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Rapport d'enquête maritime M08C0024

Échouement
du vraquier Algomarine
à Brune Mines, dans le chenal North
du lac Huron (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le matin du 28 mai 2008 à 5 h 49, heure avancée de l'Est, alors qu'il s'approche des installations de chargement de l'Ontario Trap Rock situées à proximité de Bruce Mines (Ontario), le vraquier Algomarine s'échoue sur un haut-fond indiqué sur la carte marine. Le navire subit de lourdes avaries mais se déséchoue. L'événement ne fait aucune pollution.

Renseignements de base

Fiche technique du navire

Nom du navire Algomarine
Numéro officiel 329344
Port d'immatriculation Sault Ste. Marie (Ontario)
Pavillon Canada
Type Vraquier autodéchargeant
Jauge brute 18 338
LongueurNote de bas de page 1 222,44 m
Tirant d'eau Avant : 4,17 m, Arrière : 7,56 m
Construction 1968
Propulsion Un moteur diésel lent Sulzer de 9470 BHP et un propulseur d'étrave
Cargaison Ballasts pleins d'eau
équipage 25 personnes
Armateur enregistré Algoma Central Corporation
Armateur-gérant Seaway Marine Transport

Renseignements sur le navire

Le Algomarine est un vraquier des Grands Lacs pourvu d'emménagements à l'avant et à l'arrière. La passerelle de forme semi-circulaire est située au-dessus du rouf avant. La passerelle est équipée de deux appareils d'aide radar au pointage automatique (ARPA) et d'un système de cartes électroniques (ECS). Le poste de direction de la manœuvre est équipé de deux moniteurs pour l'ECS; un situé à l'avant et au centre-gauche; l'autre, plus à gauche et en retrait de quelques mètres.

Photo 1. Le vraquier Algomarine
Le vraquier Algomarine

Le navire est équipé d'un échosondeur. Le dispositif d'affichage a été remplacé le 12 mai 2008, soit environ deux semaines avant l'événement.

Le poste de barre est situé sur une plateforme surélevée au milieu de la passerelle, ce qui permet au timonier d'avoir une bonne visibilité vers l'avant tout en étant à proximité des indicateurs de cap et d'angle de barre.

Photo 2. Poste de barre no 1 et affichage ECS à gauche
Poste de barre no 1 et affichage ECS à gauche

Déroulement du voyage

Le 27 mai 2008 à 10 h 44Note de bas de page 2, après avoir déchargé sa cargaison à Serpent Harbour, sur le lac Huron (Ontario), le Algomarine sur lest appareille à destination des installations de chargement de l'Ontario Trap Rock situées près de Bruce Mines (Ontario).

À 22 h 38, le Algomarine mouille l'ancre à 1,6 mille marin (M) au large des installations de l'Ontario Trap Rock, à environ 1 M au sud de l'île McKay, dans le chenal St. Joseph. Des vents du nord-ouest soufflent à plus de 15 nœuds dans le chenal d'accès menant aux installations de l'Ontario Trap Rock, ce qui dépasse les limitations de la compagnie.

Le 28 mai à 1 h, ne constatant aucune diminution de vitesse du vent, le capitaine demande au deuxième officier de l'informer lorsque les vents auront diminué à moins de 10 nœuds et que ces conditions auront été maintenues pendant une heure. à 2 h, le capitaine va se coucher. à 4 h 45, on le réveille et on l'informe que les conditions sont idéales pour amener le navire au quai.

À 5 h 10, le capitaine et le premier officier, qui remplit les fonctions d'officier de quart (OQ), sont sur la passerelle et discutent des activités de la journée, dont l'approche et l'accostage aux installations de l'Ontario Trap Rock. Quelques minutes plus tard, l'OQ quitte la passerelle pour aller rentrer l'ancre.

À 5 h 33, le Algomarine lève l'ancre et le capitaine donne l'ordre de mettre le cap au nord-ouest en augmentant la vitesse à 9 nœuds pour accéder au chenal en venant de l'ouest, plutôt que d'utiliser le plan de route programmé dans l'ECS et qui prévoit une approche habituelle à partir du sudNote de bas de page 3.

À 5 h 44, alors que le navire se trouve presque par le travers de l'île McKay, dans une direction générale au nord, le capitaine amorce une conversation avec l'OQ qui est de retour sur la passerelle. La conversation n'a aucun rapport avec la conduite du navire.

À 5 h 45, le capitaine aperçoit les bouées du chenal d'accès à l'est. Utilisant ces bouées comme repères visuels, il ordonne de mettre la barre à droite 35. La vitesse du navire varie entre 6, 5 et 7 nœuds. à 5 h 46, le capitaine demande à l'OQ de poursuivre l'évolution sur la droite. Le capitaine quitte ensuite la passerelle et va s'occuper des affaires du navire. La responsabilité de la conduite du navire n'est pas confiée à une personne de manière officielle. Quelques instants plus tard, le timonier signale le ralentissement de l'évolution du navire sur tribord. L'OQ donne alors à la machine un « petit coup » en avant.

À 5 h 47, le capitaine retourne sur la passerelle. L'OQ reste sur la passerelle, mais la responsabilité de la conduite du navire n'est pas confiée à une personne de manière officielle et il n'y a pas d'échange d'information entre les membres de l'équipe à la passerelle - que ce soit pour confirmer la position du navire (à l'aide de l'ECS, du radar ou d'un autre instrument de navigation) ou pour repérer les dangers possibles pour la navigation.

Photo 3. Trajectoire approximative du navire et photo en médaillon des bouées
Trajectoire approximative du navire et photo en médaillon des bouées

À 5 h 48, l'alarme de l'échosondeur du navire se fait entendre pendant environ 30 secondes, mais l'équipe à la passerelle n'est pas familière avec cette alarme, et aucune mesure n'est prise avant 5 h 49, heure à laquelle le navire, sur un cap au 090° Vrai (T), s'échoue sur un haut-fond qui n'est pas balisé mais qui est indiqué sur la carte.

Immédiatement après l'échouement, le capitaine met la machine en arrière toute et ordonne de procéder au sondage des ballasts de bäbord et de tribord et du coqueron avant.

On laisse la machine à en arrière toute pendant 15 à 20 minutes sans résultat, puis on arrête la poussée de l'hélice. Le navire pivote alors sur environ 180° et se dégage par lui-même, puis il s'éloigne du haut-fond sur un cap au 283° (T).

À 7 h 36, le capitaine met la machine en arrière et fait reculer le navire vers des eaux plus profondes pour l'éloigner du haut-fond. à 7 h 40, après avoir paré le haut-fond sans autre incident, le navire se rend au mouillage dans le chenal.

Avaries au navire

La tocirc;le du bordé de fond de tribord et la structure interne du navire ont subi des avaries importantes. Une inspection effectuée par un expert maritime quelques jours après l'accident révèle que les virures A, B, C et D, entre les couples 32 et 87, ont été considérablement gauchies. Les ballasts 1, 2 et 3 de tribord ont été percés.

Conditions météorologiques

Au moment de l'événement, les vents soufflaient du nord-ouest entre 10 et 12 nœuds; dès 6 h les vents avaient molli, variant entre 8 et 10 nœuds.

Brevets, certificats et expérience du personnel

Le capitaine possède environ 30 années d'expérience sur des navires de commerce dans les eaux intérieures et est titulaire d'un brevet de capitaine, voyage local, en état de validité, délivré en 1999 par Transports Canada. Il a commandé de nombreux navires pour l'Algoma Central Corporation depuis 2003 et il s'est rendu de nombreuses fois aux installations de l'Ontario Trap Rock. C'était son deuxième voyage aux installations de l'Ontario Trap Rock en 2008 à bord du Algomarine et en compagnie de l'OQ. Il était exempté de l'obligation d'être titulaire d'un brevet de pilote.

L'OQ possède environ 25 années d'expérience avec la compagnie actuelle et remplit les fonctions de premier officier sur le Algomarine depuis 2001. Il est titulaire d'un certificat de lieutenant au long cours (ON I) délivré par Transports Canada. Il était également exempté de l'obligation d'être titulaire d'un brevet de pilote.

Le capitaine et l'OQ avaient suivi une formation sur l'ECS et en gestion des ressources à la passerelle (GRP) en 1997. Ils avaient également suivi un stage de perfectionnement sur l'ECS et l'AISNote de bas de page 4 en 2003.

Gestion des ressources à la passerelle

La GRP consiste en une gestion et une utilisation efficaces de toutes les ressources disponibles, humaines et techniques, pour assurer la sécurité du voyage.

La GRP a pour objectif d'assurer la sécurité du navire, de son personnel et de sa cargaison, et de protéger l'environnement. Elle met l'accent sur le travail d'équipe en vue d'optimaliser l'utilisation de toutes les ressources disponibles, y compris l'équipement, l'information écrite, les procédures et le personnel. Elle fait appel à la participation de tous les membres de l'équipe à la passerelle, et son efficacité est tributaire de l'existence de communications claires ainsi que d'un environnement qui favorise la franche discussion, surtout pendant les phases critiques de la traversée.

Utilisation du système de cartes électroniques

L'ECS est un système qui fournit aux navigateurs de l'information en temps réel utile pour la conduite du navire. S'il est bien utilisé, le système peut améliorer l'ensemble de la sécurité maritime. En outre, le fait d'utiliser à la fois l'ECS et les méthodes de navigation classiques permet de réduire la charge de travail de navigation. La réduction de la charge de travail est due principalement à l'utilisation du système automatisé qui permet de faire le point automatiquement, ce qui permet d'exercer une surveillance constante de la progression du navire.

Les cartes électroniques de navigation - et plus particulièrement en format vectoriel, soit le type de carte utilisée à bord du Algomarine au moment de l'événement - intègrent un large éventail de fonctions pour la surveillance du voyage du navire. Ces fonctions comportent des indications visuelles simples et des alarmes de surveillance automatiques. Sur l'affichage ECS, une surveillance visuelle efficace de la route du navire peut être assurée et des alarmes d'aide à la navigation peuvent être réglées pour alerter l'usager pour qu'il puisse intervenir en conséquence. Par exemple, l'alarme d'écart de route (« cross-track error » ou XTE) s'active lorsque le navire s'écarte des paramètres programmés pour suivre la route.

De plus, lorsque l'ECS utilise les données vectorielles, il permet l'utilisation de la fonction « look ahead » (fonction d'anticipation) et de la fonction « anti-grounding » (anti-échouement). Ces fonctions permettent de déterminer si un danger signalé sur la carte ou un obstacle décelé sur la route du navire présente un risque pour le navire.

Dans le cas du présent événement, les paramètres de navigation préétablis n'avaient pas été entrés dans l'ECS; par conséquent, ni les alarmes sonores ni les alarmes visuelles ne se seraient déclenchées pour signaler un danger. Le haut-fond sur lequel le navire s'est échoué était signalé sur la carte électronique de navigation qui était utilisée au moment de l'événement, et les deux bouées d'entrée dans l'aire des installations de l'Ontario Trap Rock avaient été ajoutées manuellement à l'aide de l'option « add info » (ajouter de l'information) du logiciel - les bouées avaient toutefois été placées à 65 m au sud de leur position géographique réelle.

La politique de Seaway Marine Transport (SMT) relative au système électronique de visualisation des cartes marines (ECDIS), incluant l'ECS comme faisant partie de l'équipement de navigation du navire, indique que ces systèmes doivent être utilisés à leur plein potentiel. Les routes, les points de changement de route et l'écart de route (XTE) doivent être programmés d'avance dans le système. Les capitaines et les officiers de pont doivent observer et comprendre l'information sur l'affichage, y compris ses fonctions et ses limitations.

Les alarmes dérangeantes peuvent être éteintes lorsque le navire est amarré, au moment d'accoster ou de quitter un quai. Toutefois, avant de désactiver une alarme lorsque le navire navigue en eaux restreintes, il faut s'assurer que toute aide électronique à la navigation continue d'être utilisée de faccedil;on optimale pour ce qui est de la position du navire, de la route suivie par le navire et de la sécurité de la navigation.

Autre équipement de navigation

Échosondeur

Plusieurs jours avant l'événement, avant d'entrer dans le réseau des rivières Detroit et St. Clair, le capitaine avait réglé l'alarme de l'échosondeur à 0,6 m.

Carte marine

La carte papier se trouvant sur la passerelle était la carte 2251 produite par le Service hydrographique du Canada (Bruce Mines et Trap Rock). Il s'agit de la carte de navigation à la plus grande échelle de la région. L'échelle de la carte était de 1:60 000. Il existait une carte électronique de navigation plus détaillée pour le chenal qui conduit aux installations de l'Ontario Trap Rock, mais elle n'était pas à la disposition de l'équipe à la passerelle au moment de l'accident.

Radars

Les deux radars sur la passerelle (le radar 3 cm de bacirc;bord et le radar 10 cm de tribord) étaient réglés à l'échelle de portée de 6 M avec des cercles de distance de 1 M.

Aides à la navigation

Le chenal qui conduit aux installations de l'Ontario Trap Rock est balisé par des bouées entretenues à titre privé; quelques-unes sont lumineuses. Les bouées de bacirc;bord et de tribord qui balisent l'entrée du chenal sont situées à l'est du haut-fond signalé sur la carte ougrave; le navire s'est échoué. De plus, un alignement lumineux orienté au 000° conduit au poste à quai; deux autres feux (un feu fixe situé près de l'île McKay, et le feu du quai public de Bruce Mines) auraient été visibles aux distances respectives de 15 M et 8 M.

Heures de travail et de repos

Le nombre d'heures de repos accordé aux membres d'équipage est régi par le Règlement sur le personnel maritime. Le capitaine d'un navire et chaque membre d'équipage doivent bénéficier d'au moins 6 heures de repos consécutives pour chaque période de 24 heures et d'au moins 16 heures de repos pour chaque période de 48 heuresNote de bas de page 5.

Toutefois, les fonctions du capitaine exigent qu'il soit disponible en tout temps, et il n'est pas rare que ses heures de repos soient interrompues.

Dans le cas présent, bien que le capitaine ait eu la possibilité de se reposer et de dormir, il n'a pas obtenu plus de 5 heures de sommeil par jour - et pas plus de 3,5 heures de sommeil consécutives au cours de n'importe quelle période - dans les 5 jours qui ont précédé l'événement (voir l'Annexe B pour le détail des cycles veille-sommeil).

Plans d'urgence

Le Algomarine était géré par SMT. L'armateur-gérant et le navire étaient certifiés en conformité avec le Code international de gestion de la sécurité. à ce titre, il y avait à bord du navire un système de gestion de la sécurité comprenant des plans d'urgence en cas d'échouement.

La désaccoutumance au tabac et le médicament d'ordonnance Champix

La désaccoutumance au tabac, avec ou sans médicament d'ordonnance, peut causer des effets indésirables ducirc; au sevrage de la nicotine. Santé Canada note que la désaccoutumance au tabac s'accompagne de certains symptômes comme des tendances dépressives, de l'insomnie, de l'irritabilité, de la frustration et de l'anxiétéNote de bas de page 6.

Le capitaine était un gros fumeur. En février 2008, un médecin examinateur désigné par Transports Canada lui avait prescrit, à sa demande, le médicament d'ordonnance Champix qui est un médicament d'aide au sevrage tabagique. Ce médicament est connu aux États-Unis sous le nom commercial de Chantix.

Le 1er février 2008, la U.S. Food and Drug Administration (FDA) a émis un avertissementNote de bas de page 7 pour attirer l'attention sur les mises en garde sur le Champix et les précautions d'utilisation de ce médicament, surtout en ce qui concerne les symptocirc;mes neuropsychiatriques qui peuvent inclure de l'anxiété, de la nervosité, de la tension, des tendances dépressives, des comportements inhabituels ainsi que des idées et des comportements suicidaires. La FDA a par la suite diffusé un avis de santé publiqueNote de bas de page 8 indiquant que le Champix peut provoquer des effets indésirables comme des troubles du sommeil et des diminutions de l'aptitude à conduire ou à utiliser des machines lourdes.

Au moment de la délivrance de l'ordonnance, le médecin et le capitaine ont examiné brièvement les effets secondaires possibles de ce médicament. Le 1er mai 2008, le capitaine a commencé à prendre la dose prescrite et le 14 mai, soit deux semaines avant l'événement, il a cessé de fumer, tel que prescrit. Le capitaine n'était pas tenu de signaler à son employeur qu'il prenait ce médicament.

En juin 2008, la Garde côtière américaine a diffusé un avertissement de sécuritéNote de bas de page 9 pour informer les marins marchands naviguant en eaux américaines des effets secondaires possibles du médicament. L'alerte de sécurité insiste pour que les navigateurs communiquent avec leur médecin et recommande un arrêt « immédiat » du médicament, dès l'apparition d'un des effets secondaires listés.

Événements antérieurs liés à la prise de médicaments d'ordonnance

Des enquêtes faites par le BST sur des événements maritimes antérieurs ont révélé que la prise de médicaments d'ordonnance avait eu des conséquences défavorables sur le rendement de personnes occupant des postes critiques pour la sécurité : rapports du BST M91C2004 (Griffon et Captain K); M01C0054 (Windoc); et M04L0105 (Famille Dufour II).

Analyse

Gestion des ressources à la passerelle (GRP)

La GRP consiste en une gestion et une utilisation efficaces de toutes les ressources disponibles, humaines et techniques, pour assurer la sécurité du voyage. La communication est l'élément clé de la GRP. Pour qu'un plan soit efficace, il doit être communiqué à l'équipe et compris par tous les membres de l'équipe. En cas de changement de plan, les modifications et leurs conséquences doivent faire l'objet de discussion.

Dans le cas présent, un plan de traversée avait été élaboré pour se rendre aux installations de l'Ontario Trap Rock. Le capitaine n'a pas respecté le plan quand il a choisi de s'approcher du chenal d'accès en venant de l'ouest. L'OQ était au courant de cet écart, mais le capitaine et l'OQ n'ont pas collaboré ensemble pour élaborer une stratégie permettant d'assurer la sécurité de la manœuvre. Durant la manœuvre, le capitaine a quitté momentanément la passerelle et il n'y a pas eu d'échange d'information avec l'équipe à la passerelle concernant la position du navire, et cela n'a pas été fait à son retour non plus. De plus, du fait que le capitaine assurait la conduite du navire à l'aide de repères visuels et qu'il pouvait voir les bouées menant au chenal d'accès, il n'a pas demandé la confirmation de la position du navire par rapport au haut-fond. L'OQ n'a pas non plus vérifié la position du navire au moyen de l'ECS, du radar ou d'un autre instrument; il a plutôt tenu pour acquis que la manœuvre correspondait à la pratique normale du capitaineNote de bas de page 10. La première perception erronée du capitaine n'a pas été vérifiée; résultat, l'équipe à la passerelle ne connaissait pas la position réelle du navire, et le danger imminent lié au changement de route du navire n'a pas été identifié avant que le navire heurte le haut-fond.

Utilisation du système de cartes électroniques

Sur l'affichage de l'ECS, une surveillance visuelle efficace de la route du navire peut être établie et des alarmes automatiques peuvent être réglées pour alerter le navigateur si le navire se dirige vers un danger. à l'aide des données vectorielles de l'ECS, on peut utiliser les fonctions « d'anticipation » et « anti-échouement ». Dans le cas présent, alors que le navire venait de l'ouest, la carte vectorielle affichée sur l'écran de l'ECS indiquait que le navire s'approchait d'un haut-fond.

Toutefois, les bienfaits de l'ECS n'ont pas été entièrement exploités, car l'équipe à la passerelle n'a pas surveillé de près la progression du navire. De plus, les alarmes visant à assurer la progression du navire en toute sécurité n'étaient pas disponibles du fait qu'aucun des paramètres n'avait été entré dans l'ECS. Les événements enregistrés par le journal de bord électronique de l'ECS étaient reccedil;us automatiquement par le logiciel. Cependant, ces événements n'étaient pas liés aux alarmes pour les paramètres de navigation préétablis puisque celles-ci doivent être acquittées manuellement par l'usager, et aucun acquittement n'a été enregistré dans le journal de bord électronique.

Entrer correctement les paramètres de navigation préétablis pour les alarmes d'erreur d'écart de route, d'anticipation et anti-échouement peut s'avérer indispensable pour prévenir un incident. Le manquement à cette pratique, conjugué au manque de surveillance de l'affichage, a privé l'équipe à la passerelle d'un système de navigation connu pour améliorer la sécurité maritime.

Utilisation de l'échosondeur

En principe, les réglages d'un échosondeur s'améliorent en eaux profondes et fournissent de meilleurs renseignements par rapport au dégagement sous quille. Toutefois, il n'est pas rare que les réglages restent inchangés lorsque le navire en eaux peu profondes se déplace vers des eaux plus profondes. Ainsi, si un danger inopiné apparaôt, le délai d'avertissement peut être raccourci, et l'intervention nécessaire peut être retardée ou empêchée.

Dans le cas présent, l'échosondeur était réglé à 0,6 m sous la quille, une valeur considérée comme appropriée pour le navire qui avait transité un peu plus tôt en amont des rivières Detroit et St. Clair. Toutefois, l'alarme n'avait pas été réglée par la suite pour la navigation dans d'autres zones couvertes durant la traversée. De plus, comme l'équipe à la passerelle n'était pas familière avec l'alarme, aucune mesure n'a été prise lorsque l'alarme a retenti.

Fatigue

Il a été démontré que la désaccoutumance au tabac, avec ou sans médicament d'ordonnance, a des conséquences néfastes sur le sommeil, et le capitaine a signalé qu'il éprouvait des troubles du sommeil et qu'il avait du mal à s'endormir au cours des cinq jours qui ont précédé l'événement. Il n'a pas obtenu plus de 5 heures de sommeil par jour, et la plus longue période ininterrompue de sommeil a été de 3,5 heures. Ce déficit de sommeil important a probablement eu des conséquences néfastes sur son rendement. Par exemple, il s'est fié aux repères visuels plutôt que de prendre le temps d'utiliser l'équipement de navigation disponible sur la passerelle. Prendre un raccourci pour simplifier une tacirc;che est un indicateur commun de la fatigue.

De plus, le médicament d'ordonnance que le capitaine prenait est reconnu pour ses effets secondaires, dont les troubles du sommeil. Le capitaine n'était pas pleinement au courant de tous les effets secondaires possibles de ce médicament d'ordonnance. Bien qu'il soit difficile d'établir avec certitude un lien direct, il est possible que les symptômes liés au sommeil (c'est-à-dire le manque de sommeil réparateur) éprouvés par le capitaine étaient plus marqués parce qu'il avait cessé de fumer et qu'il prenait le médicament en question.

Mesures prises par le capitaine après l'échouement

Après un échouement, diverses mesures doivent être prises. Entre autres, il faut inspecter le navire à la recherche d'avaries, sonder autour du navire et faire un sondage des citernes, vérifier si la cargaison a subi des avaries, s'il y a eu rejet de polluants ainsi que des dommages à l'environnement. Il est généralement prudent de maintenir la position du navire à moins qu'il y ait une raison immédiate d'agir autrement.

Dans le cas présent, immédiatement après l'échouement et avant toute autre mesure, le capitaine a tenté de déséchouer le navire en mettant la machine en arrière toute, et ce n'est qu'à ce moment qu'il a ordonné de procéder au sondage des ballasts de bâbord et de tribord et du coqueron avant. Plus tard, le navire se dégage et recule vers des eaux plus profondes.

Une telle mesure, prise sans établir d'abord l'état du navire, aurait pu aggraver les avaries à la tôle du bordé et à la structure du navire.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Du fait que la gestion des ressources à la passerelle n'était pas complètement assurée, la première perception erronée du capitaine concernant la position du navire n'a pas été vérifiée, et le navire s'est échoué.
  2. Du fait que la progression du navire n'était pas surveillée à l'aide de l'ECS, du radar ou d'un autre instrument de navigation, l'équipe à la passerelle n'a pas perccedil;u le danger qui guettait le navire.
  3. Le manque de sommeil a contribué à la fatigue du capitaine, et cet état de fatigue a probablement nui à son rendement. Les troubles du sommeil éprouvés par le capitaine ont pu être exacerbés par les effets secondaires néfastes liés à l'arrêt du tabac et à l'utilisation d'un médicament d'ordonnance.
  4. Les réglages de l'échosondeur n'avaient pas été effectués, et le fait que l'équipe n'était pas familière avec le délai d'avertissement plus court a empêché une intervention rapide.

Fait établi quant aux risques

  1. La décision de déséchouer le navire sans d'abord faire une évaluation des avaries a augmenté le risque de dommages supplémentaires.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Mesures prises par Seaway Marine Transport

À la suite de l'événement, la société Seaway Marine Transport (SMT) a pris les mesures suivantes :

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Par conséquent, le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Croquis des lieux de l'événement

Annexe A. Croquis des lieux de l'événement
Croquis des lieux de l'événement

Annexe B - Heures de veille et de sommeil du capitaine

Date Heure Heures de sommeil par période Heures totales de sommeil dans la journée
24 mai 2008 14 h 00 - 16 h 00
23 h 00 - 24 h 00
2,0
1,0
3,0
25 mai 2008 00 h 00 - 02 h 30
05 h 30 - 08 h 00
2,5
2,5
5,0
26 mai 2008 00 h 30 - 03 h 30 3,0
3,0
27 mai 2008 06 h 00 - 09 h 30
20 h 45 - 22 h 00
3,5
1,25
4,75
28 mai 2008 02 h 00 - 04 h 45 2,75 2,75