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Rapport d'enquête maritime M08C0081

Abordage
entre le vraquier Québecois
et le vraquier Capt. Henry Jackman
sur le canal de Beauharnois
de la Voie maritime du Saint-Laurent (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 4 h 31, heure normale de l'Est, le 17 décembre 2008, de nuit et par visibilité réduite par la neige, le vraquier remontant Québecois et le vraquier descendant Capt. Henry Jackman se sont abordés lors d'une situation de rencontre sur le canal de Beauharnois, près du port de Valleyfield (Québec). Les deux navires ont pu se rendre à leur destination respective. On n'a signalé aucun blessé, ni aucune avarie ou pollution.

Renseignements de base

Fiches techniques des navires

Capt. Henry Jackman Québecois
Numéro OMI 8006323 5287847
Port d'immatriculation Sault Ste. Marie (Ontario) Toronto (Ontario)
Pavillon Canada Canada
Type Vraquier autodéchargeant Vraquier sans apparaux
Jauge brute 19 643 17 646
LongueurNote de bas de page 1 219,2 m 217 m
Largeur 23,13 m 23,15 m
Tirant d'eau Av : 7,92 m Ar : 7,97 m Av : 3,5 m Ar : 6,25 m
Construction 1981 1962
Propulsion Moteurs diésels MAK, développant 6962 kW, entraînant une hélice à pas variable Turbine à vapeur C.G.E., développant 7382 kW, entraînant une hélice à pas fixe
Cargaison 25 553 tonnes de boulettes de minerai de fer Sur lest
Équipage 23 personnes 22 personnes
Propriétaire enregistré Algoma Central Corporation Upper Lakes Shipping Ltd.
Armateur-gérant Seaway Marine Transport Seaway Marine Transport

Renseignements sur les navires

Le Capt. Henry Jackman est un vraquier autodéchargeant. La timonerie, les emménagements et la salle des machines sont situés à l'arrière.

Le Québecois est un vraquier des Grands Lacs traditionnel, sans apparaux de manutention, pourvu d'emménagements à l'avant et à l'arrière. La timonerie est située à l'avant. La salle des machines et la cuisine sont situées à l'arrière.

Chaque navire est doté de l'équipement de navigation standard que l'on retrouve normalement sur les navires des Grands Lacs dont un radar, un échosondeur et un système d'identification automatique (AIS) obligatoire. Les deux navires sont également pourvus d'un système de cartes électroniques (ECS).

Déroulement du voyage

Le Capt. Henry Jackman

À 1 h 10Note de bas de page 2 le 17 décembre 2008, le Capt. Henry Jackman chargé quitte l'écluse Snell et se dirige vers l'aval pour se rendre à Québec (Québec). Après que le navire a quitté l'écluse, le capitaine confie la conduite du navire au premier officier, puis retourne à sa cabine pour se reposer avant que le navire arrive à la prochaine écluse qui est l'écluse supérieure de Beauharnois.

Photo 1. Le Capt. Henry Jackman (photo : gracieuseté de Seaway Marine Transport)
Le Capt. Henry Jackman (photo : gracieuseté de Seaway Marine Transport)

L'équipe à la passerelle est composée du premier officier qui assure la conduite du navire, du deuxième officier qui prête assistance et d'un timonier à la barre.

Vers 4 h 13, le poste d'émission pour le contrôle de la circulation - Voie maritime Beauharnois appelle et demande si le Capt. Henry Jackman sera le premier à passer sous le pont de Valleyfield. La réponse est affirmative. Voie maritime Beauharnois fournit alors à l'équipe à la passerelle les renseignements sur le trafic dans les environs et signale entre autres que le Québecois remonte le chenal, en aval du pont de Valleyfield. Vers 4 h 14, l'équipe à la passerelle fait l'appel de sécurité standard et annonce que le Capt. Henry Jackman se trouve maintenant à deux milles en amont du pont de Valleyfield.

Entre 4 h 28 et 4 h 29, le Capt. Henry Jackman passe sous le pont de Valleyfield, après quoi le premier officier se concentre sur le Québecois qui remonte le chenal. À 4 h 29, après avoir observé que l'inclinaison du navire qui s'approche indique une rencontre tribord à tribord, le premier officier appelle sur la voie VHF 14 pour confirmer les dispositions relatives à la rencontre. L'appel est retardé de 10 à 15 secondes en raison du trafic radio. Il demande alors au Québecois s'il préfère une rencontre tribord à tribord, mais le Québecois répond qu'il est déjà en train de venir sur tribord pour une rencontre bâbord à bâbord.

Le Québecois

Vers 3 h 8 le 17 décembre 2008, le Québecois sur lest quitte l'écluse supérieure de Beauharnois de la Voie maritime du Saint-Laurent et se dirige vers l'amont pour se rendre à Hamilton (Ontario) où il sera désarmé pour l'hiver. Après que le navire a quitté l'écluse, le capitaine confie la conduite du navire au premier officier, puis retourne à sa cabine pour se reposer avant que le navire arrive à l'écluse Snell.

Photo 2. Le Québecois (photo : courtoisie de D. Beach (www.Boatnerd.com)
Le Québecois (photo : courtoisie de D. Beach (www.Boatnerd.com)

Le premier officier assure la conduite du navire; le deuxième officier prête assistance; un timonier est à la barre.

Vers 4 h, le premier officier appelle le Capt. Henry Jackman sur le radiotéléphone VHF pour clarifier le point de rencontre imminent. Peu après, le capitaine du Capt. Henry Jackman est informé de la rencontre imminente. Le Québecois a convenu de ralentir de sorte que les deux navires puissent se rencontrer en aval du pont de Valleyfield, bien qu'aucun lieu n'ait été spécifié.

Juste avant 4 h 14, le premier officier fait l'appel de sécurité standard et annonce que le Capt. Henry Jackman se trouve à deux milles en aval du pont de Valleyfield. Le Québecois continue de réduire sa vitesse, et à 4 h 23, il file environ 4 nœuds. Les six minutes suivantes, jusqu'à peu de temps avant l'abordage avec le Capt. Henry Jackman, la vitesse du Québecois augmente d'environ 0,5 nœud à la minute, atteignant 7,1 nœuds au moment de la rencontre.

Chronologie des événement qui ont mené à l'abordage

Aucun des navires n'a tenté d'émettre le signal sonore approprié pour un passage bâbord à bâbord ou pour informer l'autre navire que ses intentions n'étaient pas claires. Immédiatement après avoir reçu confirmation d'un passage bâbord à bâbord, le premier officier du Capt. Henry Jackman a ordonné de mettre la barre à droite toute et d'augmenter la vitesse du navire pour l'aider à venir sur tribord. À peu près au même moment, il a appelé le capitaine pour l'informer de la situation.

À 4 h 29, le premier officier du Québecois a ordonné un changement de cap sur tribord et le navire est venu lentement sur tribord. L'équipe à la passerelle pouvait distinguer certains des feux de pont du Capt. Henry Jackman, mais les lumières de Noël installées sur son étrave permettaient difficilement de déterminer l'inclinaison du navire. Le premier officier du Québecois a ordonné de mettre la barre à droite toute et de mettre la machine principale en avant toute pour éviter sur tribord. À peu près au même moment, le capitaine est informé de la situation.

À 4 h 31, au milieu du chenal et juste en amont des bouées C38 et C39, les navires ont commencé à se rencontrer bâbord à bâbord avec un espacement de quelques mètres seulement entre eux. Après que le croisement a été presque terminé, le premier officier de chaque navire a ordonné de mettre la barre à gauche pour écarter l'arrière de chacun des deux navires. Les navires se sont heurtés au niveau de la hanche bâbord avant de s'écarter l'un de l'autre.

À bord du Québecois, le deuxième officier a couru en bas et a jeté une ancre de proue tandis que le premier officier mettait la machine en arrière toute. L'avant du Québecois a quitté le chenal et s'est rapproché de la berge nord du canal avant que le navire s'arrête. Le navire s'est ensuite reculé au milieu du chenal et a poursuivi son voyage.

Le Capt. Henry Jackman a poursuivi sa route vers l'aval, demeurant dans les limites du chenal, au sud du port de Valleyfield.

Lieu de l'événement

En s'approchant de Valleyfield, de l'aval, le chenal s'incurve vers tribord. La zone comprise entre le port et le pont de Valleyfield consiste en un chenal d'une largeur de 182 m avec des hauts-fonds au sud. Les courants du chenal ont tendance à entraîner les navires vers la berge nord.

Figure 1. Positions des navires à 4 h 29 et à 4 h 31 min 30. Le Capt. Henry Jackman se trouve à gauche, quittant le pont.
Positions des navires à 4 h 29 et à 4 h 31 min 30. Le <em>Capt. Henry Jackman</em> se trouve à gauche, quittant le pont.

Avaries aux navires

Aucun des navires n'a subi d'avaries structurales.

Dispositions prévues pour les rencontres de navires

Dans la Voie maritime du Saint-Laurent, le navire descendant le courant (navire descendant) est considéré comme le navire privilégié et, par conséquent, il doit indiquer le lieu de passage et le côté sur lequel il entend passer. « Le navire remontant le courant doit s'écarter du passage du navire descendant et ralentir au besoin de façon à permettre un passage en toute sécurité »Note de bas de page 3.

Dans le cas présent, le Capt. Henry Jackman était le navire qui devait indiquer le lieu de passage et le côté sur lequel il entendait passer. Le Québecois était le navire remontant, soit le navire « non privilégié », et il devait ralentir au besoin de façon à permettre un passage en toute sécurité.

Les dispositions pour les rencontres de navires sont également régies par l'article 31 des Pratiques et procédures de la Voie maritime qui stipule en partie ce qui suit :

Les rencontres de navires sont interdites à l'intérieur des limites indiquées par les signaux de mise en garde des ponts ou aux endroits signalisés par le gestionnaire ou la Corporation comme zones de rencontres interdites.

Conditions météorologiques et visibilité

La rencontre est survenue de nuit, et la visibilité avait été généralement supérieure à un mille marin (nm) dans la neige jusque vers 4 h 25. Vers 4 h 29, alors que le Capt. Henry Jackman passait sous le pont de Valleyfield et ce, jusqu'au moment de la rencontre, la visibilité est passée de 0,75 nm à 0,5 nm dans les averses de neige. Le vent soufflait légèrement.

Certificats des navires

Les navires faisaient l'objet de certificats valides pour le type d'activités commerciales et les voyages qu'ils effectuaient. Depuis le 9 avril 2002, toutes les inspections et visites des deux navires étaient déléguées par Transports Canada à la société de classification Lloyd's Register.

Les systèmes de gestion de la sécurité adoptés volontairement pour les navires et l'armateur-gérant avaient fait l'objet d'un audit par la Lloyd's Register et avaient été jugés conformes aux exigences du Code international de gestion de la sécurité. L'Attestation de conformité de Seaway Marine Transport (SMT) avait été délivrée le 26 août 2004 et était valide pour cinq ansNote de bas de page 4.

Brevets et expérience du personnel

Le Québecois

Le capitaine, le premier officier et le deuxième officier étaient titulaires de brevets valides pour les postes qu'ils occupaient et pour le voyage que le navire effectuait.

Le premier officier exerçait les fonctions d'officier de quart depuis 2003 où il a commencé sa carrière avec la société. En mai et juin 2007, il a suivi une formation supervisée de pilotage sur le fleuve, assurant la conduite de divers navires de la société qui remontaient ou descendaient la Voie maritime.

À la fin du mois d'août 2007, le premier officier a commencé à remplir les fonctions de premier officier de relève et à assurer la conduite en solo. Les dossiers indiquent que le premier officier a fait 43 voyages (ce qui comprend les voyages de formation) entre l'écluse de Saint-Lambert et l'écluse de Snell dans les trois années précédentes; 21 des voyages ont été effectués sur des navires remontants. Par conséquent, en vertu du Règlement de pilotage des Grands LacsNote de bas de page 5, le premier officier répondait aux critères pour exercer les fonctions d'officier-pilote.

L'officier prêtant assistance (deuxième officier) travaillait sur les navires depuis 1979 et assumait les fonctions d'officier de quart depuis 1986. Il travaillait comme deuxième officier pour la société depuis 1990.

Le Capt. Henry Jackman

Le capitaine, le premier officier et le deuxième officier étaient titulaires de brevets valides pour les postes qu'ils occupaient et pour le voyage que le navire effectuait.

Le premier officier travaillait comme officier en mer depuis 2000 et suivait une formation de pilotage depuis 2007. Les dossiers indiquent qu'il a effectué 21 voyages entre l'écluse de Saint-Lambert et l'écluse de Snell dans les trois années précédentes; 10 des voyages ont été effectués sur des navires descendants. Par conséquent, en vertu du Règlement de pilotage des Grands Lacs, il répondait aux critères pour exercer les fonctions d'officier-pilote.

L'officier prêtant assistance (deuxième officier) exerçait les fonctions d'officier de quart sur les navires depuis 1979. Il travaillait comme deuxième officier sur les navires de la société Algoma depuis 1995 et était considéré comme un officier ne pouvant pas exercer les fonctions de pilotage.

Pilotage et quart à la passerelle

Pendant que les navires transitaient dans la Voie maritime, le premier officier du Québecois et celui du Capt. Henry Jackman n'assuraient pas le quart; ils partageaient avec le capitaine les fonctions liées à la conduite du navire. Les autres officiers de quart ont prolongé leur quart et prêtaient assistance à l'officier-pilote. Rien n'indique que la fatigue ait joué un rôle dans le présent événement.

Exigences relatives à l'exemption de pilotage

L'Administration de pilotage des Grands Lacs est responsable de fournir des services de pilotage dans sa circonscription. Toutefois, en vertu du Règlement de pilotage des Grands Lacs, un navire canadien peut être exempté de pilotage obligatoire ou de certificat de pilotage, à condition qu'il soit sous la conduite d'un capitaine ou d'un officier de pont :

Des discussions sont en cours entre les exploitants de navires des Grands Lacs qui battent pavillon canadien, l'Administration de pilotage des Grands Lacs et Transports Canada, concernant des modifications proposées au Règlement de pilotage des Grands Lacs qui entraîneraient des changements aux exigences et qualifications minimales relatives aux officiers-pilotes de pont sur les navires canadiens. On prévoit que les modifications proposées seront publiées d'ici mars 2010 dans la Gazette du Canada, Partie I.

Gestion de la société SMT

La société SMT dirige une flotte de navires autodéchargeants et de vraquiers sans apparaux de manutention sur les Grands Lacs, le fleuve Saint-Laurent et les eaux de l'est du Canada. La société SMT est un partenariat des sociétés Algoma Central Corporation et Upper Lakes Shipping Ltd. Toutefois, les officiers et les membres d'équipage des navires demeurent des employés de leur société mère respective, soit Algoma Central Corporation et Upper Lakes Shipping Ltd.

En vertu du système de gestion de la sécurité de la société SMT, le Capt. Henry Jackman et le Québecois ont les mêmes procédures de navigation et le même manuel de gestion de la sécurité.

Programme de formation de pilotage de la société SMT

Lorsque la société SMT a été créée en 2004, la norme relative à la formation de pilotage utilisée par la société Algoma a été adoptée par la société SMT. C'est la norme que la société utilise pour déterminer :

Le programme de formation de pilotage de la société SMT définit quatre niveaux de compétences en pilotage : officier ne pouvant pas exercer les fonctions de pilotage; officier-pilote sous supervision; officier-pilote; et capitaine. En avril 2008, le premier officier du Capt. Henry Jackman a atteint le niveau de compétences « officier-pilote sous supervision » pour ce secteur de la Voie maritime du Saint-Laurent. Par la suite, toutefois, il a commencé à exercer les fonctions d'officier-pilote en solo.

Upper Lakes Shipping Ltd.

Bien que le programme de pilotage de la société SMT ait été adopté par la société Upper Lakes Shipping Ltd. (ULS) pour ses navires quand la société SMT est devenue l'armateur-gérant, les officiers-pilotes sur les navires appartenant à la société ULS ont continué à être évalués selon le système de la société ULSNote de bas de page 6. Ce système utilise un formulaire normalisé intitulé River Proficiency Evaluation (Évaluation des compétences sur le fleuve) visant à évaluer et à documenter l'expertise de l'officier exerçant les fonctions de pilotage. L'évaluation repose sur 17 critères répartis dans cinq catégories : connaissances locales, communications, manœuvres du navire, gestion des ressources à la passerelle et connaissances générales. Pour chaque voyage de formation, les compétences de l'officier sont évaluées par rapport aux critères et notées « Acceptable, À améliorer, Expérience à acquérir ». Le formulaire d'évaluation note également le secteur de la Voie maritime où les fonctions de pilotage ont été exercées et comprend une case pour les commentaires d'ordre général.

Afin de déterminer si un officier est prêt à exercer les fonctions de pilotage sans supervision, les administrateurs de la société discutent de façon informelle avec les capitaines et les évaluateurs qui ont supervisé l'officier et tiennent également compte des commentaires figurant sur les formulaires d'évaluation des compétences sur le fleuve (River Proficiency Evaluation). En 2007, les connaissances et les compétences du premier officier du Québecois ont été évaluées à 25 reprises alors qu'il naviguait dans différents secteurs de la Voie maritime du Saint-Laurent, entre Montréal et le lac Ontario. Ces évaluations indiquaient une amélioration progressive et ont été effectuées par huit personnes différentes dont une qui a indiqué que le premier officier était prêt à exercer les fonctions d'officier-pilote en solo. Toutefois, des évaluateurs qui ont procédé à des évaluations ultérieures ont indiqué la nécessité d'acquérir davantage d'expérience.

Événements antérieurs

La base de données du BST indique qu'il y a eu sept autres abordages dans la Voie maritime depuis 1999. Deux d'entre eux sont survenus entre le pont de Valleyfield et l'écluse de Saint-LambertNote de bas de page 7.

Sur les 2703 navires qui ont transité dans le secteur Montréal-lac Ontario de la Voie maritime du Saint-laurent en 2008, 1695 étaient des navires cargoNote de bas de page 8.

Plans de passage de l'Association des armateurs canadiens

L'Association des armateurs canadiens, qui représente 6 des quelque 25 sociétés exploitant des navires dans la Voie maritime du Saint-Laurent, a élaboré pour ses membres des plans de passage génériques non obligatoires pour les voyages remontants et les voyages descendants. Ces plans comprennent, pour chaque direction, des caps, des alignements, des parallèles tracées avec l'alidade et des distances limites de changement de route. Le plan de passage de l'Association des armateurs canadiens pour le secteur compris entre Saint-Lambert et le lac Ontario mentionne une zone de rencontre interdite entre les points milliaires 13 et 15. Cette zone commence juste en amont du pont Mercier et se termine en aval du pont du CP sur le canal de la Rive Sud. Une autre zone, située à proximité de Copeland Cut, en amont de l'écluse Eisenhower, est mentionnée comme une zone de rencontres à éviter.

La société SMT a adopté les plans de passage de l'Association des armateurs canadiens. Ces plans sont à la disposition des officiers qui naviguent sur tous les navires gérés par la société SMT. Ces plans, qui étaient à bord, sont des plans génériques, et les officiers-pilotes et les capitaines les complètent souvent avec leurs notes de pilotage personnelles.

Analyse

L'abordage

Dès que le Capt. Henry Jackman a franchi le pont et que l'équipe à la passerelle a aperçu le feu de côté tribord du navire remontant Québecois sur son avant bâbord, les intentions du navire remontant n'étaient plus claires. Comme le Québecois n'avait pas encore terminé son virage sur tribord au centre du chenal et, vu son inclinaison, il a semblé à l'équipe à la passerelle du Capt. Henry Jackman que le Québecois avait l'intention de faire une rencontre tribord à tribord. Résultat, le Capt. Henry Jackman a maintenu son cap au centre du chenal et n'a amorcé un changement de cap sur tribord que lorsque les intentions du Québecois ont été confirmées.

Aucune tentative n'a été faite pour émettre le signal sonore approprié pour une rencontre normale bâbord à bâbord ou pour avertir l'autre navire que ses intentions n'étaient pas claires. Bien que le retard à établir la communication radiotéléphone n'ait été que momentané (10 à 15 secondes), le changement de cap sur tribord qui a suivi pour une rencontre bâbord à bâbord n'a pas permis d'éviter l'abordage, et les parties arrière des navires se sont touchées.

Dispositions prises pour la rencontre

Les officiers de quart à la passerelle doivent utiliser de bonnes pratiques de navigation à bord. Ils doivent notamment utiliser toutes les ressources et tous les moyens disponibles pour naviguer en toute sécurité et pour surveiller la progression des autres navires par rapport à leur navire, en particulier lorsqu'un risque d'abordage existe.

La responsabilité du Capt. Henry Jackman, étant le navire privilégié, consistait à déterminer le point de rencontre et les dispositions à prendre. À 4 h, quelque 30 minutes avant l'abordage, le premier officier du Québecois a appelé le Capt. Henry Jackman pour prendre des dispositions pour la rencontre et a convenu de ralentir son navire de sorte que la rencontre s'effectue en aval du pont de Valleyfield. Le premier officier du Capt. Henry Jackman a indiqué qu'il était d'accord, mais le lieu exact de la rencontre n'a pas été spécifié. Les navires se sont rencontrés à une distance correspondant à une fois et demi une longueur de navire à l'extérieur de la zone de mise en garde, en aval du pont de Valleyfield. Cet endroit ne se trouvait pas dans une zone de rencontre interdite, mais c'était un endroit moins qu'idéal étant donné la largeur relativement étroite du chenal, les courants dominants et la faible distance disponible pour aligner convenablement le navire pour passer sous le pont.

Après que le Capt. Henry Jackman a franchi le pont, les navires se trouvaient à 6 encablures l'un de l'autre et se rapprochaient à une vitesse fond combinée de 16 nœuds. Il restait environ deux minutes avant la rencontre des navires. Pour permettre aux deux navires de s'aligner pour se croiser bâbord à bâbord, le Capt. Henry Jackman, qui a été obligé de rester dans le centre du chenal jusqu'à ce qu'il ait franchi le pont en toute sécurité, aurait dû commencer sa manœuvre aussitôt après avoir franchi le pont. Entre-temps, le Québecois devait d'abord terminer son virage dans le chenal, à la hauteur de Valleyfield. Les deux équipes à la passerelle étaient au courant que les navires remontants, qui effectuent un virage sur tribord avant le pont, maintiennent normalement un cap sur le côté bâbord du chenal et une position proche du centre du chenal pour compenser le courant qui porte au nord. Dans le cas présent, procéder à ces manœuvres au moment de rencontrer un autre navire a compliqué davantage une situation déjà difficile.

Pour alléger ces problèmes de rencontre, il est essentiel que les deux équipes surveillent la progression de leur navire, qu'elles communiquent de manière efficace et qu'elles clarifient leurs intentions en se servant du radiotéléphone et des signaux sonores. Toutefois, dans le cas du présent événement, le caractère vague des dispositions prises pour la rencontre a été aggravé par le caractère inadéquat des communications ultérieures entre les deux navires.

Renseignements sur les zones de rencontre interdites

Les navires qui se rencontrent dans la Voie maritime du Saint-Laurent doivent se rencontrer dans les meilleures conditions possibles. Cela est dans l'intérêt de chaque navire. En raison de la densité du trafic maritime, chaque lieu de rencontre n'est pas idéal. Il faut toutefois rejeter les pires lieux. Ces lieux de rencontre sont déjà identifiés, du moins en partie, par la mise en place de zones de rencontre interdites dans la Voie maritime (comme celles qui se trouvent entre les limites indiquées par les signaux de mise en garde). Cependant, ces zones sont toutes situées à proximité de l'infrastructure, comme les ponts, et ne tiennent pas compte des autres facteurs qui pourraient accroître les risques.

Le présent événement a révélé la présence d'une zone qui n'avait pas encore été définie comme une zone à risque accru pour un abordage. En l'absence d'évaluations du risque de zones spécifiques, d'autres zones qui présentent un risque accru d'abordage lors des croisements ou des rattrapages de navires pourraient restées inconnues.

Programme de formation de pilotage de la société SMT

Les navires transitant en amont de Saint-Lambert doivent être sous la conduite de l'une des personnes suivantes : un pilote breveté, le titulaire d'un certificat de pilotage, ou un capitaine ou un officier de pont qui a été certifié par l'armateur comme ayant complété le nombre requis de voyages à l'intérieur de la zone de pilotage obligatoire. Deux de ces quatre options, le brevet et le certificat, nécessitent que l'on procède à une évaluation des compétences du candidat. Toute évaluation de ces compétences doit être objective, cohérente, vérifiable et sans ambiguïté. En théorie, le programme de formation de pilotage de la société SMT répond à cette démarche : en définissant les compétences et les connaissances nécessaires, les méthodes de formation qui permettront de les acquérir, et les processus d'évaluation et d'élaboration de rapports permettant de vérifier que ces compétences et connaissances ont été acquises. De plus, la norme de la société dépasse l'exigence minimale spécifiée dans le Règlement de pilotage des Grands Lacs qui est de 10 voyages effectués en 3 ans.

En pratique toutefois, du fait que les normes d'évaluation des deux sociétés n'ont pas été harmonisées, la société SMT a continué d'utiliser le système de la société ULS pour évaluer les compétences de pilotage sur les navires de la société ULS. Contrairement au programme de pilotage de la société SMT, ce système d'évaluation ne semble pas comprendre des niveaux de performance clairement définis et sans ambiguïté. Les administrateurs de la société se servent plutôt d'un amalgame de discussions et de commentaires informels issus des formulaires d'évaluation des compétences sur le fleuve (River Proficiency Evaluation). Une évaluation indiquait que le premier officier du Québecois était prêt à assurer la conduite en solo. Toutefois, des évaluateurs qui ont procédé à des évaluations ultérieures ont indiqué la nécessité d'acquérir davantage d'expérience.

De plus, bien que le premier officier du Capt. Henry Jackman ait été évalué antérieurement dans le cadre du programme de la société SMT comme un « officier-pilote sous supervision », aucun document n'indique qu'il ait été évalué et/ou que ses compétences aient été jugées satisfaisantes pour assurer la conduite en solo. Cependant, quand le navire est passé sous le pont de Valleyfield et qu'il a heurté le Québecois, le premier officier n'était pas supervisé sur la passerelle, et l'officier considéré comme « ne pouvant pas exercer les fonctions de pilotage » était le seul présent à prêter assistance. Par conséquent, le premier officier n'était peut-être pas prêt à gérer la situation qu'il a rencontrée ce soir-là.

Les systèmes de gestion de la sécurité permettent aux sociétés de transport maritime de réduire au minimum le nombre de mauvaises décisions fondées sur des erreurs humaines qui pourraient occasionner un accident. Ceci est d'autant plus important en ce qui concerne le pilotage. Toutefois, aucun des deux programmes de formation de pilotage ne faisait partie du système de gestion de la sécurité de la société SMT.

Si un programme de formation de pilotage avait été incorporé dans le système de gestion de la sécurité de la société, il aurait permis à la société SMT d'harmoniser les deux normes d'évaluation. En l'absence d'évaluation efficace, l'efficience d'ensemble du programme de formation de pilotage peut ne pas être entièrement atteinte et pourrait donner lieu à des lacunes.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le point de rencontre convenu entre les deux navires, soit « en aval du pont », était vague et a fait que les navires se sont croisés à un endroit qui était moins qu'idéal.
  2. La communication entre les navires était moins qu'adéquate pour gérer en toute sécurité la rencontre des navires.

Fait établi quant aux risques

  1. En l'absence d'évaluations du risque de zones spécifiques, des zones qui présentent un risque accru d'abordage lors des rencontres ou des rattrapages de navires pourraient restées inconnues.

Autres faits établis

  1. Le Capt. Henry Jackman montrait un éclairage qui n'était pas approprié pour un navire faisant route.
  2. En l'absence d'évaluation efficace, l'efficience d'ensemble du programme de formation de pilotage peut ne pas être entièrement atteinte et pourrait donner lieu à des lacunes.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Le 27 février 2009, le BST a envoyé à la société Seaway Marine Transport (SMT) la Lettre d'information sur la sécurité maritime no 02/09 intitulée Inappropriate Lighting of a Vessel (Éclairage inapproprié d'un navire). La lettre indiquait que bien que les lumières décoratives montrées par le Capt. Henry Jackman ne semblent pas avoir joué un rôle dans l'abordage, elles se distinguent des feux prescrits par le Règlement sur les abordages pour un navire faisant route. La lettre indiquait que de telles lumières pourraient gêner la visibilité des feux de navigation et créer de la confusion pour déterminer l'inclinaison et l'état du navire.

Dans une lettre datée du 28 mai 2009, la société SMT a répondu qu'elle avait donné les directives suivantes à ses navires :

La société SMT a également fait parvenir la Lettre d'information sur la sécurité maritime no 02/09 à l'Association des armateurs canadiens et à la United States Lake Carriers' Association pour examen et suivi.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A — Croquis du lieu de l'événement

Annexe A. Croquis du lieu de l'événement
Croquis du lieu de l'événement