'industrie ferroviaire soient au courant des effets nuisibles que l'accroissement du poids brut du matériel roulant peut avoir sur l'infrastructure, étant donné qu'ils ont procédé à des études et des analyses exhaustives sur la question, on considère que le CFCP a pris des mesures inadéquates du fait qu'il a tardé à réagir à la détérioration accélérée des voies de la subdivision Taber. L'augmentation du poids brut maximal supporté par les rails, si elle ne s'accompagne pas d'améliorations correspondantes et adéquates de l'infrastructure, a pour effet d'accroître le risque de déraillements attribuables à l'état de la voie, à plus forte raison si le trafic en question est acheminé à long terme.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le déraillement du train de soufre a été vraisemblablement causé par la rupture soudaine du rail nord au moment du passage du train. La basse température ambiante a dû rendre le rail moins ductile et plus cassant.
  2. La présence d'un wagon de potasse dont les roues avaient des méplats dans le train qui est passé sur les lieux du déraillement avant le train 614-046 a pu générer des impacts suffisants pour causer la rupture d'un rail, surtout si l'on tient compte de la température ambiante et du fait que la structure de la voie était affaiblie.
  3. L'état de la voie et le nombre de défauts et de défaillances d'éléments de la voie dans la subdivision Taber dénotent une détérioration accélérée de la voie, attribuable en partie au passage d'un grand nombre de wagons dont la charge par essieu était élevée et à l'augmentation du tonnage transporté dans la subdivision.
  4. Les exigences du Règlement sur la sécurité de la voie (RSV) actuel sont insuffisantes étant donné qu'on détermine la catégorie de la voie en fonction de la vitesse des trains, sans tenir compte de la charge par essieu, du tonnage et de la fréquence du trafic ferroviaire.

Faits établis quant aux risques

  1. Même si les compagnies ferroviaires peuvent réduire la vitesse pour se conformer aux exigences minimales du RSV, il se pourrait que le RSV actuel ne permette pas d'assurer la sécurité à long terme dans le contexte d'une augmentation du trafic ferroviaire et de l'augmentation des charges par essieu sur des voies secondaires ou des voies de dérivation.
  2. Alors que les activités de réglementation visant la subdivision Taber dénotaient une préoccupation grandissante quant à la détérioration de la voie, le fait que la compagnie n'a pas pris rapidement des mesures pour répondre à ces préoccupations a rendu impossible toute atténuation des risques de déraillement attribuables à cette situation.
  3. L'augmentation du poids brut maximal supporté par les rails, si elle ne s'accompagne pas d'améliorations correspondantes et adéquates de l'infrastructure, a pour effet d'accroître le risque de déraillements attribuables à l'état de la voie, à plus forte raison si le trafic en question est acheminé à long terme.

Mesures de sécurité

Transports Canada révise actuellement le Règlement sur la sécurité de la voie (RSV). Les changements qui seront apportés au RSV tiendront compte de facteurs comme les fortes charges par essieu, le tonnage et la fréquence du trafic ferroviaire.

L'activité principale d'inspections de la voie dans la subdivision Taber vise le resserrement ou le remplacement des éclisses et des boulons d'éclisse. En février 2003, le Chemin de fer Canadien Pacifique (CFCP) a créé deux nouveaux postes dont les titulaires sont basés à Taber. Comme tous les employés d'entretien de la voie se trouvent à l'ouest du point milliaire 76,3, le CFCP prévoit déplacer trois personnes de Taber à Bow Island (point milliaire 41,4) au cours de 2003, de façon à mieux équilibrer les effectifs et à mieux répartir la charge de travail.

Même si les inspections de la voie ne doivent avoir lieu que deux fois par semaine, on a décidé d'en augmenter la fréquence afin de contrôler la détérioration de la voie. Le CFCP planifie des améliorations majeures dans la subdivision Taber, et prévoit notamment de poser en rattrapage des rails de 115 livres, de remplacer des traverses et de réaliser un programme de restauration des banquettes et du ballast aux endroits où les rails sont renouvelés.

On a augmenté la fréquence des inspections par les voitures de détection des défauts de rails, qui passe dorénavant à quatre fois par année plutôt que trois.

Le CFCP a équipé quatre voitures Sperry de la technologie B-scan, de façon que les voitures disposent d'un nombre accru de capteurs ultrasoniques permettant d'ausculter un volume accru de rails. Ces voitures, qui offriront des capacités de transmission de données en temps réel, devraient ausculter toutes les voies principales avant l'hiver et contrôler les voies à des intervalles n'excédant pas 45 jours.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .