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Rapport d'enquête ferroviaire R96T0111

Déraillement
Canadien National
train numéro 698, Ontario Northland Railway
point milliaire 225,8, subdivision Newmarket
North Bay (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 31 mars 1996 vers 14 h 14, heure normale de l'Est, le train no 698 de l'Ontario Northland Railway qui se dirigeait vers le sud a déraillé au point milliaire 225,8 de la subdivision Newmarket du Canadien National (CN). Trois des quatre voitures, la locomotive et le groupe électrogène ont déraillé. Huit voyageurs et deux employés des chemins de fer ont été légèrement blessés.

Le Bureau a déterminé que le bogie arrière de la locomotive a pris la voie d'évitement à l'aiguillage du point milliaire 225,8, ce qui a endommagé la superstructure de la voie et provoqué le déraillement. L'aiguillage avait été endommagé et fonctionnait mal parce que l'appareil de manœuvre avait été heurté par un véhicule routier qui avait pénétré sur les terrains du CN malgré un panneau d'interdiction. Les dommages à l'appareil de manœuvre n'avaient pas été signalés aux autorités du CN.

This report is also available in English.

1.0 Renseignements de base

1.1 L'accident

Le train de voyageurs no 698 (train 698) de l'Ontario Northland Railway (ONR) circule en direction sud entre Cochrane (Ontario) et Toronto (Ontario) avec 54 voyageurs à son bord. Vers 14 h 14, heure normale de l'Est, alors que le train approche du point milliaire 225,8 de la subdivision Newmarket du CN, sur un tronçon ouest est juste au sud de North Bay (Ontario), à une vitesse d'environ 44 mi/h, le mécanicien remarque que l'appareil de manœuvre du point milliaire 225,8 est penché et excentré. Craignant que l'aiguillage ne soit endommagé, il serre aussitôt les freins d'urgence. Selon lui, le train est arrivé à l'aiguillage à une vitesse de 20 mi/h. Lorsque le train s'immobilise, le mécanicien constate, en regardant vers l'arrière, qu'une partie du train a déraillé. Toutes les voitures sont sur leurs roues (Figure 1).

Figure 1

Le second mécanicien fait aussitôt un appel radio d'urgence pour signaler la situation aux autres trains du secteur. Il communique ensuite, toujours par radio, avec le contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) afin d'obtenir une protection de voie pour son train. Craignant que des voyageurs soient blessés grièvement, il demande également qu'on dépêche des secours de toute urgence. Le premier mécanicien, craignant que le courant électrique ne déclenche un incendie dans les voitures, coupe l'alimentation. Il reste dans la locomotive de tête, à portée de la radio de la locomotive, tandis que le second mécanicien se rend auprès des voyageurs, qui se trouvent dans les voitures déraillées, pour leur porter secours.

Pendant ce temps, le CCF communique avec les autorités de l'ONR à North Bay qui appellent aussitôt le service ambulancier et la police locale. On prend également des dispositions pour envoyer des autobus sur les lieux du déraillement.

Des voyageurs ont déclaré que, lorsque le train a ralenti, un rebondissement s'est fait sentir dans les voitures et ils ont vu, par les fenêtres, des projections de poussière et de gravier. Le rebondissement a fait tomber quelques voyageurs de leurs fauteuils. Dans la première voiture derrière la locomotive (la deuxième unité remorquée), la paroi latérale s'est détachée du plancher. Une fois le train immobilisé, les voyageurs ont cru que la vapeur qui s'échappait du premier wagon (un groupe électrogène) et qui pénétrait dans la voiture par une ouverture dans la paroi latérale résultant de l'accident était la fumée d'un incendie. Le groupe électrogène reposait contre la première voiture et bloquait la porte de bout avant. La porte latérale de la plateforme avant (au nord) était coincée. Les fenêtres d'issue de secours ne s'ouvraient pas et les voyageurs sont sortis de la voiture par la porte latérale de la plateforme arrière (au sud) que des membres de l'équipe d'exploitation ont ouverte de l'extérieur.

Lorsque le train s'est immobilisé, le bogie arrière de la locomotive de tête, le groupe électrogène et les trois premières voitures déraillées se trouvaient du côté sud de la voie. Le bogie arrière du groupe électrogène s'était détaché et les trois voitures déraillées étaient inclinées sous divers angles. Les voyageurs et les membres de l'équipe d'exploitation des deuxième, troisième et quatrième voitures ont été incapables de descendre du train du côté nord à cause des débris. Ils ont cependant pu descendre sans difficulté par les portes latérales de la plateforme (au sud).

La communication entre les voyageurs et les membres de l'équipe d'exploitation a été difficile parce qu'il n'y avait pas de mégaphones à portée de la main. Le système de sonorisation du train ne fonctionnait qu'à l'intérieur des voitures et uniquement grâce à l'alimentation fournie par le groupe électrogène.

L'équipe de secours est arrivée par un chemin de service adjacent du CN. Les membres de l'équipe de secours ont aussitôt réconforté les blessés et leur ont donné les premiers soins. Trois voyageurs blessés plus gravement ont été emmenés à l'hôpital de North Bay par ambulance. Les autres voyageurs et les membres de l'équipe d'exploitation se sont rendus à North Bay en autobus.

1.2 Victimes

Huit voyageurs et deux membres de l'équipe d'exploitation du train ont subi des blessures légères.

1.3 Dommages à la voie

Environ 350 pieds de voie ont été détruits. L'aiguillage à manœuvre manuelle du point milliaire 225,8 a été endommagé sans espoir de réparation.

1.4 Renseignements sur le personnel

L'équipe d'exploitation comprenait deux mécaniciens, un chef de train et un chef de train adjoint. Les deux mécaniciens et le chef de train adjoint se trouvaient dans la locomotive de tête. Le chef de train était dans la dernière voiture. Il y avait deux employés des services de bord dans les deuxième et troisième voitures.

Les membres de l'équipe d'exploitation répondaient aux exigences de leurs postes respectifs et satisfaisaient aux exigences en matière de condition physique et de repos établies pour assurer l'exploitation du train en toute sécurité.

1.5 Renseignements sur le train

Voici comment était formé le train, de l'avant à l'arrière :

TYPE DE MATÉRIEL NUMÉRO DE L'ONR POSITION
Locomotive 1808 Tête
Groupe électrogène 204 Deuxième
Voiture voyageurs 611 Première voiture
Voiture-cuisine 702 Deuxième voiture
Voiture voyageurs 615 Troisième voiture
Voiture voyageurs 614 Quatrième voiture

Chaque jour, ce train fait la navette entre Cochrane et Toronto en passant par North Bay. Des équipes de l'ONR assurent l'exploitation du train entre Cochrane et North Bay, pendant qu'il circule sur la subdivision Temagami de l'ONR. À North Bay, le train est dirigé sur la subdivision Newmarket du CN où une équipe d'exploitation du CN le prend en charge jusqu'à Toronto. Les employés des services de bord font tous partie du personnel de l'ONR et restent à bord du train pendant tout le trajet.

1.6 Particularités de la voie

La subdivision Newmarket du CN est une subdivision orientée du nord au sud qui s'étend de Capreol (Ontario), point milliaire 311,1, à Parkdale (Ontario), point milliaire 2,4. De la subdivision de l'ONR, on accède à la subdivision Newmarket du CN au point milliaire 226,8, à North Bay. À l'endroit où est survenu l'accident, la subdivision est constituée d'une voie principale simple qui décrit une courbe de deux degrés à gauche dans le sens du mouvement, et présente une pente de 0,5 p. 100.

La voie est constituée de longs rails soudés de 115 livres et de traverses en bois mou posées sur du ballast en pierre concassée. Au moment de l'accident, la voie était en bon état dans le secteur du déraillement.

Le 29 mars 1996, deux jours avant l'accident, l'équipe d'exploitation du train no 697 (train 697) de l'ONR avait traversé le secteur en sens inverse et n'avait observé aucune anomalie. Le train 697 est le dernier train à avoir franchi l'aiguillage avant le train 698. Aucun employé de l'ONR ou du CN ne travaillait dans le secteur pendant la fin de semaine.

1.7 Méthode de contrôle du mouvement des trains

Dans la subdivision Newmarket, le mouvement des trains est régi par le système de régulation de l'occupation de la voie (ROV) en vertu du Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada, sous la surveillance d'un CCF posté à Toronto.

La vitesse maximale autorisée pour les trains qui circulent dans le secteur de l'accident était de 45 mi/h pour les trains de voyageurs et de 35 mi/h pour les trains de marchandises.

1.8 Conditions météorologiques

Au moment de l'accident, le ciel était couvert, les vents étaient calmes et la température était de cinq degrés Celsius.

1.9 Renseignements consignés

Le consignateur d'événements de la locomotive possède un système d'enregistrement à ruban à huit pistes, et il fournit des renseignements restreints. Le consignateur d'événements a toutefois révélé qu'au moment où l'opérateur a serré les freins d'urgence (l'heure précise n'est pas consignée), le train roulait à 44 mi/h, la manette des gaz était à la position 8 (pleins gaz) et le frein de service était desserré.

1.10 Renseignements sur le lieu de l'événement

1.10.1 Généralités

À l'endroit où est survenu le déraillement, il y a un chemin de service du CN en gravier qui longe les rails. Ce chemin donne accès à un faisceau de garage. Il y a un panneau portant l'inscription Danger, Do Not Trespass (Danger - Entrée interdite) pour avertir ceux qui arrivent au chemin en provenance d'une voie publique, mais il n'y a pas de barrière pour interdire l'accès au chemin. La police locale a indiqué que le chemin était fréquenté par des personnes qui venaient là pour boire dans leurs véhicules, mais que le secteur n'était pas considéré comme un secteur à problèmes et qu'il ne faisait pas l'objet de patrouilles fréquentes.

À l'intérieur des limites du faisceau de garage, il y a un triangle de virage pour le matériel roulant. On s'en sert aussi pour l'échange ONR/CN de matériel. L'appareil de manœuvre du point milliaire 225,8 est utilisé pour actionner l'aiguillage manuelle qui donne accès au triangle de virage nord.

L'aiguillage était incliné à environ 20 degrés de la verticale. On a relevé, sur le chemin en gravier, des traces de pneus qui s'arrêtaient à l'appareil de manœuvre. À environ 14 pouces (36 cm) de la base de l'appareil de manœuvre, on a relevé des éraflures où étaient incrustées des particules de peinture blanche. Les crampons de fixation de l'appareil de manœuvre étaient desserrés et les traverses auxquelles l'appareil était attaché étaient déplacées (Figure 2). L'aiguillage était en position normale. La cible d'aiguillage était en place et indiquait que l'aiguillage était orienté vers la voie principale. Un examen a révélé que les composants de l'aiguillage étaient en bon état, bien ajustés et bien entretenus. Il a fallu un choc assez violent pour déplacer l'appareil de manœuvre. Le ou les responsables ont sûrement eu conscience du choc puisque le véhicule doit avoir été lourdement endommagé.

Figure 2

1.10.2 Le matériel

Le bogie arrière de la locomotive avait déraillé et la locomotive était légèrement inclinée. Le groupe électrogène était toujours attelé à la locomotive par son bout avant. Le bout arrière se trouvait dans l'espace dégagé séparant la voie principale du triangle de virage nord. Le bogie arrière n'était plus à sa place.

La première voiture avait déraillé et se trouvait dans l'axe du triangle de virage nord. Il y avait une ouverture d'environ 18 pouces (46 cm) sur 48 pouces (122 cm) entre la paroi sud et le plancher. Il y avait également une perforation au niveau de la ligne de toit à l'avant et, en raison d'une légère déformation de la caisse, la porte latérale de la plateforme ne pouvait que s'entrouvrir. La plupart des éléments sous caisse, dont le réservoir à eau chaude, avaient été arrachés. Le réservoir à eau chaude coulait et la vapeur qui s'en échappait pénétrait à l'intérieur de la voiture par l'ouverture entre la paroi et le plancher (Figure 3).

Figure 3

Dans la première voiture, les joints de caoutchouc de cinq des fenêtres d'issue de secours avaient été partiellement ou complètement arrachés; les panneaux de verre étaient cependant toujours en place. L'une des cinq fenêtres avait été heurtée de l'intérieur et était fissurée, tandis que deux autres étaient décollées de leur base. Une fenêtre qui n'avait plus son joint de caoutchouc n'avait pas de poignée à bascule, comme une fenêtre ordinaire. Elle était solidement en place. Les dossiers de certains fauteuils inclinables gênaient l'accès aux poignées des fenêtres (Figure 4). Des compartiments à bagages gênaient l'accès à l'issue de secours la plus à l'arrière, du côté sud (Figure 5).

Figure 4
Figure 5

La deuxième voiture (voiture cuisine) était toujours attelée à la première par son bout avant; elle reposait sur ses roues entre le triangle de virage nord et la voie principale. Vu que la porte de bout donnant accès à la première voiture n'était pas alignée avec l'autre voiture, il était dangereux de passer d'une voiture à l'autre. La caisse était très endommagée et des éléments sous caisse ainsi que des organes de freinage étaient endommagés et d'autres étaient arrachés. Le bogie avant de la troisième voiture était sorti du rail et gisait près de la voie principale. La quatrième voiture n'a pas déraillé. Des débris des voitures déraillées, du ballast et du matériel de voie gisaient entre les voitures et la voie principale.

1.11 Voitures de l'ONR

1.11.1 Généralités

Les voitures sont des voitures de train de banlieue légères, à un seul étage, qui ont été remises à neuf. Elles avaient été construites à l'origine pour être utilisées à Toronto (pour le réseau GO). À l'origine, elles n'avaient ni compartiments à bagages, ni cuisine pour préparer les repas, ni grandes toilettes avec eau chaude. Les sièges d'origine, petits et faciles à nettoyer, étaient pratiques pour un train de banlieue. L'ONR a remis les voitures à neuf dans ses ateliers de North Bay, selon la spécification 433 de la Commission de transport Ontario Northland pour les adapter aux services voyageurs longue distance d'Ontario. Au moment de l'accident, 14 des 20 voitures achetées avaient été remises à neuf. Conformément à la spécification, de grands fauteuils rembourrés et confortables qui pivotent par paires avaient été installés. Chaque voiture avait été équipée de toilettes relativement spacieuses, avec eau chaude. De nouveaux systèmes de chauffage et de climatisation ainsi que de nouveaux systèmes électriques avaient été ajoutés, et des compartiments à bagages avaient été aménagés. Les voitures avaient également été équipées de marchepieds et de portes à commande manuelle. Ces transformations avaient augmenté le poids de chaque voiture d'environ 13 000 livres.

À l'époque de la construction des voitures pour le service de banlieue, chaque voiture avait été conçue pour avoir une résistance structurale conforme à la norme S 034 69 de l'Association of American Railroads (AAR). Cette norme ne vise que la résistance à un impact longitudinal. Selon les plans originaux, ces voitures de banlieue répondaient à cette norme. Après la remise à neuf et les transformations importantes, les voitures modifiées n'ont pas attiré l'attention de l'AAR ni de l'organisme de réglementation.

1.11.2 Éclairage principal et éclairage de secours

Les systèmes d'éclairage, de chauffage et de climatisation ainsi que le système de sonorisation sont alimentés par le groupe électrogène. Le système de secours est alimenté par des batteries d'accumulateurs placées dans un boîtier suspendu à la caisse de chaque voiture. Ce système de secours entre automatiquement en action si l'alimentation fournie par le groupe électrogène est coupée.

Le réseau de batteries n'alimente que l'éclairage de secours. Ces lampes sont situées sous les fauteuils bordant l'allée, d'un côté de la voiture. Par contre, dans les cuisines, les plateformes et les toilettes, elles se trouvent au plafond. Il n'y a pas d'éclairage extérieur de secours qui illuminerait l'extérieur des voitures pour faciliter le débarquement des voyageurs dans le noir, et les voitures ne sont pas munies de lampes portatives du genre lampes de poche.

1.11.3 Portes, marchepieds et fenêtres

Il y a une plateforme au bout de chaque voiture. Chaque plateforme est munie d'une porte de bout et d'une porte latérale à charnières qui s'ouvrent manuellement. Les portes latérales des plateformes sont placées de part et d'autre des voitures. Toutes les portes s'ouvrent vers l'intérieur.

Les portes latérales de plateforme sont munies de trois loquets et de grandes poignées; la poignée fait pivoter le loquet et le soulève. Il n'y avait pas d'instructions écrites d'affichées pour expliquer aux voyageurs le fonctionnement du mécanisme d'ouverture de la porte.

Les mécanismes des loquets supérieurs et inférieurs sont très visibles de l'intérieur de la voiture, et le fonctionnement des loquets est évident. Le mécanisme du loquet du milieu est caché, mais on pourrait sans doute supposer qu'il fonctionne comme les deux autres. De l'extérieur, cependant, le fonctionnement des loquets n'est pas évident et il n'y a ni pictogrammes ni instructions écrites expliquant le fonctionnement.

Les marchepieds d'accès aux plateformes se trouvent derrière un panneau. Pour faire apparaître les marches, il faut poser le pied sur une clenche de déblocage et lever à la main le panneau. On peut alors voir le marchepied qui s'abaisse. Il n'y avait pas d'instructions écrites d'affichées à l'intérieur ou à l'extérieur pour expliquer aux voyageurs ou aux équipes de secours le fonctionnement de la clenche et son emplacement, lesquels sont loin d'être évidents (Figure 6). Lors d'une évacuation d'urgence, il serait plus facile et moins dangereux pour les voyageurs d'utiliser les marches pour descendre du train.

Figure 6

Les portes de bout sont maintenues en place grâce à trois loquets, comme les portes latérales. Comme pour ces dernières, il n'y avait pas d'instructions écrites d'affichées pour expliquer aux voyageurs le fonctionnement des loquets; cependant, comme dans le cas des portes latérales, le fonctionnement des loquets est évident de l'intérieur, mais pas autant de l'extérieur. La partie supérieure des portes de bout et des portes latérales possède de grandes fenêtres de sécurité mesurant environ 31 pouces (78,74 cm) sur 12 pouces (30 cm).

Chaque voiture possède 12 fenêtres d'issue de secours (une fenêtre sur deux est une issue de secours). La voiture cuisine diffère quelque peu en cela qu'elle ne possède que huit fenêtres d'issue de secours. Ces fenêtres sont constituées de deux panneaux de verre de sécurité de 1/4 de pouce (6 mm). Elles mesurent 31 pouces (78,74 cm) de haut sur 50 pouces (127 cm) de large et pèsent environ 59 livres (26,8 kg). Les rebords sont à environ 34 pouces (86 cm) du plancher. Le fonctionnement de la fenêtre est décrit sur un pictogramme à trois parties non éclairé qui se trouve au dessus de la poignée. (L'enquête a révélé que deux des fenêtres d'issue de secours de la voiture 611 n'avaient pas de pictogramme.) Chaque fenêtre d'issue de secours est identifiée par une grosse poignée rouge portant l'inscription Emergency Exit / Pull Handle - Remove Rubber (Issue de secours - Tirer sur la poignée - Enlever le caoutchouc). Il faut enlever le joint en tirant sur la poignée. Il faut ensuite tirer sur une deuxième poignée, fixée à la fenêtre et qui apparaît une fois qu'on a tiré sur la première poignée. De par sa conception, la fenêtre doit pivoter vers l'intérieur (Figure 7) comme si sa partie supérieure était à charnières (selon le pictogramme).

1.11.4 Équipement d'urgence / Information sur la façon de procéder

Il y a une affiche de 9 pouces 3/4 (25 cm) sur 5 pouces 3/4 (14,5 cm) sur le mur du couloir de chaque plateforme. L'affiche précise que chaque voiture est munie de fenêtres d'issue de secours et d'équipement d'urgence et conseille fortement aux voyageurs de prendre le temps de les repérer. Un plan de la voiture montre où sont situées toutes les issues de secours, qu'il s'agisse de fenêtres ou de portes de bout. Il y a des décalcomanies rouges portant l'inscription

Emergency Window (Issue de secours) sur les parois extérieures des voitures sous les fenêtres. Toute personne qui se trouve à l'extérieur toutefois ne peut pénétrer à l'intérieur de la voiture par ces fenêtres C à moins de fracasser la vitre.

Il n'y a ni instructions ni consignes près des endroits où se trouvent les fauteuils des voyageurs. Faire des annonces aux voyageurs pour leur indiquer l'emplacement de l'équipement d'urgence ou leur donner des consignes en cas d'évacuation d'urgence n'est pas pratique courante à bord des trains. L'équipement d'urgence de chaque voiture comprend une trousse de premiers soins de base, des extincteurs, une hache, une masse et une scie à main. Ces articles sont rangés dans les voitures dans des casiers bien identifiés et faciles d'accès.

L'équipement de premiers soins et de lutte contre l'incendie répond aux exigences du Règlement sur la sécurité et la santé au travail (trains) pris en vertu de la partie II du Code canadien du travail.

1.12 Essais et recherches

1.12.1 Fenêtres d'issue de secours

Étant donné que les voyageurs n'ont pas réussi, malgré cinq tentatives, à ouvrir les fenêtres d'issue de secours, on a procédé à des essais pour voir si le fonctionnement de ces fenêtres était conforme aux indications du pictogramme et pour trouver la cause des difficultés. Selon le pictogramme, le bas de la fenêtre doit être tiré vers l'intérieur. À la première fenêtre, le dossier du fauteuil (le fauteuil était retourné) gênait l'accès à la fenêtre et en restreignait le mouvement vers l'intérieur. Il fallait donc commencer par faire pivoter le fauteuil face vers l'avant. Pour faire pivoter le fauteuil, il faut actionner une manette placée sous le fauteuil près de l'allée. La manette n'était pas facile à voir et était difficile à trouver, même dans des conditions d'essai. Il s'agissait ensuite de tirer la poignée rouge et d'arracher le joint en caoutchouc. Quand on a constaté que deux enquêteurs du BST de stature et de carrure moyennes n'arrivaient pas à arracher le joint, on a décidé de poursuivre l'évaluation sur une autre fenêtre.

On a réussi, d'une secousse, à enlever le joint de la deuxième fenêtre. Une fois le joint enlevé, on a pu voir une petite poignée de métal permettant de tirer la fenêtre vers l'intérieur (Figure 8). Cependant, cette fenêtre était collée au cadre. Pour la décoller, il a fallu une forte traction et des secousses sur la petite poignée de métal. Lorsque la fenêtre a fini par bouger dans le cadre, elle s'est aussitôt coincée et il a été impossible de l'enlever. On s'est rendu compte qu'il fallait d'abord soulever la fenêtre d'une secousse avant de la tirer vers l'intérieur. Cela fait, la fenêtre s'est détachée du cadre et est tombée. Ce n'est qu'après des efforts énormes pour manipuler la lourde fenêtre qu'on a réussi à dégager l'issue.

1.12.2 Rapport du Laboratoire technique du BST

Figure 8

Le Laboratoire technique du BST a examiné le fonctionnement des fenêtres d'issue de secours, la solidité structurale des voitures, le fonctionnement des portes latérales et des portes de bout, ainsi que la signalisation d'urgence. Voici les conclusions du rapport (LP 037/96) :

  1. de par la construction des voitures, le brancard de caisse est laissé à nu; ce brancard a été faussé et repoussé vers l'extérieur par les débris lors du déraillement;
  2. l'ouverture dans la paroi latérale, créée par des efforts relativement modérés, se trouvait à un endroit où il y avait peu de risques qu'un occupant du train tombe sur la voie, mais toute personne qui serait passée par là se serait coupée sur le métal déchiré;
  3. les normes de construction des voitures prennent généralement en compte des charges de service normales et non le type de contraintes subies lors du déraillement, où la voiture s'est retrouvée sur un tas de débris, forçant le brancard de caisse vers l'extérieur;
  4. le fond des voitures de VIA Rail Canada Inc. (VIA) est arrondi et complètement fermé, sans brancard de caisse à nu ou saillant;
  5. les fenêtres d'issue de secours ne sont pas enlevées à intervalles réguliers, et le caoutchouc de leurs joints durcit si elles restent en place longtemps;
  6. les fenêtres étaient sans doute plus difficiles à enlever en raison de la déformation de la voiture;
  7. le fait que la porte latérale de la plateforme avant est restée coincée après avoir été légèrement endommagée est considéré comme une anomalie;
  8. la force nécessaire pour déloger le joint de caoutchouc variait beaucoup; elle excédait parfois les capacités des voyageurs d'une force moyenne;
  9. la petite poignée de métal des fenêtres d'issue de secours limite la force qu'on peut exercer, et de ce fait, la fenêtre se coince dans le cadre;
  10. à cause de son poids, la fenêtre est difficile à manipuler une fois enlevée;
  11. l'absence d'instructions écrites affichées à l'extérieur de la voiture pourrait gêner les sauveteurs et leur rendre la tâche plus difficile.

1.13 Renseignements supplémentaires

1.13.1 L'évacuation

Bien qu'il ait été impossible de diffuser des consignes dans le train pour l'évacuation d'urgence, l'évacuation s'est déroulée dans un calme relatif et les gens se sont conformés aux instructions des employés des services de bord et de l'équipe d'exploitation du train. Cependant, quelques voyageurs étaient inquiets et quelques-uns se sont affolés, et il a été difficile d'indiquer aux voyageurs un lieu de rassemblement et de leur donner de l'information concernant leur retour à North Bay.

1.13.2 Normes de sécurité relatives aux voitures

Au moment de l'accident, il n'existait pas de norme de sécurité minimale régissant la conception, la modification ou la remise à neuf du matériel roulant pour le service voyageurs. En outre, il n'existait pas de normes relatives à la conception des issues de secours, ni de normes concernant la dimension, la teneur et la visibilité (y compris dans l'obscurité et dans la fumée) de la signalisation d'urgence. Il n'était pas obligatoire de fournir aux voyageurs lors de l'embarquement, sous forme verbale, écrite ou graphique, des consignes en cas d'urgence. La présence d'un système de sonorisation fonctionnant sur l'alimentation de secours à l'intérieur et à l'extérieur des voitures, d'un système d'éclairage extérieur de secours et de lampes portatives convenables (lampes de poche) n'était pas non plus obligatoire.

Le 20 novembre 1994, un train de VIA constitué de matériel roulant Léger, Rapide, Confortable (LRC) a heurté un tronçon de rail placé sur la voie, près de Brighton (Ontario). Le tronçon de rail a perforé les réservoirs de carburant de la locomotive et a sectionné des câbles électriques. Le carburant répandu s'est enflammé et l'incendie a mis en danger la vie de nombreux voyageurs; 46 voyageurs ont été blessés dans l'accident (rapport no R94T0357 du BST). L'enquête du BST a révélé des anomalies dans les méthodes d'évacuation et les normes de conception des voitures

LRC, en ce qui concerne le niveau de sécurité. À la suite de cet accident, VIA, de concert avec Transports Canada, a corrigé certaines anomalies et a pris des mesures pour corriger les autres anomalies relevées. Le Bureau a en outre recommandé que :

Le ministère des Transports, en collaboration avec l'industrie ferroviaire, établisse des normes régissant tous les aspects de la sécurité des voyageurs en cas d'urgence.
(R96-10, publiée en juillet 1996)

Le ministère des Transports examine ses procédures qui visent la surveillance de l'application des règlements régissant les compagnies ferroviaires pour s'assurer que le niveau de sécurité des voyageurs soit satisfaisant.
(R96-11, publiée en juillet 1996)

Le 22 avril 1995, le train no 1 de VIA qui roulait vers l'ouest à 17 mi/h a déraillé au point milliaire 11,12 de la subdivision Clearwater du CN, près de Blue River (Colombie-Britannique). Les 13 voitures et les 2 locomotives ont déraillé (rapport no R95V0089 du BST). Neuf des 172 voyageurs et 3 des 15 employés des services de bord ont été légèrement blessés. La conception et l'aménagement des voitures n'ont pas gêné l'évacuation du train qui s'est déroulée rapidement et en toute sécurité. Toutefois, plusieurs anomalies concernant la conception des voitures et la sécurité relevées dans le cadre de l'enquête sur cet accident avaient déjà été mentionnées dans le rapport d'enquête du BST sur l'accident de Brighton.

Le 16 février 1996, le train no 286 en direction est de la Maryland Rail Commuter (MARC) est entré en collision avec le train no 29 en direction ouest de la National Railroad Passenger Corporation (Amtrak), sur la voie principale de la CSX près de Silver Springs au Maryland (États-Unis). Le train de la MARC transportait une équipe d'exploitation de 3 personnes et 20 voyageurs. Le train d'Amtrak transportait une équipe d'exploitation de 4 personnes, 13 employés des services de bord et 164 voyageurs. Le réservoir de carburant de la locomotive de tête du train d'Amtrak s'est rompu sous le choc et le carburant diesel s'est enflammé. La locomotive est devenue la proie des flammes, et la première voiture de la MARC (où se trouvait un poste de commande) a été éclaboussée de carburant en flammes. Deux membres de l'équipe et sept voyageurs du train de la MARC ont perdu la vie après avoir inhalé de la fumée.

Plusieurs des voyageurs du train de la MARC qui ont survécu à l'accident ont déclaré qu'ils ne savaient pas où se trouvaient les issues de secours, et aucun d'entre eux ne savait comment les ouvrir. Deux voyageurs ont tenté à plusieurs reprises, mais sans succès, d'ouvrir les portes latérales extérieures de gauche et de droite. Ils ont déclaré qu'on ne leur avait pas montré comment fonctionnait la poignée de porte en cas d'urgence. Ils ont finalement réussi à sortir par une ouverture dans la caisse endommagée de la deuxième voiture.

Le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis, qui a examiné les première et deuxième voitures de la MARC, a constaté que les portes latérales extérieures de gauche et de droite arrière étaient coincées. Aucune de ces portes n'avait de fenêtre amovible ni de panneaux éjectables en cas d'urgence. Les mécanismes d'ouverture rapide de ces portes se trouvaient dans des armoires fermées à une certaine distance des portes.

Le NTSB a également constaté qu'une voiture n'avait pas de décalcomanies à l'intérieur, près des fenêtres d'issue de secours, et qu'à l'extérieur, les décalcomanies étaient souvent délavées et l'information, illisible. En outre, l'information des décalcomanies extérieures dirigeait les sauveteurs vers une autre affiche au bout de la voiture qui expliquait la façon d'ouvrir les issues de secours.

Il n'existait pas aux États-Unis de normes exhaustives touchant la sécurité des voitures à ce moment-là. Le NTSB avait donc conclu que les inspecteurs de la Federal Railroad Administration (FRA) des États-Unis devraient déterminer s'il existait des situations dangereuses sur d'autres lignes. Le NTSB avait en outre conclu que la FRA devrait diffuser des consignes d'urgence pour corriger ces situations dangereuses au besoin, et intégrer les mesures d'urgence à des normes de sécurité minimales pour les voitures. Le 12 mars 1996, le NTSB a recommandé que la FRA inspecte tout le matériel des trains de banlieue pour déterminer s'il est muni de mécanismes d'ouverture rapide faciles d'accès à l'intérieur, près des portes de corridor extérieures, de fenêtres amovibles ou de panneaux éjectables sur les portes de corridor extérieures et intérieures, et d'une signalisation rétro-réfléchissante bien visible identifiant de l'intérieur et de l'extérieur toutes les issues de secours. En outre, le NTSB a recommandé qu'en cas d'absence d'un ou plusieurs de ces éléments, la FRA prenne les mesures voulues pour s'assurer que l'anomalie est corrigée en attendant que ces mesures soient intégrées à des normes de sécurité minimales relatives à la sécurité des voitures.

Le 12 mars 1996, le NTSB a également recommandé que la Mass Transit Administration du Department of Transportation du Maryland installe, sur les portes de corridor intérieures et extérieures, des fenêtres amovibles ou des panneaux éjectables qui serviraient d'issues de secours; installe à l'intérieur un mécanisme d'ouverture rapide facile d'accès près de toutes les portes extérieures; et installe, à l'intérieur et à l'extérieur, près des issues de secours, une signalisation rétro-réfléchissante fournissant des instructions faciles à comprendre et identifie clairement toutes les issues de secours (portes et fenêtres).

1.13.3 Enquête menée par la police de North Bay et la police du CN

La police de North Bay, en collaboration avec la police du CN, a récupéré l'appareil de manœuvre endommagé pour analyser les éclats de peinture et elle a fait des moulages en plâtre des empreintes de pneus qui menaient à l'appareil de manœuvre endommagé. L'enquête a révélé que les dommages à l'aiguillage ont été causés par un véhicule routier. La ou les personnes responsables n'ont pas signalé aux autorités que l'aiguillage avait été endommagé.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Le train 698 était exploité conformément aux normes de sécurité du gouvernement et aux instructions d'exploitation de la compagnie ferroviaire jusqu'au moment du déraillement, et la méthode d'exploitation du train n'a joué aucun rôle dans l'accident. L'appareil de manœuvre de la voie a été heurté par un véhicule routier et délogé de ses ancrages, ce qui a rendu le mécanisme incapable de retenir les aiguilles contre le rail. Les aiguilles se sont écartées quand le train est passé, permettant au bogie arrière de prendre une voie d'évitement, ce qui a endommagé les rails et provoqué le déraillement du groupe électrogène et des trois voitures. L'aiguillage était bien entretenu et ne montrait aucun signe de mauvais fonctionnement d'origine mécanique antérieur à l'accident ou de mauvais ajustement causé par un entretien qui laisse à désirer.

Le mécanicien surveillait attentivement la voie devant lui. Il a aperçu l'appareil de manœuvre endommagé assez tôt pour freiner, ce qui a permis de réduire considérablement la vitesse du train et ainsi diminuer la gravité du déraillement.

Il est impossible d'affirmer avec certitude que la ou les personnes qui ont heurté l'appareil de manœuvre ont eu conscience des dommages causés, ni qu'ayant constaté les dommages, cette ou ces personnes auraient su que ceux-ci empêcheraient le bon fonctionnement de l'aiguillage et compromettrait la sécurité des trains. Toutefois, compte tenu de la grosseur et de la robustesse de l'appareil de manœuvre, il est fort probable que le véhicule routier a été lourdement endommagé. Toute personne soucieuse de la sécurité et du bien-être des autres se serait fait un devoir de signaler la situation aux autorités du chemin de fer.

2.2 Examen des faits

2.2.1 Issues de secours

2.2.1.1 Fenêtres

Les voyageurs qui ont cru que leur vie était en danger ont été incapables de dégager les fenêtres d'issue de secours de leur cadre pour pouvoir sortir du train. Des tentatives ultérieures faites dans des conditions d'essai par des enquêteurs du BST ont également échoué. Il faut donc conclure que les fenêtres qui sont conçues et entretenues ainsi ne sont pas des issues de secours convenables.

Bien que l'une des principales anomalies C la difficulté à enlever le joint de caoutchouc C puisse être corrigée par la lubrification du caoutchouc ou l'entretien courant, ou les deux, la conception des fenêtres d'issue de secours s'est avérée inacceptable à d'autres égards, notamment :

  1. la fenêtre a tendance à se coincer dans le cadre même une fois le joint enlevé;
  2. il est difficile de manipuler la petite poignée pour actionner la fenêtre;
  3. il est difficile de déplacer la fenêtre une fois sortie, à cause de ses dimensions et de son poids;
  4. il est difficile d'atteindre la fenêtre et de l'enlever à cause du compartiment à bagages et de la conception des fauteuils (quand ils font face vers l'arrière, ceux-ci gênent l'accès à la fenêtre).

De plus, même une fois les fenêtres enlevées, il y a un rebord relativement élevé à enjamber, avant de faire un saut d'une hauteur dangereuse pour atteindre le sol. Seules des personnes capables de se déplacer facilement et en forme physique satisfaisante peuvent emprunter cette issue. Puisqu'il n'y a pas de mécanisme pour enlever les fenêtres de l'extérieur, les décalcomanies appliquées sur les parois extérieures des voitures, probablement pour aider les premiers intervenants lors d'une situation d'urgence, ne servent manifestement pas à grand-chose.

Le fait que la fenêtre d'issue de secours que les voyageurs ont tenté d'ouvrir n'avait pas été tout à fait aménagée à cette fin (elle n'avait pas de poignée de métal) est une situation préoccupante. Cette anomalie aurait dû être décelée lors de l'installation de la fenêtre. L'anomalie n'a pas été décelée par la suite parce que la poignée extérieure cachait cette anomalie. Puisque les joints de fenêtre ne faisaient pas l'objet d'un entretien périodique, cette anomalie est passée inaperçue tant qu'on n'a pas tenté d'utiliser la fenêtre comme issue de secours dans une situation d'urgence. Il y avait assez de fenêtres d'issue de secours, mais deux d'entre elles n'avaient pas de pictogramme montrant leur fonctionnement. Les indications concernant la poignée rouge étaient probablement suffisantes pour inciter les voyageurs à arracher le joint, mais ceux-ci risquaient d'être indécis face à l'étape suivante, surtout que les fenêtres sont difficiles à enlever. Cette anomalie semble révéler un manque de vigilance au niveau de l'assurance de la qualité en ce qui concerne la sécurité des voyageurs.

2.2.1.2  Portes latérales de plateformes

Le fonctionnement des portes de bout et des portes latérales de plateforme est assez simple et ces portes constituent des issues relativement pratiques. Cependant, des instructions pour aider les voyageurs à comprendre rapidement le fonctionnement des portes (et des marchepieds) permettrait d'améliorer la sécurité, tout comme des instructions à l'extérieur qui fourniraient les mêmes renseignements aux premiers intervenants.

Le fait que la porte latérale de la plateforme avant s'est coincée par suite d'une légère déformation de la caisse de la voiture révèle qu'il importe de bien penser l'espace autour des portes, si l'on veut que les caisses offrent une résistance suffisante aux chocs. Une telle exigence technique pourrait avantageusement être insérée dans une norme de sécurité relative aux voitures.

2.2.1.3 Sources d'information pour les situations d'urgence

Hormis les inscriptions sur les fenêtres d'issue de secours, les seuls renseignements fournis pour les situations d'urgence se trouvaient sur les affiches des plateformes. Il est peu probable que les voyageurs s'arrêtent pour prendre connaissance de ces renseignements lorsqu'ils montent à bord. Lors d'une évacuation d'urgence, il est très important de pouvoir évacuer le train rapidement. On pourrait donc améliorer la sécurité en fournissant aux voyageurs de meilleurs renseignements sur toutes les portes et issues de secours.

2.2.1.4 Alimentation électrique de secours

Le mécanicien a coupé l'alimentation fournie par le groupe électrogène par mesure de précaution, mais cela a rendu le système de sonorisation interne inutilisable et a privé les membres de l'équipe d'exploitation d'un moyen efficace qui aurait permis de guider et de rassurer les voyageurs qui se trouvaient dans les voitures. Le système n'était pas conçu pour diffuser des messages à l'extérieur du train.

L'alimentation de secours ne fournit qu'un éclairage très faible près des fauteuils, et ni les issues de secours ni le matériel de secours ne sont éclairés. Un éclairage de secours dans ces zones permettrait d'améliorer la sécurité. Ni l'alimentation fournie par le groupe électrogène ni l'alimentation de secours ne fournissent d'éclairage à l'extérieur des voitures. Pourtant, l'éclairage extérieur faciliterait le déroulement de l'évacuation et permettrait de mieux contrôler les voyageurs dans le noir.

Il convient aussi de noter que, lors du déraillement, les batteries assurant l'alimentation électrique de secours de la première voiture ont été arrachées. La coupure de l'alimentation fournie par le groupe électrogène dans de telles conditions d'obscurité peut faire courir de plus grands risques aux voyageurs. Il pourrait s>avérer utile d'élaborer des procédures normalisées pour ce type de situation.

2.2.2 Conception des voitures

2.2.2.1 Prévention des dommages

Dans la première voiture, les efforts générés par le déraillement ont arraché la plupart des accessoires sous caisse, y compris les sources d'alimentation électrique de secours. La conception particulière de la voiture (jonction paroi-plancher) explique aussi qu'une partie de la paroi latérale a été déchirée lors du déraillement. Les voyageurs risquaient alors de tomber dans cette ouverture et d'être projetés sur la plateforme; de plus, des flammes, de la fumée ou des émanations toxiques qui se manifestent parfois après un déraillement risquaient de pénétrer dans les voitures. Le matériel de VIA est protégé contre les dommages à la jonction paroi-plancher; toute norme de conception des voitures devrait viser autant la solidité de fixation de la paroi que la protection sous caisse.

Il semble qu'on n'ait pas songé à une issue de secours pour les occupants, advenant une situation où les portes de bout ne seraient pas utilisables (comme ce fut le cas dans l'accident à l'étude) ou que la voiture serait couchée sur le côté.

2.2.2.2 Généralités

La conception et l'aménagement des voitures ont été en grande partie laissés à la discrétion du constructeur. À l'exclusion des normes de structure de l'AAR (lesquelles ne s'appliquent pas aux dispositifs de sécurité), et de divers codes exigeant la présence de matériel de premiers soins et d'équipement de lutte contre l'incendie, il n'y avait pas de normes établies à respecter.

Comme l'ont montré l'accident de VIA survenu le 20 novembre 1994 à Brighton et la collision entre les trains de la MARC et d'Amtrak le 16 février 1996, les voitures d'un train accidenté peuvent rapidement s'avérer de véritables pièges. Il importe donc d'établir des normes bien pensées régissant tous les aspects de la sécurité des voyageurs.

2.2.2.3 Accès au chemin privé du CN

Il n'y avait pas de barrière pour interdire l'accès au chemin privé du CN. Les véhicules pouvaient donc se rendre sans difficulté et sans surveillance à l'emprise du chemin de fer. On avait placé un panneau interdisant l'accès au chemin pour avertir le public du danger, mais il semble qu'on faisait fi de ce panneau d'interdiction. À cause de ce chemin, le public était exposé aux dangers du chemin de fer, et le chemin de fer était exposé au vandalisme et au vol. Ces chemins devraient être bloqués, dans la mesure du possible.

3.0 Conclusions

3.1 Faits établis

  1. Avant le déraillement, le train était exploité conformément aux normes de sécurité du gouvernement et aux consignes d'exploitation de l'ONR.
  2. Le bogie arrière de la locomotive a dévié vers le triangle de virage à l'aiguillage du point milliaire 225,8, ce qui a provoqué la rupture et le déplacement du rail et fait dérailler le train.
  3. L'aiguillage avait été heurté et endommagé par un véhicule routier qui avait pénétré sans autorisation sur les terrains du CN.
  4. L'aiguillage endommagé ne pouvait pas maintenir en position les aiguilles qui devaient assurer le passage du train en toute sécurité.
  5. L'appareil de manœuvre et ses composants étaient en bon état, bien entretenus et bien ajustés avant d'être endommagés par le véhicule routier.
  6. La ou les personnes qui ont endommagé l'aiguillage n'ont pas signalé les dommages aux autorités du chemin de fer, causant une situation extrêmement dangereuse pour les trains.
  7. Les fenêtres d'issue de secours ne s'ouvraient pas comme prévu, ce qui a gêné l'évacuation de la première voiture.
  8. Les facteurs suivants ont compromis la sécurité des voyageurs de l'ONR : le manque d'information lors de l'évacuation d'urgence; l'éclairage de secours était insuffisant pour voir la signalisation d'urgence et pour repérer l'équipement; la signalisation montrant le fonctionnement des portes et des marchepieds était insuffisante; le système de sonorisation ne fonctionnait pas sur l'alimentation de secours; il n'y avait pas de pictogrammes sur toutes les fenêtres d'issue de secours. En outre, la fenêtre d'une issue de secours était une fenêtre ordinaire et le dossier d'un fauteuil et un compartiment à bagages gênaient l'accès à certaines fenêtres d'issue de secours.
  9. Au moment de l'accident, il n'y avait pas, au Canada, de normes de sécurité relatives aux voitures stipulant des exigences minimales pour le matériel neuf ou remis à neuf.

3.2 Causes

Le bogie arrière de la locomotive a pris la voie d'évitement à l'aiguillage du point milliaire 225,8, ce qui a endommagé la superstructure de la voie et provoqué le déraillement. L'aiguillage avait été endommagé et fonctionnait mal parce que l'appareil de manœuvre avait été heurté par un véhicule routier qui avait pénétré sur les terrains du CN malgré un panneau d'interdiction. Les dommages à l'appareil de manœuvre n'avaient pas été signalés aux autorités du CN.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

Le 7 juillet 1996, le Bureau a fait quatre recommandations provisoires relatives à des anomalies liées au fonctionnement des fenêtres d'issue de secours, à l'absence d'instructions explicites sur la façon d'ouvrir les fenêtres, et aux fauteuils et aux compartiments à bagages qui gênent l'ouverture des fenêtres. Le Bureau avait alors recommandé que :

Le ministère du Développement du Nord et des Mines de l'Ontario s'assure :

a) que toutes les fenêtres d'issue de secours des voitures de l'ONR fassent immédiatement l'objet d'un essai fonctionnel unique;
b) qu'un programme visant à vérifier régulièrement le bon fonctionnement des fenêtres d'issue de secours des voitures de l'ONR soit mis sur pied.
(R96-01, publiée en juillet 1996)

Le ministère du Développement du Nord et des Mines de l'Ontario veille à ce que des instructions d'utilisation explicites des fenêtres d'issue de secours soient facilement accessibles dans les voitures de l'ONR.
(R96-02, publiée en juillet 1996)

Le ministère du Développement du Nord et des Mines de l'Ontario s'assure que les sièges et les compartiments à bagages ne gênent pas l'utilisation des fenêtres d'issue de secours des voitures.
(R96-03, publiée en juillet 1996)

La Commission de transport Ontario Northland fasse des recherches en vue d'installer, dans les voitures de l'ONR, des fenêtres d'issue de secours qui peuvent être enlevées facilement par des voyageurs en bonne forme.
(R96-04, publiée en juillet 1996)

L'ONR avait répondu qu'elle prenait des mesures pour faciliter l'évacuation des voyageurs lors d'une situation d'urgence :

  1. Un essai de fonctionnement a été exécuté sur toutes les fenêtres d'issue de secours des voitures de l'Ontario Northland Northlander. Ce travail a été fait par divers employés à deux ateliers d'Ontario Northland. Chaque fenêtre a été enlevée, nettoyée et remise en place.
  2. Une vérification régulière annuelle du fonctionnement des fenêtres d'issue de secours sera prévue dans le cadre du programme d'entretien périodique des voitures.
  3. Une affiche donnant des explications écrites et graphiques sur les dispositifs d'urgence de la voiture sera placée sur chaque fauteuil.
  4. Le programme de formation du personnel des services de bord et des équipes d'exploitation a été revu et un programme de recyclage a été mis sur pied. Dans le cadre de ce programme, on procédera à l'inspection de l'équipement de sécurité de la voiture, et chaque stagiaire devra enlever une des fenêtres d'issue de secours. L'ONR prendra aussi des dispositions pour donner la même formation aux équipes du CN qui sont en attente à North Bay.
  5. Les fauteuils pivotants ont été installés de façon qu'ils ne peuvent pas gêner l'accès à trois fenêtres d'issue de secours de chaque côté des voitures.

En plus des recommandations provisoires publiées pendant l'enquête sur cet accident, le Bureau a fait d'autres recommandations en juillet 1996 relatives à des normes régissant tous les aspects de la sécurité des voyageurs et la surveillance de l'application de ces normes dans l'industrie.

Peu après l'accident mortel de VIA à Biggar (Saskatchewan), le ministre fédéral des Transports avait annoncé le report de la remise en discussion des modifications proposées à la Loi sur la sécurité ferroviaire afin de voir si d'autres modifications à la loi s'imposaient. Les modifications envisagées comprennent l'ajout de dispositions touchant la sécurité des voyageurs ainsi que l'implantation d'un régime de réglementation pour mettre en oeuvre ces dispositions.

On procède à l'élaboration de règles de l'industrie relatives aux évacuations et aux interventions pendant que Transports Canada examine l'ébauche des Passenger Handling Safety Rules qui a été présentée par l'Association des chemins de fer du Canada.

Transports Canada a approuvé le Règlement relatif à l'inspection et à la sécurité des voitures voyageurs, dont la date d'entrée en vigueur a été fixée au 1er février 1998. Ce règlement renferme des dispositions touchant les issues de secours, les trousses de premiers soins multi-traumatismes (qui doivent comprendre des mégaphones), les instructions, la signalisation, l'arrimage des bagages et l'éclairage de secours. Elles prévoient également l'installation de circuits et de systèmes électriques et mécaniques à sûreté intégrée.

Transports Canada a vérifié si l'ONR s'était conformé aux recommandations du Bureau et a souligné qu'il continuera à surveiller l'ONR pour s'assurer qu'elle respecte les exigences de sécurité relatives aux trains de voyageurs. Transports Canada a également indiqué qu'un dispositif de verrouillage d'aiguillage avait été installé, par mesure de sécurité, à l'endroit où est survenu l'accident.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau qui est composé du Président Benoît Bouchard et des membres Maurice Harquail, Charles Simpson et W.A. Tadros.

Annexe A - Sigles et abréviations

AAR
Association of American Railroads
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CCF
contrôleur de la circulation ferroviaire
cm
centimètre(s)
CN
Canadien National
FRA
Federal Railroad Administration
kg
kilogramme(s)
LRC
Léger, Rapide, Confortable
MARC
Maryland Rail Commuter
mi/h
mille(s) à l=heure
mm
millimètre(s)
NTSB
National Transportation Safety Board
ONR
Ontario Northland Railway
REF
Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada
ROV
régulation de l'occupation de la voie
VIA
VIA Rail Canada Inc.