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Rapport d'enquête maritime M02L0021

Rupture de la coque
du vraquier Lake Carling
Golfe Saint-Laurent (Québec)
Le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 18 mars 2002, le Lake Carling a chargé une cargaison de boulettes de minerai de fer au quai no 2 à Sept-Îles (Québec) avant d'appareiller le jour même à destination de Point Lisas, Trinidad. Le lendemain matin, pendant une ronde régulière, on a constaté qu'il y avait de l'eau dans la cale no 4. Une inspection plus poussée a révélé la présence d'une cassure de 6 m dans le bordé de muraille de bâbord. À cause de la glace de mer, il a été impossible de maintenir en place un paillet obturateur pour ralentir l'envahissement et les pompes de cale ne réussissaient pas à le limiter.

Des pompes supplémentaires transbordées d'un navire de la Garde côtière affecté au secteur ont permis de stabiliser la situation. Le 21 mars, le remorqueur d'assistance Ryan Leet est arrivé sur les lieux. À l'aide de pompes plus puissantes, et après avoir partiellement colmaté la cassure de l'extérieur, on a réussi à assécher la cale no 4. Le navire a pu gagner les eaux abritées de la baie de Gaspé où on a procédé à des travaux de calfatage additionnels. Le 26 mars, le navire a levé l'ancre pour se rendre à Québec afin d'y faire exécuter des réparations permanentes.

Renseignements de base

« LAKE Carling »
Port d'attache Majuro
Pavillon Îles Marshall
Numéro OMI 8418758
Type Vraquier
Jauge bruteNote de bas de page 1 17 464
Longueur 180 m
Tirant d'eau Avant : 9.7 m Arrière : 10.08 m
Construction 1992, Istanbul (Turquie)
Propulsion Moteur diesel Sulzer 6680 kW,entraînant une hélice à pas fixe
Cargaison 24 654 tm de boulettes de minéral de fer
Équipage 19 personnes
Propriétaire enregistré Bay Ocean Management Inc.

Description du navire

Le Lake Carling est un vraquier de type handysize classique dont la passerelle, les emménagements et la salle des machines sont placés derrière les cinq cales à cargaison. Il s'agit d'un navire sans équipement de manutention des cargaisons. La machine principale entraîne une seule hélice à pas à droite.

Déroulement du voyage

Le 14 mars 2002, le Lake Carling mouille dans le port de Sept-Îles pour attendre le chargement. Une partie du lest liquide a gelé pendant le voyage depuis Port-Alfred (Québec) et le 15 mars, le navire accoste pour terminer le déglaçage de la cale no 3. Le 17 mars, le poste de chargement est libre et le navire est prêt pour le chargement. À 23 h 30Note de bas de page 2, le navire s'amarre au poste de chargement no 2 de la Compagnie minière IOC.

Le chargement de 24 654 tm de boulettes de minerai de fer débute à 00 h 33 le 18 mars. La cargaison doit être chargée dans les cales no 1, 3 et 5 selon le plan de chargement en cales alternées du cahier de chargement du navire. On organise la séquence de chargement et de délestage de façon à maintenir les moments de flexion et les contraintes de cisaillement en .dessous des limites portuaires établies dans le cahier de chargement du navire et la séquence est vérifiée à l'aide du calculateur de chargement du navire. Le second capitaine a déjà soumis le plan de chargement à l'IOC et le chargement débute par la cale no 3.

L'ordre et la chronologie du chargement ainsi que les quantités chargées sont fournis succinctement à l'annexe A.

Le chargement est arrêté entre 4 h 15 et 5 h à cause de problèmes avec l'équipement de manutention des cargaisons du quai. À 5 h 50, le chargement est encore interrompu, cette fois à la demande du second, afin de lui permettre de délester le navire. Le chargement reprend à 8 h 53 et se poursuit jusqu'au trimage final à 12 h 31.

La vérification de la calaison effectuée par le second après le chargement révèle que les tirants d'eau sont de 9,7 m à l'avant et de 10,08 m à l'arrière. Selon le calculateur de chargement, les moments de flexion en eau calme (MFEC) maximums de haute mer sont localisés à la membrure 85 dans la cale no 4 (90 % du maximum autorisé) et à la membrure 154 dans la cale no 2. (86 %). À 13 h 50, deux remorqueurs s'amarrent à couple et à 14 h, le Lake Carling se met en route.

L'après-midi et la soirée du 18 mars ainsi que les premières heures du matin le 19 mars se passent sans incident. Le navire file environ 13,5 noeuds pendant la traversée du Golfe Saint-Laurent. Les vents sont généralement du nord ou du nord-est, de 10 à 20 noeuds. Vers 8 h, on ouvre le panneau de la cale no 4 pour une inspection de routine et le personnel du navire constate que de l'eau pénètre du côté bâbord de la cale. On en informe le capitaine. Le navire se trouve alors par 48°16′48″N et 061°21′30″W, environ 38 nm au nord des îles de la Madeleine (position 1, annexe C). Les vents sont de 20 noeuds, du nord, la température de l'air est de −6°C et la température de l'eau est près de 0°C. L'équipage ne consigne pas l'état de la mer, mais selon tous les témoignages, celui-ci n'a rien d'exceptionnel. Selon les calculs et les données historiques, la hauteur des vagues devait se situer entre 1,5 et 2,5 m avec une longueur d'onde de la houle de 56 m environ.

Après avoir immobilisé le navire, on sonne le rassemblement aux postes d'alarme et l'embarcation de sauvetage de tribord est parée. On transmet l'information concernant l'état du navire au Centre de recherche et sauvetage (SAR) de Halifax qui envoie d'autres navires océaniques dans le secteur par mesure de précaution. Vers 9 h, le Berge arrive sur les lieux. À 9 h 25, un aéronef SAR survole le Lake Carling et largue des combinaisons d'immersion supplémentaires demandées par le capitaineNote de bas de page 3. À la première tentative, les combinaisons ratent le navire et ne peuvent être récupérées. À la seconde tentative, les 10 combinaisons d'immersion larguées sont repêchées par l'équipage du Lake Carling. Vers 10 h 35, un autre navire, le Degero, arrive pour prêter assistance.

Au cours de l'après-midi, un aéronef SAR largue des pompes additionnelles. Lorsque le garde-côte George R. Pearkes arrive sur les lieux, les deux navires de commerce qui sont venus à la rescousse du Lake Carling sont libérés. L'équipage du Lake Carling tente d'appliquer un paillet obturateur à l'extérieur de la coque du navire pour ralentir l'envahissement, mais la présence de glace de mer complique l'opération. Vers 19 h 25, le paillet obturateur est finalement en place. Grâce aux pompes de cale et aux pompes de sauvetage, l'envahissement est limité et le volume d'eau dans la cale no 4 est maintenu à 3350 m3 environ (le volume maximal de la cale no 4 est approximativement de 8900 m3).

Le lendemain 20 mars, les vents tournent au sud-est. En attendant l'arrivée d'un remorqueur d'assistance venu de Halifax (Nouvelle-Écosse), on décide d'aller se réfugier dans une zone relativement abritée au nord-est des îles de la Madeleine. À 9 h 08, la machine est mise en avant très lente et le navire met le cap au sud-ouest, escorté du George R. Pearkes. Vers 15 h 15, le Lake Carling mouille l'ancre au nord-ouest des îles de la Madeleine. L'action continue des pompes réussit à stabiliser le niveau d'eau dans la cale no 4 autour de 3250 m3.

Photo 1. Le Lake Carling est immobilisé dans les glaces le 22 mars 2002 (on aperçoit le remorqueur d'assistance Ryan Leet sur bâbord).
Le <em>Lake Carling</em> est immobilisé dans les glaces le 22 mars 2002 (on aperçoit le remorqueur d'assistance <em>Ryan Leet</em> sur bâbord).

Le lendemain 21 mars, le remorqueur d'assistance Ryan Leet arrive à 7 h 50. Plus tôt le matin, le paillet obturateur a été détruit par de la glace de mer flottante. Une grosse pompe de sauvetage du Ryan Leet est transbordée sur le Lake Carling afin d'assécher la cale no 4. Vers 16 h, un plongeur descend dans l'eau pour commencer à calfater la cassure par l'extérieur.

Vers 9 h 40 le 22 mars, la cale est asséchée et un ouvrage de renforcement est installé sur la cassure par l'intérieur pour limiter l'envahissement. Plus tard dans la journée, les vents tournent à l'ouest-sud-ouest et augmentent à 40 noeuds, provoquant la formation de vagues de 3 m. On décide de se réfugier dans la baie de Gaspé pour s'y abriter temporairement. Le tampon de visite du plafond de ballast de la cale no 4 a été enlevé afin de donner accès à la cale aux pompes de ballast du navire. Il est décidé de transférer du lest liquide dans la cale pour le trajet vers la baie de Gaspé de façon à réduire le MFEC au niveau de la cassure.

Le trajet jusqu'à la baie de Gaspé n'est pas sans risque, car des embruns verglaçants provoquent l'accumulation de glace sur le tiers avant du navire, ce qui augmente le MFEC. Vers la fin de l'après-midi du 23 mars, le Lake Carling arrive en eaux plus calmes et mouille l'ancre dans la baie de Gaspé. La cassure ne s'est pas étendue de façon notable depuis la découverte initiale parce qu'on a percé un trou à son extrémité pour en stopper la propagation.

Le mauvais temps empêche le Lake Carling de reprendre sa route avant le 26 mars, date à laquelle il lève l'ancre pour se diriger vers Québec afin d'y subir des réparations permanentes. Le 28 mars, le navire s'amarre à Québec pour y décharger une partie de sa cargaison. Des réparations conformes aux spécifications de la société de classification Det Norske Veritas (DNV) sont effectuées sur le navire à flot et, le 4 avril, des inspecteurs chargés du contrôle par l'État du port et l'expert maritime du DNV autorisent le navire à appareiller.

Rupture du bordé de muraille

Photo 2. Cassure principale
Cassure principale

La cassure principale dans le bordé de muraille était localisée du côté bâbord à la membrure 91 et s'étendait vers le haut et vers l'avant depuis le bord de la soudure à la base de la membrure du bordé de muraille. La cassure traversait les membrures 92 et 93 via les virures H et J et se terminait juste avant la membrure 94 (virure K) dans la citerne de ballast supérieure no 4, qui était alors vide. La cassure dans le bordé se divisait à l'emboîture de la tôle inclinée de la citerne de ballast; une des branches continuait sur 45 cm dans la tôle inclinée de la citerne de ballast à peu près perpendiculairement au point de jonction - l'autre branche s'étendait sur le bordé de muraille vers le haut et vers l'avant sur une longueur d'environ 40 cm au-delà du point de jonction. La longueur totale de la cassure sur la muraille était d'environ 6 m.

L'inspection visuelle et l'analyse en laboratoire ont indiqué que la cassure principale était née à la base de la membrure 91 (au bord de la soudure)Note de bas de page 4. Le point d'origine de la cassure se trouvait à 1,3 m sous l'axe neutre du module de résistance du milieu du navire.

La cassure principale se trouvait dans la moitié avant d'une manifestation de fissure qui était apparente de part et d'autre de la membrure. Cinq manifestations de fissure analogues ont été décelées dans la cale no 4, aux membrures 89 et 93 à bâbord et aux membrures 85, 91 et 96 à tribord. Toutes ces manifestations semblaient partir d'un point situé près de la base de la membrure au bord de la soudure et donner naissance à deux fissures, une à l'avant et l'autre à l'arrière de la membrure, d'une longueur d'à peu près 75 mm chacune, montrant une configuration générale en « V » caractéristique. Certains exemples typiques relevés du côté bâbord sont montrés ci-dessous (photos 3 , 4 et 5). Toutes ces fissures étaient rouillées et semblaient avoir un certain âge.

Photo 3. Membrure 93
Membrure 93
Photo 4. Membrure 89
Membrure 89
Photo 5. Membrure 91 (arr.)
Membrure 91 (arr.)
Photo 6. Membrure 171½, tribord
Membrure 171½, tribord

Dans la cale no 2, on a aussi repéré quatre fissures; aux membrures 171½ (photo 6) et 172½ à tribord, et aux membrures 144 et 145 à bâbord. Contrairement aux fissures trouvées dans la cale no 4, toutes les fissures de la cale no 2 avaient été couvertes de soudure superficielle. L'épaisseur de pénétration de la soudure dans le bordé ne dépassait pas quelques millimètres. Il a été impossible de savoir quand et par qui ces réparations avaient été faites, et les dossiers du DNV ne contiennent nulle mention, ni des fissures ni des réparations. Contrairement aux manifestations de fissures de la cale no 4, celles-ci ne se propageaient pas à l'avant et à l'arrière de la membrure; ainsi, la fissure de la membrure 171½ était limitée à l'avant de la membrure.

Ténacité exigée de l'acier utilisé dans la construction des navires

Il convient de rappeler que c'est à la suite de défaillances structurales spectaculaires dues à des ruptures fragiles, notamment sur des « Liberty Ships » et des pétroliers T-2 au cours de la Seconde Guerre mondiale et des années subséquentes qu'on a établi des critères de ténacité pour l'acier utilisé dans la construction des naviresNote de bas de page 5. Les enquêtes et les recherches subséquentes ont abouti à l'adoption de l'essai de résilience Charpy V (ERC) comme fondement de la norme .de ténacité fixée pour certains aciers employés dans la construction de navires en acier soudéNote de bas de page 6. En 1954, le DNV est devenu la première société de classification à imposer l'ERC pour l'agrément des caractéristiques de ténacité des aciersNote de bas de page 7.

Dans les années 1950, les sociétés de classification ont voulu réviser les exigences en vue de garantir la qualité des aciers. En 1959, à la suite de plusieurs réunions, sept grandes sociétés de classification ont publié un recueil d'exigences communes (Unified Rules - Règles unifiées) pour les navires à coque métallique. Après bien des discussions, on s'est entendu pour décréter que seules les nuances d'acier des classes D et E devraient être soumises à l'ERC; pour la classe D, le seuil d'approbation de l'acier était établi à 35 pi/lb (47 joules) à 0 °C. Au cours des années suivantes, une foule d'autres investigations touchant la ténacité et la résistance à la rupture des matériaux constituant des bordés de navires ont été menées par plusieurs groupes dont le Ship Structure Committee (Comité des structures de navires) américainNote de bas de page 8.

En 1974-1975, les normes ont été rehaussées, mais cela n'a pas suffi à éliminer les ruptures fragiles sur les navires malgré l'implantation de précautions de conception et de stratégies antifissures, de même que d'exigences de ténacité pour certains aciers (mais pas tous), en vue de prévenir les ruptures sur les navires. Il a été difficile d'établir des corrélations exactes et fiables entre l'énergie de rupture à l'ERC et la ténacité de l'acierNote de bas de page 9. Il a été démontré que la température de transition ductile-fragile (TTDF) combinée avec l'énergie de déchirure dynamique fournissait un bon indicateur de la ténacité et un point de comparaison raisonnable pour les aciers de structure. Néanmoins, l'ERC demeure la norme dans l'industrie.

À l'heure actuelle, les exigences de l'International Association of Classification Societies (IACS) décrivent quatre nuances d'acier de résistance normaleNote de bas de page 10. Sur ce plan, les exigences du DNV sont identiques à celles de l'IACS. Toutes les nuances d'acier ont la même limite d'élasticité conventionnelle et la même résistance à la traction, ainsi que les mêmes caractéristiques d'allongement, mais chaque nuance doit montrer une énergie de rupture à l'ERC minimale à différentes températures d'essai. Le tableau ci-dessus résume les exigences applicables à l'acier de résistance normale d'une épaisseur de 50 mm ou moins.

Nuance Température (°C) ERC (Joules) Longitudinale / Transversale
A aucune requise aucune requise
B - 27(a) 20
D −20 27 20
E −40 27 20
(a) L'ERC n'est généralement pas exigé pour l'acier de nuance B d'une épaisseur de 25 mm ou moins.

Même si on n'exige pas d'ERC minimum pour l'acier de nuance A (et pour l'acier de nuance B de 25 mm d'épaisseur ou moins), l'IACS donne des instructions concernant l'acier exposé à des températures de service basses en partant de l'hypothèse que cet acier aura une ERC longitudinale de 27 J à +10 °CNote de bas de page 11. Certaines sociétés de classification, comme le Lloyd's Register, ont promulgué des règles exigeant que le fabricant de l'acier procède à des vérifications internes afin de s'assurer que l'acier de nuance A a une ERC minimale de 27 J à +20 °C. Le DNV aurait aussi des normes similaires à celles du Lloyd's Register concernant les aciers de nuance A, mais il s'agit apparemment de consignes internes et non pas de règles.

Lors d'un examen récent des propriétés de rupture de l'acier du Lloyd's Register de nuance A employé pour la construction de navires, le Lloyd's a constaté que sur un total de 39 éprouvettes provenant de différents aciéristes d'un peu partout dans le monde, l'ERC moyenne la plus basse enregistrée était de 49 J à 0 °C (sur une seule éprouvette) tandis que la valeur moyenne à cette température pour les 39 éprouvettes était bien plus élevée, soit 134 JNote de bas de page 12. Cinq éprouvettes, cependant, avaient des TTDF supérieures à 0 °C et quatre autres éprouvettes se situaient entre -6 et -1 °CNote de bas de page 13.

Les dimensions du grain de l'acier de ces éprouvettes de l'American Society for Testing and Materials International (ASTM) variaient entre 7,5 et 10, plus de 97 % des éprouvettes (38 sur 39) se situant à 8 ou plusNote de bas de page 14. Plus le grain de l'acier est petit, plus nombreux sont les joints de grain que renferme une éprouvette. Comme les joints de grain offrent essentiellement une plus grande dureté, les métaux dont le grain est plus petit ont habituellement une meilleure résistance à la rupture que ceux dont le grain est plus gros.

Lake Carling - Historique de la construction

Le Lake Carling a été construit en Turquie en 1992 selon la norme 1A1 du DNV et les normes du Registre polonais. Le navire a été renforcé pour le transport de pondéreux en vrac et a reçu la cote glace 1C du DNV. Selon le descriptif du navire, les cales nos 2 et 4 peuvent être vides (chargement en cales alternées). Les virures H, J et K sont faites d'acier de nuance A, de 19 mm d'épaisseur, laminé dans le sens de la longueur du navire. La virure G, juste en-dessous de la virure H, est de qualité analogue aux virures précitées, mais son épaisseur ne dépasse pas 15 mm. En construction navale, on emploie souvent de l'acier de nuance A pour la fabrication de la majeure partie de la charpente des coques, comme cela a été le cas pour le Lake Carling. La virure de carreau (virure L) et le pont de résistance étaient faits d'acier de nuance E de 30 mm d'épaisseur.

La dureté, la résistance à la traction et la microstructure de la virure H près du point d'origine de la cassure ont été examinées et trouvées conformes aux exigences ou, lorsqu'il n'y avait pas d'exigences établies, sans défaut. Des ERC effectués sur des éprouvettes ont donné les résultats suivantsNote de bas de page 15;

Température (°C) ERC (Joules) Longitudinale / Transversale
+20 33 29
+10 26 31(a)
0 18 15
−10 10 8
−20 7 7
(a) ERC plus élevées en raison de la dispersion expérimentale.

Les éprouvettes métalliques du Lake Carling montrent une TTDF de 32 °C. La dimension du grain ASTM de l'éprouvette testée était de l'ordre de 5 ou 6.

Remplacement des membrures inférieures

En mars 2001, le Lake Carling est passé en cale sèche à Gdansk (Pologne) pour y subir diverses réparations ainsi qu'une inspection annuelle régulière. À cette occasion, les sections inférieures de 62 membrures ont été remplacées et on a procédé à des inspections minutieuses de toutes les cales. Des 10 membrures où on a plus tard relevé des manifestations de fissures (y compris la cassure principale), quatre ont eu leurs sections inférieures remplacées à cette occasion. Il s'agit de la membrure 171½ à tribord (cale no 2) ainsi que des membrures 89, 91 et 93 à bâbord (cale no 4).

Historique des chargements antérieurs

On a consulté les registres du navire pour examiner toutes les opérations de chargement et de déchargement qui ont eu lieu entre le moment où le navire a quitté le chantier naval de Gdansk le 26 mars 2001 et celui du chargement à Sept-Îles juste avant la rupture de la coque. La majorité des cargaisons manutentionnées au cours de cette période consistaient soit en du vrac de moyenne densité comme de la syénite néphélinique (1,25 tm/m3), du sucre (0,9 tm/m3) et de la potasse (1 tm/m3), ou encore des marchandises diverses non unitisées et de l'acier en bobine, en brames ou en billettes.

Le navire n'a chargé qu'à une seule occasion au cours de cette période (avant le chargement de minerai de fer à Sept-Îles) du vrac à haute densité, à savoir un chargement de zinc/plomb (2 tm/m3). Cette cargaison, prise à Belledune (Nouveau-Brunswick) en octobre 2001, a été chargée dans les cinq cales, à un rythme de 20 à 29 t/min, soit bien en deça de la capacité de ballastage du navire. En autant que l'on puisse en juger, le navire a été correctement chargé à chaque occasion après le départ de Gdansk, la seule exception possible étant un voyage entre Thunder Bay (Ontario) et Montréal (Québec) en novembre/décembre 2001.

Le 26 novembre 2001, le Lake Carling a appareillé à Hamilton sur lest (avec 6152 tm de lest liquide dans la cale no 3) à destination de Thunder Bay. Les tirants d'eau relevés dans le canal Welland étaient de 6,38 m à l'avant et de 6,85 m à l'arrière. Le navire a affronté du gros temps sur les lacs Huron et Supérieur (vents du nord-est de 30 à 40 noeuds avec des vagues de 4 m). La température de l'eau était froide - près de 5 °C. Le navire est arrivé à Thunder Bay le 29 novembre au petit matin et a mouillé l'ancre. Le BST a été incapable de trouver des inscriptions permettant de déterminer quand exactement la cale no 3 a été délestée, en eaux non abritées, au cours du trajet vers Thunder Bay. Cependant, le MFEC aurait atteint 107 % de la valeur admissible à la membrure 91. Plus tard ce jour-là, le navire a été déplacé vers le quai de chargement pour prendre une cargaison de potasse. Selon le plan d'arrimage et les calculateurs de chargement, la potasse a été répartie comme il suit :

Cale Poids (tm)
1 4255
2 2818
3 6249
4 0
5 4688

Selon les imprimés des calculateurs de chargement (conditions portuaires), le moment de flexion créé par cette répartition est de 78 055 t-m et il est appliqué à la membrure 86. Cela correspond à 79 % du moment de flexion admissible qui est, rappelons-le, de 99 375 t-m, mais à 103 % de la limite de mer, laquelle est de 75 900 t-m à cet endroit. Aucun imprimé de calcul de chargement pour les conditions de mer n'était disponible. Le navire a appareillé de Thunder Bay dans cette condition, avec des tirants de 7,99 m à l'avant et de 8 m à l'arrière. Exception faite de cette traversée, toutes les autres conditions à l'appareillage examinées entre le 26 mars 2001 et le 16 mars 2002 ont été correctement consignées (condition à l'appareillage = condition de mer du calculateur de chargement).

Le navire a pris la mer le 30 novembre pour arriver à Montréal le 5 décembre afin de compléter sa cargaison avec un chargement de 6000 tm de syénite dans la cale no 4. Après le chargement de la syénite, les moments de flexion de mer sont devenus inférieurs aux maximums approuvés pour le navire. Le Lake Carling a quitté Montréal le 5 décembre pour la traversée de l'Atlantique, au cours de laquelle il a dû affronter deux jours de conditions météorologiques difficiles au milieu du voyage (vents de 40 à 60 noeuds).

Navires jumeaux

Deux autres navires ont été construits selon les mêmes plans et le même cahier des charges que le Lake Carling, au même chantier naval. La coque numéro 14, plus tard devenue le Lake Charles, a été construite en 1990. La coque numéro 15, construite en 1992, est devenue le Lake Champlain. Le Lake Carling a été aménagé à partir de la coque numéro 16. Les trois navires étaient exploités par Bay Ocean Inc. du New Jersey (É.-U.).

Le Lake Charles a été inspecté par les agents du BST à Sorel (Québec) en mars 2002. Une attention spéciale a été accordée à la partie inférieure des membrures du bordé de muraille. Aucune manifestation de fissure en « V » n'y a été décelée; cependant, dans la cale no 4, les bouts des membrures se trouvaient à environ 100 mm au-dessus de la soudure joignant les virures G et H. Par comparaison, cette distance était d'environ 25 mm sur le Lake Carling. Le Lake Champlain a été inspecté par des représentants de la compagnie alors qu'il se trouvait en cale sèche en Pologne en mai 2002. Aucune manifestation de fissure en « V » n'a été trouvée, mais les bouts des membrures étaient en moyenne à 90 mm environ au-dessus de la ligne de soudure.

Analyse

Sur un navire bien entretenu, des ruptures importantes peuvent être provoquées par l'un ou plusieurs des facteurs suivantsNote de bas de page 16;

  • Des forces anormales s'exerçant à l'intérieur de la charpente du navire ou sur celle-ci;
  • La présence de pailles ou d'entailles à l'intérieur des pièces de charpente où les cassures prennent naissance;
  • Des propriétés physiques inadéquates de l'acier de charpente aux températures de service.

Ces trois facteurs sont entrés en jeu dans la rupture du bordé de muraille du Lake Carling. Les fissures mineures, contrairement aux ruptures importantes, sont une réalité courante inévitable sur les vraquiers ou sur n'importe quel autre type de grand navire. D'où l'importance de la tolérance aux avaries du navire, c'est-à-dire la distance sur laquelle une paille ou une fissure attaquant toute l'épaisseur du matériau peut se propager avant de devenir critique. En présumant que le chargement et les forces dynamiques restent à l'intérieur des paramètres de conception, c'est la ténacité du métal qui, en bout de ligne, déterminera cette distance.

Naissance de la fissure dans le bordé de muraille

Le Lake Carling a subi une inspection en cale sèche environ un an avant l'événement. Une attention spéciale a été apportée à cette occasion à la partie inférieure des membrures du bordé de muraille parce que nombre de ces membrures, y compris la membrure 91 de bâbord, venaient d'être remplacées. Puisqu'aucune des six fissures dans la cale no 4 n'avait déjà été réparée et que les quatre fissures de la cale no 2 n'avaient été réparées que superficiellement, il est très improbable que ces fissures aient été présentes à l'époque du passage en cale sèche.

La naissance d'une fissure peut être provoquée par plusieurs causes, notamment un délestage mal calculé pendant le chargement; des tirants d'eau insuffisant lors de la traversée d'une voie maritime sur lest; une répartition asymétrique du chargement; des avaries causées par des apparaux de déchargement; le heurt violent de la muraille contre les bajoyers lors de la traversée des écluses; ou le dépassement des MFEC de mer approuvés. Des méthodes de soudage et des détails de construction localisés inadéquats peuvent aussi provoquer la naissance de fissures ou y contribuer. Une fois formées, les fissures passeront ordinairement par un stade de croissance lente et stable, selon les conditions d'exploitation du navire.

Il semble y avoir des ressemblances superficielles entre les dix fissures, ce qui porterait à croire qu'elles ont été provoquées par les mêmes mécanismes, mais certaines différences importantes sont aussi évidentes entre les fissures de la cale no 4 et celles de la cale no 2. Dans la cale no 4, les six fissures, trois à bâbord et trois à tribord, sont concentrées dans une zone de huit membrures et, à chaque endroit, les fissures sont généralement symétriques et s'étendent en avant et en arrière de la membrure. Aucune n'a été réparée et trois membrures ont été remplacées pendant le passage en cale sèche à Gdansk. En revanche, dans la cale no 2, les quatre fissures ne s'étendent pas toutes symétriquement en avant et en arrière de la membrure, et à la membrure 171½, il n'y a pas de fissure en arrière de la membrure. De plus, les fissures ne sont pas concentrées dans une zone limitée de la cale; deux se trouvent dans la partie avant et deux dans la partie arrière.

Les quatre fissures de la cale no 2 ont été superficiellement réparées et une seule membrure a été remplacée lors du passage en cale sèche à Gdansk. Une autre différence majeure réside dans les détails de construction. Toutes les membrures touchées dans la cale no 4 sont du type à goussets séparés tandis que celles de la cale no 2 sont du type à goussets solidaires. Les facteurs de concentration des contraintes comme les discontinuités dues à la guillochure (échancrure) dans la membrure de muraille et la proximité du point de variation de l'épaisseur des tôles à la soudure du bordé ne sont pas complètement identiques.

Quatre des membrures se trouvant aux dix emplacements de fissures avaient été éboutées pour en changer le bas. Il ne semble pas y avoir de corrélation étroite entre les membrures remplacées en cale sèche et les emplacements de fissures, mais il est impossible de rejeter entièrement l'existence d'une telle corrélation. La moitié des fissures (3 sur 6) de la cale no 4 étaient localisées à des endroits où des membrures avaient été éboutées pour en remplacer le bas. Compte tenu de ce facteur, il est très probable que les fissures dans la cale no 4 ont été créées par les mêmes mécanismes à un moment quelconque entre le passage en cale sèche à Gdansk et le chargement à Sept-Îles. Même si les fissures dans la cale no 2 ont probablement été créées au cours de cette même période, il est moins certain qu'elles aient été provoquées par les mêmes mécanismes que celles de la cale no 4.

Plusieurs causes ont pu provoquer la formation des fissures de la cale no 4. Le délestage dans des eaux non abritées et/ou un chargement mal équilibré quatre mois avant la rupture de la coque sont des causes possibles. En ce qui concerne le scénario du délestage, le MFEC imposé à la poutre-coque au niveau de la membrure 91 atteignait 107 % du maximum admissible approuvé. En ce qui concerne le scénario du chargement incorrect, le MFEC à la membrure 86 atteignait 103 % de la limite de mer admissible approuvée. Étant les plus loin de l'axe neutre, les contraintes maximales devaient s'exercer dans le bordé de pont et le bordé de fond. Toutefois, l'effet des contraintes globales et localisées combinées devait quand même se faire sentir de façon importante dans la partie inférieure des membrures du bordé de muraille. Le bâtiment a navigué dans cette condition pendant 5 jours, de Thunder Bay à Montréal, dans de l'eau dont la température voisinait les 5 °C. Après le départ de Montréal, le navire a affronté du très gros temps dans l'Atlantique nord. Si de petites fissures se sont formées à cause d'un chargement mal équilibré et de la température froide de l'eau entre Thunder Bay et Montréal, elles ont pu s'agrandir sous l'effet de ces sollicitations dynamiques.

À cause des caractéristiques particulières des assemblages soudés (joints retenus) aux extrémités inférieures des membrures du bordé de muraille, cette zone était susceptible de retenir les contraintes résiduelles. La coïncidence de plusieurs facteurs de concentration des contraintes, notamment :

  • les discontinuités dues à la guillochure (échancrure) dans la membrure;
  • la proximité des extrémités inférieures des membrures avec les joints de soudures du bordé (peut-être accrue lorsque les membrures ont été partiellement remplacées à Gdansk);
  • la variation de l'épaisseur des tôles aux joints de soudure du bordé de muraille;
  • la présence de contrainte résiduelles;

ont créé les conditions requises, en présence de contraintes élevées et de températures ambiantes froides, pour entraîner la formation de petites fissures à la base des membrures du bordé de muraille entre les membrures 85 et 96 dans la cale no 4Note de bas de page 17.

La période d'exploitation de quatre mois précédant l'événement constitue un laps de temps raisonnablement suffisant pour permettre à ces fissures de s'agrandir imperceptiblement sous l'effet des sollicitations dynamiques s'exerçant sur la poutre-coque.

Rupture du bordé de muraille

Comme le navire a été correctement chargé à Sept-Îles dans des conditions de mer relativement calmes, on ne peut relier la rupture à ces facteurs opérationnels et environnementaux. En dernière analyse, la petite fissure à la hauteur de la membrure 91 n'est devenue critique qu'en raison de facteurs associés aux propriétés physiques de l'acier ainsi qu'à la température ambiante.

L'acier de nuance A employé dans la fabrication du bordé de muraille du Lake Carling était « conforme aux spécifications », du moins pour la résistance à la traction, mais il n'existe pas encore de spécifications exigeant une énergie de rupture minimale à l'ERC. La ténacité relativement faible du bordé de muraille en présence de températures voisines de 0 °C a permis à la fissure avant de la membrure 91 (bâbord) de s'agrandir jusqu'à provoquer une défaillance sous une charge bien inférieure à la résistance à la traction du matériau. La longueur de cette fissure au moment où elle est devenue critique n'a pas été déterminée, mais des calculs ont révélé qu'elle ne dépassait peut-être pas 10 cm.

Selon les règles unifiées de l'IACS, l'acier de nuance A de moins de 50 mm d'épaisseur (et l'acier de nuance B de 25 mm d'épaisseur ou moins) n'ont pas à démontrer une ERC minimale. Selon ces règles, ces nuances d'acier peuvent être utilisées pour la fabrication des bordés de navires. Des essais ont montré que l'ERC moyenne de l'acier de nuance A disponible un peu partout dans le monde est souvent assez élevée et la dimension de grain, relativement faibleNote de bas de page 18. Cela a pour effet d'établir une norme de facto - les propriétaires et les constructeurs de navires ainsi que les sociétés de classification présument tous que l'acier de nuance A offre une ténacité suffisante pour toutes les conditions d'exploitation et ils sont dépendants de ce postulat. Toutefois, sans normes véritables, les présomptions ne sont pas toujours suffisantes pour garantir une ténacité et une tolérance aux avaries adéquates.

Même si la relation entre l'ERC et la ténacité n'est pas nécessairement nette, le système a été utilisé avec un succès relatif par toutes les grandes sociétés de classification depuis de nombreuses années pour obtenir une estimation qualitative de la ténacité des matériaux. Il n'est cependant pas requis d'employer de l'acier offrant une ERC minimale à des températures d'exploitation basses pour les murailles des navires (qui sont ordinairement en acier de nuance A). Néanmoins, les navires de charge traversent souvent des zones où les températures ambiantes sont près de 0 °C ou inférieures et ces températures basses ont généralement pour effet de réduire l'aptitude de l'acier à résister à la propagation des fissures.

La dimension du grain et l'énergie à l'impact pour l'ERC, et donc la ténacité de l'acier de nuance A utilisé dans la construction du Lake Carling, étaient bien en-dessous de la norme de facto si l'on compare avec les caractéristiques moyennes des aciers de nuance A offerts un peu partout dans le monde. Le rendement de cet acier était inférieur aux attentes et n'offrait pas une tolérance aux avaries raisonnable dans toutes les conditions d'exploitation.

Normes de ténacité de l'acier et tolérance aux avaries

Le Lake Carling était relativement neuf et avait été récemment inspecté, pourtant une rupture importante est née de ce qui devait être une fissure tolérable (10 cm) dans le bordé de muraille. L'événement du Lake Carling, bien qu'apparemment rare, n'est très certainement pas unique.

Des données historiques ont révélé que près des trois-quarts des pertes de vie dans des sinistres à bord de vraquiers sont attribuables à des défaillances de structureNote de bas de page 19. D'autres données tirées de la base de données sur les sinistres maritimes du Lloyd's révèlent que 23 vraquiers ont coulé en eaux froides sur vingt ans; pourtant, la cause de ces naufrages demeure inconnueNote de bas de page 20. Voici une liste de naufrages remarquables répertoriés dans la banque de données du BST :

  • Jalamorari, transporteur de marchandises générales, décembre 1982
  • Charlie, vraquier, janvier 1990
  • Protektor, vraquier, janvier 1991
  • Marika, vraquier, janvier 1994
  • Salvadore Allende, décembre 1994
  • Leader L, mars 2000

Bien que ces naufrages soient presque invariablement survenus par gros temps, ils se sont aussi tous produits sous des températures froides. En raison du peu d'indices recueillis sur les scènes des naufrages, il a été impossible de déterminer avec certitude la cause de ces tragédies. Même si le Programme de contrôle renforcé (Enhanced Survey Program - ESP) et d'autres initiatives plus récentes qui ont été mises en place pour réduire les risques auxquels sont exposés les vraquiers contribuent à accroître de plus en plus la sécurité, le cas du Lake Carling peut être perçu comme un exemple du risque résiduel qui subsiste malgré ces initiatives. Une évaluation récente par l'IACS des options de limitation des risques (OLR) en ce qui concerne l'intégrité du bordé de muraille des vraquiers a mis en évidence 15 OLR, dont 11 ont été retenues pour complément d'investigationNote de bas de page 21. Même si l'une des options faisait appel à l'utilisation obligatoire d'acier résistant aux entailles et de matériel de soudage associé pour les goussets des membrures, la ténacité du métal employé pour le bordé de muraille n'était ni traitée ni identifiée comme une OLR.

L'utilisation d'acier de ténacité inconnue dans la construction des navires a été remise en question dans différents rapports et actions en justice, notamment pour le naufrage du Derbyshire, les ruptures fragiles du Tyne Bridge et la séparation en deux du KurdistanNote de bas de page 22. Lors de la réouverture de l'enquête concernant le Derbyshire (présidée par le juge Coleman [R.-U.]), la citation ci-après a été reprise :

  • (Traduction)
    Selon les propriétés de l'acier et/ou de la soudure, la température ambiante et l'emplacement de la fissure, une fissure d'aussi peu que 30 mm peut être suffisante pour amorcer une rupture fragile à propagation rapideNote de bas de page 23.

La ténacité de l'acier du Derbyshire n'a pas été examinée davantage parce qu'aucune éprouvette n'avait été prélevée sur l'épave afin de procéder à des essais. Dans son analyse indépendante du naufrage du Derbyshire, le professeur émérite d'architecture navale D. Faulkner (University of Glasgow, Écosse), affirme être en faveur d'une remise en question de l'emploi de métal de ténacité inconnue pour la construction des coques de navireNote de bas de page 24.

Bien que l'initiative récente du Lloyd's pour qualifier la ténacité des aciers de nuance A puisse sembler constituer une amélioration par rapport aux normes existantes, l'exigence de 27 joules à 20 °C est inférieure aux résultats du Lake Carling; et 20 °C est certainement bien au-dessus des températures que la plupart des navires peuvent s'attendre à rencontrer à un moment ou à un autre. De plus, le Lloyd's laisse au fabricant le soin de s'assurer que l'acier répond à cette exigence au moyen de vérifications « internes ». Cette mesure, si bien intentionnée qu'elle soit, ne constitue pas vraiment un outil de contrôle de la qualité, c'est plutôt une indication que la ténacité de l'acier de nuance A était, et demeure toujours, un sujet de préoccupation. Il a été suggéré qu'une TTDF inférieure à 0 °C était nécessaire pour assurer une ténacité suffisante de l'acier des coques de navireNote de bas de page 25. Dans l'étude du Lloyd's des propriétés de rupture de l'acier de nuance A, 5 des 39 éprouvettes (près de 13 %) avaient une TTDF supérieure à 0 °C, tandis que 4 autres éprouvettes (10 %) avaient une TTDF de -6 °C ou plus. Pour le Lake Carling, on a déterminé que la TTDF était de 32 °C. Dans d'autres industries, la production d'électricité par exemple, on diminue les risques associés aux ruptures fragiles en s'assurant que les pressions d'exploitation ne sont permises que lorsque l'élément est à une température voisinant ou dépassant sa TTDFNote de bas de page 26.

Une étude récente a révélé, d'après l'examen des données disponibles, que la résistance à la formation de cassure des tôles faites d'acier de nuance A pouvait varier de façon importanteNote de bas de page 27. D'autres études aboutissent à des conclusions similaires et prônent l'adoption d'une norme minimale de ténacité pour tous les métaux et les soudures employés dans les coques de naviresNote de bas de page 28. En fait, depuis plus de 40 ans, la norme pour les navires de guerre canadiens est de 40 J à -40 °C alors qu'une norme de 100 J à -20 °C a aussi été proposée comme minimum afin d'assurer une tolérance aux avaries suffisante et une protection adéquate contre les ruptures fragilesNote de bas de page 29. Un vaste tour d'horizon de la grande quantité d'écrits qui traitent des propriétés de résistance à la rupture des bordés de navires faits d'acier de nuance A aboutit à la conclusion que « ...la capacité d'arrêt des fissures des tôles d'acier de nuance A est médiocre et probablement inadéquate pour la plupart des applications sur les navires »Note de bas de page 30 (Traduction). Néanmoins, il semblerait que nonobstant la ténacité moyenne élevée et la qualité de la plupart des aciers, certains aciers de nuances A et B qui ne sont pas adéquats dans toutes les conditions sont toujours produits et utilisés dans la construction des coques de navires.

Dans l'industrie maritime, les normes évoluent au fil des ans, habituellement à la suite d'événements et de catastrophes très médiatisés. À cause de la nature des activités des vraquiers, les murailles de ces navires sont exposées à des flexions et elles sont plus vulnérables aux avaries découlant de fissures que toute autre partie du navireNote de bas de page 31. Lorsque des navires disparaissent sans laisser de trace ou sont inaccessibles, il est impossible de déterminer la relation de cause à effet de la ténacité des matériaux avec la perte du navire.

Le Lake Carling a pris un chargement de minerai de fer dans le port de Sept-Îles et la cassure a été découverte alors que le navire ne se trouvait pas très loin au large des côtes dans le Golfe Saint-Laurent. Cela a permis aux agents du BST de bien examiner les cassures et d'analyser minutieusement l'événement sous tous ses aspects, y compris les circonstances y ayant conduit, la cause de la rupture et les propriétés mécaniques de l'acier.

Un fait demeure certain - tous les navires, et spécialement les vraquiers, qui sont exploités en eaux froides et dont le bordé de muraille est fait de métal dont les caractéristiques sont similaires à celles du Lake Carling courent des risques. La tolérance aux avaries peut être moins qu'adéquate et des fissures non décelées ou jugées négligeables peuvent néanmoins faire courir un risque non négligeable sous des basses températures. Compte tenu des incertitudes qui subsistent concernant la ténacité de certains aciers de nuance A et B, ainsi que du manque de stabilité de cette ténacité, il semble qu'il subsiste encore des risques résiduels de ruptures fragiles sur les navires dont les coques sont faites de ces aciers, surtout lorsqu'ils sont exploités sous des climats froids.

Réparations non rapportées

Les fissures dans la cale no 2 ont été réparées d'une manière non conforme aux normes et n'ont pas été signalées à la société de classification. Dans son rapport concernant la défaillance structurale et le naufrage du vraquier Leader L, la société de classification polonaise conclut :

  • (Traduction)
    Afin d'assurer sa résistance locale, la structure doit aussi être continuellement surveillée. Cela nécessite une étroite coopération de la part de la société de classification, de l'armateur et de l'équipage (afin de consigner les avaries et les défauts relevés), ce qui n'est pas toujours le casNote de bas de page 32.

Une des principales mesures de réduction des risques mise en oeuvre dans les années 1990 concernant les défaillances de structure des vraquiers a été le Programme de contrôle renforcé (ESP). Une étude a démontré que l'ESP avait une efficacité générale de l'ordre de 19 % pour les navires visés par cette catégorie de sinistreNote de bas de page 33.

Même si le navire était exploité sous le régime de l'ESP, certaines fissures dans la coque du Lake Carling sont passées inaperçues et n'ont pas été réparées. Et lorsque les fissures ont été réparées, les réparations n'ont pas été exécutées à la satisfaction de la société de classification et n'ont pas été signalées. Cette omission a accru les risques courus par le navire et l'équipage.

Combinaisons d'immersion

Même si le Lake Carling avait à bord le nombre minimal requis de combinaisons d'immersion - une pour chaque membre de l'équipage du bateau de secours - dans les premières heures suivant la découverte de la cassure, le capitaine a demandé que des combinaisons additionnelles soient larguées par un aéronef SAR. Il s'agissait d'une décision prudente, même si, en bout de ligne, ces combinaisons n'ont jamais servi. Le largage a été possible en raison de la disponibilité immédiate de ressources SAR et de combinaisons supplémentaires.

Depuis leur adoption dans l'industrie maritime, les combinaisons d'immersion se sont avérées constituer un moyen de protection efficace et fiable contre les pertes de vie dues à l'hypothermie. À bord de navires canadiens, le transport de combinaisons d'immersion pour tous les membres d'équipage est obligatoire depuis 1983Note de bas de page 34. Le BST a recensé de nombreux cas où les combinaisons d'immersion ont sauvé des vies.

  • En décembre 1990, un membre d'équipage d'un bateau de pêche a été repêché après un séjour de sept heures dans l'eau froide.
  • En janvier 1993, un membre d'équipage d'un bateau de pêche a été repêché après avoir passé environ cinq heures dans la mer glaciale;
  • En février 1995, un membre d'équipage d'un bateau de pêche a été repêché après avoir passé deux heures dans l'eau froide;
  • En décembre 2001, les deux membres d'un équipage de quatre personnes qui portaient des combinaisons d'immersion ont survécu comparativement à un seul des deux autres (qui ne portaient pas de combinaisons d'immersion).

En 2001, à la suite de l'enquête sur le Flare, le Canada a soumis une proposition à la 74e session du Comité de la sécurité maritime (CSM) de l'OMINote de bas de page 35. En 2002, le sous-comité sur la conception et l'équipement des navires du CSM a émis l'opinion que le transport d'un nombre suffisant de combinaisons d'immersion pour toutes les personnes à bord devrait être rendu obligatoire sur les navires de charge, surtout dans les cas où des sinistres sont survenus sous des climats froids. Dans certaines circonstances, cela pourra donner aux personnes impliquées une meilleure chance de survivre et d'être repêchées.

Lors de sa réunion de mars 2003, le sous-comité sur la conception et l'équipement s'est encore penché sur la question et, sous réserve notamment de la définition de « climats chauds » où le transport de combinaisons d'immersion ne serait pas requis, a élaboré et présenté au CSM une ébauche de modifications proposées à la règle III/32.3 de la SOLAS (Engins de sauvetage individuels).

Le BST a constaté que certains risques résiduels semblaient subsister même lorsque le navire transportait des combinaisons d'immersion pour tous les membres de l'équipage, spécialement en ce qui concerne l'entretien des fermetures-éclairs. Les enquêtes passées ont montré qu'un entretien inadéquat des fermetures-éclairs pouvait annuler les avantages de la disponibilité d'une combinaison d'immersion. Toute nouvelle exigence concernant la généralisation du transport de combinaisons d'immersion devrait être accompagnée de dispositions visant à assurer la formation de l'équipage et un bon entretien de l'équipement. Le sous-comité sur la conception et l'équipement des navires est actuellement en train d'élaborer des lignes directrices afin d'assurer la vérification périodique des coutures et des dispositifs de fermeture des combinaisons d'immersion (et des survêtements protecteurs). Ces lignes directrices devront être approuvées par le CSM.

Le BST loue ces initiatives.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Les caractéristiques particulières des assemblages soudés (joints retenus) aux extrémités inférieures des membrures du bordé de muraille rendaient cette zone vulnérable à la création de contraintes résiduelles.
  2. Les conditions étaient propices à la formation de petites fissures initiales aux extrémités inférieures de certaines membrures entre les membrures 85 et 96 dans la cale no 4, à cause :
    • des charges de service plus grandes que celles qui étaient approuvées pour le navire;
    • de la présence probable de contraintes résiduelles;
    • de facteurs de concentration des contraintes dus à la discontinuité créée par la guillochure (échancrure) dans la membrure;
    • du fait que la membrure était proche du joint soudé de la tôle de bordé;
    • du changement dans l'épaisseur du bordé à la tôle de bordé.
  3. La ténacité relativement faible de l'acier du bordé de muraille en présence de température voisine de 0 °C a permis à la fissure avant voisine de la membrure 91 (bâbord) de s'agrandir jusqu'à provoquer une rupture sous une charge bien inférieure à la résistance à la traction du matériau. La longueur de cette fissure au moment où elle est devenue critique n'a pas été déterminée, mais elle ne dépassait peut-être pas 10 cm.
  4. Environ quatre mois avant cet événement, le Lake Carling a été soumis à des charges de service qui dépassaient le moment de flexion maximum de haute mer admissible.

Faits établis quant au risque

  1. Il n'existe pas de règles unifiées exigeant l'emploi d'acier de ténacité certifiée ou d'une TTDF minimale au niveau des murailles pour les navires de charge qui sont souvent appelés à naviguer dans des zones où les températures ambiantes sont près de 0 °C ou inférieures.
  2. Étant donné la ténacité variable et non qualifiée de certains aciers de nuances A et B, il semblerait que des risques résiduels de ruptures fragiles subsistent sur les navires dont les coques sont faites de ces aciers, spécialement lorsqu'ils sont exploités sous des climats froids.
  3. Le gros grain de l'acier et la faible énergie de rupture à l'ERC du bordé de muraille du Lake Carling ont résulté en une ténacité inférieure aux attentes qui n'assure pas une tolérance aux avaries suffisantes dans toutes les conditions d'exploitation.
  4. Des fissures ont été décelées à la base de quatre membrures dans la cale no 2 et des réparations ont été effectuées. Ni ces fissures ni les réparations subséquentes n'ont été consignées ou signalées à la société de classification; d'ailleurs, les réparations n'ont pas été faites selon les normes de la société de classification.
  5. Le Lake Carling respectait les exigences minimales de la SOLAS concernant le nombre de combinaisons d'immersion transportées. Cependant, même si le bâtiment devait souvent naviguer dans des régions où la température descendait en bas de zéro, il n'y avait pas assez de combinaisons d'immersion pour tous les membres de l'équipage - cela n'est pas exigé par les règlements actuels.
  6. Plusieurs membrures du bordé de muraille ont été réparées à Gdansk un an avant la rupture du bordé de muraille. Bien qu'il ne semble pas y avoir une forte corrélation entre la cassure principale (et d'autres fissures découvertes à la base des membrures) et ces réparations, l'existence d'une telle corrélation ne peut être complètement écartée.

Autres faits établis

  1. Même s'il était construit selon un cahier des charges permettant le chargement en cales alternées, le Lake Carling était rarement chargé de cette façon. Le chargement en cales alternées impose de plus grands MFEC à la structure.

Mesures de sécurité

Mesures de sécurité prises

Même s'il n'y a pas de lien direct avec les événements ayant abouti à la rupture de la coque du Lake Carling, il convient de mentionner que la question du chargement en cales alternées a été abordée à l'OMI; il a plus spécialement été question des avantages possibles de l'interdiction du chargement de pondéreux en cales alternées dans des conditions de pleine charge et notamment de la réduction des contraintes de cisaillement et des moments de flexion associée au chargement homogène dans toutes les calesNote de bas de page 36. Lors de réunions ultérieures du CSM, il a été convenu que le sous-comité de la conception et de l'équipement élaborerait des projets de modification du chapitre XII de la SOLAS dont les grandes lignes seraient les suivantes :

  • Les vraquiers sous pleine charge (90 % du port en lourd au franc-bord applicable) à murailles simples et d'une longueur de 150 m et plus, qui ont été construits avant le 1er juillet 1999 et sont âgés d'au moins 10 ans, ou qui ont été construits après le 1er juillet 1999 et ne sont pas conformes au chapitre XII de la SOLAS et à la section S12 Rev 2.1 des Règles unifiées de l'IACS, ne seront pas autorisés à naviguer avec une cale vide. L'interdiction ne s'appliquera pas aux navires qui ont été construits avant le 1er juillet 1999 s'ils sont conformes au chapitre XII de la SOLAS et à la section S12 Rev 2.1 des Règles unifiées de l'IACSNote de bas de page 37.

La proposition sera à nouveau discutée en 2004 à la réunion 47 du sous-comité sur la conception et l'équipement.

Préoccupation relative à la sécurité

L'utilisation d'acier de nuances A et B dont on ne connaît ni la ténacité ni la température de transition ductile-fragile (TTDF) au niveau des murailles de navires a, par le passé et jusqu'à aujourd'hui, permis l'emploi pour la construction de certains navires d'acier qui n'est pas adéquat sous toutes les conditions ambiantes. Comme la muraille des navires, et tout spécialement des vraquiers, est exposée à la flexion, elle est plus vulnérable aux avaries dues aux fissures que toute autre partie du navire. La formation d'une fissure est le premier stade de l'apparition d'une rupture importante. Une fois qu'une fissure s'est formée, seule la tolérance aux avaries du matériau peut empêcher ce défaut nuisible de conduire à une catastrophe. La tolérance aux avaries du matériau est intimement reliée à la ténacité - qualité qui peut se détériorer brusquement sous des températures voisines de 0°C si certaines caractéristiques de l'acier, telles que sa teneur en carbone ou la dimension du grain, ne sont pas optimales.

Depuis 50 ans, les avis des spécialistes des matériaux des diverses sociétés de classification, et même à l'intérieur d'une même société, sont partagés. D'un côté, certains font valoir que le statu quo est satisfaisant et offre une protection suffisante contre les ruptures fragiles. Le statu quo est cependant éminemment évolutif. Les normes contemporaines sont plus rigoureuses que celles de 1950, à cause surtout de quelques catastrophes minutieusement analysées. D'un autre côté, des faits concrets ainsi que la consultation des ouvrages pertinents mettent en évidence l'absence de normes de ténacité dans ce domaine de la construction navale, situation que d'éminents chefs de file mondiaux ont d'ailleurs dénoncée.

Selon une récente revue des données statistiques de la période de 1988 à 1998 pour les navires de plus de 500 tjb , près de 50 % des pertes totales de navires étaient attribuables aux « conditions météorologiques » ou à des « causes diverses »Note de bas de page 38. On peut penser que cette statistique dissimule d'autres cas de défaillance de structure. Une proportion considérable de ces pertes peut, à n'en pas douter, être due à des défaillances structurales - et bon nombre de ces défaillances pourraient être le résultat de ruptures fragiles. Comme la majorité des épaves ne peuvent être minutieusement examinées, on attribue les pertes aux « conditions météorologiques » ou à des « causes diverses ». Toutefois, les « conditions météorologiques » même si elles peuvent jouer un rôle, ne peuvent pas vraiment être considérées comme une cause première dans plusieurs accidents puisque les navires modernes sont construits pour résister aux conditions météorologiques difficiles.

Même si l'énergie de rupture moyenne à l'essai de résilience Charpy V (ERC) des aciers de nuances A et B d'aujourd'hui est généralement assez élevée, 33 % des éprouvettes testées par le Lloyd's Register avaient une TTDF supérieure à −10°C. En outre, 5 des 39 éprouvettes (12,8 %) avaient une TTDF supérieure à 0°C. Une évaluation raisonnable de ces résultats doit nécessairement conclure à l'existence d'une ténacité moins qu'adéquate. Quelle que soit la définition, même une norme de 27 J à 20°C est une norme peu élevée - mais cela demeure une norme. Le fait même que l'acier de nuance A soit, par définition, un acier sans norme de ténacité doit nous préoccuper.

Des mesures comme la présence de détecteurs d'eau dans les cales à cargaison constituent une protection raisonnable et un facteur de réduction du risque et ne sont pas dépourvues de mérite, mais il s'agit d'un moyen de défense réactif plutôt que proactif.

Le Bureau juge encourageante l'intention de l'IACS de calculer la longueur critique de fissure en tenant compte des caractéristiques réelles des matériaux mentionnées dans ce rapport. À la lumière des résultats de cette analyse, l'IACS déterminera apparemment s'il faut (ou non) instaurer une sélection des propriétés des matériaux pour les bordés de muraille dans les zones de parois simples des tranches de la cargaison et des machines pour les navires renforcés en vue de la navigation dans les glaces. Le Bureau juge aussi encourageants les travaux de l'OMI en vue de restreindre le chargement en cales alternées ainsi que la proposition de l'organisme en vue d'établir des normes de construction des nouveaux navires fondées sur des objectifs.

Le Bureau est toutefois préoccupé par le fait que même si on s'entend sur une norme, celle-ci, si elle est trop peu exigeante, imposera des contraintes non désirées et inutiles tout en n'apportant que des avantages douteux sur le plan de la sécurité. De plus, jusqu'à ce que ces restrictions ou règlements aient pris effet, les vraquiers existants et leurs équipages continueront de courir des risques. De plus, même les navires non renforcés pour la navigation dans les glaces sont régulièrement appelés à naviguer dans des eaux où la température est voisine de 0°C. En limitant les modifications éventuelles de la règle unifiée S6 de l'IACS UR (Utilisation de nuances d'acier pour diverses membrures de coque) aux navires renforcés pour la navigation dans les glaces, cela laissera les autres navires encore exposés à des risques résiduels inacceptables.

Le Bureau va continuer de suivre de près l'évolution de ce dossier.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Chargement à Sept-Îles

Heure Cale Poids (tm) Rythme (tm/min)
début fin
33 234 3 6002 496
304 355 1 3429 672
410 536 5 3159 367
545 550 5 339 678
853 1029 3 4663 486
1035 1103 1 1991 711
1111 1159 5 3601 75
1210 1231 1 1400 666

Annexe B - Comparaison de l'ERC et de la dimension du grain

Annexe B1. Comparaison de l'ERC
Comparaison de l'ERC
Annexe B2. Dimension de grain ASTM
Dimension de grain ASTM

Annexe C - Carte de l'ensemble de la zone

Annexe C. Carte de l'ensemble de la zone
Carte de l'ensemble de la zone