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Rapport d'enquête ferroviaire R94T0029

Déraillement
CN Amérique du Nord
Train numéro 302-27
Point milliaire 56, 7, subdivision Ruel
Près de Westree (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vingt-trois wagons d'un train de marchandises du CN Amérique du Nord (CN) qui roulait vers l'est, soit les 46e à 68e wagons derrière les locomotives, ont déraillé au moment oû le train franchissait une courbe au point milliaire 56,7 de la subdivision Ruel, à 80 milles au nord-ouest de Sudbury (Ontario). Trois wagons-citernes de marchandises dangereuses ont fui. Il n'y a pas eu de blessé.

Le Bureau a déterminé que le déraillement a été causé par la rupture du champignon d'un rail occasionnée par une fissure verticale du champignon.

1.0 Renseignements de base

1.1 L'accident

Le train de marchandises no 302-27 du CN Amérique du Nord (CN) en direction est a quitté Foleyet (Ontario), point milliaire 148,3 de la subdivision Ruel, à 23 h 30, heure normale de l'Est (HNE), le 29 janvier 1994, à destination de Montréal (Québec).

Vers 5 h 5 HNE, le 30 janvier 1994, juste après que le train a franchi une courbe au point milliaire 56,7, les freins d'urgence se sont déclenchés.

Après avoir effectué les mesures d'urgence voulues, les membres de l'équipe ont inspecté le train et déterminé que les 46e à 68e wagons avaient déraillé. Trois wagons-citernes qui avaient déraillé fuyaient. Personne n'a été blessé.

1.2 Dommages au matériel

Un wagon a été légèrement endommagé, un autre a subi des dommages considérables, et 21 wagons ont été démolis.

1.3 Autres dommages

La voie principale a été détruite sur 500 pieds et a subi des dommages considérables sur 600 pieds.

1.4 Renseignements sur le personnel

L'équipe du train se composait d'un chef de train et d'un mécanicien. Ils répondaient aux exigences de leurs postes et satisfaisaient aux exigences en matière de condition physique et de repos.

1.5 Renseignements sur le train

Le train se composait de 2 locomotives, de 17 wagons vides et de 65 wagons chargés, y compris des wagons de gaz de pétrole liquéfié, d'ammoniac anhydre et d'acétate de vinyle. Il mesurait environ 5 300 pieds de long et pesait quelque 8 000 tonnes.

1.6 Particularités de la voie

La subdivision se compose d'une voie principale simple qui s'étend sur 296 milles de Capreol à Hornepayne (Ontario). Au point milliaire 56,7, la vitesse permise pour les trains de marchandises est de 50 mi/h. Il n'y avait pas d'ordre de limitation de vitesse en vigueur dans ce secteur au moment du déraillement. Chaque jour, il passe en moyenne 17 trains dans le secteur.

Le déraillement s'est produit à la fin d'une courbe à droite de un degré (dans le sens du mouvement) sur une voie en alignement droit qui présentait une pente ascendante de 0,1 p. 100.

Le rail sud consistait en des longs rails soudés (LRS) peu usés de 136 livres qui avaient été laminés en 1992 et posés en mai 1993. Le rail nord, qui présentait une usure verticale du champignon et une usure latérale combinées de 3/8 de pouce, ce qui est bien conforme à la norme, se composait de LRS de 132 livres qui avaient été laminés et posés en 1971. Les rails reposaient sur des traverses en béton et y étaient fixés au moyen d'attaches Pandrol, toutes en bon état. Le ballast était fait de laitier, les cases étaient pleines, et les banquettes mesuraient 16 pouces.

Un superviseur adjoint de la voie avait inspecté la voie le 28 janvier 1994. Il n'avait décelé aucune anomalie.

Un véhicule d'inspection aux ultrasons avait balayé les rails dans le secteur du point milliaire 56,7 le 24 novembre 1993. Aucune défaillance n'avait été décelée. La subdivision avait aussi subi un essai aux ultrasons en février, en mars, en mai et en août 1993.

1.7 Méthode de contrôle du mouvement des trains

Dans ce secteur, le mouvement des trains est régi par le système de commande centralisée de la circulation (CCC) autorisé par le Règlement d'exploitation ferroviaire du Canada (REF) et dirigé par un contrôleur de la circulation ferroviaire (CCF) posté à Toronto (Ontario).

1.8 Conditions météorologiques

Le ciel était clair, la visibilité était illimitée, et la température était de moins 45 ° C.

1.9 Renseignements consignés

D'après les données fournies par le consignateur d'événements, les freins d'urgence se sont déclenchés tandis que le train roulait à une vitesse consignée de 46 mi/h, les freins étaient desserrés et la manette des gaz était à la position no 8. Les autres systèmes dont le fonctionnement est consigné ont fonctionné normalement.

1.10 Renseignements sur le lieu de l'événement

Le déraillement s'est produit à l'extrémité d'un marais, dans une région isolée. La population la plus proche était celle du village de Westree (Ontario), à sept milles au nord-ouest.

Aux environs du point milliaire 57,6, oû la destruction de la voie a débuté, le rail nord dépassait le rail sud d'environ 148 pouces vers l'est. Il n'y avait pas de marques sur la plate-forme, les traverses ou les rails avant le point milliaire 57,6.

Le premier wagon qui a déraillé, le 46e derrière les locomotives, wagon plat à parois de bout chargé, s'est immobilisé dans le fossé sud de l'emprise, couché sur le côté à 1 200 pieds à l'est du point milliaire 56,7. Les 47e à 67e wagons inclusivement se sont immobilisés en formant un amas inextricable sur une distance d'environ 500 pieds juste au-delà du point oû la destruction de la voie a débuté. Le bogie avant du 68e wagon, le dernier qui a déraillé, reposait sur la plate-forme, et le bogie arrière, sur la partie intacte de la voie.

Des morceaux des rails nord et sud ont été trouvés à une dizaine de pieds à l'est de l'extrémité du rail sud, sous le dernier wagon qui a déraillé. L'inspection visuelle des morceaux du rail sud a révélé que le champignon de rail s'était rompu sur le côté intérieur.

L'inspection des wagons qui ont déraillé a révélé que la barre de traction située à l'avant du 47e wagon s'était rompue à la hauteur de la clavette dans le pylône de choc. Au point de rupture, de la rouille indiquait qu'environ 40 p. 100 de la rupture existait déjà avant l'accident. La partie avant de la barre de traction rompue n'a pas été retrouvée.

Les morceaux de rail ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour y être examinés.

1.11 Marchandises dangereuses

1.11.1 Les produits

1.11.1.1 Acétate de vinyle

Environ 79 000 kilogrammes d'acétate de vinyle se sont répandus. L'acétate de vinyle est un liquide incolore qui se polymérise à l'état solide lorsqu'il est exposé à la lumière. Sa limite inférieure d'explosivité est de 2,6 p. 100 et sa limite supérieure d'explosivité, de 13,4 p. 100. Son point d'éclair «en vase ouvert» est de moins 1,1 ° C. La limite d'exposition admissible est de 10 parties par million (ppm), et les limites d'exposition à court terme sont fixées à 20 ppm. Il est modérément toxique s'il est inhalé ou ingéré, et irrite la peau et les yeux. L'acétate de vinyle présente un risque très élevé d'incendie en présence de chaleur, de flammes ou d'oxydants. Il peut réagir avec l'air ou l'eau pour former des peroxydes qui servent de catalyseurs à une polymérisation exothermique. Il s'agit là d'une réaction qui a été à l'origine de plusieurs graves explosions industrielles.

Les deux wagons-citernes chargés qui ont laissé fuir de l'acétate de vinyle étaient des wagons- citernes de spécification 111A.

1.11.1.2 Méthanol

Le méthanol est un liquide clair à odeur d'alcool. Son point d'inflammation est de 65,6 ° C, sa limite inférieure d'explosivité, de 5,5 p. 100, et sa limite supérieure d'explosivité, de 36,5 p. 100. Bien qu'il soit classé comme un liquide inflammable, il est aussi considéré comme étant un poison pour l'être humain lorsqu'il est ingéré ou qu'il vient en contact avec la peau. Il est légèrement toxique en cas d'inhalation. L'effet toxique s'exerce sur le système nerveux, surtout les nerfs optiques. L'ingestion de moins de 30 millilitres (environ une once) de méthanol peut être mortelle.

Le wagon-citerne chargé qui a laissé fuir du méthanol était un wagon-citerne de spécification 111A.

1.11.1.3 Propane

Lorsqu'il est transporté dans des wagons-citernes, le propane est un gaz liquéfié incolore dont la limite inférieure d'explosivité est de 2,4 p. 100, la limite supérieure d'explosivité, de 9,5 p. 100 et le point d'éclair «en vase ouvert», de moins 105 ° C. La limite d'exposition admissible est de 1 000 ppm. Il présente un grand risque d'incendie lorsqu'il est exposé à la chaleur ou à des flammes et peut réagir rigoureusement ou exploser en présence d'oxydants. À forte concentration, le propane affecte le système nerveux central et il est un produit asphyxiant.

Le wagon-citerne chargé de propane qui a déraillé était un wagon-citerne de spécification 112-J. Le wagon-citerne a subi des dommages considérables, mais n'a pas laissé fuir son contenu.

1.11.2 Le déversement et l'intervention d'urgence

En marchant vers les wagons qui avaient déraillé, le chef de train a senti une odeur et pu déterminer par le bulletin de composition du train que des wagons de marchandises dangereuses avaient déraillé. Il ne s'est donc pas aventuré près du secteur du déversement. Il est retourné à la locomotive de tête et a signalé le déversement au CCF. L'équipe a ensuite dételé les locomotives et s'est bien éloignée du lieu du déraillement en direction est.

Le personnel du CN formé pour évaluer la manutention des marchandises dangereuses est arrivé sur les lieux vers 15 h 30 HNE, et a déterminé qu'un wagon-citerne d'acétate de vinyle s'était rompu et avait laissé fuir tout son contenu. Un autre wagon-citerne d'acétate de vinyle a subi des dommages sous l'impact, et une petite fuite était évidente à la hauteur du dôme. Un wagon-citerne de méthanol a subi des dommages aux robinets de vidange par le bas, ce qui a causé une fuite importante. Un wagon-citerne de propane liquéfié a subi des dommages considérables à l'enveloppe et au wagon, mais ne s'est pas rompu et n'a pas fui.

La majeure partie de l'acétate de vinyle déversé a coulé dans le secteur voisin du marais. Le déraillement a toutefois créé une dépression dans le fossé sud dont on a évalué la largeur à 10 pieds et la profondeur à 4 pieds. Ce fossé s'est ensuite rempli d'un mélange d'acétate de vinyle et de méthanol.

Le CN a établi un poste de commandement à six milles à l'est du lieu du déraillement. Il a érigé une barrière périmétrique à 500 pieds à l'est et à l'ouest de ce lieu, et les membres du personnel qui ont dû travailler dans le périmètre ont tous utilisé un appareil respiratoire.

L'acétate de vinyle contenu dans le wagon-citerne qui fuyait, le reste du contenu du wagon-citerne de méthanol qui avait déraillé et le contenu du wagon-citerne de propane qui avait déraillé ont été transbordés dans d'autres wagons-citernes par pompage. On a terminé ce transbordement le 3 février 1994.

On n'a pas cherché à récupérer les produits déversés. L'acétate de vinyle et le méthanol allaient tous deux se dégrader rapidement et ne présentaient pas de risque pour l'environnement.

Les agents provinciaux de l'environnement ont continué de surveiller les lieux et déclaré qu'à l'été de 1994, on ne voyait plus de signe des produits déversés. La surveillance des forages d'essai faits dans les environs a révélé que la nappe phréatique n'était pas contaminée.

1.12 Essais et recherche

Les morceaux des rails nord et sud examinés par le Laboratoire technique du BST (rapport LP 17/94) ont permis de déterminer que les ruptures du rail nord étaient dues à des efforts excessifs et qu'elles avaient pris naissance à des marques d'impact sur le patin de rail. Le rail sud présentait une fissure verticale du champignon. On soupçonne qu'elle a débuté au centre du tronçon touché du rail sud. Elle s'est probablement étendue dans les deux sens, mais on n'a pu le confirmer puisque seuls les morceaux présentant l'extrémité ouest de la fissure ont été récupérés. L'extrémité est et une bonne partie du centre de la fissure n'ont pas été retrouvées. D'après la géométrie de la fissure, le centre du tronçon touché s'est fragmenté à mesure que la fissure a progressé et que le champignon du rail s'est rompu. La brèche dans le rail s'est étendue dans les deux sens à mesure que des sections successives du champignon du rail se sont cassées. On n'a pas découvert l'origine de la défaillance dans les morceaux récupérés.

On a compté les inclusions dans un tronçon du champignon du rail sud pour comparer la propreté de l'acier avec la norme actuelle. D'après les résultats obtenus, leur nombre par unité de surface était plus du triple de la limite admissible à l'heure actuelle (depuis le 1er juillet 1993). Au moment de la fabrication (1992), l'acier se conformait aux normes du CN.

1.13 Autres renseignements

1.13.1 Wagons-citernes de la série 111A

Les trois wagons-citernes qui ont fui faisaient partie des wagons-citernes de la série CTC-111A. Ce type de wagon-citerne, connu sous le numéro DOT-111A aux États-Unis et le numéro CTC-111A au Canada, sert au transport de liquides inflammables, d'acides et d'autres corrosifs. Ces wagons sont non pressurisés et parfois isolés. Ils ne portent pas d'ordinaire de boucliers protecteurs et sont éprouvés à des pressions relativement faibles (de 60 à 100 livres au pouce carré (lb/po2)), selon le type de wagon. Ils peuvent être construits en acier ordinaire, en alliage d'aluminium ou en acier allié (inoxydable) et sont tous munis d'attelages à double plateau. On considère que ces wagons n'assurent pas la même protection contre la perte de leur contenu dans un déraillement que les wagons des classes 112 et 114, conçus pour transporter des gaz inflammables.

Dans une étude de sécurité sur le transport des marchandises dangereuses par chemin de fer publiée par le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis (NTSB/SS-91/01), on met en doute la sécurité des wagons-citernes de la classe 111A. Le NTSB avait examiné 45 accidents et incidents choisis parmi ceux qui étaient survenus entre mars 1988 et mars 1989, ainsi que plusieurs rapports sur des accidents graves et d'autres études de sécurité antérieurs. L'étude de sécurité a déterminé que la perte d'intégrité de la citerne a une fréquence élevée parmi les wagons-citernes de ce type mis en cause dans un accident et que certaines marchandises dangereuses sont transportées dans ces wagons malgré l'existence de wagons mieux protégés (moins susceptibles de répandre leur contenu lors d'un accident).

1.13.2 Observations de l'équipe

Les membres de l'équipe ont déclaré qu'ils n'avaient senti ni éprouvé rien d'inhabituel lorsque la locomotive de tête a franchi le secteur du déraillement. Ils ont aussi déclaré que le signal de CCC situé à quelque trois milles à l'ouest du lieu du déraillement présentait le signal de vitesse normale lorsque le train en a approché et qu'il est entré dans le canton.

1.13.3 Fissure verticale du champignon

Une fissure verticale du champignon est une rupture longitudinale progressive de ce dernier dont la fissure se propage verticalement au milieu du champignon ou près du milieu. Elle s'étend rapidement lorsqu'une fissure s'est ouverte. Cette défaillance de rail met les trains en danger, car elle n'est d'ordinaire visible à la surface qu'après avoir atteint plusieurs pieds de long. Comme la fissure verticale du champignon se propage longitudinalement, elle altère d'habitude une partie considérable de la voie en se développant.

Dans nombre de cas, une rupture catastrophique du champignon due à cette fissure verticale du champignon altère assez l'écartement de la voie pour qu'une roue tombe à l'intérieur du rail.

1.13.4 Essais aux ultrasons

La Pandrol Jackson Technologies Inc. fournit un service d'essais aux ultrasons au CN. Le système d'essais tente de repérer les défaillances de rail selon un critère prédéfini. La technique d'essais repose sur la capacité des ondes ultrasoniques à se propager dans le rail et à se réfléchir sur les discontinuités comme les vides ou les fissures.

D'après la norme du CN relative à la détection des défaillances, le matériel d'essais aux ultrasons doit révéler 95 p. 100 des fissures verticales de champignon de rail qui ont six pouces et plus de longueur.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

L'exploitation du train était conforme aux instructions de la compagnie et aux normes de sécurité du gouvernement. La séparation du train et le déraillement ont été soudains et imprévus. L'analyse se concentrera sur les facteurs étrangers à l'exploitation du train qui ont été évalués pour déterminer la cause.

2.2 Examen des faits

2.2.1 Matériel

Avant le point oû la destruction de la voie a débuté, la voie et la plate-forme ne portaient pas de marques indiquant qu'une roue avait chevauché le rail ou qu'une défaillance du matériel, telle la rupture d'une roue ou d'un essieu, avait causé le déraillement.

Une barre de traction rompue comme celle qu'on a trouvée à l'extrémité avant du deuxième wagon qui a déraillé aurait causé une séparation immédiate du train et n'aurait pas eu d'effet sur le wagon précédent. La barre de traction serait tombée sur la plate-forme et aurait marqué les traverses, les rails et cette dernière avant de se coincer sous un wagon et de causer le déraillement et la destruction de la voie. Comme le wagon précédent a aussi déraillé et que les traverses, les rails et la plate-forme ne portaient aucune marque évidente, on pense que la rupture de la barre de traction s'est produite au cours du déraillement et qu'elle n'a pas causé le déraillement et n'y a pas contribué.

2.2.2 Fissure verticale du champignon

Le train est entré dans le canton après avoir passé un signal de vitesse normale, ce qui signifie que le rail n'était pas alors rompu ou qu'il ne s'était pas séparé s'il était rompu. On n'a vu ni senti aucune défaillance de rail au moment oû le groupe de traction a franchi le point du déraillement.

Les essais de laboratoire ont révélé que, même s'il était usé et plus vieux, le rail nord s'est rompu sous les efforts de choc exercés sur son patin. Le champignon du rail sud qui s'est rompu présentait toutefois une fissure verticale bien développée. Selon toute probabilité, le champignon du rail s'est rompu au niveau de la défaillance de rail sous le poids du train. Les roues du 46e wagon sont ainsi tombées sur la plate-forme, ont brisé complètement le rail sud et, ce faisant, ont heurté et brisé le rail nord pour finir par démolir la voie et faire dérailler les 22 wagons suivants.

2.2.3 Inspection des rails et essais aux ultrasons

Le dernier essai aux ultrasons dans le secteur, qui a eu lieu environ deux mois avant le déraillement, n'a pas révélé l'existence d'une défaillance de rail au point milliaire 56,7. Il se peut que la fissure verticale du champignon n'existait pas ou qu'elle commençait juste à se former.

Le caractère bien développé de la fissure verticale du champignon porte toutefois à croire qu'elle existait au moment de la dernière inspection visuelle de la voie, deux jours avant le déraillement. Les inspections de ce genre, faites à bord de véhicules rail-route, ont peu de chances de permettre la détection de ce genre de défaillance.

2.2.4 Wagons-citernes de la série 111A

Il est bien connu que les wagons-citernes de la série 111A sont sujets à laisser fuir leur contenu en cas de déraillement et de choc. On continue tout de même à transporter certains des produits les plus dangereux dans ces wagons.

2.2.5 Confinement des marchandises dangereuses

Les membres de l'équipe du train se sont vite rendu compte des dangers inhérents au déversement des marchandises dangereuses. Ils ont prévenu le CCF sur-le-champ et évité de s'exposer aux marchandises. Les mesures d'urgence de la compagnie ont été effectuées en temps opportun et avec efficacité, compte tenu de l'éloignement du lieu et des conditions météorologiques très mauvaises.

Le produit déversé s'est décomposé comme prévu et n'a pas présenté de risque pour l'environnement.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis

  1. L'exploitation du train était conforme aux instructions de la compagnie et aux normes de sécurité du gouvernement.
  2. Le déraillement s'est produit par suite de la rupture d'un champignon de rail sous le poids du train à cause d'une fissure verticale du champignon sur le rail sud.
  3. Deux mois avant le déraillement, le matériel d'essais aux ultrasons n'a pas décelé de fissure verticale du champignon sur le lieu du déraillement.
  4. L'apparition et le développement d'une fissure verticale de champignon sont imprévisibles, et on ne peut évaluer quelles sont les chances pour que cette défaillance ait existé au point de rupture au moment de l'essai aux ultrasons.
  5. La rupture de la barre de traction située à l'extrémité avant du deuxième wagon qui a déraillé a été occasionnée par la grave augmentation des efforts de traction causés par le déraillement successif des wagons suivants.
  6. Les dommages à l'environnement ont été minimes, et les produits déversés se sont dégradés et dissipés comme prévu.
  7. Les mesures d'intervention d'urgence ont été effectuées en temps opportun et avec efficacité.

3.2 Cause

Le déraillement a été causé par la rupture du champignon d'un rail occasionnée par une fissure verticale du champignon.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Essais des rails

Par suite d'événements antérieurs mettant en cause des défaillances de rails, le Bureau a fait les quatre recommandations suivantes au ministère des Transports pour améliorer les essais des rails :

a) une réévaluation des exigences des compagnies ferroviaires canadiennes en ce qui a trait aux inspections des rails de voie principale, en tenant compte de l'âge des rails et du type de trafic;
Recommandation R92-23 du BST

b) une recherche visant à améliorer les méthodes actuelles d'inspection des rails;
Recommandation R92-24 du BST

c) une amélioration qui permettrait d'identifier les défaillances des rails sur les voies en courbe et les fissures verticales de champignon;
Recommandation R93-01 du BST

d) une réévaluation de la pertinence de la formation et des conditions de travail des opérateurs des véhicules d'inspection des rails.
Recommandation R93-02 du BST

En réponse à ces recommandations, Transports Canada a indiqué que les mesures prises par les compagnies ferroviaires avaient amélioré la qualité de la détection des fissures verticales de champignon assez importantes en voie. On effectue maintenant des essais aux ultrasons plus souvent et on a amélioré la compétence des opérateurs pour qu'ils puissent mieux interpréter les résultats des inspections. L'industrie a aussi accru la connaissance des types de défaillances de rail et elle est maintenant plus apte à les déceler visuellement. En outre, elle a élaboré des systèmes qui fournissent une évaluation continue de l'usure des rails à ses superviseurs locaux pour que ces derniers prennent des mesures immédiates ou prévoient le remplacement de rails en temps opportun.

4.1.2 Recherche et innovations en matière de techniques d'inspection des rails

Le Centre de développement des transports a mis sur pied un projet conjoint pour faire l'essai de techniques d'inspection des rails et faire des innovations dans ce domaine avec le CN, Canadien Pacifique Limitée, Tektrand International Inc., Canac International Inc. et Transports Canada.

4.1.3 Initiatives en matière du contrôle de la qualité

Le CN et la Sydney Steel ont conjointement retenu les services d'un expert-conseil en matière de qualité pour que ce dernier évalue les procédés auxquels le CN et la Sydney Steel font appel pour fabriquer des rails de bonne qualité. Les inspecteurs du CN surveilleront de façon continue la fabrication de rails pour 1995 à l'atelier de la Sydney Steel avant que les rails soient livrés à l'atelier de soudage de rails Transcona du CN à Winnipeg (Manitoba).

4.1.4 Restrictions en ce qui a trait à l'utilisation des wagons-citernes de la série 111A

L'annexe de modification no 21 du Règlement sur le transport des marchandises dangereuses exige la mise en oeuvre de la norme révisée CAN/CGSB 43.147-94. Cette norme restreint l'utilisation des wagons-citernes de la série 111A et empêche le transport de plus de 80 marchandises dangereuses auparavant autorisées à être transportées dans les wagons de classe 111.

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.

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