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Rapport d'enquête maritime M13M0287

Échouement
Roulier à passagers et véhicules Princess of Acadia
à l’approche de la gare maritime de Digby
Digby (Nouvelle-Écosse)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 7 novembre 2013, à 12 h, heure normale de l’Atlantique, les groupes électrogènes principaux du roulier à passagers et véhicules Princess of Acadia, à bord duquel se trouvent 87 passagers et membres d’équipage, tombent en panne totale de courant et le navire s’échoue à l’approche de la gare maritime de Digby (Nouvelle-Écosse). Il n’y a ni blessures ni pollution.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom du navire Princess of Acadia
Numéro de registre ou de permis 331571
Port d'immatriculation Saint John (Nouveau-Brunswick)
Pavillon Canadien
Type Roulier à passagers et véhicules 
Jauge brute 10 050,71
LongueurNote de bas de page 1 140,03 m
Tirant d'eau au moment de l'appareillage À l'avant : 3,96 m
À l'arrière : 4,62 m
Construction 1971, Saint John Shipbuilding & Dry Dock Co. Ltd., Saint John (Nouveau­Brunswick)
Propulsion 4 moteurs diésels (8575 kW en tout) entraînant 2 hélices à pas variable
Capacité maximale 572 passagers, 32 membres d'équipage et 160 automobiles
Personnes et véhicules à bord au moment de l'événement 63 passagers, 24 membres d'équipage et 30 véhicules
Propriétaire enregistré et représentant autorisé Le ministre des Transports, Ottawa (Ontario)
Gestionnaire Bay Ferries Ltd., Charlottetown (Île­du­Prince­Édouard)

Description du navire

Le Princess of Acadia est un traversier à passagers canadien qui navigue entre Digby (Nouvelle-Écosse) et Saint John (Nouveau-Brunswick). Il est en service sur cette route, sur laquelle l'aller-retour dure 6 heures, depuis sa construction en 1971. Le navire compte 5 ponts, y compris 1 pont-garage équipé de portes et de rampes avant et arrière, et un pont plateforme permettant de stationner des véhicules supplémentaires (annexe A).

Les espaces destinés aux passagers se trouvent sur le pont supérieur et le pont des embarcations, et ils consistent en 2 salons intérieurs (1 sur le pont supérieur et l'autre sur le pont des embarcations avant), un salon découvert sur le pont des embarcations arrière, une cafétéria et des toilettes. La politique de l'entreprise interdit à tout passager d'accéder au pont-garage durant le voyage, à moins d'être accompagné par un membre d'équipage. Les quartiers de l'équipage comprennent le carré des officiers et celui de l'équipage, des armoires, et des installations de cuisine sur le pont supérieur ainsi que les cabines, les armoires et les salons de l'équipage sur le pont des embarcations et le pont de la passerelle de navigation.

Photo 1. Le Princess of Acadia à l'approche de la gare maritime de Digby
Image du Princess of Acadia à l'approche de la gare maritime de Digby

La passerelle, qui se trouve tout juste à l'avant du milieu du navire sur le pont de la passerelle de navigation, se compose d'un pupitre de commande principal ainsi que des pupitres de commande sur les ailerons de passerelle bâbord et tribord, chacun équipé des commandes des machines principales et du propulseur d'étrave. Les ailerons de passerelle offrent une meilleure visibilité pour la manœuvre à une gare maritime, à l'arrivée ou à l'appareillage du navire.

La passerelle comporte l'équipement de navigation suivant : un pilote automatique, un échosondeur, 2 radars à aide au pointage automatique, un récepteur de système GPS, un système d'identification automatique (AIS)Note de bas de page 2, et un système électronique de visualisation des cartes marines (SEVCM) avec alimentation sans coupureNote de bas de page 3. Chaque aileron de passerelle est équipé d'un moniteur de SEVCM, qui aide le capitaine au moment de l'accostage du navire. Le navire est aussi équipé de 2 appareils radio d'appel sélectif numériques très haute fréquence (VHF), d'un système téléphonique interne et d'un système de sonorisation. Il y a aussi un interphoneNote de bas de page 4 et un transmetteur d'ordres qui permettent les communications entre la salle de commande des machines et la passerelle. Il y a également des postes radio VHF portatifs que le personnel désigné peut porter durant toutes les opérations, et surtout durant les situations d'urgence. Le navire n'était pas équipé d'un enregistreur des données du voyage (VDR)Note de bas de page 5.

Le navire a 2 gouvernails suspendus et un arrière à tableauNote de bas de page 6. La propulsion est assurée par 2 hélices à pas variable, chacune étant entraînée par 2 moteurs diésels principaux au moyen de l'agencement d'une boîte d'engrenages et d'un embrayage. Le navire utilise normalement 2 machines principales lorsqu'il avance et 4 machines principales lorsqu'il se trouve en eaux restreintes ou qu'il accoste. Le navire est équipé d'un propulseur d'étrave à pas variable de 596 kW, et sa vitesse commercialeNote de bas de page 7 est de 18 nœuds. Deux groupes électrogènes principaux doivent être en fonction pour fournir la charge électrique élevée requise pour mettre en marche le moteur électrique du propulseur. Un dispositif de verrouillage de protectionNote de bas de page 8 empêche le propulseur d'étrave de se mettre en marche ou de fonctionner avec un seul groupe électrogène.

L'énergie électrique principale est produite par 3 groupes électrogènes diésel d'une capacité nominale de 650 kW chacun. En situation normale, ces groupes alimentent le tableau de distribution principal, lequel alimente ensuite le tableau de distribution de secours par l'intermédiaire d'un disjoncteur de liaisonNote de bas de page 9. Le navire comporte aussi une génératrice diésel de secours de 200 kW qui alimente automatiquement le tableau de distribution de secours pour assurer le fonctionnement de tout l'éclairage normal ou de secours, des appareils d'aide à la navigation, de la pompe d'incendie de secours, des commandes de régulateurs, d'une pompe d'appareil à gouverner, d'un chargeur de batteries d'éclairage provisoireNote de bas de page 10, et du disjoncteur de réactionNote de bas de page 11 vers le tableau de distribution principal. En cas de perte totale de l'énergie électrique, le navire est équipé d'un ensemble de 20 batteries de 6 volts qui fournit le courant et l'éclairage provisoires.

En 1976, le ministre des Transports est devenu propriétaire du Princess of Acadia. Le navire a alors été exploité par Marine Atlantic jusqu'en 1997, lorsque l'exploitation du navire a été attribuée à Bay Ferries Ltd.

Déroulement du voyage

Le 7 novembre 2013, le Princess of Acadia appareille de Saint John à 9 hNote de bas de page 12 comme prévu, en route vers Digby. Au moment de l'appareillage, les groupes électrogènes principaux numéros 1 et 2, les 4 machines principales et le propulseur d'étrave fonctionnent tous; l'équipe à la passerelle se compose alors du capitaine, du second lieutenant agissant comme officier de quart et d'un timonier. Le capitaine de relèveNote de bas de page 13, qui agit comme capitaine du quart de nuit de 19 h à 7 h, et le capitaine en congé, qui rentre chez lui après des vacances, sont aussi à bord du navire.

Peu après l'appareillage, le propulseur d'étrave est arrêté, comme le veut la pratique normale, mais le chef mécanicien garde les 2 groupes électrogènes principaux et les 4 machines principales en marche parce qu'un fort vent du sud est prévu et que le navire a déjà connu des problèmes de carburant par gros tempsNote de bas de page 14. À 9 h 17, le navire fait route au cap de 175° vrai (V), qui est plus d'ouest que le cap habituel de 160° V, pour assurer aux passagers une traversée plus calme.

Vers 11 h 45, le capitaine et le capitaine en congé retournent sur la passerelle. Le capitaine prend la direction du quart et entreprend de modifier le cap vers tribord pour suivre la route représentée sur les cartes. Le capitaine donne l'ordre d'être paré à manœuvrerNote de bas de page 15 lorsque le navire est à l'est du phare de la pointe Prim, à l'entrée du goulet de Digby (annexe B), et les membres de l'équipage rejoignent leur poste. L'électricien du navire se rend au poste d'amarrage arrière, qui est son poste de manœuvre, pour superviser l'amarrage du navire à l'arrivée.

Peu avant 11 h 50, alors que le navire se trouve à environ 0,75 mille marin (nm) de la gare maritime et qu'il fait route à 21,3 nœuds, le capitaine commence à réduire le pas de l'hélice à en avant très lente au moyen des commandes du combinateurNote de bas de page 16 pour ralentir le navire. À 0,6 nm de la gare maritime, la vitesse du navire, qui est alors de 20,4 nœuds, commence à diminuer plus rapidement. À ce moment là, le navire est encore légèrement à l'est de la route à suivre et porte à bâbord à cause d'un fort vent du sud-ouest et de la marée montante. Un déport vers l'est est normal à l'intérieur du goulet de Digby à la marée montante, surtout lorsque le courant de marée est à son maximum, comme c'était le cas au moment de l'événement.

Environ une minute plus tard, le navire est à environ 0,3 nm de la gare maritime et il fait route à 11,8 nœuds. Le capitaine appelle alors la salle de commande des machines et demande de mettre en marche le propulseur d'étrave, et d'envoyer l'assistant de la salle des machines à la porte arrière du pont-garage avec instruction de se préparer à la manœuvre d'accostage. Le quatrième mécanicien, qui est de quart, accuse réception de l'ordre, et le capitaine se rend aux commandes de l'aileron de passerelle tribord, où il accède au mode accostage du SEVCM pour surveiller la position, le déport, le cap et la vitesse du navire. L'officier de quart informe le capitaine que le personnel de la salle des machines met le propulseur d'étrave en marche et que l'assistant de la salle se dirige vers la porte arrière.

Entre-temps, dans la salle des machines, le quatrième mécanicien met en marche le propulseur d'étrave. Immédiatement après, il y a une série de détonations lorsque les disjoncteursNote de bas de page 17 du groupe électrogène principal no 2 et du propulseur d'étrave ouvrent. Au même moment, la tension du groupe électrogène principal no 1 diminue jusqu'à ce que la protection de sous-tensionNote de bas de page 18 entraîne l'ouverture du disjoncteur et, à 11 h 51 min 20 s, toute l'alimentation des tableaux de distribution électriques du navire est perdue. Les machines principales tournent encore et les arbres des hélices demeurent embrayés, mais les pompesNote de bas de page 19 des hélices à pas variable cessent de fonctionner. À ce moment là, l'éclairage de secours provisoire du navire se met en fonction, mais les moniteurs du SEVCM, l'appareil à gouverner et le répétiteur de compas sont hors service. L'officier de quart communique alors avec la salle des machines et demande du courant. Le timonier informe le capitaine qu'il est incapable de gouverner, et le capitaine lui donne l'ordre de passer à la gouverne d'urgence.

Peu après la perte de l'éclairage, la génératrice de secours démarre automatiquement et commence à alimenter le tableau de distribution de secours, ce qui rétablit l'éclairage ainsi que les appareils d'aide à la navigation et l'équipement essentiel qui comprend 1 pompe de l'appareil à gouverner; par contre, les moniteurs du SEVCM et les répétiteurs de compas demeurent inopérants. Le capitaine de relève, qui vient d'arriver sur la passerelle, prend la relève du timonier et active le dispositif de gouverne d'urgence. Le capitaine lui donne l'ordre de virer à bâbord, en direction opposée à la gare maritime, et le capitaine de relève met la barre à bâbord. À 11 h 51 min 50 s, la vitesse du navire est de 8,1 nœuds, et le capitaine règle le pas à arrière lente afin d'arrêter l'élan avant du navire. L'officier de quart récupère le manuel d'intervention en cas d'urgence de l'entreprise et passe en revue avec le capitaine les interventions initiales et secondaires en cas de panne totale de courant.

Entre-temps, dans la salle de commande des machines, le chef mécanicien tente de fermer le disjoncteur du groupe électrogène no 1 tout en réagissant aux demandes de courant provenant de la passerelle par l'interphone. L'assistant de la salle des machines revient dans la salle des machines et entreprend de faire des tournées d'inspection à la recherche de problèmes. Le chef mécanicien détermine finalement que le groupe électrogène no 1 ne produit pas de courant et tente alors d'alimenter le tableau de distribution principal en fermant le disjoncteur principal du groupe électrogène no 2, mais il ne parvient pas à le fermer. Il déconnecte alors le disjoncteur du groupe électrogène no 2 pour ensuite le reconnecter au tableau de distribution, mais cela ne permet pas de réarmer le disjoncteur.

Vers 11 h 54, alors que le Princess of Acadia est à environ 0,1 nm au nord­nord­est du quai, le navire commence à faire marche arrière à la vitesse d'environ 0,3 nœud. Le capitaine règle alors la commande du pas à en avant demie. Peu après, le capitaine signale à l'équipe à la passerelle que, selon l'indicateur, le pas des hélices est réglé pour la marche arrière, alors que les commandes du combinateur sont réglées pour la marche avant. Il donne alors à l'équipe à la passerelle l'ordre d'obtenir de l'énergie électrique, car il est dorénavant évident que le navire fait marche arrière.

Le capitaine, l'officier de quart, le capitaine de relève et le capitaine en congé font chacun divers appels à la salle de commande des machines sur l'interphone et demandent de l'énergie électrique. L'équipe de la salle des machines, qui comprend à ce moment là le chef mécanicien, le quatrième mécanicien, l'électricien et l'assistant de la salle des machines, répond aux demandes d'énergie électrique et confirme qu'elle travaille à rétablir le courant.

Un matelot de pont en poste à l'arrière du navire signale à haute voix la distance entre la poupe et le rivage. Comme le navire prend de la vitesse en marche arrière en direction du rivage, le capitaine donne l'ordre de jeter les deux ancres pour tenter d'immobiliser le navire. Le capitaine en congé appelle de nouveau la salle de commande des machines pour demander de l'énergie électrique et signaler à l'équipe de la salle que la situation est critique. Le chef mécanicien demande à l'assistant de la salle des machines et au quatrième mécanicien de démarrer le groupe électrogène no 3 et de commencer à augmenter le régime du moteur manuellement afin d'amener ce dernier à la vitesse de service pour qu'il puisse servir à alimenter le tableau de distribution principal.

Sur la passerelle, le capitaine informe de nouveau l'officier de quart qu'il n'a pas d'énergie électrique et ce dernier appelle une fois de plus la salle de commande des machines pour demander du courant. À ce moment là, le maître d'équipage avait déjà jeté l'ancre bâbord et était en train de filer la chaîne de l'ancre.

À 11 h 56 min 25 s, le Princess of Acadia atteint la vitesse en marche arrière de 3,7 nœuds, et un choc est ressenti à bord du navire lorsque celui-ci commence à s'échouer près du rivage; le capitaine donne alors à la salle des machines l'ordre de débrayer les arbres des hélices. Tout juste avant que l'arbre bâbord soit débrayé, l'hélice entre en contact avec le fond. Vers 11 h 57, le navire est échoué à environ 0,1 nm au nord-nord-ouest de la gare maritime de Digby, par 44°39,8' N, 065°45,5' W (photo 2).

Photo 2. Le Princess of Acadia échoué
Photo du Princess of Acadia échoué

Événements ayant suivi l'échouement

Immédiatement après l'échouement, l'officier de quart a passé en revue avec le capitaine la liste de vérification du commandant sur place relative à un échouement. Le capitaine a donné l'ordre à l'équipage de rattraper le mou des chaînes d'ancre et de vérifier la présence de voies d'eau et d'avaries sur le navire. Environ 2 minutes plus tard, le capitaine a communiqué avec les Services de communications et de trafic maritimes de Saint John (Fundy Traffic) et les a informés que le navire avait subi une panne de courant et, après discussion, que celui-ci s'était échoué à environ 500 verges du quai (figure 1). Le capitaine a mentionné qu'il n'y avait aucun danger dans l'immédiat, mais qu'il avait besoin de l'aide d'un remorqueur pour se rendre au quai. Vers 12 h 2, Fundy Traffic a demandé des renseignements au sujet des passagers et de l'équipage qui se trouvaient à bord, et si de l'eau s'infiltrait dans le navire. L'officier de quart a répondu qu'on était en train de vérifier la présence de voies d'eau à bord du navire et a donné le nombre de passagers et de membres d'équipage indiqué sur le manifeste.

Figure 1. Route du navire jusqu'à l'échouement et après le renflouement
Carte du route du navire jusqu'à l'échouement et après le renflouement

Donnant suite aux ordres du capitaine, le superviseur des services aux passagers (SSP) a dit aux stewards de ratisser les aires destinées aux passagers en parcourant le pont supérieur et celui des embarcations, et de diriger les passagers vers le salon principalNote de bas de page 20. Une fois les passagers rassemblés, le SSP est allé à la passerelle et a fait rapport au capitaine, qui lui a expliqué la situation et demandé d'informer les passagers. Le SSP est ensuite retourné au salon et a informé les passagers que le navire était échoué, mais qu'il n'y avait aucun danger dans l'immédiat. Il s'est aussi adressé aux passagers en français et a demandé si quelqu'un avait besoin d'instructions ou de renseignements dans cette langue, et si quelqu'un avait besoin d'une aide spéciale. Il a ensuite répondu à plusieurs questions d'ordre général des passagers.

Le SSP a dénombré les passagers et obtenu un décompte de 61 personnes. Il a vérifié le manifeste des passagers qui lui avait été fourni avant l'appareillage; le document indiquait qu'il y avait 63 passagers à bord. Le SSP est alors allé à la passerelle informer le capitaine de l'écart dans le décompte des passagers. Pendant que l'équipe des services aux passagers se mettait ratisser le navire, le SSP a eu recours à une passagère que l'équipage connaissait et qui connaissait bien le navire, pour fouiller les toilettes des dames. Les passagers qui manquaient à l'appel ont été trouvés en moins de 15 ou 20 minutes.

On a demandé aux passagers de demeurer dans le salon, et ceux qui avaient besoin de sortir pour aller aux toilettes ou fumer sur le pont étaient accompagnés par un membre de l'équipe des services aux passagers. On a aussi offert des aliments et des boissons aux passagers durant ce temps. Environ une demi-heure plus tard, le capitaine en congé est arrivé au salon et s'est adressé aux passagers pour les informer qu'il n'y avait aucun danger et qu'ils pouvaient circuler librement dans le navire.

Après l'échouement, le chef mécanicien a continué à essayer de rétablir le courant dans la salle des machines. Le chef mécanicien a fermé le disjoncteur de réaction pour alimenter le tableau de distribution principal à l'aide de la génératrice de secours, mais la charge de la génératrice était excessive et il y a eu perte de l'alimentation du tableau de distribution de secours. Le deuxième mécanicien, que l'annonce faite aux passagers par le SSP avait réveillé, est arrivé dans la salle des machines et a tenté de faire produire de la tension par le groupe électrogène no 1, mais celui-ci ne réagissait pas, et il a donc fini par se rendre au disjoncteur du groupe électrogène no 2 pour aider le chef mécanicien. Entre-temps, le chef mécanicien avait fermé le disjoncteur du groupe électrogène no 3, ce qui a rétabli l'alimentation électrique du tableau de distribution principal, ce dont il a informé la passerelle. Il a ensuite rétabli l'alimentation du tableau de distribution de secours en fermant le disjoncteur de liaison.

Ensuite, le chef mécanicien a mis les cycles et la tension du groupe électrogène no 2 en correspondance avec ceux du groupe électrogène no 3 afin de raccorder les groupes électrogènes en parallèle. Il a ensuite appuyé sur le bouton de fermeture du disjoncteur no 2, mais sans obtenir de résultat. Le deuxième mécanicien a entrepris d'essayer de faire fonctionner le disjoncteur du groupe électrogène no 2. Il a fini par enfoncer le bouton de remise en marcheNote de bas de page 21 et a dit au chef mécanicien d'essayer de fermer le disjoncteur. Cette fois le disjoncteur a fermé, et le groupe électrogène no 2 a commencé à fournir de l'énergie électrique au tableau de distribution principal. Vers 12 h 12, le chef mécanicien a informé la passerelle que tous les systèmes étaient opérationnels et que le propulseur d'étrave pouvait être mis en marche au besoin.

Vers 13 h 18, la marée avait monté d'à peu près 3,8 m, et le navire s'est remis à flot durant un fort vent du sud-ouest qui soufflait depuis le rivage. Avec l'aide du remorqueur Whitby, le navire a levé l'ancre et s'est rendu par ses propres moyens jusqu'à la gare maritime, où il a fini par accoster à 14 h 33, et les passagers ont alors pu débarquer.

Avaries au bâtiment

La partie la plus arrière de la quille du navire a été éraflée à cause de l'échouement, et 1 des pales de l'hélice tribord a été pliée vers l'avant. Le bout des 4 pales de l'hélice bâbord a été endommagé et a dû être lissé (photo 3).

Photo 3. Emplacements approximatifs des dommages (non illustrés)
Image des emplacements approximatifs des dommages

Brevets et expérience du personnel

Le capitaine, les officiers et les membres d'équipage du Princess of Acadia étaient tous titulaires du brevet requis en fonction du poste qu'ils occupaient à bord du navire et du voyage entrepris. Les officiers de la passerelle avaient suivi la formation en gestion des ressources de la passerelle et étaient titulaires du visa de gestion spécialisée de la sécurité des passagers (rouliers) ou de gestion de la sécurité des passagers approuvé par Transports Canada (TC).

Le capitaine était titulaire d'un brevet de capitaine à proximité du littoral, et son premier voyage à bord du Princess of Acadia remontait à 1978. Il avait commencé à exercer les fonctions d'officier de pont et de capitaine de relève à bord du navire en 1988. En 2001, il avait commencé à remplir les fonctions de capitaine de relève à bord de l'un des traversiers rapides de l'entreprise, puis était retourné au Princess of Acadia en tant que capitaine de relève en 2005.

L'officier de quart était titulaire d'un brevet de capitaine en second à proximité du littoral et d'un brevet d'officier de pont de quart de navire. Il naviguait à bord du Princess of Acadia depuis 1975 et occupait le poste d'officier de quart depuis plus de 20 ans.

Le capitaine de relève était titulaire d'un brevet de capitaine à proximité du littoral. Il s'était joint à l'équipage du navire en 1982 et avait été promu capitaine en second en 1990. En 2001, il avait commencé à exercer les fonctions d'officier de pont à bord de l'un des traversiers rapides de l'entreprise, puis était retourné au Princess of Acadia en 2011. Il était capitaine de relève à bord du navire depuis 2012.

Le chef mécanicien était titulaire d'un brevet d'officier mécanicien en chef, navire à moteur. Il occupait par intermittence le poste de chef mécanicien à bord du Princess of Acadia depuis 14 ans.

Le deuxième mécanicien était titulaire d'un brevet combiné de chef mécanicien et faisait partie de l'équipage du navire depuis 2007. Il avait auparavant occupé pendant 38 ans le poste de chef mécanicien à bord de pétroliers basés à Saint John.

Le quatrième mécanicien était titulaire d'un brevet de mécanicien de quatrième classe de navire à moteur et il s'était joint à l'équipage du navire en 1991; il occupait le poste de quatrième mécanicien depuis 1994.

L'électricien a été certifié électricien en construction et électricien naval en 1987, et il s'était joint à l'équipage du navire comme électricien en 1997.

Le capitaine en congé avait commencé à naviguer à bord du navire comme matelot de pont en 1979 et avait été promu capitaine en 1991. Il était titulaire d'un brevet de capitaine au long cours et avait aussi exercé les fonctions de capitaine à bord des traversiers rapides de l'entreprise.

Le SSP naviguait à bord du navire depuis 38 ans, dont environ 10 ans au poste de SSP.

Certificats du navire

Le navire était doté d'un équipage, d'un équipement et d'une certification conformes à la réglementation en vigueur. La réglementation canadienne n'exige pas qu'il y ait un système de gestion de la sécurité (SGS) à bord du Princess of Acadia et, parce qu'il était certifié uniquement pour des voyages intérieurs, le navire n'était pas assujetti à la Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en merNote de bas de page 22. Le gestionnaire du Princess of Acadia avait volontairement mis en œuvre un SGS en 1997.

Au moment de l'événement, le gestionnaire du Princess of Acadia participait volontairement au Programme de délégation des inspections obligatoires. Dans le cadre de ce programme, TC exigeait que le navire soit conforme au Code international de gestion pour la sécurité de l'exploitation des navires et la prévention de la pollution (Code ISM). Le gestionnaire du navire était titulaire d'un certificat de gestion de la sécurité valideNote de bas de page 23 délivré par Lloyd's Register.

Le 8 janvier 2013, la surveillance réglementaire du navire avait été entièrement déléguée à Lloyd's Register. À bord d'un navire qui fait l'objet d'une délégation, TC se réserve le droit de vérifier la conformité des inspections réglementaires, et continue en tant qu'autorité, à déterminer les exigences sur l'effectif de sécurité minimal et à délivrer les documents quinquennaux connexes.

Conditions environnementales

La marée basse à Digby était de 0,8 m à 7 h 47, la marée haute suivante de 8,7 m ayant lieu à 13 h 58. Au moment de l'événement, la marée était de 4,6 m au-dessus du zéro des cartes et montante. Il y avait de la pluie dans le secteur, et un vent du sud-ouest de 20 à 25 nœuds a été enregistré à bord du navire.

Effectif de la salle des machines

Au moment de l'événement, l'effectif du navire était conforme aux exigences du document de TC relatif à l'effectif de sécurité minimal. Bien qu'il n'était pas spécifié dans le document qu'un électricien devait faire partie de l'équipage, Bay Ferries Ltd. l'exigeait à bord du Princess of Acadia.

Lorsque le navire fait route de façon normale, l'effectif de la salle des machines se compose du quatrième mécanicien et de l'assistant de la salle des machines, et l'électricien travaille dans la salle des machines au besoin ou pour exécuter les travaux d'entretien prévusNote de bas de page 24. Le chef mécanicien ou un mécanicien principal peut être appelé au besoin.

Lorsque l'équipage doit se préparer à la manœuvre en eaux restreintes, le chef mécanicien rejoint le quatrième mécanicien dans la salle des machines; l'assistant de la salle des machines ainsi que l'électricien doivent tous deux exécuter des tâches pour le service pont, loin de la salle des machines : l'assistant de la salle des machines assure la manœuvre des portes de chargement ou de déchargement hydrauliques, et l'électricien supervise les opérations d'amarrage à l'arrière.

Avant que le Princess of Acadia soit exploité par Bay Ferries Ltd., l'électricien était dans la salle de commande des machines avec le chef mécanicien et le quatrième mécanicien lorsque le navire se préparait à manœuvrer en eaux restreintes. À ce moment là, l'assistant était en poste dans la salle des machines.

Balais d'excitation de groupe électrogène principal

Certains types de groupes électrogènes sont munis de balais d'excitationNote de bas de page 25 qui servent à exciter le rotor et à produire du courant alternatif. Chaque groupe électrogène principal à bord du Princess of Acadia était muni de 2 paires de balais d'excitation. Les balais étaient en graphite d'une dureté Shore nominale de 15Note de bas de page 26. Chaque balai s'insère dans un porte-balai en métal muni d'un ressort qui maintient le balai en contact avec le rotor.

Un balai d'excitation peut parfois se coincer dans le porte-balai, ce qui l'empêche d'être continuellement en contact avec le rotor. Cela peut amener le balai à produire un arc électrique et rendre la tension instable. La production d'un arc électrique peut faire chauffer le balai et en accélérer la détérioration, ce qui entraîne une accumulation de carbone. Les balais sont aussi susceptibles de se briser en cours d'utilisation.

En 1998, l'entreprise a commencé à utiliser des balais en graphite moins dur dans les groupes électrogènes pour réduire l'usure de la bague collectrice du rotor. Un examen du groupe électrogène no 1 effectué après l'événement a permis de constater qu'un des balais était détérioré à environ 80 % et présentait des marques qui indiquaient qu'il y avait eu production d'un arc électrique (photo 4).

Photo 4. Comparaison entre un balai neuf (à gauche) et le balai usé du groupe électrogène no 1 (à droite)
Image du comparaison entre un balai neuf (à gauche) et le balai usé du groupe électrogène nº 1 (à droite)

Commande du pas de l'hélice

On se sert de la commande du pas de l'hélice pour maintenir la direction et la vitesse d'un navire. Sur le Princess of Acadia, le pas de l'hélice était commandé au moyen de la pression hydraulique produite par les pompes des hélices à pas variable. En temps normal, un opérateur peut commander le pas de l'hélice à partir de l'un des 3 postes de commande de la propulsion situés sur la passerelle ou d'un seul poste situé dans la salle de commande des machines.

En cas de perte de l'alimentation du tableau de distribution principal, les pompes des hélices à pas variable s'arrêtent et les pales des hélices passent à la position par défaut. Le système des hélices à pas variable avait été modifié en 1993 par le fabricant de l'équipement d'origine de manière à ce que le pas par défaut soit celui de la marche arrière en cas de perte de la pression hydraulique des hélices à pas variable. Cependant, le manuel de bord du système d'hélices à pas variable indiquait toujours que le pas par défaut était celui de la marche avant.

Sur le Princess of Acadia, les pompes des hélices à pas variable ne sont pas alimentées directement par le tableau de distribution de secours. Afin de rétablir l'alimentation de ces pompes durant une panne totale de courant du tableau de distribution principal, il faut soit utiliser un groupe électrogène principal pour alimenter le tableau principal, soit alimenter celui-ci à partir du tableau de distribution de secours. Avant d'acheminer le courant du tableau de distribution de secours au tableau principal, il faut ouvrir les disjoncteurs de l'équipement non essentiel afin de prévenir la surcharge et le déclenchement du disjoncteur de la génératrice de secours. Une fois que le tableau de distribution principal est alimenté par le courant réacheminé, il est possible de remettre en marche les pompes des hélices à pas variable et de commander le pas de ces dernières. Tant que l'alimentation du tableau de distribution principal n'est pas rétablie, il est impossible de commander le pas depuis la passerelle ou la salle des machines.

Alarmes de pas d'hélice

Les alarmes de pas d'hélice sont une caractéristique de la plupart des systèmes de commande du pas; elles visent à alerter l'opérateur de problèmes potentiels, par exemple de la perte de la commande du pas.

À bord du Princess of Acadia, la salle des machines comprenait des alarmes sonores et visuelles, dont certaines servaient à indiquer une basse pression hydraulique dans le système des hélices à pas variable et d'autres, une « mauvaise direction » lorsque le pas des hélices était contraire au pas demandé. Pour fonctionner, ces alarmes devaient être alimentées à partir du tableau de distribution principal.

Il n'y avait pas d'alarme sonore ou visuelle sur la passerelle pour signaler si le système des hélices à pas variable fonctionnait tel que prévu. Il n'y avait pas non plus d'alarme ou d'indicateur sur la passerelle pour montrer si les pompes des hélices à pas variable étaient en marche ou arrêtées, ni pour montrer le mode d'alimentation électrique du navire. Ces alarmes ou indicateurs n'étaient pas exigés par la réglementation.

Essais effectués après l'événement

Après l'événement à l'étude, le chef mécanicien de relève et le capitaine au moment de l'événement ont passé 3 nuits à soumettre le système des hélices à pas variable et la génératrice de secours à des essais. Les essais ont permis de confirmer que le pas des hélices demeurait initialement au point mort quand les leviers de commande du pas d'hélice étaient exactement au point mort (pas 0) au moment de l'arrêt des pompes des hélices à pas variable. Cependant, quand les leviers étaient réglés à une position autre que le point mort lorsque les pompes des hélices à pas variable étaient arrêtées, le pas des hélices commençait à prendre par défaut la position de marche arrière.

Pratique utilisée à bord pour rétablir l'alimentation du tableau de distribution principal

À bord du Princess of Acadia, l'ouverture du disjoncteur d'un groupe électrogène et la perte subséquente d'alimentation du tableau de distribution principal étaient survenues environ deux fois par année, parfois au moment de la mise en marche du propulseur d'étrave. La pratique normale en pareil cas consistait à fermer le disjoncteur ou à mettre rapidement en marche un autre groupe électrogène principal et à en fermer le disjoncteur, selon l'état du groupe arrêté. À l'occasion, au moment de la mise en marche du propulseur d'étrave, les disjoncteurs des deux groupes électrogènes ouvraient en même temps, mais il n'y avait pas eu de conséquence négative, car il était alors habituellement possible de fermer rapidement un des disjoncteurs afin de rétablir l'alimentation du tableau de distribution principal.

Système de gestion de la sécurité

Dans les opérations maritimes, il existe de nombreuses façons de cerner, d'évaluer et d'atténuer les risques. L'une des méthodes reconnues à l'échelle internationale est l'utilisation d'un SGS, qui offre un cadre formel de détermination et d'atténuation des risques. Le SGS est « une méthode structurée et cohérente, basée sur le risque et permettant de repérer et de combler les lacunes de sécurité critiques, d'adopter des pratiques exemplaires en matière de sécurité, et de démontrer clairement un engagement, ainsi qu'une responsabilisation et une diligence raisonnableNote de bas de page 27. »

La gestion des risques en vertu d'un SGS est un cycle permanent qui aide les exploitants de navires à cerner, à analyser et à atténuer les risques existants ou potentiels, et à en assurer le suivi (figure 2). Un des objectifs de la gestion de la sécurité d'une entreprise consiste à évaluer tous les risques cernés pour ses navires, son personnel et l'environnement, et à établir les mesures de protection appropriées.

Figure 2. Le cycle de la gestion des risques
Schéma du cycle de la gestion des risques

Un SGS efficace aide à assurer des pratiques sécuritaires d'exploitation d'un navire ainsi qu'un milieu de travail sûr; il doit aussi servir à perfectionner sans cesse les compétences en gestion de la sécurité du personnel à terre et à bord des navires, y compris la préparation aux situations d'urgence. Le SGS devrait aussi assurer le respect des règles et règlements obligatoires.

Les documents SGS qui se trouvaient à bord du Princess of Acadia étaient les suivants :

Le manuel du SGS mentionne le surintendant de l'Exploitation maritime comme étant la personne désignée à terre pour le navire. Cette personne a un accès direct aux plus hauts niveaux de direction. Elle est autorisée à s'adresser directement au président-directeur général en cas de préoccupation imminente pour la sécurité. Parmi les autres responsabilités prévues dans le SGS, la personne désignée à terre [Traduction] « voit à ce que tous les cas de non-conformité ainsi que tous les accidents et les incidents signalés fassent l'objet d'une enquête et que des mesures soient prises en vue de corriger les problèmes ou de prévenir toute récurrenceNote de bas de page 28. »

L'article 9.2 du manuel du SGS mentionne les enquêtes sur les événements dangereux et stipule que le capitaine doit faire enquête sur tous les rapports de non-conformités, de défauts ou d'événements dangereux, et que les mesures correctives mises en œuvre ou prévues doivent être mentionnées dans le rapport. L'article stipule aussi que les rapports d'accident doivent être contrôlés par la personne désignée à terre. L'annexe du SGS comprenait aussi deux formulaires de déclaration d'accident. Un des formulaires avait pour titre « Vessel Accident Report » (Rapport d'accident à bord du navire), et le capitaine devait y décrire en détail la façon dont l'accident s'était produit et fournir les résultats de l'enquête, qui devaient inclure la cause profonde, déterminée ou probable, et les mesures correctives recommandées. Ce formulaire n'est plus utilisé à bord. L'autre formulaire, intitulé « Vessel Incident/ Accident/ Non-conformity » (Incident/accident/non-conformité à bord du navire), a remplacé le formulaire précédent et comprend 3 sections à remplir sur les détails de l'accident, les résultats de l'enquête et les mesures correctives recommandées. Ce formulaire était ensuite revu par la personne désignée à terre.

Incident antérieur impliquant les pompes des hélices à pas variable

Environ 5 mois avant l'événement à l'étude, le capitaine, le capitaine en congé, le second officier et le quatrième mécanicien ont connu un incident au moment de l'appareillage : le navire s'est inopinément mis à faire marche arrière après que la salle des machines a passé les commandes à la passerelle sans avoir mis en marche les pompes des hélices à pas variable. Quelques instants avant l'incident, le capitaine avait demandé à la salle des machines d'embrayer les 2 machines principales et de mettre le propulseur d'étrave en marche. Lorsque les machines ont été embrayées, le capitaine a placé le levier de commande de la machine et du pas tribord en position de marche avant. Le régime de la machine a augmenté, mais le pas de l'hélice est passé à la marche arrière. Lorsque le navire a commencé à faire marche arrière, le capitaine a réglé la commande de la machine bâbord à la position de marche avant et celle du pas de l'hélice tribord à zéro pour tenter d'arrêter le mouvement vers l'arrière. Le capitaine a aussi demandé que l'équipe d'amarrage maintienne le navire en position à l'aide des amarres, mais celle-ci a été incapable de le faire. Le capitaine a alors donné l'ordre à la salle des machines de débrayer les machines. Le navire s'était alors déplacé de 12 m vers l'arrière.

Après l'incident, le capitaine en congé a rempli le rapport « Vessel Incident / Accident / Non-conformity », qu'il a fait circuler à bord et parmi les membres de la direction à terre. Les mesures correctives recommandées qui y étaient mentionnées indiquaient que le chef mécanicien avait affiché sur les pompes des hélices à pas variable une note demandant de [Traduction]« s'assurer de nouveau que les pompes sont en marche au moment d'embrayer les machines »; les mesures incluaient également une entrée dans les notes de transfert des fonctions du chef mécanicien rappelant de vérifier [Traduction] « le pas et les tr/min avant l'appareillage. » Les mesures correctives mentionnaient aussi que [Traduction] « le débrayage pendant que les amarres étaient encore sur les bollards ont permis de maîtriser cet incident. »

L'enquête du BST a révélé qu'une note portant sur l'embrayage des machines principales et qui demandait de s'assurer que tous les systèmes sont opérationnels avant d'embrayer les machines et de transférer les commandes à la passerelle était affichée au-dessus des commandes des pompes des hélices à pas variable sur le pupitre de commande des machines principales (photo 5). Aucune note n'était affichée sur les pompes des hélices à pas variable.

Photo 5. Emplacement de la note sur la machine
Image de l'emplacement de la note sur la machine

Procédures d'intervention d'urgence du navire

Les procédures d'intervention d'urgence du Princess of Acadia étaient documentées dans le manuel d'intervention d'urgence. Le manuel comprenait surtout des listes de vérification du commandant sur place pour 21 scénarios de situation d'urgence à bord.

Panne totale de courant

Une des listes de vérification du commandant sur place contenues dans le manuel d'intervention d'urgence concerne une panne totale de courant ou une panne moteur; elle comprend les mesures initiales et secondaires que le capitaine doit prendre au moment d'intervenir à la suite d'une panne totale de courant (annexe C). Les 2 premières mesures mentionnées sur la liste consistent à 1) recourir aux procédures de gouverne d'urgence, et à 2) montrer la marque ou le feu de navire qui n'est pas maître de sa manœuvre. C'est à l'officier de quart qu'il incombe de passer la liste de vérification en revue avec le capitaine, qui met ensuite en œuvre les mesures qui s'imposent.

Le personnel de la salle des machines avait lui aussi sous la main une procédure de rétablissement de l'alimentation électrique après une panne totale de courant. Les procédures mentionnaient 4 causes possibles de panne totale de courant (erreur humaine, perte d'alimentation en carburant, perte de tension d'excitation due à des balais usés ou sales, ou eau dans le carburant) et énuméraient les mesures à prendre dans chaque cas (annexe D). Dans les 4 cas, la procédure propre à la salle des machines dit que la génératrice de secours démarrera automatiquement et commencera à alimenter le tableau de distribution de secours. La procédure de rétablissement de l'alimentation électrique après une panne totale de courant due à la présence d'eau dans le carburant inclut des instructions sur la façon de fournir une alimentation de secours au tableau de distribution principal à l'aide de la génératrice de secours.

Sécurité des passagers

Le manuel d'intervention d'urgence de l'entreprise fournissait aussi des conseils précis au sujet des questions liées à la sécurité des passagers, en conseillant au commandant sur place de [Traduction] « tenir les passagers informés et à jour ». Plusieurs autres listes de vérification, telles que celles en cas d'incendie, d'abordage, d'envahissement, et d'échouement, comportaient un élément recommandant de déclencher l'alarme d'urgence.

Certaines des listes de vérification du commandant sur place comprenaient d'autres conseils précis au sujet des tâches liées à la sécurité des passagers. La liste de vérification en cas d'abandon du navire comportait 2 éléments pertinents : a) rassembler les passagers à des endroits désignés et s'assurer que les personnes handicapées reçoivent une aide spéciale, et b) ratisser le navire pour trouver le personnel qui manque à l'appel aux postes de rassemblement avant d'abandonner le navire. La liste de vérification en cas d'incendie comporte un élément prévoyant le rassemblement des passagers dans les zones sûres appropriées, alors que celle en cas d'explosion prévoit que les passagers doivent être informés de la nature de la situation d'urgence et rassemblés aux postes d'urgence suivant les besoins.

Le tableau de service en cas d'urgence, ou rôle d'appel, précisait les tâches et les fonctions d'urgence que chaque membre d'équipage devait exécuter, à la fois en situation d'incendie et de préparation à abandonner, et en situation d'abandon du navire. Dans le cas d'un incendie et d'une préparation en vue d'abandonner le navire, le rôle d'appel répartissait les fonctions d'urgence liées à la sécurité des passagers mentionnées ci-après parmi les membres de l'équipe des services aux passagers :

Pour faire en sorte que les membres d'équipage soient au courant de la fonction d'urgence qui leur était attribuée, chacun d'eux se voyait remettre une fiche sur laquelle sa ou ses tâches étaient spécifiées. Les fiches de tâche étaient remises ou changées selon le rôle d'appel qui était en vigueur.

Le rôle d'appel fournissait aussi diverses instructions générales, notamment :

L'entreprise avait aussi élaboré et mis en œuvre un manuel des opérations du bord qui comprenait une section décrivant le plan d'évacuation du navire. Entre autres, le plan comportait ce qui suit :

Plan d'évacuation : pratique à bord

Le SSP du Princess of Acadia travaillait à bord du navire depuis plus de 30 ans. Durant ce temps, les pratiques relatives aux fonctions d'urgence liées à la sécurité des passagers avaient évolué et elles étaient incorporées dans les exercices d'évacuation en cas d'incendie et les exercices d'embarcation. Dans le cas des membres de l'équipe des services aux passagers par exemple, la pratique consistait à mettre un gilet réflecteur de façon à être facilement repérable pour les passagers en situation d'urgence. Aussi, la pratique consistant à ratisser les espaces destinés aux passagers sur le pont supérieur et le pont des embarcations nécessitait le travail en équipe de 2 membres d'équipage munis d'une radio portative leur servant à communiquer et de ruban servant à identifier les portes des locaux dans lesquels il n'y avait plus de passagers. Dans le cas de l'événement à l'étude, les membres de l'équipe des services aux passagers n'ont pas tous enfilé un gilet réflecteur, et l'équipe n'a pas utilisé de ruban lorsqu'elle a ratissé le navire à la recherche de passagers.

En ce qui concerne les procédures d'urgence à bord du Princess of Acadia, dans la mesure où elles se rapportent aux fonctions liées à la sécurité des passagers, certaines d'entre elles avaient été mises en œuvre uniquement en tant que pratiques à bord, tandis que d'autres étaient documentées dans le tableau de service en cas d'urgence, le manuel d'intervention d'urgence et le manuel de formation.

Formation

Pour satisfaire aux exigences réglementairesNote de bas de page 29 relatives à la sécurité des passagers, tous les officiers et les membres d'équipage du navire avaient suivi un cours de formation en gestion de la sécurité des passagers approuvé par TC. Cette formation permet aux membres d'équipage d'acquérir des notions sur les mesures nécessaires pour assurer l'exploitation sécuritaire d'un navire à passagers et traite de sujets tels que la maîtrise des foules, la gestion de crise et le comportement humain.

L'entreprise avait aussi élaboré et mis en œuvre un manuel de formation propre au Princess of Acadia et qui faisait partie du SGS du navire. On s'attendait à ce que les membres d'équipage connaissent l'existence du manuel et sachent où en trouver des exemplaires à bord. Le manuel traitait de divers sujets, notamment

Exercices d'urgence du navire

Le manuel d'intervention d'urgence du navire contenait aussi une section établissant le moment et la façon de tenir divers exercices d'urgence; il y est dit que le capitaine est responsable de l'efficacité de la formation des membres d'équipage relativement à leurs fonctions par rapport à tous les scénarios d'urgence, et que les exercices d'urgence doivent être les plus réalistes possible sans porter atteinte à la sécurité du navire, de l'équipement et du personnel. Le SGS du navire mentionnait que la personne désignée à terre était chargée de contrôler l'efficacité du programme d'exercices d'urgence.

Le manuel d'intervention d'urgence précisait que chaque équipage devait tenir des exercices de panne totale de courant ou de panne moteur chaque année à quai et que des exercices d'échouement devaient avoir lieu tous les 2 ans. L'équipage participait à des exercices hebdomadaires d'incendie et d'abandon du navire (aussi connus sous le nom d'exercices d'embarcation) ainsi qu'à plusieurs autres types d'exercices (moins fréquents) destinés à permettre de vérifier diverses procédures d'intervention; par exemple un déversement de combustible de soute, un abordage, une explosion ou un homme à la mer. Pour les besoins des exercices d'incendie et d'embarcation, les membres de l'équipe des services aux passagers répétaient leurs fonctions durant des scénarios simulés dépourvus de passagers véritables ou fictifs.

Aucun exercice de panne totale de courant n'était consigné pour 2012 ou 2013 dans les documents de l'entreprise obtenus durant l'enquête du BST. Le formulaire de consignation des exercices d'urgence à bord du Princess of Acadia indique que les derniers exercices de panne totale de courant ou de panne moteur avaient eu lieu le 21 avril 2011 durant l'inspection annuelle effectuée par TC et une fois de plus le 17 mai 2011 durant une inspection effectuée par Lloyd's. Les deux exercices ont eu lieu pendant que le navire était à quai.

Exigences réglementaires relatives aux procédures et aux exercices liés à la sécurité des passagers

Le Règlement sur les exercices d'incendie et d'embarcation a été modifié en 2010 de manière à exiger que le rôle d'appel des navires à passagers attribue les fonctions d'urgence liées à la sécurité des passagers à des membres d'équipage bien précis. Le règlement précise certaines tâches qui doivent faire partie du rôle d'appel, entre autres :

De plus, le capitaine d'un navire à passagers doit s'assurer que les procédures sont en place pour trouver et secourir les passagers qui manquent à l'appel durant une situation d'urgence. Il doit également s'assurer que les membres d'équipage s'exercent à exécuter leurs tâches liées à la sécurité des passagers durant les exercices.

Durant l'inspection annuelle d'un navire, l'inspecteurNote de bas de page 30 vérifie si le rôle d'appel documenté est à bord et assiste à un exercice d'incendie et d'embarcation, en s'assurant de l'exécution des tâches et des fonctions précisées sur le rôle d'appel. L'inspecteur ne vérifie toutefois pas si le rôle d'appel contient l'information exigée aux termes de la réglementation. Le 8 janvier 2013, lors de la dernière inspection annuelle avant l'événement, à laquelle participaient à la fois des inspecteurs de la sécurité maritime de TC et des inspecteurs de Lloyd's Register, on a vérifié si le rôle d'appel était à bord et observé la tenue d'un exercice satisfaisant.

Système d'entretien planifié

Un système d'entretien planifié est un système sur support papier ou logiciel qui peut aider les propriétaires et les exploitants de navires à faire régulièrement et en temps voulu des inspections et des travaux d'entretien méthodiques. Ce système peut servir à établir les intervalles entre les travaux d'entretien et les inspections ainsi qu'à définir les méthodes à utiliser. De plus, il est utilisé pour suivre les travaux d'entretien et dégager les tendances, deux fonctions qui sont nécessaires pour évaluer la performance de l'équipement, les procédures et les calendriers d'entretien, et pour planifier l'entretien préventif fondé sur le risque.

Un système informatisé d'entretien planifié était en usage à bord du Princess of Acadia depuis les années 1990. Les dossiers de l'entretien planifié étaient remis à l'entreprise mensuellement. Le système d'entretien planifié spécifiait, entre autres, que chaque groupe électrogène devait être inspecté une fois par mois, ce qui comprenait la vérification des balais d'excitation de chacun d'entre eux dans le but de s'assurer que ceux-ci ne présentaient aucune usure excessive et bougeaient librement dans le porte-balai.

La pratique de l'équipage consistait à inspecter les balais d'excitation une fois par semaine. Les dossiers d'entretien au cours des 5 mois précédant l'événement incluaient 1 consignation de l'inspection des balais en septembre 2013.

Inspections obligatoires de Lloyd's Register

Des organismes reconnusNote de bas de page 31, tels que Lloyd's Register, procèdent à des inspections annuelles et à des inspections périodiques à intervalles définis pour s'assurer que le bâtiment est classé et pour délivrer des certificats de sécurité obligatoires. Un des éléments inclus dans une inspection périodique de l'installation électrique consiste à tester les fusibles et les dispositifs de protection contre les surintensités, tels que les disjoncteurs des groupes électrogènes, tous les 5 ansNote de bas de page 32. Il faut tester les dispositifs de protection contre les surintensités à l'aide d'un matériel spécialisé pour respecter les spécifications du fabricant de l'équipement d'origine et, dans la plupart des cas, les essais sont donnés en sous-traitance à des représentants techniques du fabricant.

En 2004, TC a partiellement délégué les inspections de bâtiments à Lloyd's Register. En 2007, dans le cadre de l'inspection périodique du navire, les dossiers de Lloyd's Register indiquent que les essais de surintensité effectués sur les disjoncteurs des groupes électrogènes du Princess of Acadia par une entreprise privée avaient été satisfaisants. Les prochains essais périodiques des dispositifs de protection contre les surintensités du Princess of Acadia, y compris les disjoncteurs des groupes électrogènes, devaient avoir lieu en 2012; il n'y avait toutefois aucun dossier témoignant de ces essais. Les dossiers de Lloyd's Register indiquent que les résultats de l'expertise périodique avait été à la satisfaction de l'expert qui l'avait effectuée.

La vérification du disjoncteur du groupe électrogène no 1 effectuée après l'événement a permis de constater que le dispositif de protection contre les surintensités ne fonctionnait pas.

Événements antérieurs impliquant les procédures et exercices liés à la sécurité des passagers

Joseph and Clara Smallwood

Après un événement en mai 2003, alors qu'un incendie s'est déclaré sur le pont-garage du roulier à passagers et véhicules Joseph and Clara SmallwoodNote de bas de page 33, une enquête du BST a révélé que des membres de l'équipage n'avaient ni les connaissances ni les compétences requises pour exécuter adéquatement leurs tâches en cas d'urgence. Le Bureau a par la suite exprimé ses préoccupations concernant la pertinence des procédures et de la formation sur la sécurité des passagers.

Queen of the North

Lorsque le roulier à passagers et véhicules Queen of the North a sombré en mars 2006Note de bas de page 34, 2 passagers manquaient à l'appel après les procédures d'abandon et n'ont jamais été retrouvés. L'enquête du BST a conclu que les personnes responsables des passagers avaient eu de la difficulté à établir et à faire concorder le nombre total de passagers et à déterminer ceux qui manquaient à l'appel. Le Bureau a par la suite recommandé que :

Le ministère des Transports, de concert avec l'Association canadienne des opérateurs de traversiers et la Garde côtière canadienne, élabore un cadre basé sur le risque grâce auquel les exploitants de traversiers pourront élaborer des méthodes efficaces qui permettront de dénombrer les passagers de chaque navire et de chaque itinéraire, et d'en rendre compte efficacement.
Recommandation M08-01 du BST

L'enquête du BST a également montré que les exercices ne portaient pas sur l'ensemble des compétences nécessaires pour rassembler et maîtriser un grand nombre de passagers. Étant donné les risques liés à une coordination insuffisante des préparatifs préalables à l'évacuation d'un grand nombre de passagers, le Bureau a recommandé que :

Le ministère des Transports établisse des critères, y compris la tenue d'exercices réalistes, à partir desquels les exploitants de navires à passagers pourront évaluer la mesure dans laquelle leurs équipages sont préparés à gérer efficacement l'intervention auprès des passagers pendant une situation d'urgence.
Recommandation M08-02 du BST

Dans le cadre de la réponse de TC à ces recommandations, le Règlement sur les exercices d'incendie et d'embarcation a été modifié pour exiger que les tâches du rôle d'appel à bord de navires à passagers comprennent la recherche de passagers qui manquent à l'appel dans une situation d'urgence afin de les secourir. Cette modification exige en outre l'adoption de procédures et d'exercices réalistes liés à ces tâches. En juillet 2010, le Bureau a jugé que les réponses à ces deux recommandations étaient entièrement satisfaisantes.

Nordik Express

En août 2007, le navire à passagers Nordik ExpressNote de bas de page 35 a heurté l'île de l'Entrée (Québec), et sa coque a subi des avaries sous la ligne de flottaison. L'enquête subséquente du BST a relevé plusieurs lacunes concernant les tâches relatives à la sécurité des passagers, y compris les suivantes :

Jiimaan

En octobre 2012, le roulier à passagers et véhicules JiimaanNote de bas de page 36 s'est échoué à l'approche du port de Kingsville, sur le lac Érié (Ontario). L'enquête du BST menée à la suite de cet événement a montré que les plans et les procédures à bord du navire pour le rassemblement et le dénombrement des passagers n'étaient pas complets et que les exercices avaient été effectués seulement avec les membres d'équipage, de sorte que ces derniers n'avaient pas été en mesure de s'exercer à l'encadrement des passagers de façon réaliste.

De plus, l'enquête a permis d'établir que les inspections de TC n'avaient pas vérifié si les tâches liées à la sécurité des passagers et les procédures exigées par la réglementation figuraient dans les procédures à bord du navire. Le Bureau a par la suite rendu publique la préoccupation qui suit concernant la sécurité.

Le Bureau est préoccupé par le fait que, si les inspecteurs de la sécurité maritime de TC n'évaluent pas les rôles d'appel et les procédures d'évacuation pour déterminer leur conformité et leur pertinence, et si TC ne fournit pas de lignes directrices d'interprétation, la conformité à la réglementation de sécurité pour les passagers risque d'être inadéquate, ce qui annulerait les avantages potentiels de sécurité de cette réglementation.

Louis Jolliet

Le 16 mai 2013, le navire à passagers Louis JollietNote de bas de page 37 s'est échoué près de Sainte-Pétronille, Île d'Orléans (Québec), pendant une excursion avec 57 passagers à bord. L'enquête du BST a permis de déterminer que les principaux membres d'équipage ne connaissaient pas bien leurs tâches en situation d'urgence. L'enquête a aussi révélé que les procédures d'urgence à bord du navire comportaient des lacunes en matière de gestion de la sécurité des passagers, et que les membres d'équipage ne s'étaient pas exercés de façon réaliste à mettre ces procédures en pratique. Bien que la tâche qui consiste à assurer la sécurité des passagers avait été exécutée le jour de l'événement, le Louis Jolliet était certifié pour transporter jusqu'à 1000 passagers, ce qui met en évidence le besoin de disposer de procédures complètes et détaillées, d'une formation et d'exercices de gestion de la sécurité des passagers. L'enquête a aussi fait ressortir le besoin pour TC d'exercer une surveillance efficace de la sécurité des passagers.

Analyse

Événements ayant mené à l'échouement

Le Princess of Acadia approchait de la gare maritime de Digby (Nouvelle-Écosse) en eaux restreintes lorsque le propulseur d'étrave a été mis en marche et que les tableaux de distribution principal et de secours ont subi une panne totale de courant, ce qui a entraîné l'arrêt des pompes des hélices à pas variable. Après l'arrêt des pompes, le pas des hélices est passé par défaut à la position de marche arrière toute et, comme les machines principales étaient toujours en marche et les arbres des hélices embrayés, le navire a commencé à ralentir, il s'est immobilisé, puis il s'est mis à faire marche arrière en direction du rivage qui était tout près.

Le capitaine ne savait pas que la panne totale de courant avait entraîné la perte de la commande du pas et ce n'est qu'environ 2 ½ minutes avant l'échouement qu'il s'est rendu compte que le navire n'était pas maître de sa manœuvre, lorsque le navire a commencé à faire marche arrière. Après la panne totale de courant, l'équipe à la passerelle a fait des demandes répétées à la salle des machines pour obtenir de l'énergie électrique, mais elle n'a pas précisé qu'elle avait besoin de la commande du pas des hélices. L'équipe de la salle des machines s'est concentrée sur la fermeture des disjoncteurs des groupes électrogènes principaux pour rétablir l'alimentation du tableau de distribution principal et n'a pas informé l'équipe à la passerelle qu'elle avait de la difficulté à fermer les disjoncteurs.

Durant le peu de temps qui restait avant l'échouement, le capitaine attendait que l'équipe de la salle des machines rétablisse le courant, comme elle l'avait fait dans le passé lorsque le navire avait connu une panne totale d'alimentation du tableau de distribution principal. Les arbres des hélices sont demeurés embrayés et les machines principales sont restées en marche jusqu'à ce que le capitaine donne l'ordre de débrayer les machines au moment où le navire s'est échoué.

Cause de la panne totale de courant

Le tableau de distribution principal était alimenté par 2 groupes électrogènes principaux lorsque le propulseur d'étrave a été mis en marche; le groupe électrogène principal no 1 perdait toutefois de l'excitation à cause de la détérioration d'un balai, ce qui réduisait la quantité d'énergie électrique qu'il produisait. Le groupe électrogène no 2 était incapable de produire l'énergie électrique supplémentaire requise pour mettre le propulseur d'étrave en marche, et le disjoncteur a déclenché à cause de la surcharge de courant, ce qui a activé le dispositif de verrouillage qui a alors neutralisé le propulseur d'étrave. En même temps, le balai détérioré a probablement commencé à produire un arc électrique, ce qui aurait court-circuité l'ensemble de balais dont il faisait partie et fait chuter la tension du groupe électrogène no 1 jusqu'à ce que le déclencheur en sous-tension ouvre le disjoncteur, causant la perte d'alimentation des tableaux de distribution principal et de secours.

Gestion de l'entretien

Pour que l'équipement du navire soit entièrement opérationnel, toutes les inspections et tous les travaux d'entretien doivent être effectués conformément à un calendrier établi qui est sans cesse mis à jour en fonction des besoins réels de l'équipement et de toute modification ou de tout remplacement d'équipement. Les inspections et les travaux d'entretien du navire doivent aussi être documentés au moyen de dossiers détaillés et complets qui permettent de suivre tous les travaux d'entretien, l'état de l'équipement et les bris. Ces données historiques sont nécessaires pour analyser les défaillances de l'équipement et déterminer s'il y a lieu d'apporter des modifications à l'équipement, à l'entretien planifié ou aux procédures d'exploitation. Les données historiques d'entretien permettent aussi d'analyser les tendances et d'exécuter des travaux d'entretien préventif efficaces.

À bord du Princess of Acadia, l'entreprise avait décidé d'utiliser des balais d'excitation moins durs afin de réduire l'entretien coûteux des bagues collectrices de rotor. Même si les dossiers du programme d'entretien planifié indiquaient que l'intervalle entre les vérifications des balais était de quelques mois, la pratique de l'équipage consistait à vérifier ceux-ci plus souvent. Cependant, sans dossier permettant de documenter chaque travail d'entretien des balais, l'équipage ne pouvait obtenir les intervalles auxquels ces tâches étaient exécutées.

En cas de changement de l'équipement, tel que le passage à des balais moins durs, il est important d'inspecter le nouvel équipement plus souvent et de documenter les résultats des inspections pour créer l'historique de l'entretien. Cela pourra aider à déterminer s'il y a lieu de modifier le système d'entretien planifié. Dans le cas à l'étude, il se peut que le passage à des balais moins durs ait créé de nouveaux besoins en matière d'entretien. Les inspections et les travaux d'entretien des balais n'ont toutefois pas toujours été documentés, ce qui a compromis la capacité de l'équipage à déterminer avec exactitude le moment auquel les balais devaient être remplacés.

Si les inspections et les travaux d'entretien de l'équipement du navire ne sont pas documentés au moyen de dossiers détaillés et complets, il y a un risque accru que le suivi de la fiabilité de l'équipement et de l'entretien connexe soit inefficace en vue de la détermination des besoins généraux en matière d'entretien.

Si les calendriers d'entretien ne sont pas mis à jour au moment de la modification ou du remplacement d'un équipement essentiel, l'entretien courant de ce dernier risque de ne pas être effectué au moment propice et, en conséquence, l'équipement ne sera pas entièrement opérationnel lorsqu'on en aura besoin.

Communication entre la passerelle et la salle de commande des machines

Durant une situation d'urgence, telle qu'une panne totale de courant, il est important que l'équipe à la passerelle et celle de la salle des machines échangent des renseignements essentiels pour que le personnel clé puisse bien comprendre la situation et prendre des décisions éclairées. Chaque service doit rapidement informer l'autre de ses besoins, de ce qui se produit à son poste, des problèmes qu'il rencontre et des risques qui existent.

Dans l'événement à l'étude, bien qu'il y ait eu de nombreux appels entre l'équipe à la passerelle et celle de la salle des machines, ni l'une ni l'autre ne communiquait efficacement. Après la panne totale de courant, il était primordial que le capitaine sache, le plus tôt possible, que le rétablissement de l'alimentation du tableau de distribution principal ne progressait presque pas. Il était aussi primordial que le chef mécanicien sache, le plus tôt possible, que le capitaine avait besoin que les pompes des hélices à pas variable soient alimentées en énergie électrique. L'équipe à la passerelle n'a toutefois pas informé immédiatement celle de la salle des machines que le navire avait commencé à faire marche arrière en direction du rivage et qu'elle ne pouvait pas commander le pas des hélices. De plus, l'équipe de la salle des machines n'a pas informé le capitaine que c'était la génératrice de secours qui alimentait le navire en énergie électrique et qu'on n'arrivait pas à fermer les disjoncteurs des groupes électrogènes principaux.

En l'absence de cette information indispensable, l'équipe de la salle des machines n'a pris conscience de l'urgence de la situation (c.­à­d., que le navire faisait marche arrière en direction du rivage) que peu de temps avant l'échouement; jusque-là, elle était restée concentrée sur la fermeture des disjoncteurs des groupes électrogènes principaux afin de rétablir l'alimentation du tableau de distribution principal, et n'a tenté d'utiliser l'alimentation de secours pour réalimenter le tableau principal qu'après que le navire s'est échoué. Parallèlement, l'équipe à la passerelle ne savait pas que celle de la salle des machines avait de la difficulté à rétablir le courant. L'équipe à la passerelle s'attendait à ce que le courant soit rétabli rapidement par la salle des machines, comme cela s'était produit dans le passé; les arbres des hélices sont donc demeurés embrayés et les machines principales sont restées en marche jusqu'à ce que le navire commence à s'échouer.

Il était essentiel que les réactions soient claires et directes pour alerter les deux services au fait qu'il fallait soit alimenter de toute urgence le tableau de distribution principal avec le courant de secours pour rétablir l'alimentation des pompes des hélices à pas variable, soit arrêter immédiatement la propulsion principale.

Si le personnel à la passerelle et celui de la salle des machines n'échangent pas les renseignements essentiels en situation d'urgence, le personnel clé risque de ne pas être pleinement conscient de la situation et de prendre des décisions inefficaces.

Procédures d'intervention d'urgence du navire

Il incombe au propriétaire du navire ou à son représentant de s'assurer que toute intervention en cas d'urgence concernant le navire est adéquate. Les procédures d'urgence les plus efficaces sont celles qui attribuent des tâches précises à des membres d'équipage bien précis, indiquent exactement le moment et l'endroit où un membre d'équipage doit se présenter durant une situation d'urgence, et comprennent toutes les mesures nécessaires requises pour que l'intervention ait lieu en temps voulu et de façon coordonnée. Il est également important que les procédures d'urgence soient documentées et facilitent une intervention rapide de la part des membres d'équipage, étant donné l'importance du facteur temps dans la plupart des situations d'urgence.

Panne totale de courant

À bord du Princess of Acadia, il était particulièrement important que les procédures en cas de panne totale de courant soient détaillées et rigoureuses, parce que toute panne totale d'alimentation du tableau de distribution principal a des répercussions sur les capacités de propulsion du navire.

La liste de vérification du commandant sur place relative à une panne totale de courant ou à une panne moteur contenait les mesures initiales et secondaires à prendre pour intervenir en cas de panne totale de courant. Bien que l'une des mesures initiales consiste à afficher la marque ou le feu « pas maître de sa manœuvre », la liste de vérification ne mentionnait pas pourquoi le capitaine pourrait être incapable de commander les déplacements du navire (c.-à-d., la perte de la commande du pas lorsque les pompes des hélices à pas variable cessent de fonctionner et la conception du pas des hélices prévoyant le passage par défaut à la position de marche arrière toute tant que l'alimentation du tableau de distribution principal n'a pas été rétablie et que les pompes des hélices à pas variable n'ont pas été remises en marche). La liste de vérification ne contenait aucune directive à l'intention du capitaine selon laquelle il se pouvait qu'il soit nécessaire de débrayer ou d'arrêter la propulsion du navire dans le cas où l'équipe à la passerelle n'aurait plus la commande du pas des hélices et que les mouvements du navire mettraient celui-ci en danger. La liste de vérification ne mentionnait pas non plus le besoin de sonner l'alarme d'urgence en cas de panne totale de courant du tableau de distribution principal, même si le navire commençait alors à être alimenté par la génératrice de secours.

Les procédures de la salle des machines en cas de panne totale de courant avaient été rédigées comme un ensemble d'étapes à suivre dans le cas où un seul groupe électrogène alimenterait le tableau de distribution principal et cesserait de fonctionner à la suite du déclenchement du disjoncteur. Les procédures ne traitaient pas expressément des situations où 2 groupes électrogènes cesseraient de fonctionner en même temps à la suite d'un déclenchement, comme cela s'est produit dans l'événement à l'étude. En outre, les procédures de la salle des machines en cas de panne totale de courant n'étaient pas centrées sur la nécessité d'aider l'équipe de la salle des machines à rétablir le courant le plus rapidement possible. Plutôt que de fournir des solutions immédiates permettant de rétablir l'alimentation du tableau de distribution principal (p. ex., alimenter le tableau principal à partir du tableau de distribution de secours), les procédures prévoyaient que l'équipe de la salle des machines devait d'abord déterminer la cause de la panne totale de courant, ce qui peut, dans certains cas, prendre beaucoup de temps.

Les procédures de la salle des machines en cas de panne totale de courant ne mentionnaient pas non plus qu'il y aurait perte de la commande du pas durant une panne totale de courant du tableau de distribution principal. Même si les procédures comprenaient les étapes requises pour alimenter d'urgence le tableau de distribution principal à partir du tableau de secours, elles ne mentionnaient pas expressément qu'il fallait remettre en marche les pompes des hélices à pas variable afin de rétablir la maîtrise complète des mouvements du navire par l'équipe à la passerelle.

En dernier lieu, les procédures de la salle des machines en cas de panne totale de courant ne portaient pas à penser que l'événement représentait une situation appelant une intervention d'urgence. Les procédures ne précisaient pas l'endroit où l'équipe de la salle des machines, y compris l'électricien et l'assistant de la salle, devait se présenter durant une panne totale de courant, pas plus qu'elles n'assignaient de tâches précises à qui que ce soit. Les procédures d'intervention d'urgence de l'équipe à la passerelle en cas de panne totale de courant et celles de l'équipe de la salle des machines ne prévoyaient pas de communications entre les deux équipes ni la coordination de leurs actions en vue de corriger la situation d'urgence et d'atténuer tous les risques potentiels.

Ni l'équipe à la passerelle ni celle de la salle des machines ne disposaient de procédures efficaces leur permettant d'intervenir à la suite de la panne totale de courant du tableau de distribution principal.

Sécurité des passagers

Les procédures d'urgence documentées en vigueur à bord du Princess of Acadia au moment de l'événement comportaient des lacunes à l'égard de la gestion de la sécurité des passagers, en particulier en ce qui avait trait aux étapes préparatoires de l'abandon du navire. L'enquête a montré que le rôle d'appel du navire, le manuel d'intervention d'urgence, le plan d'évacuation et le manuel de formation ne donnaient pas d'indications précises sur

Étant donné les circonstances de l'événement à l'étude, ces lacunes n'ont pas été préjudiciables à l'intervention d'urgence, et les tâches nécessaires pour assurer la sécurité des passagers ont été exécutées avec succès. Par exemple, l'équipage a pu procéder au dénombrement des passagers et à la fouille du navire pour résoudre l'écart entre le nombre de passagers à bord et le nombre inscrit sur le manifeste.

De plus, sous la direction du superviseur des services aux passagers (SSP) en poste depuis longtemps, plusieurs bonnes pratiques de gestion de la sécurité des passagers en situation d'urgence avaient été établies, mais elles n'avaient pas été documentées. Sans procédures documentées sur l'ensemble des tâches de gestion de la sécurité des passagers, l'entreprise n'a aucun moyen de s'assurer si ces tâches sont organisées et exercées systématiquement ou si les bonnes pratiques et les connaissances sont conservées dans le cas où des membres d'équipage clés quitteraient le navire.

Dans l'événement à l'étude, on a relevé plusieurs lacunes de procédures d'intervention en cas de panne totale de courant et de gestion de la sécurité des passagers en situation d'urgence. Si les membres d'équipage ne disposent pas de procédures écrites formelles qui facilitent une réaction rapide et efficace, les membres d'équipage risquent de ne pas intervenir efficacement en situation d'urgence.

Exercices

Lorsqu'ils ont lieu régulièrement, les exercices pratiques sont le mode de formation des membres d'équipage le plus efficace et ils servent à cerner les points susceptibles d'être améliorés. De plus, le compte rendu des résultats de l'exercice dans le cadre de réunions de sécurité donne aux membres d'équipage la possibilité d'exprimer leurs préoccupations au sujet de risques qui peuvent encore être présents dans le système, tels que la perte du système des pompes des hélices à pas variable lorsque celui-ci est alimenté en énergie de secours.

Même si le système de gestion de la sécurité (SGS) de l'entreprise exigeait qu'un exercice de panne totale de courant ait lieu annuellement, aucun exercice de ce genre n'avait été consigné dans les documents de l'entreprise au cours des 2 années précédentes. Des exercices d'incendie et d'embarcation avaient lieu régulièrement à bord du Princess of Acadia; ils étaient toutefois tenus uniquement avec les membres d'équipage; aucun passager ni membre d'équipage agissant comme passager n'y prenait part. En conséquence, les membres d'équipage ne pouvaient pas exercer leurs tâches d'encadrement des passagers de façon réaliste. Ces facteurs sont importants étant donné qu'il peut y avoir jusqu'à 572 passagers à bord, et que l'équipe des services aux passagers ne compte que 11 membres d'équipage.

Si les exercices n'ont pas lieu régulièrement et ne simulent pas une situation d'urgence de façon réaliste, les membres d'équipage risquent de ne pas pouvoir intervenir efficacement durant une situation d'urgence.

Sonnerie de l'alarme générale

La sonnerie de l'alarme générale à bord d'un navire avertit toutes les personnes à bord de se protéger immédiatement, de se rendre au poste qui leur a été attribué et d'exécuter leurs fonctions d'urgence. L'alarme doit se faire entendre dès que la situation d'urgence se produit ou plus tôt si le risque pour le navire ou le personnel est évident. Toutes les situations d'urgence doivent être considérées comme sérieuses et potentiellement dangereuses.

Dans l'événement à l'étude, aucune alarme d'urgence n'a retenti. Sans alarme pour mettre en branle les plans et procédures d'urgence, les membres d'équipage ne savaient pas qu'il y avait une situation d'urgence et, par conséquent, n'ont pas rejoint leur poste d'urgence. De sa propre initiative, le SSP a rassemblé et préparé certains des membres d'équipage affectés aux services aux passagers après la panne totale de courant à bord du navire. Cependant, sans alarme, d'autres membres d'équipage n'ont pas immédiatement rejoint leur poste, où ils auraient pu répondre à l'appel et se préparer à participer à l'intervention de façon appropriée.

Après la panne totale de courant, l'assistant de la salle des machines, l'électricien du navire, le deuxième mécanicien, et le quatrième mécanicien du quart de nuit ont fini par se rendre à la salle des machines après avoir remarqué des indices qui portaient à croire que quelque chose n'allait pas; il n'y avait toutefois au départ que 2 membres d'équipage (le chef mécanicien et le quatrième mécanicien) dans la salle des machines pour intervenir dans cette situation d'urgence. Cela limitait le nombre des membres d'équipage qualifiés qui pouvaient aider à trouver la cause de la panne et à faire le nécessaire pour rétablir le courant. En outre, lorsque d'autres membres du personnel de la salle des machines sont finalement arrivés dans la salle, ils ne comprenaient pas bien la situation d'urgence et, sans tâches désignées, leur intervention était ponctuelle.

Si aucune alarme ne retentit pour indiquer une situation d'urgence le plus tôt possible, les passagers et l'équipage risquent de ne pas être prêts à réagir à la situation.

Gestion de la sécurité

La gestion efficace de la sécurité est un processus continu au cours duquel on doit cerner les dangers, évaluer les risques et prendre les mesures nécessaires pour maintenir le plus faible niveau de risque raisonnable possible. Bien que le SGS du Princess of Acadia exigeait que tout événement dangereux soit déclaré et qu'une enquête ait lieu par la suite, il n'offrait aucune directive destinée à aider le capitaine à mener une telle enquête et ne précisait pas de processus à suivre pour cerner les risques de manière proactive. L'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a permis d'établir la présence des risques mentionnés ci-après à bord du Princess of Acadia au moment de l'événement.

En ce qui concerne les enquêtes sur les événements dangereux, le SGS n'offrait aucune directive au capitaine quant à la façon de mener une enquête mettant l'accent sur la gestion proactive des risques; les formulaires de déclaration d'accident compris dans le manuel du SGS ne demandaient pas non plus que le capitaine détermine les risques associés aux événements dangereux. L'enquête menée à la suite de l'incident du 6 juin était conforme aux procédures de l'entreprise et avait été approuvée par la personne à terre désignée; toutefois, sa portée était axée uniquement sur la cause mécanique qui avait privé le capitaine de la commande du navire et n'abordait pas le problème plus global de la raison pour laquelle le navire avait fait marche arrière. Par conséquent, l'enquête n'a pas permis de cerner le risque associé à l'embrayage des arbres des hélices sans que les pompes des hélices à pas variable soient en marche; le risque étant que le pas des hélices, à ce moment, prend par défaut la position de marche arrière toute et que le navire fait marche arrière quand les arbres sont embrayés et que les pompes des hélices à pas variable ne fonctionnent pas.

Si le SGS ne contient aucune directive demandant au capitaine de cerner les risques de façon proactive et de faire enquête sur les événements dangereux, il se peut que les risques sous-jacents ne soient pas corrigés.

Pertinence de la surveillance exercée par l'organisme de réglementation

Des enquêtes précédentes du BSTNote de bas de page 38 ont révélé certaines lacunes et certains risques liés à la préparation des équipages des navires à passagers canadiens pour le rassemblement et le dénombrement des passagers dans une situation d'urgence. En réponse aux recommandations du BST visant à corriger ce problème, Transports Canada (TC) a adopté un règlement qui exigent que le rôle d'appel d'un navire à passagers précise les tâches liées à la sécurité des passagers et la marche à suivre élaborée pour les exécuter.

Dans l'événement à l'étude, un rôle d'appel, un manuel d'intervention d'urgence et un plan d'évacuation documentés étaient conservés à bord du Princess of Acadia, et ils étaient vérifiés par des inspecteurs de la sécurité maritime de TC durant les inspections annuelles, ce qui respectait les exigences de certification du navire. Toutefois, les documents ne comprenaient aucune des tâches ou procédures propres à la sécurité des passagers, requises par la réglementation en vigueur, à l'exception de la phrase « rassembler les passagers à leur poste de rassemblement désigné ».

Si la surveillance exercée par TC pour vérifier la conformité des navires à la réglementation sur les procédures d'urgence liées à la sécurité des passagers est inefficace, les procédures relatives à la sécurité risquent de ne pas donner les résultats escomptés.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Après l'entrée du navire en eaux restreintes, le propulseur d'étrave a été mis en marche et la détérioration d'un balai d'excitation a causé une panne de courant d'un des groupes électrogènes principaux, ce qui a entraîné la perte totale de l'alimentation des tableaux de distribution électriques.
  2. Le navire a poursuivi sa route, mais il n'était plus maître de sa manœuvre parce que les pompes des hélices à pas variable avaient cessé de fonctionner et que le pas des hélices était passé par défaut à la position de marche arrière toute.
  3. Le capitaine n'a pas été informé que le personnel de la salle des machines avait de la difficulté à rétablir l'alimentation du tableau de distribution principal et l'équipe de la salle des machines n'était pas consciente de l'urgence de la situation, ce qui a nui à l'efficacité de l'intervention.
  4. Ni l'équipe à la passerelle ni celle de la salle des machines ne disposaient de procédures efficaces leur permettant d'intervenir à la suite de la panne totale de courant du tableau de distribution principal.
  5. Environ 2 ½ minutes avant l'échouement, le navire s'est mis à faire marche arrière en direction du rivage et les arbres des hélices sont demeurés embrayés jusqu'à ce que le navire commence à s'échouer.

Faits établis quant aux risques

  1. Si les inspections et les travaux d'entretien de l'équipement du navire ne sont pas documentés au moyen de dossiers détaillés et complets, il y a un risque accru que le suivi de la fiabilité de l'équipement et de l'entretien connexe soit inefficace en vue de la détermination des besoins généraux en matière d'entretien.
  2. Si les calendriers d'entretien ne sont pas mis à jour au moment de la modification ou du remplacement d'un équipement essentiel, l'entretien courant de ce dernier risque de ne pas être effectué au moment propice et, en conséquence, l'équipement ne sera pas entièrement opérationnel lorsqu'on en aura besoin.
  3. Si le personnel à la passerelle et celui de la salle des machines n'échangent pas les renseignements essentiels en situation d'urgence, le personnel clé risque de ne pas être pleinement conscient de la situation et de prendre des décisions inefficaces.
  4. Si les membres d'équipage ne disposent pas de procédures écrites formelles qui facilitent une réaction rapide et efficace, les membres d'équipage risquent de ne pas intervenir efficacement en situation d'urgence.
  5. Si les exercices n'ont pas lieu régulièrement et ne simulent pas une situation d'urgence de façon réaliste, les membres d'équipage risquent de ne pas pouvoir intervenir efficacement durant une situation d'urgence.
  6. Si aucune alarme ne retentit pour indiquer une situation d'urgence le plus tôt possible, les passagers et l'équipage risquent de ne pas être prêts à réagir à la situation.
  7. Si le système de gestion de la sécurité ne contient aucune directive demandant au capitaine de cerner les risques de façon proactive et de faire enquête sur les événements dangereux, il se peut que les risques sous-jacents ne soient pas corrigés.
  8. Si la surveillance exercée par Transports Canada pour vérifier la conformité des navires à la réglementation sur les procédures d'urgence liées à la sécurité des passagers est inefficace, les procédures relatives à la sécurité risquent de ne pas donner les résultats escomptés.

Autres faits établis

  1. Aucun document n'attestait que les disjoncteurs des groupes électrogènes principaux du navire avaient été soumis à un essai de surintensité, même si les dossiers de Lloyd's Register indiquaient que les résultats de l'expertise périodique avait été à la satisfaction de l'expert qui l'avait effectuée.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Lloyd's Register

À la suite de l'événement, Lloyd's Register a modifié l'intervalle auquel les disjoncteurs des groupes électrogènes du Princess of Acadia doivent être vérifiés, la vérification doit dorénavant se faire chaque année, à cause de leur âge et de l'utilisation qui en est faite.

Bay Ferries Ltd.

Bay Ferries Ltd. a mis en œuvre les modifications suivantes :

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Annexes

Annexe A – Plan général du navire

Plan général du navire
  1. pont de passerelle de navigation
  2. pont des embarcations
  3. pont supérieur
  4. pont plateforme
  5. pont-garage principal
  6. salle des machines
  7. salle de commande des machines
  8. local de la génératrice de secours

Annexe B – Route du navire au moment de l'événement

Annexe C – Liste de vérification du commandant sur place relative à une intervention d'urgence en cas de panne totale de courant ou de panne moteur

Carte du route du navire au moment de l'événement
Source : Bay Ferries Ltd., Manuel d'intervention d'urgence de Bay Ferries, article 3.2, janvier 1999 [en anglais seulement].

Annexe D – Procédures de la salle des machines en cas de panne totale de courant

Image des procédures de la salle des machines en cas de panne totale de courant
[en anglais seulement]