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Enquête de sécurité du transport aérien A13H0001

Impact sans perte de contrôle
7506406 Canada Inc.
Sikorsky S-76A (hélicoptère), C-GIMY
Moosonee (Ontario)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 31 mai 2013, vers 0 h 11, heure avancée de l'Est, l'hélicoptère Sikorsky S-76A (immatriculé C-GIMY, numéro de série 760055), effectuant le vol LifeFlight 8 selon les règles de vol à vue, a décollé de nuit de la piste 06 à l'aéroport de Moosonee (Ontario) à destination de l'aéroport d'Attawapiskat (Ontario), avec 2 pilotes et 2 ambulanciers paramédicaux à bord. Alors que l'hélicoptère franchissait les 300 pieds au-dessus du sol pour atteindre son altitude de croisière prévue de 1000 pieds au-dessus du niveau de la mer, le pilote aux commandes a amorcé un virage à gauche en direction de l'aéroport d'Attawapiskat, situé à environ 119 milles marins au nord-ouest de l'aéroport de Moosonee. Vingt-trois secondes plus tard, l'hélicoptère a heurté des arbres puis a percuté le relief d'une zone broussailleuse et marécageuse. L'aéronef a été détruit par la force de l'impact et l'incendie qui a suivi. Le système de suivi par satellite de l'hélicoptère a transmis un message de décollage puis est devenu inactif. Le système de recherche et sauvetage par satellite n'a détecté aucun signal de la radiobalise de repérage d'urgence. Vers 5 h 43, un aéronef de recherche et sauvetage a découvert l'endroit où l'hélicoptère s'était écrasé, à environ 1 mille marin au nord-est de la piste 06, et a déployé des techniciens en recherche et sauvetage. Toutefois, il n'y a eu aucun survivant.

1.0 Renseignements de base

L'annexe 13 de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) exige des États qui effectuent des enquêtes sur les accidents de protéger les enregistrements des conversations dans le poste de pilotage Note de bas de page 1. Le Canada se conforme à cette exigence en protégeant tous les équipements d'enregistrement embarqués – y compris les enregistreurs de conversations de poste de pilotage (CVR) – privilégiés en vertu de la Loi sur le Bureau canadien d'enquête sur les accidents de transport et de la sécurité des transports. Même si le BST peut faire usage de toute l'information que contiennent les enregistreurs de bord dans l'intérêt de la sécurité des transports, il n'est pas autorisé à divulguer sciemment toute partie d'un enregistrement de bord qui n'a aucun rapport avec les causes ou les facteurs contributifs d'un accident ou avec la détermination des lacunes de sécurité.

La raison pour laquelle on protège l'information que contiennent les CVR se fonde sur le principe selon lequel les pilotes continueront de s'exprimer librement et que ces conversations seront mises à la disposition des enquêtes de sécurité. Le BST a toujours pris très au sérieux ses obligations en la matière et a rigoureusement limité l'usage des données des CVR dans ses rapports. À moins que le contenu du CVR soit requis pour étayer un fait établi et cerner un manquement important à la sécurité, il n'est pas inclus dans le rapport du BST.

Pour valider les enjeux de sécurité soulevés par la présente enquête, le BST s'est servi de l'information provenant du CVR dans son rapport. Dans chaque cas, nous avons soigneusement examiné ces renseignements pour nous assurer qu'ils étaient nécessaires pour promouvoir la sécurité des transports.

1.1 Déroulement du vol

Le 30 mai 2013, à 18 h 45 Note de bas de page 2, le centre de contrôle des opérations (CCO) d'Ornge Note de bas de page 3 a reçu une demande de transfert par hélicoptère-ambulance d'un patient pédiatrique, d'Attawapiskat (Ontario) à Moose Factory (Ontario). Le médecin qui a fait la demande avait classé l'état de santé du patient en tant que condition urgente. Le règlement 257/00 pris en application de la Loi sur les ambulances de l'Ontario définit une urgence comme étant une situation où tout retard de réponse à un appel de service pourrait représenter une menace pour la vie d'une personne ou l'intégrité d'un de ses membres ou de sa fonction Note de bas de page 4. Étant donné que l'équipe de jour terminait son quart de travail à 19 h, le CCO d'Ornge a décidé de dépêcher l'équipe de nuit à 19 h. À 19 h 18, après avoir vérifié les conditions météorologiques, le capitaine a refusé d'effectuer le vol à cause du mauvais temps. À 20 h 9, après la diffusion d'une nouvelle succession de situations météorologiques pour la région, le CCO a communiqué avec le capitaine pour lui demander de revérifier les conditions météorologiques. Le capitaine a réitéré qu'il ne pouvait effectuer le vol à cause du mauvais temps. À 23 h 19, le capitaine a communiqué avec le CCO pour l'informer que les conditions météorologiques s'étaient améliorées et qu'il acceptait d'effectuer le vol. L'équipage de conduite s'est rendu à l'aéroport de Moosonee (CYMO) (Ontario), et a fait préparer l'hélicoptère et avitailler en carburant pour le vol selon les règles de vol à vue (VFR) à destination de l'aéroport d'Attawapiskat qui devait durer 1 heure et 48 minutes Note de bas de page 5. Outre le capitaine et le premier officier, 2 ambulanciers paramédicaux se trouvaient à bord de l'aéronef.

Vers minuit, les pilotes en cause dans l'événement ont commencé la liste de vérification avant le démarrage. Le premier officier, qui occupait le siège de droite, était le pilote aux commandes (PF). Le capitaine, qui occupait le siège de gauche, était le pilote surveillant (PM). À bord du S-76, le capitaine occupe normalement le siège de droite; toutefois, dans certaines circonstances, un premier officier peut voler à partir du siège de droite. Ces circonstances seront abordées plus loin dans le rapport.

Après avoir démarré le premier moteur et engagé le rotor principal, l'équipage de conduite a reçu le bulletin météorologique du système automatisé d'observation météorologique (AWOS) à CYMO. Le premier officier a ensuite amorcé la séquence de démarrage du deuxième moteur. Alors que la vitesse du deuxième moteur augmentait pour atteindre le régime de ralenti, le capitaine a tout d'abord dit qu'il avait de la difficulté à trouver l'interrupteur rotatif d'intensité lumineuse des instruments de vol, lequel se trouvait sur la console centrale entre les sièges des pilotes. Le capitaine a ensuite informé le premier officier qu'il avait une lampe de poche au cas où il aurait de nouveau de la difficulté à repérer un interrupteur.

Durant la suite des vérifications de démarrage du moteur, le premier officier a annoncé « 150 », soit la hauteur de décision du radioaltimètre (que l'on appelle souvent le curseur de faible hauteur du radioaltimètre) que les pilotes du S-76A utilisent couramment à 7506406 Canada Inc. (ci-après désignée Ornge Rotor-Wing [RW] [voilure tournante]). Le capitaine n'a pas accusé réception de l'annonce « 150 » du premier officier. Peu de temps après, le premier officier a déplacé la manette du moteur et le levier de commande des gaz en position de vol, conformément à la liste de vérification.

Le premier officier a ensuite informé le capitaine que le départ se ferait depuis la piste 06 et serait suivi d'un virage à gauche vers Attawapiskat. Il n'a pas mentionné d'altitude de virage prévue ni de mesures prévues en cas d'urgence durant le décollage, comme l'exigent les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie. Le capitaine a indiqué son accord avec l'exposé du premier officier.

Quelques instants plus tard, le premier officier a annoncé les vérifications de roulage et a amorcé le roulage vers la piste 06, en terminant les vérifications de roulage en cours de route. L'équipage a ensuite fait les vérifications de décollage. Lorsque le capitaine a demandé les valeurs d'altimètre et de radioaltimètre, le premier officier a répondu qu'il avait un calage altimétrique de 30,00 pouces de mercure (in. Hg), et que l'altimètre indiquait 20 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl). Le premier officier a également indiqué qu'il avait réglé le curseur de faible hauteur du radioaltimètre à 150 pieds. Le capitaine n'a répété aucun de ces renseignements; plutôt, il est passé à l'étape suivante de la liste de vérification. Quelques instants plus tard, le capitaine a demandé le cap compas et le cap. Le premier officier a répondu qu'ils étaient de 137 et 140 respectivement. Le capitaine n'a pas répété les réglages compas de son côté du poste de pilotage. Le premier officier a ensuite achevé son exposé de décollage en indiquant que le décollage se ferait depuis la piste 06, avec les annonces d'usage selon les SOP, suivi d'un virage à gauche vers Attawapiskat. Après une courte pause, le premier officier a ajouté que le vol à destination d'Attawapiskat se déroulerait à 1000 pieds. Alors que l'équipage se préparait à décoller, le capitaine a temporairement eu, de nouveau, de la difficulté à trouver l'interrupteur rotatif pour régler l'intensité lumineuse des instruments de vol.

Vers 0 h 11, le premier officier a ouvert les gaz, et l'hélicoptère a quitté le sol en vol stationnaire. Le premier officier a indiqué que le centre de gravité lui semblait correct, et le capitaine a dit que l'hélicoptère développait un couple d'environ 80 % en vol stationnaire. Après avoir vérifié que les instruments moteurs fonctionnaient bien, le premier officier a amorcé le départ le long de la piste 06. Durant la transition initiale au vol vers l'avant, le capitaine a annoncé le couple moteur à 85 %, à 90 %, puis à 95 %. Immédiatement après avoir annoncé 95 %, le capitaine a indiqué que la vitesse anémométrique avait augmenté à 35 nœuds. Le premier officier a alors indiqué qu'il amorçait la montée. Le capitaine a annoncé 52 nœuds, puis 74 nœuds, puis a confirmé que l'aéronef avait une vitesse ascensionnelle nette et qu'il montait d'environ 400 pieds par minute.

Environ 10 secondes plus tard, le premier officier a demandé la vérification après-décollage. Le capitaine a dit qu'ils franchissaient les 300 pieds au-dessus du sol (agl). Immédiatement après, le premier officier a informé le capitaine qu'il amorçait un virage à gauche. Le capitaine a accusé réception de l'annonce et a commencé la liste de vérification après décollage, en disant que le train était en mouvement, que le système de flottabilité de secours de l'aéronef était désamorcé et que les compas étaient asservis. Le capitaine a également offert au premier officier d'éteindre le phare d'atterrissage à sa place. Environ 5 secondes plus tard, le capitaine a répété qu'il allait éteindre le phare d'atterrissage; 2 secondes après, il a annoncé « inclinaison de 30 degrés ». Le premier officier a accusé réception de l'annonce, a indiqué que l'inclinaison était trop prononcée et s'est excusé. Une seconde plus tard, l'avertisseur de train d'atterrissage a retenti; le capitaine a signalé que l'hélicoptère descendait et a dit : « Montons ». L'aéronef a percuté le relief moins d'une seconde plus tard alors qu'il suivait un cap d'environ 318 ° magnétiques (M). Vingt-trois secondes se sont écoulées entre le moment où le premier officier a informé le capitaine qu'il amorçait le virage à gauche et le moment de l'impact.

L'aéronef en cause était équipé d'un système de suivi par satellite, qui transmet des rapports de décollage, d'atterrissage et de position toutes les 2 minutes. Le système a transmis un message de décollage à 0 h 11, puis est devenu inactif 2 minutes plus tard. Vers 0 h 33, se doutant qu'il y avait un problème, le préposé au suivi des vols en service a tenté de communiquer avec l'équipage de conduite en cause en appelant le téléphone cellulaire du pilote de réserve (que porte normalement sur lui l'un des pilotes de réserve), puis la base, et enfin le téléphone satellite à bord de l'aéronef. Il a répété ce processus à quelques reprises. À 0 h 47, le préposé au suivi des vols a résumé la situation au gestionnaire des opérations, et a informé le centre d'information de vol (FIC) de London. Le FIC de London a alors lancé une recherche par les moyens de communication pour tenter de joindre l'équipage de conduite en question par radio. Peu après 1 h, on a confirmé que l'aéronef ne se trouvait plus à CYMO, et qu'on avait reçu des rapports d'arbres embrasés à quelques milles au nord-est de CYMO. On a informé le détachement local de la Police provinciale de l'Ontario (O.P.P.), avant de communiquer avec le centre conjoint de coordination de sauvetage à 1 h 12. Un Hercules CC130 et un Griffon CH146 basés à Trenton (Ontario) ont été dépêchés pour retrouver l'aéronef manquant. À 1 h 25, Ornge a mis en œuvre son plan d'intervention d'urgence. À 5 h 43, le CC130 a repéré le lieu de l'écrasement, et les techniciens de recherche et sauvetage (SAR TECH) ont été parachutés sur les lieux. Une fois rendus sur place, les techniciens ont rapporté qu'il n'y avait aucun survivant.

1.2 Tués et blessés

Tableau 1. Tués et blessés
Blessure Équipage Passagers Autres Total
Décédés 2 2 4
Blessés graves
Blessés légers / Indemnes
Total 2 2 4

1.3 Dommages à l'aéronef

L'hélicoptère a été détruit par la force de l'impact et l'incendie qui a suivi.

1.4 Autres dommages

L'accident est survenu dans un secteur densément boisé, loin de toute zone bâtie.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Généralités

Tableau 2. Renseignements généraux : capitaine et premier officier
  Capitaine Premier officier
Licence Licence de pilote de ligne (hélicoptère) Licence de pilote professionnel (hélicoptère)
Date d'expiration du certificat de validation 1er juillet 2013 1er décembre 2013
Nombre total d'heures de vol 11 500 3706
Nombre total d'heures, pilote aux commandes 10 430 3369
Nombre total d'heures, pilote aux commandes sur S-76A 150 0
Nombre total d'heures de vol aux instruments (réel/simulé) 244 33
Nombre total d'heures de vol sur simulateur 82 51
Nombre total d'heures de vol la nuit 650 140
Nombre total d'heures de vol (hélicoptère) 10 800 3706
Heures de vol sur type 500 158
Heures de vol dans les 7 derniers jours 6,2 4,9
Heures de vol dans les 30 derniers jours 14,8 19,3
Heures de vol dans les 90 derniers jours 66,2 61,3
Heures de vol dans les 365 derniers jours 170,8 281
Heures hors service avant le début de la période de travail 24 12

1.5.2 Capitaine

1.5.2.1 Généralités

Le capitaine était titulaire d'une licence de pilote de ligne (ATPL) canadienne – Hélicoptère, ainsi que de qualifications de type sur Bell 206, 212, 222, 47, Eurocopter 135 et AS350, Messerschmitt–Bolkow–Blohm BK117, Robinson R44, et Sikorsky S-76. Il avait une qualification de vol aux instruments de groupe 4 valide jusqu'au 1er avril 2015. Le capitaine était aussi technicien d'entretien d'aéronefs breveté.

1.5.2.2 Chef pilote, ministère des Ressources naturelles de l'Ontario

Au moment de l'événement, le capitaine qui avait un emploi à temps plein comme chef pilote (CP) de la division des appareils à voilure tournante, au ministère des Ressources naturelles de l'Ontario (MRN), travaillait à temps partiel comme capitaine à Ornge RW durant ses vacances. L'enquête a déterminé que le capitaine était très respecté de ses subordonnés, pairs et supérieurs.

Au MRN, les vols à bord d'appareils à voilure tournante se font de jour et de nuit en mode VFR; toutefois, ces activités sont principalement des vols VFR de jour. En 2005, le MRN a adopté les lunettes de vision nocturne (LVN) pour ses opérations VFR de nuit. Bien que le port de LVN ne soit pas obligatoire pour tous les vols VFR de nuit du MRN, tous les vols VFR de nuit prévus effectués pour des clients du MRN s'effectuent avec des LVN. Dans le cas des autres vols VFR de nuit, les pilotes portent des LVN lorsque celles-ci sont disponibles et s'ils ont reçu la formation et ont les compétences nécessaires pour effectuer des vols à l'aide de LVN. Le capitaine en cause dans l'événement avait joué un rôle pivot dans l'adoption des LVN au MRN.

Les pilotes du MRN reçoivent une formation au vol aux instruments durant l'entraînement périodique annuel sur simulateur, et on leur permet de procéder à un entraînement au vol aux instruments lorsqu'ils effectuent un vol dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC) si un pilote de sécurité se trouve à bord de l'aéronef.

Avant de se joindre à Ornge RW en mars 2013, le capitaine avait effectué, au fil des ans, quelques vols de mise en place à destination et au départ de CYMO alors qu'il était au service du MRN. Tous ces vols avaient été effectués durant les heures de jour. D'après son carnet de vol, le capitaine avait noté que la dernière fois qu'il s'était rendu à CYMO avant d'entrer au service d'Ornge RW était à l'été 2012.

1.5.2.3 Expérience antérieure du capitaine des services médicaux d'urgence

En décembre 2001, le capitaine avait réussi la formation initiale sur le S-76A. Au cours de l'année suivante, il a volé occasionnellement à temps partiel pour le compte de l'exploitant antérieur, qui avait été retenu par le gouvernement de l'Ontario pour fournir les services d'ambulance aérienne par hélicoptère. Le capitaine avait laissé échoir son contrôle de compétence pilote (CCP) pour le S-76A en 2003. Puis, en mars 2007, il avait effectué 3 vols d'entraînement avec l'exploitant antérieur de services médicaux d'urgence par hélicoptère (SMUH). Peu de temps après, le capitaine a demandé et obtenu la permission du MRN de se livrer à un travail à temps partiel supplémentaire comme capitaine pour les services médicaux d'urgence (SMU). Dans sa lettre d'approbation datée du 20 août 2007, le MRN disait : [traduction] « Vous devez continuer d'observer les exigences en matière de temps de service de vol et de périodes minimales de repos conformément aux règlements de Transports Canada et du MRN Note de bas de page 6 ». Malgré l'intention du capitaine de travailler comme capitaine de SMU à temps partiel en 2007, il n'avait pris part à aucun vol opérationnel durant le reste de l'année.

En avril 2008, le capitaine a réussi son CCP pour le S-76A. Durant ce contrôle, il a obtenu la cote 2 (sur une échelle de notation à 4 niveaux) pour les tâches de pilote qui n'est pas aux commandes (PNF), étant donné les difficultés qu'il avait éprouvées dans le réglage des radios et aides à la navigation comme l'exigent les SOP. D'après le Manuel contrôle de compétence pilote et qualification de type d'aéronef – Guide de test en vol (Hélicoptère) (TP 14728) de Transports Canada (TC), une cote 2 au CCP signifie que le pilote répond aux « normes de base »; on attribue cette cote lorsque « [l']exécution inclut des écarts majeurs par rapport à la norme de qualification pouvant comprendre des écarts de courte durée hors des limites prescrites, mais ces écarts sont perçus et corrigés en temps opportun Note de bas de page 7 ». Un candidat qui obtient une cote 2 pour au moins 5 séquences ou éléments durant un CCP recevra une mention « d'échec » général.

Au cours de l'été 2008, le capitaine a une fois de plus demandé la permission au MRN de travailler occasionnellement des quarts de SMU pendant l'été. Il a indiqué à la direction du MRN que l'exploitant SMU était au courant des conditions établies par le MRN dans son approbation précédente. Une fois de plus, la direction du MRN a approuvé la demande du capitaine, à condition que ce travail ne nuise pas à ses tâches pour le MRN. De plus, on lui a donné la consigne de ne pas se livrer aux 2 emplois en même temps, étant donné le règlement en matière de temps de service. Le capitaine a indiqué clairement qu'il comprenait qu'il devait se conformer au règlement sur la durée de service pour les équipages et qu'il éviterait tout excès.

Le CCP suivant du capitaine sur le S-76A a eu lieu le 10 mars 2009. Durant ce CCP, on a attribué au capitaine une cote 2 pour la partie sur la remise des gaz, car il avait mis trop de temps à trouver la bonne route d'approche interrompue, puis avait eu de la difficulté à la maintenir. Le 12 avril 2010, le capitaine a passé un autre CCP sur le S-76A. Durant ce CCP, on a attribué au capitaine une cote 2 pour la montée initiale, pour avoir momentanément laissé la vitesse ascensionnelle diminuer au départ. D'après le carnet de vol du capitaine, son dernier vol aux commandes du S-76A avant d'entrer au service d'Ornge RW avait eu lieu le 21 février 2011.

Avant de se joindre à Ornge RW, le capitaine avait effectué la grande majorité de ses vols comme pilote de SMU à partir de Sudbury (Ontario), où il avait été embauché. Pendant qu'il était au service de l'exploitant de SMU antérieur, le capitaine avait effectué quelques vols à destination et au départ de CYMO. En outre, il avait effectué 3 vols de nuit, d'une durée totale de 4 heures, comme premier officier à bord d'un S-76A au départ de CYMO en décembre 2008. Il avait également travaillé 4 quarts de jour comme commandant de bord (CdB) à CYMO en juillet 2010 au cours desquels il avait cumulé 11,7 heures de vol. Bien qu'il soit possible que le capitaine ait agi à un moment donné comme CdB durant un vol VFR de nuit au départ de CYMO, aucun dossier n'indique que le capitaine ait agi comme CdB durant un vol VFR de nuit au départ de CYMO depuis au moins 2001, moment où il avait commencé à travailler comme pilote de SMU.

1.5.2.4 Embauche du capitaine par Ornge Rotor-Wing

À la mi-janvier 2013, le capitaine a communiqué avec le gestionnaire des opérations / directeur des opérations aériennes à Ornge RW concernant la possibilité de travailler à temps partiel à Ornge RW. Dans ses échanges avec le gestionnaire des opérations / directeur des opérations aériennes, le capitaine avait indiqué que son CCP pour le S-76 avait expiré en mai 2011. Ornge RW n'a pris aucune disposition d'embauche du capitaine à ce moment-là. Puis, au début de mars 2013, le gestionnaire des opérations a demandé au capitaine s'il serait libre de commencer son entraînement plus tard ce mois-là, lui indiquant qu'il souhaitait le jumeler avec l'un des 3 pilotes nouvellement embauchés pour un cours de formation initiale sur le S-76, et que le mentorat du capitaine durant ce cours serait d'une précieuse aide aux 3 nouveaux employés.

Bien que le plan au départ eût été d'inscrire le capitaine à un cours de formation initiale sur le S-76, la compagnie avait embauché un quatrième premier officier qui devait suivre une formation initiale sur le S-76, et une place s'était libérée à la dernière minute pour un cours de formation périodique sur le S-76 qui devait avoir lieu prochainement. Ainsi, on a plutôt décidé d'inscrire le capitaine au cours de formation périodique sur le S-76, du 24 au 31 mars (temps de déplacement compris) au centre de formation CAE Inc. à Whippany (New Jersey). D'après les paragraphes 723.91 et 724.111 des Normes de service aérien commercial (NSAC) : « Si la période de validité du contrôle de compétence pilote d'un membre d'équipage de conduite est échue depuis 24 mois ou plus, ce membre doit réussir le contrôle initial de la compétence du pilote sur le type d'hélicoptère après avoir reçu la formation initiale au sol et au pilotage de l'exploitant aérien sur le type d'hélicoptère. » Étant donné que le plus récent CCP du capitaine pour le S-76A avait expiré le 1er mai 2011 (soit 22 mois plus tôt), il n'était pas tenu, d'après le règlement, de suivre la formation initiale complète sur le S-76 avant son CCP.

Comme il l'avait fait auparavant, le capitaine a abordé la question de son travail potentiel à Ornge RW avec la direction du MRN. Comme justificatif, le capitaine a fait valoir que le fait de travailler à temps partiel comme pilote de SMU lui permettrait d'acquérir plus d'expérience dans des situations de vol aux instruments et de nuit. Il a également indiqué au MRN qu'il effectuerait des quarts de travail pour le compte d'Ornge RW durant ses congés. Comme auparavant, le MRN a dit au capitaine qu'il n'avait aucune objection, pour autant que ce travail ne nuise pas à son travail au MRN. Le capitaine a ensuite informé le MRN qu'il suivrait dans un avenir rapproché la formation périodique sur le S-76. Toutefois, il n'a pas informé la direction du MRN qu'il avait déjà commencé à travailler des quarts de réserve à Ornge RW. Par conséquent, très peu de personnes, y compris la direction du MRN, savaient que le capitaine avait commencé à travailler à temps partiel à Ornge RW au moment de l'accident.

1.5.2.5 Formation périodique du capitaine sur le S-76

La formation périodique du capitaine sur le S-76, donnée par CAE, comprenait la formation au sol les 25 et 26 mars 2013, suivie d'un entraînement sur simulateur du 27 au 29 mars, et du CCP le 30 mars 2013. Avant ce CCP, le capitaine avait terminé 2 séances sur simulateur VFR et 1 séance sur simulateur IFR (règles de vol aux instruments) comme CdB. D'après les dossiers d'entraînement sur simulateur du capitaine, il avait suivi au total 1 heure de formation VFR de nuit durant la première séance de formation périodique VFR, durant laquelle il avait réalisé 5 décollages de nuit et 5 atterrissages de nuit.

Rien dans les dossiers de formation des pilotes d'Ornge RW n'atteste que le capitaine aurait suivi une formation pratique aux impacts sans perte de contrôle (CFIT) dans le cadre de l'entraînement sur simulateur conformément au manuel de formation de la compagnie approuvé par TC. D'après CAE, la formation à l'évitement des CFIT se donne dans le cadre d'un exercice en « trou noir » au cours duquel les candidats doivent décoller d'une héliplate-forme au sommet d'une falaise abrupte dans le New Jersey avant de traverser la rivière d'Hudson en direction de Manhattan, où ils reçoivent un avertissement du dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) leur signalant qu'ils s'approchent de des obstacles (c.-à-d., les gratte-ciels de la ville). Au cours de la formation, le capitaine en cause dans l'événement et son partenaire de formation ont refusé d'effectuer l'exercice en « trou noir » que l'instructeur de CAE leur demandait d'exécuter parce qu'ils étaient d'avis que l'exercice n'était pas réaliste. En conséquence, ni l'un ni l'autre des pilotes n'a effectué le décollage en « trou noir » ni n'a reçu la formation pratique sur l'évitement des CFIT qui fait partie du programme de formation périodique sur le S-76. L'instructeur a tout de même signé le formulaire de résumé de formation au sol et d'entraînement au vol et lettre de recommandation pour le CCP, et le capitaine a été recommandé pour un CCP. La section de ce formulaire réservée à l'approbation et à la recommandation comporte une déclaration du signataire à l'effet que [traduction] « J'ai passé en revue les dossiers de formation du candidat et j'affirme par la présente que le candidat répond aux exigences de formation au sol et d'entraînement au vol conformément au programme de formation approuvé décrit dans le manuel d'exploitation de la compagnie. »

Le capitaine était jumelé avec un capitaine de S-76A chevronné à Ornge RW stationné à une autre base. Deux autres pilotes de S-76A d'Ornge RW suivaient une formation périodique à Whippany au même moment. À de nombreuses reprises durant la formation périodique, le capitaine en cause dans l'événement a exprimé des inquiétudes à propos de son affectation comme capitaine à CYMO à cause de son manque d'expérience récente aux vols en IFR et de nuit et de son manque de préparation pour la formation périodique.

Le 30 mars 2013, un pilote vérificateur agréé (PVA) de la compagnie a mené les CCP du capitaine et de son partenaire. Ces CCP, d'une durée de 2 heures, ont été surveillés par l'inspecteur principal de l'exploitation (IPE) de TC responsable d'Ornge RW, dans le cadre d'activités de surveillance normales des PVA. Avant de commencer le CCP du capitaine en cause, le PVA, ayant remarqué que la qualification IFR du capitaine était échue depuis avril 2012, a discuté avec lui de son emploi à Ornge et de son expérience récente en vol de nuit et en IFR. À partir de cette discussion, le PVA a cru qu'il serait préférable de permettre d'abord au capitaine de bien se familiariser avec les fonctions de premier officier avant d'assumer les responsabilités de capitaine. Le capitaine était d'accord avec la suggestion du PVA. Ainsi, le PVA a informé le capitaine qu'il noircirait la case « P/O » (premier officier) de la section Fonction du Rapport du test en vol – contrôle de compétence pilote (formulaire 26-0249/0279) Note de bas de page 8. Toutefois, selon TC, les cases de la section Fonction du CCP n'ont aucune incidence pour les hélicoptères, et TC autorise les pilotes à agir comme CdB. TC a également indiqué qu'une entreprise peut employer un pilote en tant que capitaine peu importe la case cochée dans la section Fonction du formulaire CCP.

Le capitaine avait réussi son CCP/IFR. Il a obtenu une cote 2 pour ses compétences et connaissances techniques à cause d'écarts momentanés par rapport aux SOP de la compagnie et d'une maîtrise limitée de ces procédures. Il a également obtenu une cote 2 pour sa manœuvre de l'aéronef, à cause d'écarts momentanés par rapport aux limites spécifiées pour intercepter et suivre le radiophare non directionnel. Le formulaire CCP indique que, dans les 2 cas, les écarts avaient été corrigés dans un délai acceptable.

Le 30 mars 2013, alors qu'il se trouvait toujours à Whippany, le PVA a informé par courriel le gestionnaire des opérations et le CP adjoint que son vol de contrôle s'était bien déroulé. Dans ce même courriel, le PVA a fait savoir qu'il avait terminé les CCP du capitaine et de son partenaire de formation, en ajoutant qu'ils avaient l'un et l'autre reçu 2 cotes 2. Le PVA a informé le gestionnaire des opérations et le CP adjoint que l'IPE avait noté que le capitaine avait besoin de formation additionnelle sur les SOP de la compagnie.

Le 1er avril 2013, le PVA a informé l'IPE de TC qu'il soulèverait les lacunes relevées au cours des vols auprès du gestionnaire des opérations et du CP adjoint aussitôt que possible. Le 10 avril 2013, le PVA s'est rendu au siège social d'Ornge pour du travail lié à ses fonctions de PVA. Durant ce passage, le PVA a informé le gestionnaire des opérations et le CP adjoint qu'en raison des difficultés que le capitaine avait éprouvées durant le CCP/IFR, surtout à l'égard des procédures IFR et multipilote, celui-ci devrait servir de premier officier jusqu'à ce qu'il ait acquis plus d'expérience.

Le gestionnaire des opérations et le CP adjoint étaient au courant que le formulaire CCP signé du capitaine indiquait « premier officier », et que l'IPE de TC avait suggéré que le capitaine avait besoin de formation supplémentaire sur les SOP de la compagnie. D'après le gestionnaire des opérations et le CP adjoint, ceux-ci croyaient que du fait que la norme CCP pour les pilotes d'hélicoptère à Ornge RW était la même pour les capitaines et les premiers officiers, il était donc admissible d'employer immédiatement le capitaine dans un rôle de CdB, comme prévu. Aucune restriction n'a été imposée au capitaine à ce moment-là, et aucune mesure n'a été prise pour que le capitaine fasse l'objet d'une supervision accrue.

Au moment de l'événement, la compagnie n'avait aucun processus en place pour assurer une surveillance étroite des pilotes qui avaient eu des difficultés durant leur CCP, et la réglementation n'exigeait aucun tel processus. L'approche de la compagnie était de permettre à un capitaine titulaire d'un CCP valide de remplir les fonctions de CdB sans aucune restriction.

1.5.2.6 Formation d'introduction de la compagnie

Le 3 avril 2013, le gestionnaire des affectations d'Ornge a communiqué avec le capitaine pour savoir s'il était intéressé à être affecté à des quarts à pourvoir à CYMO. Le capitaine a répondu qu'il n'était pas en mesure de le faire puisqu'il n'avait pas encore terminé la formation d'introduction requise par la compagnie.

Le capitaine a terminé la formation d'introduction durant la troisième semaine d'avril 2013. Durant cette période, il a réussi les examens sur la formation d'introduction, les systèmes de gestion de la sécurité (SGS), et l'évitement des CFIT. Le 22 avril 2013, le capitaine a participé à la formation sur la gestion des ressources aéromédicales (GRA) de la compagnie, formation donnée par un fournisseur contractuel, et le 24 avril 2013, il a réussi l'examen pour le type d'aéronef S-76 et l'examen pour la variante modèle A.

1.5.2.7 Entraînement en ligne et formation de qualification concernant l'aérodrome et la région d'exploitation

Aux termes du Règlement de l'aviation canadien (RAC), les exploitants assujettis aux sous-parties 705 et 704 qui effectuent des vols IFR doivent donner un entraînement en ligne. Cette exigence ne s'applique pas aux exploitants régis par la sous-partie 703.

Outre l'entraînement en ligne, les exploitants de la sous-partie 704 doivent donner aux pilotes une formation de qualification concernant l'aérodrome et la région d'exploitation. On donne cette formation pour « s'assurer que le commandant de bord est qualifié pour la région d'exploitation qui lui a été confiée et qu'il a reçu la formation pertinente pour garantir la sécurité des opérations Note de bas de page 9 ». À Ornge RW, le manuel de formation de la compagnie approuvé par TC prévoit que les pilotes d'hélicoptères Agusta Aerospace Corporation 139 (AW139) et S-76 doivent recevoir une formation de qualification concernant l'aérodrome et la région d'exploitation. Ornge RW utilise un dossier de formations combinant l'entraînement en ligne et la formation de qualification concernant l'aérodrome et la région d'exploitation pour consigner ces 2 exigences de formation. Toutefois, pour les pilotes de S-76A, on ne remplit habituellement pas la partie du dossier qui porte sur l'entraînement en ligne, puisque les pilotes de S-76 de la compagnie ne sont pas soumis aux mêmes exigences de la sous-partie 704 que les pilotes d'AW139 d'Ornge RW. Le capitaine n'a pas suivi l'entraînement en ligne, et la réglementation ne l'exigeait pas.

Le 24 avril 2013, le capitaine a achevé sa formation de qualification concernant l'aérodrome et la région d'exploitation à la base de Moosonee. Cette formation, qui consistait en un exposé oral sur quelques-uns des différents aspects des opérations à cette base, a été donnée par l'un des capitaines de ligne de S-76A à CYMO, à la demande du CP adjoint. Durant la discussion, le capitaine a indiqué qu'il n'avait fait aucun entraînement en « trou noir » durant sa formation périodique en mars 2013. Ainsi, le capitaine de ligne qui a donné la formation a ajouté le commentaire [traduction] « Aucune formation à ce jour » dans la partie « Opérations en trou noir » (Black Hole Operations) du formulaire au dossier de formation combiné du capitaine.

L'enquête a permis de constater que le gestionnaire des opérations et le CP savaient que le formulaire du capitaine comprenait une note selon laquelle ce dernier n'avait reçu aucune formation sur les opérations en trou noir. Toutefois, le gestionnaire des opérations croyait que cette note inhabituelle avait fait l'objet d'un suivi et que le bureau du CP avait demandé des précisions à cet égard. Bien qu'il ait été au courant de la note inhabituelle sur le formulaire du capitaine, le CP n'a pas fait enquête, car il croyait que cet entraînement avait été fait sur simulateur.

1.5.2.8 Historique des quarts en rotation du capitaine à Ornge Rotor-Wing

La première rotation de quarts du capitaine a eu lieu du 25 avril au 4 mai 2013. Tous les quarts étaient de jour (7 h à 19 h) et dans tous les cas, le capitaine était jumelé avec le premier officier en cause dans l'événement. Le capitaine a ensuite effectué une seconde rotation de quarts à compter du 23 mai 2013. Du 23 au 29 mai 2013, le capitaine a travaillé le quart de jour à CYMO. Le capitaine et le premier officier étaient jumelés du 23 au 27 mai 2013 pour des quarts de jour. Les 28 et 29 mai 2013, le capitaine a été jumelé avec un autre premier officier pour le quart de jour. Puis, le 30 mai 2013, les pilotes en cause dans l'événement devaient travailler ensemble pour un quart de nuit (19 h à 7 h). Il s'agissait de leur premier quart de nuit ensemble, et outre les 5 décollages et atterrissages de nuit réalisés durant l'entraînement sur simulateur à la fin de mars 2013, il s'agissait du premier vol de nuit du capitaine à Ornge RW. Au moment de l'événement, le capitaine avait effectué environ 28 heures de vol sur le S-76A depuis qu'il était entré au service d'Ornge RW en mars 2013.

Le 22 mai 2013, vers 18 h 30, le capitaine est arrivé à CYMO pour son dernier quart en rotation. Au cours de ses rotations à Moosonee, le capitaine avait été considérablement occupé par les affaires du MRN. Durant l'après-midi de son quart de jour le 28 mai 2013, le capitaine a envoyé plusieurs courriels concernant les affaires du MRN. Durant son quart de jour le lendemain (29 mai 2013), il a participé par téléphone à une réunion hebdomadaire des gestionnaires du MRN qui a duré environ 45 minutes. De plus, entre les 4 vols qu'il a effectués ce jour-là, il a envoyé plus d'une cinquantaine de courriels, beaucoup d'entre eux ayant trait aux affaires du MRN.

Le jour du quart de nuit en cause (30 mai 2013), le capitaine a passé une bonne partie de la matinée et le début de l'après-midi à correspondre par courriel sur bon nombre de sujets afférents au MRN. Au total, le capitaine a envoyé 49 courriels entre 6 h 14 et 13 h 32 Note de bas de page 10. Entre 13 h 32 et 18 h 30, il n'a envoyé aucun courriel. Entre 18 h 30 et 19 h 7, il a envoyé 5 courriels, dont 3 au sujet d'un courriel qu'il avait envoyé à 13 h 7, plus tôt ce jour-là. Le même jour, le capitaine a également participé à une téléconférence du MRN qui a commencé à 9 h et a pris fin juste après 12 h 15. Les employés du MRN ayant pris part à la téléconférence ne savaient pas que le capitaine participait depuis CYMO.

Le BST a effectué une analyse de la fatigue pour déterminer si la fatigue avait joué un rôle dans l'événement à l'étude. L'analyse de la fatigue a porté sur la perturbation du sommeil, l'état de veille continu, les rythmes circadiens, l'état physique, et les niveaux d'éveil (c.-à-d., de stress). L'analyse a permis de constater que le capitaine était réveillé à 6 h 14 le matin du quart de nuit en cause dans l'événement, mais qu'il avait l'habitude de faire des siestes l'après-midi lorsqu'il était affecté à des quarts de nuit. Pour bénéficier d'un sommeil de la meilleure qualité possible, il portait des bouchons d'oreille et un masque pour les yeux la nuit ou lorsqu'il faisait des siestes. Bien qu'il n'ait pas été possible de confirmer si le capitaine avait dormi entre 13 h 32 et 18 h 30, il est fort probable qu'il l'ait fait puisqu'il avait l'habitude de le faire et qu'il n'a pas envoyé de courriels pendant une période de 5 heures. À la lumière des résultats de l'analyse de la fatigue et d'une analyse rigoureuse des communications entre les membres de l'équipage au cours du vol à l'étude, rien n'indique que la fatigue ait joué un rôle dans l'événement.

1.5.2.9 Expérience et maintien des compétences du capitaine en vol de nuit et vol selon les règles de vol aux instruments

D'après le carnet de vol du capitaine, il a effectué 1 vol de nuit en 2011. Ce vol de 3,5 heures, effectué le 8 novembre 2011, avait été fait avec des LVN. En 2012, le capitaine a effectué 3 vols de nuit en mai et en juin, pour un total de 7,7 heures de vol. Ces 3 vols avaient été faits avec des LVN. En 2013, le capitaine a effectué 4 vols de nuit qui totalisaient 7,9 heures de vol. Les 2 premiers vols de nuit ont eu lieu le 16 février 2013. Aucune formation de nuit n'avait été donnée durant l'un ou l'autre de ces vols, et le capitaine, qui occupait le siège de gauche, avait agi uniquement comme PNF. Le troisième et le quatrième vol de nuit étaient des vols de formation qui ont eu lieu le 17 avril 2013. Ces 4 vols avaient été faits avec des LVN.

Le carnet de vol du capitaine ne contenait aucune inscription d'heures de vol aux instruments, réelles ou simulées, de 2011 à 2013; toutefois, il y avait des inscriptions concernant le CCP/IFR en décembre 2012 et en avril 2013. En 2013, 3 vols étaient inscrits dans le carnet du capitaine comme étant des vols de formation IFR. Ces vols ont eu lieu entre la fin février et le début mars 2013. Outre la partie IFR de la formation périodique du capitaine sur le S-76 en mars, il n'avait effectué aucun vol IFR ni suivi de formation IFR pendant qu'il était au service d'Ornge RW, et la réglementation ne l'exigeait pas.

1.5.3 Premier officier

1.5.3.1 Généralités

Le premier officier a obtenu sa licence de pilote professionnel (hélicoptère) en mars 1997. Il avait des annotations pour le Bell 206 et 407, le Robinson R22 et R44, et le Sikorsky S-76, ainsi que la qualification de vol aux instruments de groupe 4 valide jusqu'au 1er avril 2015. Avant d'entrer au service d'Ornge RW, il avait travaillé en aviation d'affaires et de brousse, et possédait une certaine expérience en épandage aérien et manœuvres aériennes de lutte contre l'incendie. Ornge RW l'avait convoqué en entrevue le 21 juin 2012, et il s'était officiellement joint à la compagnie le 5 août 2012.

1.5.3.2 Formation initiale sur le S-76

Le premier officier a suivi sa formation initiale au sol sur le S-76 du 6 au 10 août 2012, dans un centre de formation agréé à West Palm Beach (Floride). Ensuite, il est retourné au service d'une autre entreprise comme pilote pour y effectuer des opérations d'épandage. L'horaire de vol du premier officier avait été très chargé au cours des semaines qui ont précédé la partie sur simulateur de sa formation initiale, et il n'avait pas pu étudier pour se préparer à l'entraînement sur simulateur. De plus, le premier officier, pour qui l'environnement multipilote était nouveau, n'avait pas reçu d'exemplaire des SOP de la compagnie avant l'entraînement sur simulateur.

Du 1er au 8 septembre 2012, le premier officier a suivi l'entraînement sur un simulateur modèle Sikorsky S-76C++, à Vancouver (Colombie-Britannique), donnée par un pilote-instructeur d'Ornge RW à l'aide des SOP et des listes de vérification de la compagnie. Juste avant cet entraînement, le premier officier avait reçu 2 heures de formation sur les différences entre les aéronefs à bord de l'un des S-76A de la compagnie. Le simulateur était conforme aux normes et critères de qualification de niveau B du Manuel des simulateurs d'avions et de giravions de TC Note de bas de page 11. Toutefois, d'après les annexes 8-D et 8-E du document TP 9685 (confirmé par TC), on ne peut utiliser un simulateur de niveau B pour un CCP sans passer de temps additionnel à bord de l'aéronef. En novembre 2012, on a remis en question la validité du CCP du premier officier lorsque l'IPE responsable d'Ornge RW a appris que l'entraînement et le CCP du premier officier avaient eu lieu exclusivement sur un simulateur de niveau B. Après un examen interne, TC a décidé que le CCP du premier officier serait accepté.

Durant son séjour à Vancouver, le premier officier a passé l'examen sur les vols en IFR, les vols de nuit, le système mondial de positionnement (GPS), les CFIT et la liste d'équipement minimal; l'examen de qualification de type sur le S-76A; et l'examen sur les SOP pour le S-76A. Cependant, l'enquête a révélé qu'avant l'entraînement sur simulateur, un des pilotes de la compagnie avait envoyé les réponses à ces 3 examens à chacun des 4 pilotes de la compagnie qui recevaient l'entraînement sur simulateur durant cette période. Les enquêteurs ont également déterminé que le CP était au courant que les réponses à ces examens circulaient; toutefois, aucune mesure n'a été prise en temps opportun pour rétablir l'intégrité de ces examens. Au moment de l'accident, Ornge RW n'avait pas révisé ses examens sur le S-76A. Un de ces examens a été révisé après-coup, en juillet 2013, et les 2 autres ont été révisés en novembre 2013.

Les dossiers d'entraînement sur simulateur du premier officier indiquaient qu'il avait éprouvé quelques difficultés avec les sorties d'assiettes inhabituelles, les exercices de base en vol aux instruments, les opérations standard de nuit, les opérations IFR multipilote, et les sites d'atterrissage approuvés par la compagnie. Les dossiers de formation du premier officier indiquaient que sa progression avait été lente, mais soutenue. Toutefois, à la dernière séance d'entraînement sur simulateur, le commandant instructeur a demandé et a obtenu la permission de donner 8 heures additionnelles d'entraînement sur simulateur au premier officier et à son partenaire (4 heures comme PF et 4 heures comme PNF) pour cause de cinétose et de compétences IFR inférieures à la moyenne. Au total, le premier officier a donc effectué 16 heures de temps de vol comme PF et 16 heures comme PNF. Il a également suivi un entraînement pratique sur l'évitement des CFIT durant ses séances sur simulateur.

À la fin de son entraînement initial sur simulateur, le premier officier a réussi un CCP sur le S-76. Durant ce CCP, on lui a attribué 3 cotes 2 pour différentes séquences :

1.5.3.3 Formation d'introduction de la compagnie

Dans le cadre de la formation d'introduction de la compagnie, le premier officier a suivi la formation GRA interne de la compagnie le 12 septembre 2012. Cette formation a été donnée par le directeur des opérations aériennes de la division à Ornge qui exploite des aéronefs à voilure fixe (FW) [Ornge FW], qui donnait un cours GRA pour pilotes d'aéronefs à voilure fixe. Le lendemain, le premier officier a passé les examens écrits de la formation d'introduction et celui sur le SGS, suivi le 14 septembre 2012, de l'examen sur les marchandises dangereuses.

1.5.3.4 Entraînement en ligne et formation de qualification concernant l'aérodrome et la région d'exploitation

Les dossiers de formation du premier officier montraient que son entraînement en ligne et sa formation de qualification concernant l'aérodrome et la région d'exploitation n'avaient été approuvés que le 11 janvier 2013, bien qu'il ait commencé ses fonctions opérationnelles à CYMO en septembre 2012. D'après Ornge, cette irrégularité relevait d'une erreur administrative qui a été remarquée lors d'une vérification interne en janvier 2013. Comme ce fut le cas pour le capitaine, la formation de qualification concernant l'aérodrome et la région d'exploitation du premier officier s'est résumée à un bref exposé au sol. Tout comme le capitaine, le premier officier n'a pas reçu d'entraînement en ligne, et la réglementation ne l'exigeait pas.

1.5.3.5 Progression du premier officier

Le premier officier était motivé et impatient de devenir capitaine afin d'accumuler des heures de vol comme CdB d'un aéronef multimoteur. Durant la période d'emploi du premier officier, Ornge n'avait aucun processus formel pour documenter la progression d'un premier officier et une autorisation à piloter à partir du siège de droite. Dans le cas de certains premiers officiers, y compris celui en cause dans l'événement, il n'y avait aucune pièce justificative démontrant qu'ils avaient terminé les exigences internes d'Ornge RW pour être autorisés à occuper le siège de droite (section 1.17.5.3), conformément au manuel d'exploitation de la compagnie (MEC) approuvé par TC. Dans d'autres cas, ces pièces justificatives consistaient en un courriel envoyé par le pilote instructeur, qui ne comprenait aucun renseignement détaillé sur les séquences réalisées. De plus, il incombait au premier officier d'informer son capitaine s'il était autorisé à piloter à partir du siège de droite. Les capitaines ne disposaient d'aucun moyen de le confirmer. Si un capitaine avait des doutes ou des préoccupations, il devait appeler le siège social de la compagnie pour vérifier si un premier officier était bel et bien autorisé à piloter à partir du siège de droite.

1.5.3.6 Expérience et maintien des compétences du premier officier en vol de nuit et vol selon les règles de vol aux instruments

Avant de se joindre à Ornge RW, le premier officier avait acquis très peu d'expérience en vol de nuit et en vol IFR. Il avait commencé sa formation au pilotage en juin 1996, et à la fin de cette année il n'avait accumulé qu'environ 10 heures de vol simulé aux instruments et aucune expérience en vol de nuit. Il n'avait effectué aucun vol aux instruments, réel ou simulé, de janvier 1997 à septembre 2008; date à laquelle il avait accumulé 4,3 heures de temps de vol simulé aux instruments. Il a plus tard effectué une série de vols aux instruments, en mars 2010, en vue d'obtenir la qualification de vol aux instruments de groupe 4. De mars 2010 à avril 2012, il a accumulé environ 3 heures de vol simulé aux instruments. Après avril 2012, le carnet de vol du premier officier n'indique aucune heure de vol aux instruments, réel ou simulé. Dans ce carnet, il a indiqué toutes les heures (34,6 heures) de son entraînement sur simulateur de type S-76 comme étant « sur simulateur », mais aussi de la façon suivante : 16,3 heures comme CdB pour vol multimoteur de nuit, et 16,8 heures comme copilote pour vol multimoteur de nuit. De plus, il a indiqué 1 heure de vol comme CdB et 1 heure de vol comme copilote pour vol multimoteur de jour. D'après le RAC, le temps sur simulateur peut donner droit à des crédits dans certaines circonstances, mais ne compte pas pour le nombre total d'heures de vol d'un pilote Note de bas de page 12. Le premier officier n'avait accumulé aucune heure de vol réel aux instruments inscrite dans son carnet. Outre le temps de vol simulé aux instruments qu'il a obtenu durant le cours d'adaptation et d'entraînement initial pour le S-76, le premier officier n'avait effectué aucun vol en IFR au service d'Ornge.

Durant son service pour Ornge RW, le premier officier avait accumulé 12,5 heures de vol de nuit. Au cours de ses 6 derniers mois au sein de la compagnie, il avait effectué 5 décollages et 6 atterrissages de nuit, ce qui répondait à l'exigence réglementaire selon laquelle il faut avoir effectué 5 décollages de nuit et 5 atterrissages de nuit pour pouvoir transporter des passagers. Les dossiers de vol d'Ornge RW, compilés à partir des données du logiciel Aviation All In One (AvAIO) de la compagnie Note de bas de page 13 peu après l'accident, indiquaient que le premier officier n'avait effectué que 2 décollages de nuit et 4 atterrissages de nuit au cours des 6 mois précédents. Au moment de l'accident, Ornge RW ne surveillait pas activement ses pilotes pour s'assurer qu'ils répondaient aux exigences relatives au nombre minimal de décollages et d'atterrissages pour le maintien des compétences. Il a été déterminé par la suite que le système AvAIO n'assurait pas le suivi des décollages et des atterrissages à Moose Factory avant le 1er janvier 2013 en raison d'une coquille dans l'entrée des coordonnées de cet endroit. Par conséquent, aucun des décollages et atterrissages effectués à Moose Factory n'avaient été consignés avant le 1er janvier 2013, date à laquelle l'erreur avait été corrigée.

L'examen des dossiers de vol corrigés du premier officier a permis de constater qu'il n'avait effectué aucun décollage ou atterrissage de nuit au cours des 60 jours précédents, et seulement 2 décollages de nuit et 2 atterrissages de nuit au cours des 90 jours précédents. Depuis son entrée en service à Ornge RW en septembre 2012, il avait effectué au total 10 décollages de nuit et 11 atterrissages de nuit.

Tableau 3. Décollages et atterrissages de nuit du premier officier à Ornge RW (avant le vol de l'accident)
Date Décollages de nuit Atterrissages de nuit
7 novembre 2012 1 1
16 novembre 2012 2 2
17 novembre 2012 2 2
5 décembre 2012 1 1
13 décembre 2012 2 2
9 janvier 2013 0 1
7 mars 2013 1 1
8 mars 2013 1 1
Total 10 11

Son plus récent décollage de nuit avait eu lieu le 8 mars 2013, soit 85 jours avant l'accident. L'enquête a révélé que le premier officier était rarement aux commandes durant les vols de nuit qu'il avait effectués pour la compagnie. Étant donné son manque d'expérience en vol de nuit, ce sont les capitaines d'Ornge RW qui étaient normalement aux commandes, tandis que le premier officier se chargeait des fonctions de PM.

Peu après avoir achevé son cours initial sur le S-76, le premier officier s'est mis à échanger de façon régulière ses quarts de nuit pour des quarts de jour avec un autre pilote affecté à Moosonee. Désireux d'augmenter son nombre d'heures de vol, le premier officier préférait travailler de jour plutôt que de nuit, puisque les vols étaient plus fréquents durant les quarts de jour comparativement aux quarts de nuit. Le premier officier a commencé à échanger ses quarts de nuit en septembre 2012, et jusqu'en janvier 2013, il effectuait des quarts de jour exclusivement, au sein de l'équipe de réserve. C'est à ce moment qu'Ornge l'a informé qu'il devait reprendre sa rotation de quarts de nuit pendant un certain temps, parce qu'il accumulait des heures supplémentaires à cause des heures de vol additionnelles qu'il effectuait en tant que pilote de réserve de jour seulement.

Il a fait des quarts de disponibilité de nuit en février et en mars 2013, puis a recommencé à échanger ses quarts de nuit pour des quarts de jour en avril et au début de mai 2013. Le 28 mai, il a repris la rotation de quarts de nuit durant laquelle il a accumulé un peu plus de 30 minutes de temps de vol de nuit le 28 mai, mais aucune le 29 mai. Le premier officier n'a pas dépassé ses limites de temps de vol et de service de vol, et rien ne laisse croire que la fatigue ait été un facteur dans l'événement.

Les employés de la compagnie considéraient le premier officier comme étant très compétent dans les opérations VFR de jour. Toutefois, il avait éprouvé auparavant certaines difficultés la nuit, ce que l'on attribuait à son manque d'expérience des opérations VFR de nuit. Durant un départ de nuit dans un trou noir au début de mars 2013, le premier officier avait amorcé un virage à 300 pieds agl. Le capitaine était intervenu, avait augmenté le pas général et indiqué au premier officier de continuer la montée droit devant jusqu'à une altitude d'au moins 500 pieds agl. Une fois les 500 pieds agl franchis, le premier officier avait amorcé le virage. Durant le virage, il avait laissé l'angle d'inclinaison de l'aéronef s'accroître au-delà du virage au taux 1 accepté Note de bas de page 14. Lorsque l'angle d'inclinaison de l'aéronef a dépassé 20 degrés, le capitaine lui a donné des rectifications verbalement, et le premier officier a réduit l'angle d'inclinaison. Le capitaine de ce vol s'attendait à ce que le premier officier ait de la difficulté à cause de son manque d'expérience des opérations de nuit en trou noir, il n'avait donc pas jugé nécessaire de signaler cet incident.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

1.6.1 Généralités

Le Sikorsky S-76A a été conçu et construit au milieu des années 1970 par la Sikorsky Aircraft United Technologies comme hélicoptère utilitaire ou d'affaires de taille moyenne. Le vol du premier aéronef de production a eu lieu en 1977. Sa masse maximale au décollage est de 4763 kg (10 500 livres), sa vitesse de croisière maximale est de 155 nœuds, et son rayon d'action est d'environ 404 milles marins. Les S-76A d'Ornge RW sont munis d'instruments pour le vol IFR et exploités par 2 pilotes.

L'aéronef en cause dans l'événement a été construit en 1980 et importé au Canada en 1999. Le 13 juillet 2012, il a été immatriculé comme hélicoptère commercial pour Ornge RW. Au moment de l'événement, le C-GIMY avait accumulé environ 15 600 heures dans les airs et réalisé 48 400 atterrissages. Les dossiers indiquent que l'aéronef était homologué, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. L'hélicoptère ne présentait aucune défaillance connue avant le vol et il était exploité dans les limites prescrites de masse et de centrage. Rien n'indique que l'aéronef ait connu un type quelconque de défaillance en vol.

1.6.2 Description

Le S-76A comprend 2 portes pour l'équipage (une de chaque côté du fuselage) qui permettent d'accéder au poste de pilotage, et 2 portes à charnières qui s'ouvrent à 135 degrés et qui donnent accès à la cabine. Il comprend un train d'atterrissage rétractable et est équipé de flotteurs de secours en cas d'amerrissage forcé. L'hélicoptère comprend 2 turbomoteurs Rolls-Royce 250-C30A, et chacun peut développer une puissance à l'arbre de 650 HP.

Le rotor principal de l'aéronef à 4 pales a un diamètre de 44 pieds. Les pales du rotor principal sont renforcées par des longerons en titane qui sont les principaux membres structuraux de chaque pale du rotor principal, et le bord d'attaque de chaque pale est protégé par un blindage en titane. Les extrémités des pales sont fuselées et en flèche. Le rotor anticouple de queue comprend également un rotor à 4 pales. La longueur totale de l'hélicoptère, depuis l'extrémité du rotor principal jusqu'à l'extrémité du rotor de queue, est tout juste supérieure à 56 pieds.

Pour recevoir du personnel médical, il y avait 2 sièges tournés vers l'avant, à l'arrière de la cabine, et 2 sièges adossés au poste de pilotage, tournés vers l'arrière. Ces 4 sièges étaient aménagés contre les parois de la cabine afin de recevoir une civière orientée longitudinalement au centre de la cabine.

1.6.3 Commandes de vol du S-76A

L'aéronef est muni de commandes de vol d'hélicoptère conventionnelles hydrauliques. Un levier de pas collectif, un compensateur de cyclique ainsi qu'un système de restitution d'efforts permettent d'ajuster les commandes à la position souhaitée dans le poste de pilotage et de ressentir les variations du manche de pas cyclique (manche cyclique).

1.6.4 Différences dans la flotte de S-76A d'Ornge Rotor-Wing

Depuis son entrée en service, le S-76 a fait l'objet de nombreux changements, plusieurs d'entre eux étant liés à des développements technologiques. Ornge RW exploite une flotte diversifiée d'hélicoptères S-76A, et leurs cellules respectives comprennent de nombreuses différences (annexe A). À l'occasion, ces différences compliquaient la tâche des pilotes d'Ornge RW. Certains pilotes n'étaient pas à l'aise de passer, à court préavis, à un S-76A de la flotte qu'ils connaissent mal. Dans certains cas, des pilotes ont refusé de prendre les commandes, la nuit, d'un S-76A qu'ils connaissaient mal, car ils estimaient qu'il était dangereux de le faire. Dans d'autres cas, des pilotes ont exprimé leurs préoccupations concernant l'absence de GPS et de pilotes automatiques de pointe à bord de certains S-76A de la compagnie pour réduire leur charge de travail.

1.6.4.1 Commandes automatiques de vol  /  pilotes automatiques

Le S-76A peut comprendre divers types de commandes automatiques de vol (CADV). À Ornge RW, certains S-76A de la compagnie sont munis de CADV et de pilotes automatiques améliorés qui permettent la commande totale mains libres et jumelée dans les 4 axes de l'hélicoptère. L'aéronef en cause était muni de CADV rudimentaires, conçues pour fournir des fonctions de tenue d'assiette de base dans les axes de tangage, de roulis et de lacet. En raison de la maîtrise limitée de ces systèmes, le pilote peut facilement annuler les commandes CADV.

1.6.4.2 Système mondial de positionnement

Au moment de l'événement, Ornge RW utilisait des GPS de 3 modèles différents au sein de sa flotte de S-76A. Le GPS Trimble 2100 était installé à bord de l'un des 11 aéronefs. Parmi les autres hélicoptères, y compris celui en cause dans l'événement, 5 étaient équipés d'un GPS Bendix KLN 900, certifié pour les approches de non-précision IFR. Toutefois, ses indications et ses repères visuels aux pilotes sont très pauvres et il n'est jumelé à aucun autre système de bord.

Les 5 autres hélicoptères S-76A de la flotte d'Ornge RW sont équipés du GPS Garmin 530, un GPS IFR tout-en-un qui comprend des fonctions de communication et de navigation, et un écran d'affichage couleur de carte mobile conçu pour aider le pilote à mieux prendre conscience de la situation en lui présentant de l'information facile à lire et à interpréter. On peut améliorer ce dispositif en y ajoutant un système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS) et des services de diffusion d'information sur le trafic aérien dans les environs.

1.6.4.3 Système d'avertissement de proximité du sol amélioré

Au moment de l'accident, 5 des 11 hélicoptères S-76A d'Ornge RW étaient équipés du système d‘avertissement de proximité du sol amélioré (EGPWS) Honeywell MK XXI. Des 3 S-76A qui étaient en service le jour de l'accident, un seul avait un EGPWS à bord. L'hélicoptère en cause n'était pas équipé d'un EGPWS, et la réglementation ne l'exigeait pas.

Le dispositif MK XXI comprend les fonctionnalités de détection vers le bas et vers l'avant pour prédire les conflits potentiels qui pourraient approcher et ainsi donner au pilote plus de temps pour prendre des mesures correctives avant qu'il ne soit trop tard, grâce à une combinaison de voyants annonciateurs, d'affichages couleur et d'alarmes sonores.

Les 10 AW139 d'Ornge RW sont tous équipés du dispositif EGPWS Honeywell MK XXII, qui est le modèle qui a remplacé le dispositif EGPWS Honeywell MK XXI.

1.6.4.4 Système d'avertissement « train rentré » du train d'atterrissage

Le système d'avertissement du train d'atterrissage du S-76A est conçu de manière à avertir le pilote que le train est rentré et l'aéronef entre dans un régime de vol normalement associé à l'étape d'atterrissage. Étant donné les énormes différences au sein de la flotte de S-76A, ce système est différent d'un hélicoptère à l'autre. Tous les S-76A d'Ornge RW étaient équipés d'un contacteur anémométrique réglé à 60 nœuds. Certains des S-76A de la compagnie étaient câblés de manière à ce que le klaxon train d'atterrissage s'actionne s'ils descendaient sous les 300 pieds agl alors que le train était rentré. Un autre aéronef, par contre, pouvait être câblé pour que le système d'avertissement du train d'atterrissage soit couplé au réglage du curseur de faible hauteur du radioaltimètre.

Toutefois, dans le cas de l'aéronef en cause, le système d'avertissement du train d'atterrissage n'était pas couplé au radioaltimètre. À partir d'une évaluation de l'enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR), de discussions avec le constructeur et d'un examen de l'emplacement de l'épave, on a déterminé que le klaxon train d'atterrissage avait retenti juste avant l'impact et qu'en toute probabilité, il avait été actionné par des relevés inexacts du système Pitot-statique attribuables à l'impact avec les arbres.

1.7 Renseignements météorologiques

Les conditions météorologiques dont faisait état le AWOS au moment de l'événement étaient : vents du 040 °M soufflant à 5 nœuds, visibilité supérieure à 9 milles terrestres (sm), couche de nuages épars à 4600 pieds asl, ciel couvert à 9000 pieds asl, température de 3 °C, point de rosée de 2 °C, et calage altimétrique de 30,00 in. Hg.

Au cours des heures qui ont précédé l'accident, le temps s'était graduellement amélioré pour passer de conditions IFR, en raison d'un plafond bas et d'une visibilité réduite, à des conditions VFR.

Au moment de l'événement, la lune était dégagée à environ 50 %. Toutefois, l'éclairage ambiant aurait été réduit à cause du ciel couvert.

1.8 Aides à la navigation

Rien n'indiquait que les aides à la navigation disponibles présentaient des problèmes.

1.9 Communications

On n'a relevé aucun défaut de qualité des transmissions radio.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

1.10.1 Généralités

CYMO compte 2 pistes : la piste 06/24 est asphaltée et mesure 4000 pieds de longueur sur 100 pieds de largeur; et la piste 14/32, dont 1600 pieds sont asphaltés et 1900 pieds sont en gravier, mesure 100 pieds de largeur. L'élévation à CYMO est de 30 pieds asl.

La piste 06/24 est parallèle à la rivière Moose, et la piste 06 pointe en direction opposée à la ville de Moosonee. Au-delà des feux d'approche à l'extrémité départ de la piste 06, il n'y a pratiquement aucune source d'éclairage artificiel. Le relief au nord-est de la piste 06 se compose de broussailles denses et de marécages. La majeure partie du relief monte de façon très graduelle vers le nord-est à mesure que l'on s'éloigne de la rivière.

1.10.2 Caméra météo

L'aéroport est équipé de 2 caméras météo qui prennent des images fixes toutes les 10 minutes. Une des caméras pointe vers le nord-est et l'autre vers le sud-ouest. La caméra qui pointe vers le nord-est est orientée dans la direction générale de la piste 06, en parallèle au nord de celle-ci. Dans l'image prise de jour par cette caméra, on peut voir une tour illuminée du terrain d'aviation et la limite forestière au nord de la piste 06. Les images prises quelques heures avant l'événement montrent clairement la tour et la limite forestière (photo 1). Par contre, dans l'image saisie à peu près au moment de l'accident, le seul objet visible est l'unique feu sur la tour du terrain d'aviation (photo 2). Aucun autre éclairage artificiel ou éclairage stellaire ambiant n'est visible sur cette image.

Photo 1. Image prise par la caméra météo à l'aéroport de Moosonee orientée vers le nord-est montrant la tour illuminée et la limite forestière à 20 h 50, le 30 mai 2013 (Source : NAV CANADA)
Image prise par la caméra météo à l'aéroport de Moosonee orientée vers le nord-est montrant la tour illuminée et la limite forestière à 20 h 50, le 30 mai 2013 (Source : NAV CANADA)
Photo 2. Image prise par la caméra météo à l'aéroport de Moosonee orientée vers le nord-est montrant le feu sur la tour à 00 h 10, le 31 mai 2013 (Source : NAV CANADA)
 
mage prise par la caméra météo à l'aéroport de Moosonee orientée vers le nord-est montrant le feu sur la tour à 00 h 10, le 31 mai 2013 (Source : NAV CANADA)

1.11 Enregistreurs de bord

L'aéronef en cause dans l'événement était équipé d'un enregistreur de vol multifonction (MPFR) transistorisé Penny and Giles configuré en CVR (numéro de pièce D51615-102, numéro de série 323005-001) d'une capacité d'enregistrement de 2 heures. Malgré les dommages causés à cet appareil par l'incendie, le laboratoire du BST a pu télécharger les données du CVR. Le vol en cause a été saisi durant les 11 dernières minutes de l'enregistrement. L'enregistrement a cessé dès l'impact.

Le CVR a été un élément crucial pour établir la chronologie des faits qui ont mené à l'accident. Outre les données du CVR, le laboratoire du BST a récupéré depuis le MPFR un dossier d'information de vol supplémentaire qui contenait les données sur le régime (tr/min) du rotor principal. Ces données montrent que le régime du rotor a augmenté à environ 104 % et s'est stabilisé à cette valeur durant le vol Note de bas de page 15. La dernière valeur enregistrée, juste avant l'impact, était de 104,99 %.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

1.12.1 Généralités

L'épave a été retrouvée dans un endroit densément boisé et marécageux situé à environ 0,8 sm de l'extrémité de la piste 06, à un azimut de 020 °M (figure 1). Se fondant sur les dommages causés aux arbres avoisinants et les marques au sol, les enquêteurs ont déterminé que l'aéronef avait percuté le relief à un angle de descente faible, mais régulier (environ 9 degrés), en inclinaison à gauche (environ 20 degrés) (figure 2 et figure 3). Bien qu'il ait été impossible de déterminer la vitesse exacte de l'hélicoptère au moment de l'accident, les dommages au relief et aux arbres avoisinants, la longueur de la trouée laissée par l'épave, et l'ampleur de la désintégration de l'aéronef attribuable à la séquence d'impact indiquaient un niveau de puissance élevée (démontrant que l'hélicoptère avait atteint ou presque sa vitesse de croisière) au moment de percuter le relief.

Figure 1. Trajectoire de vol approximative de l'hélicoptère en cause, C-GIMY (Source : Google Earth, avec annotations du BST)
Map of the approximate flight path of the occurrence helicopter, C-GIMY
Figure 2. Représentation de la descente de l'aéronef C-GIMY (vue latérale)
 
Depiction of C-GIMY's descent (side view)
Figure 3. Représentation de la descente de l'aéronef C-GIMY (vue de l'avant)
 
Depiction of C-GIMY's descent (nose-on view)

La longueur de la trouée produite par l'aéronef, depuis les premiers signes de contact avec les arbres jusqu'à l'emplacement de l'épave principale, était d'environ 405 pieds. À l'endroit de l'impact avec le sol, la trouée mesurait environ 40 pieds de largeur, se rétrécissant graduellement à environ 20 pieds avant de s'élargir de nouveau pour former une zone circulaire carbonisée d'environ 35 pieds de diamètre (figure 4).

Figure 4. Vue en plan du sillon de l'épave : 405 pieds, trajectoire de 318 °M
Vue en plan du sillon de l'épave : 405 pieds, trajectoire de 318 °M<

Le point d'impact initial se trouvait à environ 96 pieds au-delà du premier signe de contact avec la cime des arbres. Les arbres situés entre les premiers signes de contact avec les cimes et le point d'impact présentent un angle de coupe bien défini. Les arbres sont coupés à environ 3 pieds au point le plus bas, ce qui correspond à une inclinaison à gauche au moment où l'aéronef est descendu parmi les arbres et que le fuselage a percuté le sol.

L'impact initial avec le relief a laissé un cratère visible dans le terrain marécageux, et l'endroit était très saturé de carburant. Dans ce cratère et autour de celui-ci, on a retrouvé des morceaux des réservoirs de carburant et certains composants du circuit de carburant. Comme les réservoirs et leur matériel connexe se trouvent dans la partie ventrale du S-76A, ces observations indiquent que la structure de l'hélicoptère était compromise à ce moment-là. Une des 4 pales du rotor de queue de l'hélicoptère a été retrouvée juste devant le point d'impact principal. La pale du rotor de queue s'était rompue à son emplanture. La perte d'une pale du rotor de queue du S-76A aurait occasionné un mouvement de lacet qui aurait causé une rotation vers la droite de l'hélicoptère.

La poutre de queue sectionnée a été retrouvée à environ 90 pieds au-delà de la grande zone carbonisée, en angle presque perpendiculaire par rapport à la trouée produite. La poutre de queue gisait à plat, à l'endroit sur le sol. Le dessus de la poutre et les arbres d'entraînement exposés du rotor de queue étaient couverts de terre et de végétation, ce qui indique des tonneaux au sol durant la séquence d'impact. Une partie importante de la poutre de queue, provenant tout près de son point de fixation au fuselage, a été retrouvée enroulée autour d'un arbre situé juste avant la partie principale sectionnée de la poutre, ce qui indique que l'impact avec cet arbre est probablement à l'origine du sectionnement de la poutre. Une seule pale du rotor de queue était toujours fixée au moyeu, et elle présentait des dommages à son bord de fuite près de l'extrémité de la pale. Le reste de la poutre de queue n'a pas été endommagé par l'incendie. L'antenne externe de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT), située sur la poutre de queue, s'était rompue à la base.

On a retrouvé l'un des 2 tubes de Pitot, qui se trouvent normalement près de l'avant de l'hélicoptère, de part et d'autre du nez, à environ 20 pieds à l'extérieur de l'aire dégarnie, à côté de la poutre de queue sectionnée. Le tube de Pitot s'est rompu à la base, à son point de fixation au fuselage. On n'a pas retrouvé l'autre tube de Pitot.

Le train d'atterrissage principal de droite se trouvait juste avant la poutre de queue sectionnée. Le train principal de gauche se trouvait juste avant l'épave principale. On a déterminé que les 2 vérins de commande du train d'atterrissage étaient en position rentrée, ce qui indique que le train d'atterrissage de l'aéronef était rentré au moment de l'accident.

L'épave principale de l'hélicoptère se trouvait à environ 60 pieds au-delà de la poutre de queue sectionnée. L'épave principale a été lourdement endommagée par suite des forces d'impact et de l'incendie après impact. L'épave gisait presque perpendiculairement à la direction de la séquence d'impact. La boîte de transmission principale a été retrouvée reposant sur son côté droit, et les 2 moteurs ont été retrouvés à l'envers derrière elle. Le poste de pilotage a lui aussi été retrouvé en position renversée. Étant donné les dommages causés par l'incendie après impact, on n'a pu obtenir que très peu d'information de l'épave principale, et on n'a pas pu vérifier la position des commandes moteur avant l'impact.

1.13 Renseignements médicaux et pathologiques

On a procédé à une autopsie sur le corps de chaque occupant de l'hélicoptère. Chacun d'eux portait d'importants traumas et des brûlures causés par les forces d'impact élevées et l'incendie qui a suivi.

On a déterminé que le capitaine et l'un des ambulanciers paramédicaux avaient survécu aux forces d'impact; toutefois, ils sont probablement décédés de leurs blessures avant d'inhaler de très grandes quantités de produits de la combustion. Le médecin légiste (ML) a déterminé que l'intervalle de survie de ces 2 occupants a été de l'ordre de quelques secondes ou minutes. Dans les 2 cas, cet intervalle de survie pourrait s'être déroulé dans l'inconscience.

Pour ce qui est du premier officier, le ML n'a trouvé aucun signe d'intervalle de survie, ce qui laisse croire que la mort serait due aux forces d'impact. L'autopsie a également révélé une importante coronaropathie; cependant, aucune preuve ne laisse croire que le premier officier aurait subi une affection coronarienne aiguë au moment de l'accident, ce qui correspond à l'information obtenue du CVR.

Comme dans le cas du premier officier, le ML a déterminé que les forces d'impact ont causé la mort du second ambulancier paramédical et qu'il n'y avait aucun signe d'intervalle de survie.

1.14 Incendie

L'aéronef a été détruit par les forces d'impact et l'incendie intense qui a suivi. Il y avait des traces d'important incendie ou d'explosion à environ 50 pieds au-delà du point d'impact initial avec le sol. Cette zone carbonisée contenait une grande quantité de débris probablement causés par un important impact avec les arbres avoisinants et une explosion subséquente.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 Casques

Le BST a souligné par le passé les risques auxquels s'exposent les pilotes d'hélicoptère qui ne portent pas de casque, et a documenté de multiples événements lors desquels le port d'un casque protecteur aurait probablement évité aux pilotes en cause de subir des blessures à la tête ou aurait réduit la gravité de telles blessures Note de bas de page 16.

Aucune exigence de la réglementation ni de la compagnie n'obligeait les pilotes d'hélicoptère d'Ornge RW à porter un casque. Les ambulanciers paramédicaux, par contre, sont visés par des conventions collectives différentes de celle des pilotes de la compagnie; on leur fournit un casque, et ils sont tenus de le porter.

Une grande part des pilotes de la compagnie portaient un casque de vol; toutefois, plusieurs d'entre eux ne le portaient pas. La compagnie avait en place un régime de participation aux coûts dont elle ne faisait que très peu la promotion de sorte que de nombreux pilotes en ignoraient les détails.

L'enquête a démontré que les 2 ambulanciers paramédicaux et le premier officier portaient un casque au moment de l'événement. Toutefois, seuls les casques du premier officier et de l'un des ambulanciers ont été retrouvés. Le casque du second ambulancier n'a pas été retrouvé, et il est probable qu'il ait été détruit par l'incendie après impact. Les 2 casques récupérés ont été envoyés au laboratoire du BST pour examen approfondi.

Le premier officier portait un casque de vol MSA Gallet LH 250 (numéro de série 10458). Le casque a été retrouvé sur le sol, dans le sens du déplacement de l'aéronef, à environ 45 pieds avant l'épave principale. La coque du casque était fissurée et était écaillée à certains endroits à l'arrière et sur le côté droit qui correspondent à des dommages causés par un impact. La mentonnière et son attache n'ont pas été retrouvées avec le casque. On n'a observé aucun dommage au support et à la boucle permanents de la mentonnière installés sur le côté gauche du casque. Le support de mentonnière du côté droit était également intact. Ni l'extérieur ni l'intérieur du casque ne présentaient de dommages attribuables à l'incendie.

Un casque blanc Gentex modèle SPH-5 qui appartenait à l'un des ambulanciers paramédicaux a été retrouvé à environ 10 pieds avant l'épave principale. Le devant et le côté gauche de ce casque avaient été lourdement endommagés par le feu. La coque du casque était brûlée au point d'exposer son renforcement en fibre de verre, et le système de retenue de la mentonnière avait lui aussi été lourdement endommagé par le feu. La mentonnière comprenait une sangle de nylon renforcée de Kevlar, un anneau boucle double pour l'ajustement et un seul bouton pression de fixation. Elle était en bon état et ne présentait aucun signe d'usure ni d'autres dommages.

Dans les 2 cas, l'examen par le laboratoire du BST a déterminé qu'il n'y avait aucun signe de dommages préexistants ou causés par l'impact qui pourrait expliquer pourquoi ces casques ne se trouvaient pas sur les victimes, et il n'a pas été possible de déterminer s'ils avaient été correctement attachés avant l'événement.

Le capitaine ne portait pas de casque durant les vols qu'il effectuait pour Ornge RW. Il portait plutôt un casque d'écoute pour hélicoptère lorsqu'il était à bord du S-76A. Toutefois, le capitaine devait porter un casque de vol durant les vols qu'il effectuait pour le MRN, et il adhérait à cette règle. On ne sait pas pourquoi le capitaine ne portait pas de casque durant les vols qu'il effectuait pour Ornge RW.

1.15.2 Ceintures de sécurité et harnais de l'équipage

D'après le MEC d'Ornge RW, les membres d'équipage de conduite doivent porter leur ceinture et leur harnais de sécurité lorsqu'ils occupent leur siège respectif et que les rotors tournent. Étant donné l'ampleur des dommages à l'aéronef, il a été impossible de déterminer si tous les occupants portaient leur ceinture et leur harnais de sécurité au moment de l'impact.

1.15.3 Radiobalise de repérage d'urgence

1.15.3.1 Généralités

L'aéronef en cause dans l'événement était muni d'une ELT automatique fixe d'hélicoptère (AF-H) Kannad de 406 mégahertz (MHz) (numéro de pièce S1822502-02, numéro de série 2620766-0020). La radiobalise et la clé électronique de programmation (numéro de pièce S1820514-01, numéro de série 2620955-0136) étaient installées sur une tablette dans la poutre de queue à la station fuselage 341.3. Une antenne externe (numéro de pièce 1327-82, numéro de série 8320) était installée sur le dessus de la poutre de queue à la station fuselage 373.8, et un panneau de contrôle à distance était installé dans le poste de pilotage, sur la console centrale.

Le boîtier de l'ELT AF-H Kannad de 406 MHz est muni d'un interrupteur à 3 positions qui permet de sélectionner la position « arm » (amorcée), « off » (fermée) ou « on » (allumée). Lorsqu'il a été retrouvé sur les lieux de l'accident, l'interrupteur était à la position « arm ». Lorsque le personnel de recherche et sauvetage (SAR) a retrouvé l'ELT, qui est normalement retenue en place par une sangle à ruban autoagrippant, elle était suspendue par ses câbles. La sangle s'était déchirée près de la base du support de sorte que l'ELT n'était plus retenue (figure 5).

Figure 5. Radiobalise de repérage d'urgence (ELT) automatique fixe d'hélicoptère (AF-H) Kannad de 406 MHz suspendue par ses câbles
photo de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) automatique fixe d'hélicoptère (AF-H) Kannad de 406 MHz suspendue par ses câbles

Les forces d'impact avec le relief ont non seulement éjecté la radiobalise de son support, mais ont aussi sectionné son antenne externe située sur la poutre de queue (figure 6).

Figure 6. Saisie d'image d'une vidéo de l'épave prise sur place montrant l'antenne de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) rompue
Image d'une vidéo de l'épave prise sur place montrant l'antenne de la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) rompue

Le boîtier de l'ELT AF-H Kannad de 406 MHz présentait des dommages mineurs. Des essais fonctionnels ont été réalisés pour déterminer l'état de fonctionnement du dispositif. En utilisant sa batterie interne, l'ELT n'a donné aucune indication de son fonctionnement ni émis aucun signal. Toutefois, en utilisant une source d'alimentation externe, le voyant de fonctionnement de l'ELT a clignoté répétitivement, indiquant que l'appareil émettait un signal; effectivement, l'ELT émettait un signal sur la fréquence 121,5 MHz ainsi qu'un signal sur la fréquence 243,0 MHz, et transmettait un paquet de données sur la fréquence 406 MHz toutes les 50 secondes environ.

Des essais additionnels ont confirmé que des forces d'impact se situant à l'intérieur de la plage spécifiée de forces « g » de l'ELT l'auraient actionnée. Cette confirmation, ainsi que l'état déchargé de la batterie de l'ELT, porte fortement à croire que l'appareil s'est actionné sous l'impact et a bel et bien émis un signal. Toutefois, aucun signal n'a été reçu en raison de l'antenne endommagée.

1.15.3.2 Sangle de retenue à ruban autoagrippant de la radiobalise de repérage d'urgence

Il ne s'agissait pas de la première enquête du BST sur un événement au cours duquel une ELT Kannad de 406 MHz s'est dégagée de sa sangle de retenue à ruban autoagrippant. Il y a eu plusieurs accidents au cours desquels le personnel SAR n'a reçu aucun signal de l'ELT parce que son antenne s'était rompue durant la séquence d'impact ou encore parce que le câble de son antenne avait été endommagé Note de bas de page 17. Dans l'enquête aéronautique A11W0151 du BST, une ELT AF-H Kannad de 406 MHz a été éjectée de son support durant la séquence d'impact, et l'antenne extérieure s'est rompue comme suite à l'impact avec le relief. Cette enquête avait souligné l'importance de s'assurer que la sangle à ruban autoagrippant est bien serrée, autrement l'ELT peut facilement glisser de son support si la force d'impact est suffisante.

Dans la foulée de son enquête aéronautique A11W0151, le BST a formulé des avis de sécurité à l'intention de TC et des fabricants d'ELT qui utilisent des sangles de fixation à ruban autoagrippant. De plus, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a formulé des recommandations de sécurité à l'intention de la Federal Aviation Administration (FAA) sur les sangles à ruban autoagrippant. En réponse aux communications de sécurité du BST et du NTSB, TC et la FAA ont émis des directives à l'intention des fabricants, installateurs et centres d'entretien. Kannad a produit des directives détaillées sur l'installation adéquate d'une ELT à l'aide de sangles à ruban autoagrippant. L'annexe B comprend une discussion plus approfondie sur les communications de sécurité sur les sangles à ruban autoagrippant émises après l'enquête aéronautique A11W0151 du BST.

Pour donner suite à une recommandation antérieure du NTSB, le 26 novembre 2012, la FAA a émis la TSO-C126b: 406 MHz Emergency Locator Transmitter, selon laquelle [traduction] « les sangles à ruban autoagrippant ne constituent pas un moyen acceptable de retenue » des ELT automatiques fixes (AF) et des ELT automatiques portatives (AP) Note de bas de page 18. Par contre, la directive C126b n'étant pas rétroactive, elle ne visait pas les ELT déjà installées. Par conséquent, le NTSB a laissé savoir que [traduction] « il est probable que le problème lié aux appareils qui se détachent de façon intempestive au cours d'accidents persistera Note de bas de page 19. » Dans sa publication Sécurité aérienne – Nouvelles, numéro 2/2013, TC a indiqué qu'il prévoyait adopter la TSO-C126b en l'intégrant à son Manuel de navigabilité en tant que norme de conception. Le 11 juin 2015, une Évaluation préliminaire de la question et de la consultation a été publiée sur le site Web des activités du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) de TC. L'Évaluation précise que la TSO-C126b a été adoptée par la FAA. Selon l'Évaluation, « Transports Canada reconnaît que la TSO-C126 et ses révisions conviennent à l'exploitation aéronautique au Canada, mais l'article 551.104 du Manuel de navigabilité ne tient pas compte de cette spécification et doit être modifié Note de bas de page 20. » Toutefois, au moment de la rédaction du présent rapport, TC n'avait toujours pas mis à jour cette norme. Le Ministère a indiqué que les approbations visant l'installation d'ELT de 406 MHz obtenues avant l'adoption de la nouvelle norme demeureront valides, même si ces installations comportent des sangles à ruban autoagrippant. Par conséquent, un grand nombre d'ELT retenues à l'aide de sangles à ruban autoagrippant demeureront en service au Canada dans un avenir prévisible.

1.15.3.3 Études sur la performance des radiobalises de repérage d'urgence

En 2009, Recherche et développement pour la défense Canada (RDDC) a publié un rapport intitulé Emergency Locator Transmitter (ELT) Performance in Canada from 2003 to 2008: Statistics and Human Factors Issues qui examinait les raisons, liées à l'impact et aux facteurs humains, des défaillances d'ELT durant les incidents d'aéronefs.

Dans cette étude, qui a examiné 27 incidents où aucun signal d'ELT n'a été reçu, RDDC a déterminé que les dommages causés par un incendie, par l'impact en général sur l'ELT, par la rupture ou la déconnexion de l'antenne ou par l'eau étaient en cause dans 55 % des cas. Au total, les dommages causés par l'impact étaient à l'origine de 92 % des échecs recensés dans les événements qui ont été examinés. Ce rapport a donc conclu que [traduction] « la meilleure occasion d'amélioration est de se pencher sur les défaillances d'ELT causées par l'impact Note de bas de page 21 ». Ce rapport a tout particulièrement cerné les points suivants comme améliorations possibles :

[traduction]

Le Centre canadien de contrôle des missions (CCCM) Note de bas de page 23 et l'Australian Transport Safety Bureau (ATSB) ont eux aussi constaté que les dommages attribuables à l'impact (par ex., dommages causés par l'incendie, par l'impact ou par l'eau, antenne rompue ou déconnectée) sont à la source de la grande majorité des cas de non-activation Note de bas de page 24, Note de bas de page 25. Cette conclusion concorde avec des études antérieures menées à la fin des années 1980 par la National Aeronautics and Space Administration (NASA) des États-Unis dans lesquelles, selon la NASA, la proportion élevée (88 %) des défaillances d'ELT liées à un écrasement [traduction] « reflète un besoin que les ELT et les antennes résistent mieux aux impacts lors d'écrasements Note de bas de page 26 ».

En 2005, le groupe de travail ELT de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) a souligné le besoin de porter une attention particulière aux éléments de preuve concernant la capacité des ELT de résister aux forces d'impact auxquelles elles sont soumises Note de bas de page 27.

1.15.3.4 Exigences réglementaires relatives aux radiobalises de repérage d'urgence

En tant qu'État membre de l'OACI, le Canada est tenu d'adhérer aux normes de l'OACI, à moins que TC avise officiellement l'OACI, conformément à l'article 38 de la Convention relative à l'aviation civile internationale, des « différences entre ses propres pratiques et celles qui sont établies par la norme internationale Note de bas de page 28 ». La demande de dérogation a pour but de permettre aux exploitants étrangers de prendre des décisions éclairées lorsqu'ils envisagent la possibilité de mener leurs activités dans un pays donné Note de bas de page 29.

En novembre 1999, l'OACI a publié l'amendement 74 de l'annexe 10 des Normes et pratiques recommandées internationales, volume III. Cet amendement comprend les normes suivantes afférentes aux ELT :

5.1.1 Jusqu'au 1er janvier 2005, les émetteurs de localisation d'urgence fonctionneront sur 406 et 121,5 MHz ou sur 121,5 MHz seulement.

[…]

5.1.4 À partir du 1er janvier 2005 [tous] les émetteurs de localisation d'urgence fonctionneront simultanément sur 406 MHz et sur 121,5 MHz.

5.1.5 Tous les émetteurs de localisation d'urgence installés à partir du 1er janvier 2002 fonctionneront simultanément sur 406 MHz et 121,5 MHz Note de bas de page 30.

Par conséquent, à partir du 1er janvier 2005, à moins qu'un État ait déposé une dérogation, les États contractants de l'OACI doivent avoir des règlements exigeant que les ELT fonctionnent simultanément sur les fréquences de 406 MHz et de 121,5 MHz.

Au Canada et aux États-Unis, il n'y a pas d'exigence réglementaire obligeant les aéronefs à transporter une ELT capable d'émettre sur la fréquence de 406 MHz. Les États-Unis ont déposé une dérogation à la norme de l'OACI Note de bas de page 31; quant au Canada, le pays n'a pas déposé de dérogation auprès de l'OACI et ne se conforme pas à cette norme. D'après TC, aucune dérogation n'a été déposée à cause d'une rotation de personnel parmi les experts en la matière; par conséquent, aucune mesure n'a été prise par rapport à cette exigence.

En 2008, TC a proposé des modifications à la réglementation dans la partie I de la Gazette du Canada, qui feraient en sorte que « les aéronefs exploités dans l'espace aérien canadien devront être équipés d'ELT capables d'émettre simultanément sur les fréquences de 406 MHz et de 121,5 MHz ou d'un autre moyen de repérage d'urgence qui satisfait aux critères de performance d'une ELT de 406 MHz Note de bas de page 32 ». La Gazette du Canada comportait la liste suivante des avantages de la modification proposée à la réglementation :

À la partie Justification dans la partie I de la Gazette du Canada, on lit que « les avantages éventuels des modifications proposées l'emportent largement sur les coûts qui s'y rattachent », et que « les modifications proposées permettront au Canada de se conformer aux recommandations de l'OACI concernant les ELT Note de bas de page 34 ». Cependant, cette modification proposée au règlement a reçu une vive opposition, en particulier du milieu des vols récréatifs. TC a donc choisi de ne pas publier cette modification proposée à la réglementation dans la partie II de la Gazette du Canada.

Le 1er février 2009, Cospas-Sarsat a cessé de surveiller les signaux d'ELT émis sur la fréquence de 121,5 MHz. Ainsi, si un aéronef est équipé d'une ELT qui émet uniquement sur la fréquence de 121,5 MHz et que cet aéronef a un accident, son signal ne sera pas détecté par les satellites SAR. La seule possibilité que ce signal soit détecté serait qu'un autre aéronef qui syntonise la fréquence de 121,5 MHz survole par hasard l'ELT en question et capte son signal, ou encore qu'une radio terrestre syntonise la fréquence de 121,5 MHz. En comparaison, les émetteurs de 406 MHz émettent des renseignements sur le vol, comme le numéro d'immatriculation de l'aéronef, qui peut servir à trouver les coordonnées de la personne à joindre en cas d'urgence, et la description de l'aéronef entre autres renseignements importants, à partir d'une base de données d'inscription des radiobalises. Certaines ELT modernes sont munies d'un GPS qui transmet les coordonnées de position en plus du signal de détresse.

Le 11 juin 2015, un Avis de proposition de modification (APM) sur les ELT de 406 MHz a été publié sur le site Web des activités du CCRAC de TC Note de bas de page 35. Dans l'APM, TC proposait de modifier les articles 605.38, 605.39 et 605.40 du RAC pour obliger la présence à bord d'une ELT capable d'émettre sur la fréquence de 406 MHz. Selon l'APM, TC proposait de rendre obligatoire une ELT à deux fréquences, soit 121,5 MHz et 406 MHz. D'après TC, il est possible de se conformer à cette exigence en utilisant une ELT à deux fréquences, ou en utilisant une ELT de 406 MHz et une autre ELT de 121,5 MHz. TC a indiqué que presque toutes les nouvelles ELT de 406 MHz sont des appareils à deux fréquences (c.-à-d., 406 MHz et 121,5 MHz). Les exploitants assujettis à la partie VII du RAC et ceux assujettis à la sous-partie 604 bénéficieraient d'une période de mise en œuvre de 1 an à partir de la date d'entrée en vigueur de l'exigence. Les propriétaires d'aéronefs privés effectuant des vols récréatifs non commerciaux bénéficieraient d'une période de mise en œuvre de 5 ans.

Aux termes de la réglementation actuelle, environ 27 000 aéronefs immatriculés au Canada sont tenus d'avoir une ELT. En mars 2016, seuls 10 086 aéronefs immatriculés au Canada inscrits dans la base de données du Registre des aéronefs civils de TC étaient munis d'au moins une ELT de 406 MHz active enregistrée dans le Registre canadien des balises. Parmi ces derniers, 5256 étaient des aéronefs privés, 4604 étaient des aéronefs commerciaux, et les autres 226 étaient des aéronefs appartenant à l'État. C'est donc dire que plus de la moitié des aéronefs immatriculés au Canada qui sont tenus d'avoir une ELT sont munis d'une ELT dont le signal ne peut pas être détecté par le système Cospas-Sarsat.

1.15.3.5 Normes de conception et spécifications des radiobalises de repérage d'urgence
1.15.3.5.1 Résistance à l'impact des radiobalises de repérage d'urgence

Aux termes du RAC, partie V – Manuel de navigabilité, chapitre 551 – Équipement d'aéronef et installation, les ELT approuvées doivent être conformes aux normes environnementales et de rendement de l'un ou l'autre des documents suivants :

Aux termes de la norme CAN-TSO-C91a, les ELT de 121,5 MHz et de 243,0 MHz doivent être conformes aux normes de rendement précisées dans le document RTCA/DO-183 de la Radio Technical Commission for Aeronautics (RTCA) intitulé Minimum Operational Performance Standards for Emergency Locator Transmitters – Automatic Fixed-ELT (AF), Automatic Portable-ELT (AP), Automatic Deployable-ELT (AD), Survival-ELT (S) Operating on 121.5 and 243.0 Megahertz. De même, la norme CAN-TSO-C126 précise que les nouvelles ELT de 406 MHz doivent être conformes au document RTCA/DO-204A, intitulé Minimum Operational Performance Standards for 406 MHz Emergency Locator Transmitters (ELT). D'après ce document, la conception des ELT [traduction] « doit assurer un degré raisonnable de résistance aux impacts Note de bas de page 37 » et devrait pouvoir résister à un incendie après impact.

Les normes RTCA/DO comportent un certain nombre de spécifications pour l'élément principal d'une ELT; cependant, elles offrent très peu en matière d'exigences relatives à la résistance à l'impact de l'antenne et des composants de câblage du système. Le Manuel de navigabilité offre d'autres indications à cet égard et précise que : « L'ELT doit être placée et fixée de manière à ce que l'émetteur et l'antenne risquent le moins possible d'être endommagés par un incendie ou d'être détruits à la suite d'un écrasement Note de bas de page 38 ».

Aux États-Unis, la FAA exige en outre que les ELT de 121,5 MHz et de 406 MHz soient conformes aux normes de rendement définies dans les documents RTCA/DO-183 et -204A. En Europe, l'Organisation européenne pour l'équipement électronique de l'aviation civile (EUROCAE) joue un rôle semblable à celui de la RTCA en ce sens qu'elle établit des spécifications minimales de rendement pour les ELT dans son document ED-62, intitulé Minimum Operational Performance Specification for Aircraft Emergency Locator Transmitters 406 MHz and 121.5 MHz (Optional 243 MHz). Selon ce document, [traduction] « Il n'y a pas de différence appréciable entre le présent document et la DO-204A Note de bas de page 39. » À la demande de la FAA, la RTCA a mis sur pied le Comité spécial (Special Committee) 229 (SC-229) pour mettre à jour la norme DO-204A (créant de ce fait la norme DO-204B), alors que l'EUROCAE a créé le groupe de travail (Working Group) 98 (WG-98). Ces 2 groupes se sont vus confier la tâche de mettre à jour le document ED-62A (pour créer le document ED-62B) et d'élaborer une nouvelle spécification établissant les critères de déclenchement en vol des ELT. La RTCA et l'EUROCAE collaborent actuellement dans le cadre de réunions conjointes, auxquelles participent le Secrétariat de Cospas-Sarsat et les administrations qui participent à Cospas-Sarsat.

Afin de réduire le nombre de cas où le système satellite Cospas-Sarsat ne détecterait pas un signal qui pourrait sauver des vies, l'enquête a examiné certaines solutions pouvant améliorer la résistance à l'impact de systèmes ELT d'aéronefs. Certaines de ces options sont présentées à l'annexe C.

1.15.3.5.2 Exigences relatives à la transmission du signal des radiobalises de repérage d'urgence

Selon la norme 5.3.1.2 de l'OACI [traduction], « La période séparant les transmissions sera de 50 secondes ± 5 % Note de bas de page 40 ». La spécification pour les radiobalises de détresse de 406 MHz Cospas-Sarsat (C/S T.001) stipule que celles-ci doivent être conçues de manière à prévenir leur déclenchement inopiné. D'après le paragraphe 4.5.6, comme moyen de prévention, une balise ne doit pas émettre de signal de détresse sur la fréquence de 406 MHz jusqu'à ce qu'au moins une période de répétition se soit écoulée. L'intervalle le plus court possible avant qu'un signal de détresse puisse être émis au système Cospas-Sarsat après l'activation d'une balise est donc de 47,5 secondes. On nomme couramment ce paramètre « first-burst delay period » (délai avant la première émission). D'après Cospas-Sarsat, le délai avant la première émission visait à l'origine à permettre à un composant interne, connu sous le nom d'oscillateur, de se stabiliser. Avec le temps, on s'est rendu compte que ce délai permettait aux propriétaires de balises de désactiver une balise qui avait été activée par mégarde avant qu'elle émette son premier signal. Les oscillateurs modernes prennent moins de temps à se stabiliser, et les balises modernes sont souvent munies de dispositifs grâce auxquels elles peuvent signaler leur position dans le premier message d'alerte à l'aide d'un récepteur de navigation embarqué. Le système Cospas-Sarsat est capable de calculer la position à partir d'un seul signal.

Le risque lié au délai avant la première émission a été signalé antérieurement dans le rapport d'enquête aéronautique A11W0070 du BST; il s'agissait dans ce cas d'une antenne ELT qui s'est trouvée submergée avant qu'elle puisse émettre un signal de détresse aux satellites SAR. De même, dans une présentation du Secrétariat Cospas-Sarsat en 2011, on a cerné le délai de 50 secondes avant la première émission comme étant l'une des faiblesses du système actuel. Il convient de souligner qu'aucune durée maximale d'attente n'est stipulée pour le délai avant la première émission; c'est au fabricant de la balise que revient la décision. D'après Cospas-Sarsat, certaines balises en production ont un délai avant la première émission de 100 secondes. Cospas-Sarsat et l'OACI s'emploient actuellement à élaborer des exigences pour des systèmes ELT de deuxième génération qui comprendront plusieurs perfectionnements par rapport aux spécifications actuelles. Ces perfectionnements, qui se trouvent dans le document C/S G.008 intitulé Operational Requirements for COSPAS-SARSAT Second Generation 406 MHz Beacons, prévoient notamment un délai avant la première émission d'au plus 3 secondes plutôt que de 50 secondes. Le document comprend également des spécifications de précision améliorées ainsi qu'une capacité de déclenchement en vol, comme certains des systèmes déjà en service. Les ELT de deuxième génération devront également comprendre la capacité d'annuler un signal de détresse qui a été émis inopinément ou qui a été envoyé intentionnellement lorsque l'on croyait qu'un accident était imminent. Cette caractéristique devrait réduire considérablement le nombre de fausses alertes nécessitant une enquête par le personnel SAR. On prévoit que les ELT de deuxième génération entreront en service d'ici la fin de 2018, et que des prototypes seront fonctionnels d'ici 2016 ou 2017.

1.16 Essais et recherches

Plusieurs instruments de vol ont été récupérés et envoyés au laboratoire du BST pour des examens plus approfondis. Ces instruments comprenaient

Tous ces instruments, sauf le radioaltimètre, avaient été endommagés par le feu. Le radioaltimètre comportait des dommages visibles attribuables à l'impact. Les autres instruments comportaient peut-être eux aussi des dommages causés par l'impact, mais leur exposition au feu n'a pas permis de le déterminer.

Le radioaltimètre récupéré sur les lieux de l'accident provenait du côté droit du poste de pilotage, où prenait place le premier officier. Le seul renseignement qu'a fourni cet instrument était le calage à 150 pieds de son curseur de faible hauteur, ce qui correspond aux renseignements obtenus du CVR. Malgré l'absence d'une procédure établie par les SOP pour le S-76A, bon nombre de pilotes de S-76A de la compagnie calaient ainsi le curseur de faible hauteur. L'altimètre a été lourdement endommagé par la chaleur, mais il a été possible de déterminer qu'il avait été calé à 30,00 in. Hg. L'examen des anémomètres et de l'indicateur de vitesse verticale n'a donné aucun renseignement fiable quant à leurs indications au moment de l'impact.

1.16.1 Rapports de laboratoire du BST

Le BST a complété les rapports de laboratoire suivants dans le cadre de la présente enquête :

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 Généralités

Ornge est une entreprise sans but lucratif dont la mission est de fournir des services d'ambulance aérienne à la population de l'Ontario. Pour exécuter son mandat, Ornge a établi 2 sociétés à but lucratif qui supervisent les volets à voilure fixe et à voilure tournante de ses SMU. Ornge Global Air Inc. assure le volet à voilure fixe d'Ornge, tandis que 7506406 Canada Inc. assure le volet à voilure tournante. Bien que ces 2 entités soient juridiquement constituées en sociétés, elles sont toutes 2 exploitées par la société parapluie Ornge. Ces compagnies n'ont pas de raison sociale officielle; toutefois, à Ornge, on les nomme couramment « Ornge Fixed-Wing (FW) » (pour Ornge voilure fixe) et « Ornge Rotor-Wing (RW) » (pour Ornge voilure tournante). Pour réduire tout risque d confusion possible, nous utilisons dans le présent rapport « Ornge FW » ou « Ornge RW » pour faire référence à chacune de ces entités aériennes, et « Ornge » pour faire référence à l'équipe de haute direction qui est responsable des 2 volets des opérations aériennes de la compagnie.

Au moment de l’accident, Ornge FW exploitait une flotte de 10 ilatus PC-12, et la flotte d’hélicoptères d’Ornge RW se composait de 11 S-76A et de 10 AW139. La compagnie comptait précédemment 2 autres AW139 qu’elle avait vendus à la fin d’avril 2013. Le jour de l’événement, sur les 11 S-76A d’Ornge RW, seulement 3 étaient en service; 2 faisaient l’objet de travaux de maintenance non prévus, et 6 se trouvaient en entretien lourd ou en entreposage de longue durée, ou servaient de sources de pièces de rechange.

Ensemble, les volets à voilure fixe et à voilure tournante d'Ornge comptent plus de 600 employés travaillant dans 7 bases affectées aux voilures tournantes, 3 bases affectées aux voilures fixes, et au siège social à Mississauga (Ontario). Au moment de l'accident, les S-76A étaient exploités depuis les bases de Kenora, de Moosonee et de Thunder Bay, tandis que les AW139 étaient exploités depuis les bases d'Ottawa, de Toronto, de London et de Sudbury. Les bases de la compagnie affectées aux aéronefs à voilure fixe se trouvent à Timmins, à Sioux Lookout et à Thunder Bay.

1.17.2 Historique de 7506406 Canada Inc. (Ornge Rotor-Wing)

En 1997, le ministère de la Santé et des Soins de longue durée de l'Ontario a mis sur pied le Programme d'ambulances aériennes avec un seul hélicoptère, basé à l'aéroport de Buttonville, à Toronto. En 2002, ce programme a pris de l'ampleur, comprenant des bases aériennes à Sioux Lookout, à Thunder Bay, à Sudbury et à Timmins. En avril 2005, l'Ontario Air Ambulance était juridiquement constituée en organisme indépendant sans but lucratif pour coordonner l'ensemble des services d'ambulance aérienne de la province. Cette année-là, en juillet, le gouvernement provincial annonçait l'affectation de l'Ontario Air Ambulance Corporation à la coordination de tous les aspects du Programme d'ambulances aériennes de l'Ontario. En juillet 2006, l'organisme a changé son nom à Ornge.

En 2009, Ornge Global Air Inc., entité en propriété exclusive d'Ornge, a été juridiquement constituée et a obtenu un certificat d'exploitation aérienne (AOC) en vertu de la sous-partie 703 du RAC pour exploiter des aéronefs PC-12-47E pour des vols SMU. Ornge RW, qui appartient à Ornge Global Air Inc., a été juridiquement constituée en 2011 et a entrepris les préparatifs pour s'acquitter des opérations d'ambulance aérienne par hélicoptère en Ontario, qui avaient été octroyées par le passé à un autre exploitant d'hélicoptères canadien. Le 6 janvier 2012, Ornge RW a obtenu des certificats d'exploitation en vertu des sous-parties 702 et 704 du RAC pour ses hélicoptères AW139, et des certificats d'exploitation en vertu des sous-parties 702 et 703 du RAC pour sa flotte d'hélicoptères S-76A. En outre, elle a obtenu une spécification d'exploitation 600 pour mener des activités d'ambulance aérienne à bord de ses S-76A et de ses AW139.

Au départ, la compagnie avait prévu d'utiliser ses AW139 à toutes ses bases d'aéronefs à voilure tournante, sauf à CYMO, pour laquelle la compagnie envisageait de donner à forfait les services d'hélicoptère à un tiers La mise en œuvre des AW139, qui a commencé au début de 2012, devait se faire dans chaque base, une à la suite de l'autre. Toutefois, la mise en œuvre a été retardée à cause de problèmes logistiques liés au système de protection contre le givre, aux inspections de navigabilité des pales du rotor de queue, et aux taux de bon fonctionnement des AW139. Pour garantir le maintien d'un niveau de service acceptable, la compagnie a ensuite choisi de retarder le déploiement des AW139 à Kenora et à Thunder Bay, et de continuer à se servir des S-76A qu'Ornge Global Air Inc. avait achetés de l'exploitant précédent en 2009. En outre, au début de 2012, Ornge RW a abandonné tout effort pour trouver une autre solution pour CYMO; elle a plutôt choisi de maintenir le statu quo et de se servir du S-76A qui était déjà affecté à cette base.

Comme la décision de retarder la mise en œuvre des AW139 était censée n'être qu'une mesure provisoire jusqu'à ce que les taux de bon fonctionnement des AW139 se soient améliorés suffisamment pour qu'on puisse s'en servir à Kenora et à Thunder Bay, la compagnie n'a effectué aucune évaluation des risques pour déterminer quelles bases tireraient le meilleur parti des AW139 plutôt que des S-76. D'après la compagnie, la transition à l'AW139 était déjà commencée dans ses bases plus au sud, et la mise en place des AW139 dans les bases au nord aurait exigé beaucoup de formation additionnelle. En effet, il aurait fallu former les équipages du nord à l'AW139, alors que les équipages du sud, dont la conversion à l'AW139 était déjà faite, auraient dû être requalifiés pour le S-76A.

Au cours des mois précédant le mois de septembre 2010, moment où la transition de l’exploitant précédent à Ornge RW a débuté, l’exploitant précédent avait recommandé, en fonction des dispositifs de sécurité dont ils étaient munis, l’ordre dans lequel les aéronefs S-76A devraient être retirés du service à la livraison des AW139. Toutefois, lorsque la mise en œuvre des AW139 a été retardée, certains hélicoptères S-76A, y compris l’aéronef en cause dans l’événement, sont demeurés en service à leur base d’exploitation régulière plutôt que d’être retirés dans l’ordre recommandé. Ornge n’a effectué aucune évaluation des risques pour déterminer s’il était possible de réduire le niveau de risque, soit en remettant en service certaines des cellules S-76A qui avaient été retirées, soit en utilisant les pièces de ces aéronefs retirés du service pour mettre à niveau les cellules en service dépourvues de composants plus modernes.

En 2012, Ornge a subi un important changement organisationnel. En janvier 2012, le conseil d'administration en place a démissionné; on a constitué un nouveau conseil composé de bénévoles, et on a nommé un chef de la direction intérimaire. De janvier à juillet 2012, une équipe de transition était en place pour établir une nouvelle orientation pour l'organisation. En décembre 2012, on a nommé un président et chef de la direction permanent, qui est entré en fonction le 21 janvier 2013.

1.17.3 Organigramme d'Ornge Global Air Inc.

1.17.3.1 Généralités

Au moment de l'événement, la majorité des membres de l'équipe de haute direction d'Ornge FW et d'Ornge RW avaient cumulé leur expérience principalement en aéronefs à voilure fixe. Les seuls membres de l'équipe de direction qui avaient de l'expérience en aéronefs à voilure tournante occupaient les postes de gestionnaire des opérations et de CP à Ornge RW. Beaucoup d'employés d'Ornge RW estimaient que la haute direction d'Ornge n'était pas pleinement consciente des défis liés à l'exploitation de SMUH, étant donné leur manque d'expérience des aéronefs à voilure tournante.

Au moment de l'accident, l'organigramme d'Ornge RW était tel qu'illustré à la figure 7.

Figure 7. Organigramme d'Ornge Rotor-Wing au moment de l'accident (Source : Ornge RW, Manuel d'exploitation de la compagnie, avec annotations du BST)
Image de l'organigramme d'Ornge Rotor-Wing au moment de l'accident (Source : Ornge RW, Manuel d'exploitation de la compagnie, avec annotations du BST)

Le gestionnaire des opérations et le CP d'Ornge RW travaillent au siège social d'Ornge à Mississauga. Les titulaires de ces 2 postes gèrent en grande partie tous les aspects des activités d'Ornge RW. Peu après qu'Ornge RW a reçu ses certificats d'exploitation, il y a eu un certain nombre de changements au sein du personnel relevant du gestionnaire des opérations et du CP. Le 29 février 2012, le gestionnaire des opérations d'Ornge RW a démissionné. C'est le CP en poste à ce moment-là qui a assumé la fonction de gestionnaire des opérations intérimaire en plus de ses propres fonctions. Puis, le 31 mars 2012, le chef de l'exploitation/cadre supérieur responsable a démissionné à son tour, et la personne responsable de la maintenance (PRM) de la compagnie a été nommée cadre supérieur responsable d'Ornge FW et d'Ornge RW, en plus de ses responsabilités de PRM. Le 2 avril 2012, la personne qui occupait le poste de gestionnaire des opérations au moment de l'événement à l'étude s'est jointe à l'équipe de direction comme CP adjoint. Le mois suivant (mai 2012), la personne qui cumulait les fonctions de CP et de gestionnaire des opérations intérimaire est partie en congé prolongé.

Pour combler ces postes, la compagnie a proposé à TC que le CP adjoint nouvellement nommé assume à la fois les fonctions de gestionnaire des opérations intérimaire et de CP intérimaire. Le 17 avril 2012, moins d'un mois après la nomination de cette personne au poste de CP adjoint, TC a approuvé la demande de la compagnie de nommer cette personne gestionnaire des opérations intérimaire ainsi que CP intérimaire. La personne qui cumulait précédemment les postes de gestionnaire des opérations intérimaire et de CP est revenue à la compagnie pendant quelques semaines en juin, avant de démissionner.

Le 29 juin 2012, le gestionnaire des opérations intérimaire a été nommé à temps plein à ce poste permanent, tout en continuant d'occuper le poste de CP intérimaire. TC n'avait aucune objection à ces nominations cumulatives, et le gestionnaire des opérations a occupé ces 2 postes jusqu'au 25 avril 2013, lorsque le CP adjoint a été nommé au poste de CP. C'est cette personne qui était CP au moment de l'accident; toutefois, elle a quitté la compagnie par la suite pour ensuite revenir à titre de pilote de ligne.

En décembre 2012, la compagnie a embauché un nouveau chef de l'exploitation/cadre supérieur responsable. Durant la période d'avril 2012 à décembre 2012, en l'absence d'un chef de l'exploitation/cadre supérieur responsable, le vice-président, Aviation, qui était cadre supérieur responsable intérimaire, relevait directement du chef de la direction intérimaire. Puis, en janvier 2013, la compagnie a embauché un président et chef de la direction. La figure 8 illustre les changements de personnel à certains des postes de direction clés à Ornge RW. Chaque couleur représente une personne différente. Les rayures verticales représentent les postes intérimaires.

Figure 8. Chronologie des changements de personnel à Ornge Rotor-Wing
Chart de la chronologie des changements de personnel à Ornge Rotor-Wing

Pour les activités des aéronefs à voilure fixe et des aéronefs à voilure tournante, les CP relèvent de leur gestionnaire des opérations respectifs, qui pour leur part relèvent du vice-président, Aviation. Au moment de l'accident, le gestionnaire des opérations et le CP d'Ornge RW étaient responsables de plus de 80 pilotes disséminés dans les 7 bases d'aéronefs à voilure tournante de la compagnie. Ornge FW, quant à elle, comptait un gestionnaire des opérations, un CP, et un pilote instructeur/vérificateur agréé, tous 3 postés au siège social de la compagnie. Il incombait à ces 3 personnes de superviser 45 pilotes répartis dans 3 bases. Le personnel d'Ornge FW donnait toute la formation au sol de même que l'entraînement sur simulateur et de vol aux pilotes de la compagnie alors que le personnel d'Ornge RW ne donnait aucune formation au sol ni d'entraînement sur simulateur.

1.17.3.2 Vice-président, Aviation

D'après le MEC d'Ornge RW, le vice-président, Aviation, est également le PRM à Ornge Global Technical Services, l'organisme de maintenance agréé d'Ornge. Il incombe au vice-président, qui relève directement du chef de l'exploitation, d'assurer la conformité à toutes les lois, règles, règlements, politiques et procédures applicables, et d'élaborer et maintenir [traduction] « une structure et un cadre organisationnels qui permettent une exploitation efficace, sûre, sécuritaire et durable Note de bas de page 41 ».

Au moment de l'accident, le vice-président, Aviation/PRM, qui avait travaillé par le passé à TC, avait une vaste expérience de la maintenance d'aéronefs à voilure fixe, ainsi qu'une certaine expérience de la maintenance d'aéronefs à voilure tournante.

1.17.3.3 Gestionnaire des opérations

D'après l'alinéa 723.07(2)a) et le paragraphe 724.07(2) des NSAC, le gestionnaire des opérations est responsable, entre autres, de l'affectation et des horaires des équipages, des programmes de formation, de la sécurité des vols et de la vérification des qualifications des membres d'équipage de conduite. Tel qu'indiqué précédemment dans le présent rapport, à Ornge RW, le gestionnaire des opérations remplit également le rôle de directeur, Opérations aériennes. D'après le paragraphe 1.3.3 du MEC, l'une des principales responsabilités du gestionnaire des opérations est d'assurer

[traduction]

le contrôle des activités et des normes opérationnelles pour tous les hélicoptères qui sont exploités en donnant une orientation globale et en supervisant l'ensemble des opérations aériennes de la compagnie et en élaborant des politiques régissant ces fonctions. Le titulaire doit s'assurer que toutes les activités menées en vertu de toutes les licences et tous les certificats que détient la compagnie se déroulent conformément aux politiques et instructions générales et particulières que contient le présent manuel et à la réglementation et aux normes en vigueur Note de bas de page 42.

Avant de se joindre à l'équipe de direction d'Ornge RW en 2012, le gestionnaire des opérations avait servi pendant une dizaine d'années comme capitaine de ligne de S-76A pour les SMU en Ontario. De plus, le gestionnaire des opérations avait été commandant instructeur et PVA pour le S-76A et le AW139 pendant plus de 4 ans. Il n'avait aucune expérience de gestionnaire avant de se joindre à l'équipe de direction d'Ornge RW.

Au cours des mois qui ont précédé l'accident, le gestionnaire des opérations avait atteint le point de saturation des tâches en raison de l'énorme charge de travail que représentaient ses fonctions combinées de gestionnaire des opérations et de CP intérimaire. Par conséquent, il était incapable de s'acquitter de certaines tâches, par exemple vérifier que les pilotes avaient la formation et les qualifications requises pour remplir leur rôle. Le gestionnaire des opérations et le CP adjoint ont demandé plusieurs fois à la haute direction d'Ornge de leur fournir des ressources additionnelles afin de maintenir la conformité à la réglementation des quelque 80 pilotes d'hélicoptère au service de la compagnie. On a informé à maintes reprises le gestionnaire des opérations que la compagnie prenait des mesures pour embaucher des ressources additionnelles; toutefois, aucune ressource additionnelle n'a été affectée pour appuyer le gestionnaire des opérations et le CP adjoint, de sorte que le double emploi du gestionnaire des opérations / CP intérimaire a continué de s'accumuler sur une période de plus d'un an.

1.17.3.4 Chef pilote

D'après l'alinéa 723.07(2)b) et le paragraphe 724.07(3) des NSAC, il incombait notamment au CP d'élaborer des SOP, de mettre en œuvre tous les programmes de formation nécessaires et approuvés, et de donner des directives et consignes aux équipages de conduite des S-76A et AW139, au besoin. Comme le précise le MEC d'Ornge RW, il incombe aussi au CP de vérifier les normes et qualifications professionnelles des équipages de conduite. Le CP supervise les pilotes instructeurs de la compagnie, à qui il incombe de donner la formation conformément au manuel de formation approuvé par TC.

La personne qui était CP au moment de l'accident avait été embauchée par Ornge RW le 15 novembre 2010, avant que la compagnie n'obtienne son AOC. Avant de se joindre à Ornge RW, le CP avait piloté le Bell 412 en milieu extracôtier et avait été propriétaire d'une entreprise d'excursions en hélicoptère dans les Caraïbes. Il n'avait aucune expérience antérieure des SMU lorsqu'il est entré au service d'Ornge RW. Au départ, il avait été embauché pour remplir le poste de CP, Aéronefs à voilure tournante. Une autre personne avait été embauchée pour remplir le poste de gestionnaire des opérations de cette nouvelle compagnie. Toutefois, au cours d'une première réunion avec l'IPE de TC, celui-ci avait informé les 2 nouveaux employés qu'ils ne répondaient pas aux exigences de qualifications aux termes des articles 723 et 724 des NSAC, puisqu'ils n'étaient pas titulaires d'une licence canadienne de pilote de ligne (hélicoptère).

Comme mesure provisoire, le CP a été nommé au poste de directeur adjoint, Services d'aviation, poste qu'il occuperait jusqu'à ce qu'il ait terminé les étapes requises pour devenir CP. Même si son titre officiel ne le reflétait pas, son rôle dans la certification d'Ornge RW correspondait à celui de CP. Le 9 octobre 2012, le directeur adjoint, Services d'aviation, est devenu gestionnaire, Formation et normes; puis, à la fin d'octobre 2012, il a été nommé CP adjoint. En décembre 2012, le CP adjoint ayant obtenu sa licence canadienne de pilote de ligne (hélicoptère), Ornge RW a soumis sa candidature pour le poste de CP de la compagnie, et l'IPE a signé une lettre de recommandation. Le 20 mars 2013, le candidat a passé l'entrevue nécessaire de TC, et le 25 avril 2013, TC l'a accepté officiellement comme CP.

Tel que mentionné précédemment, l'une des principales responsabilités du CP est d'élaborer les SOP de la compagnie. Au cours de l'enquête, on a déterminé que le CP ne connaissait pas bien les SOP pour le S-76A d'Ornge RW, ayant de la difficulté à reconnaître un grand nombre des limites et procédures qui y étaient expliquées.

Outre cette méconnaissance des procédures, le CP ne pouvait s'acquitter de certaines de ses tâches à cause de la charge de travail excessive associée à ce poste. Au cours des mois qui ont précédé l'accident, le gestionnaire des opérations et le CP ont continué d'accumuler du retard dans leurs tâches, ce qui a compromis leur capacité de s'acquitter de leur devoir de s'assurer que la compagnie se conformait au RAC. Par exemple, le CP a eu beaucoup de difficulté à assurer le suivi et le contrôle de la formation et des qualifications des pilotes de la compagnie.

1.17.3.5 Pilotes gestionnaires

Avant l'été et l'automne 2012, Ornge RW employait des pilotes gestionnaires à chacune de ses bases. Ces personnes relevaient directement du CP, qui a aussi cumulé les fonctions de gestionnaire des opérations pendant plusieurs mois. Outre leurs tâches de pilotage, chaque pilote gestionnaire était responsable [traduction] « des aéronefs, du personnel et de l'équipement affecté à sa base Note de bas de page 43 » et « de la sécurité des opérations aériennes à sa base Note de bas de page 44 ». Essentiellement, les pilotes gestionnaires étaient responsables de l'exploitation quotidienne des bases. L'affectation des équipages de conduite était l'une des tâches clés de cette fonction. Comme les pilotes gestionnaires travaillaient à leur base, ils en connaissaient très bien les pilotes et avaient une idée très juste des forces et faiblesses de chacun d'eux. Ces connaissances les aidaient à établir les affectations et à jumeler les membres d'équipage de manière à obtenir la plus grande marge de sécurité. Par exemple, si un pilote était relativement nouveau à la base, le pilote gestionnaire veillait à le jumeler avec un pilote plus chevronné afin de compenser ce manque d'expérience locale.

Au cours de la transition des activités de l'exploitant précédent, la direction d'Ornge RW a déterminé que les pilotes gestionnaires n'arrivaient pas toujours à assurer une surveillance appropriée. Les qualifications de certains pilotes gestionnaires ont donné lieu à un examen de ces postes. Les membres de la haute direction d'Ornge avaient l'impression que les pilotes gestionnaires d'Ornge RW, qui avaient tous été à l'emploi de l'exploitant précédent du service d'ambulance aérienne, acceptaient mal la nouvelle orientation d'Ornge et qu'ils apportaient peu de valeur à l'exploitation. Il a donc été décidé d'abolir ces postes. Parmi les 7 pilotes gestionnaires, 6 ont été affectés à un poste de pilote de ligne au sein de la compagnie. Le septième pilote gestionnaire a été licencié.

À la mi-juin 2012, Ornge Global Air Inc. a assumé l'affectation des équipages à Ornge RW et a mis en place un système centralisé d'affectation des équipages, comme celui que la compagnie employait déjà pour ses activités d'aéronefs à voilure fixe. Dans le cadre de cette transition et étant donné que les postes de pilote gestionnaire avaient été abolis, le CP (rôle que remplissait le gestionnaire des opérations) s'est vu confier un grand nombre des tâches qui incombaient aux pilotes gestionnaires. En plus de ces nouvelles responsabilités, le gestionnaire des opérations a été chargé de l'affectation des équipages dans le cadre du modèle centralisé mis en place. Compte tenu de ses autres responsabilités, le gestionnaire des opérations a délégué l'affectation des équipages au service centralisé d'affectation des équipages à Ornge Global Air Inc. En fin de compte, étant donné la charge de travail excessive du gestionnaire des opérations et CP, ainsi que du CP adjoint, ni l'un ni l'autre n'a activement pris part à l'affectation des équipages.

La décision d'abolir les postes de pilote gestionnaire n'a pas été prise au terme d'une analyse en bonne et due forme des tâches afin de s'assurer que les responsabilités seraient judicieusement affectées à d'autres employés de la compagnie. Beaucoup d'employés d'Ornge RW ont indiqué que ce changement de méthode d'affectation réduisait les marges de sécurité, car la réalisation de cette tâche à chaque base avait pris en considération les niveaux d'expérience des pilotes de manière à optimiser le jumelage des membres d'équipage. Outre un statut rudimentaire « inexpérimenté » (green) ou « chevronné » (non-green), le service centralisé ne tenait pas compte des différences d'expérience de chaque membre lors de l'affectation des équipages. Plutôt, il puisait simplement parmi les bassins de capitaines et de premiers officiers disponibles pour pourvoir les quarts vacants au fur et à mesure.

1.17.3.6 Pilotes de ligne

Au moment de l'accident, l'effectif d'Ornge RW comptait 46 postes de capitaine et 39 de premiers officiers. Du 1er janvier 2012 au 31 mai 2013, 16 pilotes avaient démissionné d'Ornge RW et 1 pilote avait été licencié. Parmi les 16 pilotes démissionnaires, 13 étaient des capitaines, ce qui représentait environ le tiers de l'effectif de la compagnie pour ce poste. Durant cette même période, la compagnie avait embauché 26 pilotes (y compris les pilotes en cause dans l'événement à l'étude).

Étant donné l'éloignement de Moosonee, Ornge RW a souvent eu de la difficulté à trouver des pilotes acceptant d'aller s'y établir. Pour attirer des pilotes à CYMO, la compagnie permet aux pilotes qui y sont affectés de travailler par quarts rotatifs de 2 semaines de travail suivies de 2 semaines de congé. Durant les heures de repos, les pilotes et ambulanciers paramédicaux logent aux quartiers de l'équipage. Chaque membre d'équipage a sa propre chambre dans ces quartiers. Malgré les quarts rotatifs et le logement fourni, la compagnie a continué d'éprouver de la difficulté à trouver des pilotes prêts à accepter de travailler à CYMO. La compagnie avait également de la difficulté à pourvoir les postes dans certaines de ses autres bases au nord, ce qui donnait lieu à une situation de niveaux de pénurie de personnel exceptionnels selon la description qu'en faisait Ornge Note de bas de page 45. Dans une correspondance de suivi, le ministère de la Santé a exprimé de sérieuses préoccupations à l'égard de ces pénuries de personnel, ainsi que son intérêt à connaître les échéanciers projetés pour pourvoir ces postes. Durant cet échange de correspondance avec le ministère de la Santé, en avril 2013, Ornge a indiqué qu'elle avait embauché 4 nouveaux employés qui seraient affectés à Thunder Bay, à Kenora et à Moosonee. Le capitaine en cause dans l'événement était l'un des 4 pilotes auxquels cette correspondance faisait référence.

Pour surmonter ce taux de roulement élevé parmi les capitaines à Ornge RW depuis janvier 2012, la compagnie a embauché des capitaines occasionnels à temps partiel, comme celui en cause dans l'événement, pour faire de la suppléance durant les périodes de pénurie de personnel. Elle a également offert à certains pilotes de la compagnie souhaitant travailler des quarts additionnels, la possibilité de faire des heures supplémentaires aux bases touchées par une pénurie de personnel.

1.17.3.7 Postes de direction vacants à Ornge Rotor-Wing

Au moment de l'accident, un certain nombre de postes clés étaient vacants à Ornge RW. Ces postes seront étudiés ci-dessous.

1.17.3.7.1 Gestionnaire, Sécurité des vols, Aéronefs à voilure tournante

Le poste de gestionnaire, Sécurité des vols, Aéronefs à voilure tournante, est devenu vacant le 17 janvier 2013. Il s'agit de 1 des 5 postes au sein du service de la Sécurité aérienne de la compagnie qui relèvent directement du directeur, Sécurité aérienne. D'après le MEC, l'une des responsabilités de ce gestionnaire consiste à [traduction] « surveiller et déceler les éléments d'opérations aériennes de gravité alarmante, et à assurer une surveillance soutenue de la sécurité des vols dans le contexte des opérations aériennes Note de bas de page 46 ».

1.17.3.7.2 Gestionnaire, Formation et normes, Aéronefs à voilure tournante

Le poste de gestionnaire, Formation et normes, Aéronefs à voilure tournante, était vacant au moment de l'événement. L'une des responsabilités de ce poste consiste à [traduction] « s'assurer que les participations à toutes les activités de formation sont vérifiées et consignées et que toutes les fiches sont remplies et classées correctement dans les dossiers de formation Note de bas de page 47 ». Une autre responsabilité de ce poste est de s'assurer qu'avant d'être affecté à une mission un pilote répond à toutes les exigences de la réglementation et de la compagnie en matière de formation.

D'octobre 2012 à avril 2013, c'est le CP adjoint qui remplissait ce poste, avant d'être muté au poste de CP le 25 avril 2013. Toutefois, cette personne devait continuer d'exécuter ses tâches de gestionnaire, Formation et normes, Aéronefs à voilure tournante.

Vers la fin de 2012, la compagnie a nommé un adjoint, Services d'aviation, pour prêter main-forte au gestionnaire, Formation et normes, Aéronefs à voilure tournante, en s'assurant du maintien à jour des fiches de formation. Le poste d'adjoint, Services d'aviation, est devenu vacant après l'inspection de validation de programme (IVP) de janvier 2013 Note de bas de page 48, et n'a pas été pourvu par la suite. Par conséquent, le CP adjoint a repris ces fonctions.

1.17.3.7.3 Commis aux Services d'aviation

Le poste de commis aux Services d'aviation a été créé après l'IVP de janvier 2013 en vue de réduire la charge de travail du gestionnaire des opérations et CP. Les principales responsabilités de ce poste consistaient à s'assurer que toutes les formations étaient vérifiées et consignées et que toutes les fiches étaient remplies et classées correctement dans les dossiers de formation. Toutefois, au moment de l'accident, ce poste n'avait pas été pourvu, donc ces tâches revenaient au CP.

1.17.4 Affectations à Ornge Rotor-Wing

Selon l'entente de rendement (Performance Agreement) conclue entre Ornge et le ministère de la Santé [traduction] « pour les aéronefs affectés aux nouveaux appels et aux appels urgents, si l'aéronef est avitaillé en carburant, le commandant de bord demandera au contrôle de la circulation aérienne une autorisation de décoller dans les 15 minutes après avoir accepté l'appel. » Si l'aéronef doit être avitaillé en carburant, la période maximale permise passe à 25 minutes Note de bas de page 49.

Toutefois, Ornge RW a une position de longue date à l'égard des quarts de nuit en disponibilité à l'extérieur du lieu de travail qui est décrite dans son MEC. D'après le MEC d'Ornge RW, pendant les heures de service à l'extérieur du lieu de travail, les équipages doivent être en mesure de répondre en moins d'une heure après que le CdB a accepté l'appel. Bien que l'entente de rendement conclue avec le ministère de la Santé ne traite pas des quarts de nuit en disponibilité, la base de Moosonee d'Ornge RW est exploitée en position de disponibilité à l'extérieur du lieu de travail entre 19 h et 7 h. Durant cette période, les pilotes demeurent dans les quartiers d'équipage de l'endroit dans la ville de Moosonee et on s'attend à ce qu'ils se présentent en moins d'une heure s'ils sont appelés à travailler. Compte tenu de la position de disponibilité à l'extérieur du lieu de travail durant les quarts de nuit à Ornge RW et du fait qu'Ornge RW permet à ses pilotes de répondre, de jour, à des appels d'évacuation médicale dans des endroits sans zone d'atterrissage dédiée Note de bas de page 50, la compagnie accorde une plus grande priorité à la dotation des quarts de jour. Étant donné que la compagnie ne dépêche pas ses hélicoptères de nuit dans des endroits sans zone d'atterrissage dédiée, la direction d'Ornge estimait qu'elle pouvait utiliser le personnel d'Ornge FW comme ressource additionnelle en cas de pénurie de personnel pour les quarts de nuit à Ornge RW.

Au cours de l'année qui a précédé l'accident, un grand nombre de quarts de travail à Ornge RW sont demeurés sans personnel à cause de pénuries de personnel attribuables à des congés de maladie à court terme et à la démission de pilotes. Au cours des 3 mois précédant l'accident, la pénurie de pilotes à Ornge RW a entraîné des temps d'indisponibilité à CYMO (tableau 4).

Tableau 4. Temps d'indisponibilité à l'aéroport de Moosonee (CYMO) au cours des 3 mois précédant l'accident
Mois (2013) Jours Nuits Total
Heures % Heures % Heures %
Mai 4,0 1 171,5 46 175,5 23,6
Avril 7,2 2 252,0 70 259,2 36,0
Mars 41,8 11 132,0 35 173,8 23,4
Total 53,0 5 555,5 50 608,5 27,6

Pour tenter de régler le problème de pénurie de pilotes à CYMO et à d'autres bases, Ornge RW faisait parfois appel à des pilotes de renfort d'autres bases pour combler les lacunes dans un horaire. Un examen des affectations à Ornge RW au cours de l'année précédant l'accident a révélé que, dans certains cas, des pilotes de renfort en provenance d'autres bases étaient immédiatement affectés aux quarts de nuit d'une base sans avoir d'abord effectué des vols de jour à cette base. L'enquête a dévoilé que des employés de la compagnie avaient exprimé des préoccupations concernant les nouveaux employés affectés immédiatement aux quarts de nuit. Ils avaient également exprimé des préoccupations concernant le jumelage de pilotes de renfort, ce qui avait pour résultat de former des équipages composés de 2 pilotes inexpérimentés. Dans sa correspondance avec le gestionnaire, Sécurité des vols, Aéronefs à voilure tournante, en poste à l'époque, avec copie conforme au gestionnaire des opérations /CP intérimaire, le responsable de la sécurité de la base de CYMO a signalé que l'on compromettait la sécurité rien que pour combler des quarts vacants, en donnant comme exemple un cas où l'on avait affecté 2 nouveaux employés immédiatement à des quarts de nuit. Dans cette correspondance, le pilote qui exprimait ses préoccupations a écrit [traduction] « les trous dans le fromage suisse commencent à s'aligner Note de bas de page 51 ».

Dans sa réponse au responsable de la sécurité de la base, avec copie conforme au gestionnaire des opérations /CP intérimaire, le gestionnaire, Sécurité des vols, Aéronefs à voilure tournante, a indiqué qu'il n'aimait pas l'idée de laisser un pilote effectuer son tout premier départ depuis Moose Factory dans un trou noir vers le sud-ouest étant donné les difficultés que comporte un tel départ. Le gestionnaire des opérations /CP intérimaire a répondu aux personnes concernées que les nouveaux pilotes avaient reçu toute la formation nécessaire, et les affectations n'ont pas été modifiées.

Malgré le fait qu'Ornge RW n'avait pas un SGS complètement mis en œuvre au moment de l'accident, et que la réglementation n'exigeait pas que la compagnie en ait un, la compagnie donnait de la formation sur le SGS à ses employés. Un exposé de formation sur le SGS d'Ornge intitulé Safety Management System Fundamentals 2013 [Éléments fondamentaux du système de gestion de la sécurité 2013] indique que le rôle de l'employé [traduction] « est de signaler ouvertement tout danger et tout incident Note de bas de page 52 » afin d'aider à empêcher que d'autres incidents se produisent à l'avenir et pour constater les nouvelles tendances. L'exposé traite également de l'exigence de la compagnie selon laquelle [traduction] « chaque accident, événement ou danger qui survient durant votre travail ou afférent à celui-ci Note de bas de page 53 » doit être signalé au moyen de rapports de sécurité aéronautique (ASR). Néanmoins, contrairement à cette exigence, les préoccupations au sujet du jumelage de pilotes inexpérimentés n'ont pas été inscrites dans le système ASR de la compagnie et n'ont pas été transmises au directeur, Sécurité aérienne.

Moins d'une semaine après l'accident à l'étude, un pilote de la compagnie a déposé un ASR concernant l'affectation immédiate de 3 nouveaux pilotes aux quarts de nuit pour leur premier bloc de quarts. L'un de ces 3 pilotes devait agir comme CdB. Dans son rapport, l'auteur a indiqué que cette pratique était inacceptable et dangereuse. Dans son analyse des causes profondes, la compagnie a déterminé que le système d'établissement des affectations devait être amélioré et qu'il n'y avait aucune politique documentée selon laquelle un nouveau pilote devait être affecté à des quarts de jour seulement jusqu'à ce qu'il soit approuvé pour les opérations de nuit. L'affectation a été annulée et remplacée par une nouvelle dans laquelle les nouveaux pilotes étaient affectés à des quarts de jour.

1.17.5 Manuel d'exploitation de la compagnie

1.17.5.1 Généralités

TC avait approuvé, le 2 mai 2013, le MEC daté du 25 avril 2013. D'après le préambule du MEC :

[traduction]

Les normes, pratiques, procédures et spécifications établies aux présentes reflètent les politiques d'exploitation de la compagnie et sont conformes à la réglementation de Transports Canada. L'adhésion aux dispositions établies dans les présentes est obligatoire Note de bas de page 54.

La section qui suit donne un aperçu de plusieurs politiques et procédures comprises dans le MEC qui sont pertinentes pour l'enquête.

1.17.5.2 Qualifications, expérience et maintien des compétences des équipages

Selon le paragraphe 2.2 du MEC, un capitaine doit avoir un CCP valide selon les [traduction] « normes de capitaine pour le type d'aéronef » pour pouvoir agir comme CdB, et un premier officier doit avoir un CCP valide selon les normes de commandant en second (SIC) ou de CdB pour le type d'aéronef Note de bas de page 55. Toutefois, le MEC n'offre aucun détail sur ce qui constitue les normes de CdB ou de SIC.

D'après le MEC d'Ornge RW, en plus de devoir posséder un CCP valide pour le type d'aéronef, un pilote doit avoir suivi toute la formation requise par la compagnie, conformément au manuel de formation de la compagnie approuvé par TC, avant de pouvoir agir comme CdB avec des passagers à bord. Dans certains cas, les entreprises peuvent mettre en place des exigences plus strictes que celles prévues par la réglementation en vue d'accroître la sécurité des vols. Cependant, s'il ajoute des exigences plus strictes dans un manuel de formation ou un MEC approuvé par TC, l'exploitant est alors tenu par la réglementation de se conformer à ces exigences Note de bas de page 56. Aux termes du RAC, si une entreprise est incapable de répondre à ces exigences, elle n'est alors plus conforme à la réglementation et s'expose à des mesures d'application.

Ornge RW avait ajouté plusieurs exigences à son MEC et à son manuel de formation approuvés par TC qui dépassaient les exigences prévues au RAC. Certaines de ces exigences additionnelles seront traitées dans plusieurs des sections suivantes du présent rapport. Les activités de surveillance de TC Note de bas de page 57 et l'enquête du BST ont permis de constater qu'Ornge RW s'était écarté, soit sciemment, soit involontairement, de certaines de ces exigences. Par exemple, TC a relevé des cas répétés de pilotes d'Ornge RW qui ne suivaient pas la formation pratique d'évitement des CFIT conformément au manuel de formation approuvé par TC. Outre ces lacunes de formation, la compagnie n'adhérait pas aux procédures qu'elle avait établies dans son MEC concernant l'intégration directe des capitaines et le suivi de la progression des acquisitions pratiques des premiers officiers, sujets qui seront traités de façon plus approfondie plus loin dans le présent rapport.

Le MEC d'Ornge RW reprend les exigences réglementaires indiquées aux paragraphes 703.88 et 704.108 du RAC sur les décollages et les atterrissages; il stipule qu'avant d'agir comme CdB ou SIC, un pilote doit avoir effectué au moins 3 décollages et atterrissages (de jour ou de nuit) aux commandes du type d'aéronef au cours des 90 jours précédents. Il énumère en outre les exigences stipulées au paragraphe 401.05(2) du RAC, selon lesquelles un pilote, pour transporter des passagers, doit avoir effectué ce qui suit au cours des 6 mois précédents :

(A) au moins cinq décollages et cinq atterrissages de jour ou de nuit, si le vol est effectué en totalité de jour,

(B) au moins cinq décollages et cinq atterrissages de nuit, si le vol est effectué en totalité ou en partie de nuit Note de bas de page 58.

1.17.5.3 Progression des acquisitions pratiques

Le paragraphe 2.3 du MEC d'Ornge RW donne un aperçu de la progression des acquisitions pratiques des premiers officiers en vue de devenir capitaine. Visant à permettre [traduction] « une progression sûre aux opérations aériennes intégrales Note de bas de page 59 », ce processus comprend une réduction graduelle des restrictions imposées aux premiers officiers.

Le processus de progression des acquisitions pratiques d'Ornge RW a fait l'objet d'une certaine révision depuis l'établissement de la compagnie. Le MEC original avait été approuvé le 6 janvier 2012. Il donnait un aperçu Note de bas de page 60 des étapes suivantes quant à la progression des acquisitions pratiques des premiers officiers :

Le 24 septembre 2012, Ornge a émis la directive d'opérations aériennes (DOA) 031 : Minimum Requirements to Occupy Right Seat (Exigences minimales pour occuper le siège de droite). D'après la compagnie, cette DOA visait à clarifier les exigences du MEC, à assurer le maintien et l'amélioration des compétences de pilotage, et à permettre aux premiers officiers nouvellement qualifiés de piloter à partir du siège de gauche dès leur tout premier quart de travail. La DOA 031 décrivait le nouveau processus comme suit :

[traduction]

Le 25 avril 2013, TC a approuvé un nouveau MEC qui reflétait la nomination du nouveau gestionnaire des opérations; toutefois, le processus de progression des acquisitions pratiques du MEC original n'avait pas été modifié pour y incorporer les changements annoncés dans la DOA 031. Plutôt, cette section contenait le même processus de progression des acquisitions pratiques que la version originale du 6 janvier 2012. D'après Ornge RW, la compagnie avait en place un processus pour faire en sorte que les DOA soient incorporées dans l'une des publications de la compagnie avant d'être annulées. Toutefois, il n'y avait aucun processus en place pour veiller à ce que les DOA soient incorporées dans la prochaine révision/modification du MEC. D'après la compagnie, l'incorporation des DOA incombait au gestionnaire des opérations. La compagnie a indiqué qu'un audit d'assurance qualité n'avait pas relevé cette situation comme étant un problème systémique, même si elle pouvait permettre la publication dans un MEC d'information qui avait été remplacée par une DOA émise antérieurement. Par conséquent, la version du 25 avril 2013 du MEC, à sa publication, contenait un processus de progression des acquisitions pratiques qui était désuet depuis 19 mois déjà.

Au moment de l'accident, Ornge n'avait aucun mécanisme formel en place, par exemple un dossier des formations, pour faire un suivi de la progression des acquisitions pratiques de ses premiers officiers. C'est plutôt aux premiers officiers qu'il incombait de voir à leur propre progression et d'en faire le suivi, et de demander la vérification de la qualification au pilotage à partir du siège de droite une fois qu'ils avaient acquis l'expérience pratique de vol nécessaire. À ce stade, le gestionnaire des opérations et le CP devaient vérifier l'expérience du premier officier. Étant donné l'absence de tout suivi systématique de la progression des acquisitions pratiques, les capitaines n'avaient aucun moyen de vérifier facilement l'expérience pratique de vol d'un premier officier, à moins de communiquer avec le gestionnaire des opérations ou le CP pour s'assurer qu'un premier officier répondait bel et bien à toutes les exigences pour effectuer les tâches de PF à partir du siège de droite.

D'après Ornge RW, le premier officier en cause dans l'événement avait suivi l'entraînement de vol sur type de 1 heure dans le siège de droite. Toutefois, rien ne témoignait de ce fait dans les fiches de formation du premier officier, et la compagnie n'a pas été en mesure de présenter de pièces justificatives pour confirmer que cette formation avait eu lieu. Les enquêteurs ont déterminé qu'il ne s'agissait pas là d'un incident isolé. Dans certains cas, Ornge RW a été en mesure de présenter de la correspondance par courriel de pilotes instructeurs qui confirmaient qu'une formation avait eu lieu. Dans plusieurs cas, toutefois, soit ces renseignements n'avaient pas été consignés dans la fiche de formation d'un premier officier, soit cette information n'existait tout simplement pas.

1.17.5.4 Intégration directe de capitaines

Outre le processus de progression des acquisitions pratiques des premiers officiers, le paragraphe 2.4 du MEC d'Ornge RW comprend une procédure à suivre pour l'intégration directe des capitaines. Quoique cette notion ne soit pas formellement définie dans le MEC, l'intégration directe de capitaines consiste à embaucher un pilote directement au poste de capitaine plutôt que de promouvoir à l'interne un premier officier. Même si la réglementation ne l'y oblige pas, Ornge a mis en place cette procédure comme mesure d'atténuation du risque afin de permettre aux capitaines nouvellement embauchés de se familiariser avec les opérations avant de leur confier les fonctions de CdB durant des vols opérationnels. D'après la haute direction d'Ornge, cette procédure avait été mise en place par un gestionnaire des opérations précédent précisément pour réduire les risques liés à l'embauche de pilotes contractuels pour doter temporairement des postes de capitaine. Le MEC comprend les exigences suivantes relativement à l'intégration directe de capitaines :

[traduction]

  1. Un capitaine qualifié, recruté par intégration directe, remplira les fonctions de commandant en second pendant au moins 50 heures en service de ligne.
  2. Cela comprend 5 heures d'opérations de nuit, y compris au moins 3 approches dans un trou noir.
  3. Après 50 heures, un PVA fera l'évaluation en service du candidat avant qu'il soit autorisé à effectuer des vols comme capitaine. Le PVA qui confirme ainsi un pilote verse une lettre à la fiche de formation de ce dernier l'autorisant à travailler en service de ligne comme capitaine Note de bas de page 62.

L'enquête a déterminé que la compagnie ne suivait pas sa procédure d'intégration directe de capitaines. Ornge n'a pas suivi cette procédure dans le cas du capitaine en cause dans l'événement; en effet, la compagnie avait jugé que les paliers d'intégration ne s'appliquaient pas à lui étant donné son expérience et ses qualifications. Les enquêteurs ont confirmé qu'Ornge RW avait embauché au moins 9 pilotes pour combler des postes de capitaine sans que ceux-ci aient d'abord satisfait aux exigences d'intégration directe de capitaines décrites dans le MEC.

La direction d'Ornge RW avait appliqué les règles du paragraphe 2.4 selon son jugement et à sa discrétion. Cette décision s'appuyait sur le fait que chacun de ces pilotes avait une expérience préalable en SMU, avait un CCP valide pour le type d'aéronef, et répondait aux exigences de la compagnie en matière d'expérience minimale pour être embauché comme capitaine SMU. Dans le cas du capitaine en cause dans l'événement, le gestionnaire des opérations avait demandé son avis à un ancien CP/PVA de l'exploitant précédent des services d'ambulance aérienne par hélicoptère en Ontario, à savoir si le pilote était qualifié pour piloter un S-76A à titre de capitaine. Cette personne avait chaudement recommandé le capitaine au gestionnaire des opérations, et ce dernier n'a donc aucunement hésité à l'embaucher directement au poste de capitaine de S-76A. D'après Ornge, aucun facteur externe, par exemple la pénurie de pilotes ou une pression exercée par le ministère de la Santé, n'avait influé sur sa décision de déroger à la procédure d'intégration directe du MEC dans le cas de ces capitaines nouvellement embauchés.

La compagnie a indiqué qu'elle avait accordé une attention particulière à chacun des 9 pilotes qui n'ont pas suivi la procédure d'intégration directe de capitaines. Toutefois, elle n'a pu présenter aucune pièce justificative liée à sa décision de passer outre aux exigences d'intégration directe des capitaines. Dans le cas du capitaine en cause dans l'événement, Ornge RW ne savait pas qu'il n'avait acquis qu'une expérience extrêmement limitée en vols de nuit et aux instruments au cours des 24 mois précédents, et qu'il n'avait effectué aucun vol de nuit sans dispositif d'aide visuelle Note de bas de page 63 au cours de cette période lorsque la compagnie a décidé de l'embaucher comme capitaine SMU à CYMO. De même, pour ce qui est des 8 autres pilotes qui n'ont pas suivi la procédure d'intégration directe de capitaines, rien n'indique que la compagnie ait pris en considération des facteurs comme le temps pendant lequel ils n'avaient pas occupé ce rôle, ou s'ils avaient accumulé récemment assez d'heures de vol de nuit sans dispositif d'aide visuelle et de vol aux instruments pour être en mesure d'exécuter une mission avec les responsabilités dévolues à un capitaine SMU de la compagnie.

1.17.5.5 Temps de service de vol

Afin de réduire les risques de fatigue des pilotes, le RAC prévoit des limites au temps de service de vol que reprennent souvent les MEC. Aux termes du RAC, la limite standard de temps de service de vol est de « 14 heures consécutives en 24 heures consécutives Note de bas de page 64 ». Toutefois, certaines dispositions permettent aux entreprises de taxi aérien et de travail aérien à vols non réguliers de prolonger le temps de service de vol maximal à 15 heures consécutives, si l'on accroît d'une heure la période de repos minimale ou si le temps de vol maximal ne dépasse pas 8 heures durant une période de 24 heures. Ornge RW tire parti de la spécification d'exploitation 093, qui autorise l'accroissement du temps de service de vol à 15 heures consécutives, pour autant que la compagnie respecte les conditions établies ci-dessus.

Le paragraphe 2.9.1 du MEC stipule que le temps de service de vol comprend le temps total à partir du moment où un membre d'équipage de conduite prend son service ou commence sa disponibilité en attente, jusqu'au moment où l'on éteint les moteurs ou que l'on immobilise les rotors après le dernier vol Note de bas de page 65. Toutefois, d'après ce paragraphe, le temps de service de vol comprend également l'exécution de tâches liées au travail avant la prise de service Note de bas de page 66. Cette exigence vise à s'assurer que les membres d'équipage de conduite obtiennent suffisamment de repos en limitant la quantité de travail permise au cours d'une journée. D'après la réglementation, une période de repos est une période pendant laquelle le membre d'équipage de conduite est libre de tout service, et la période de repos minimale requise doit permettre au membre d'équipage de conduite d'obtenir au moins 8 heures de sommeil consécutives Note de bas de page 67. Selon un des exposés faits au capitaine durant sa formation d'initiation à la compagnie : [traduction] « Il incombe aux membres d'équipage de conduite d'utiliser les périodes de repos prévues pour obtenir le repos nécessaire et de s'assurer qu'ils sont suffisamment reposés avant de prendre leur service de vol Note de bas de page 68. »

Dans le cadre de l'enquête, bon nombre de pilotes et d'ambulanciers paramédicaux ont décrit des activités, comme la correspondance par courriel liée au travail, comme étant une activité qui marquait le début de la période de service de vol d'un membre d'équipage de conduite et qui avait une incidence sur les limites de temps de service de vol.

1.17.5.6 Système de contrôle d'exploitation d'Ornge

Ornge RW utilise un système de contrôle d'exploitation de type « C », en vertu duquel le pilote s'acquitte de la régulation des vols et est l'unique responsable des décisions concernant l'amorce, la continuation, le retard, le déroutement ou le changement de route d'un vol lorsque les conditions sont telles que des décisions d'exploitation s'imposent. Dans un système de contrôle d'exploitation de type « C », le suivi des vols signifie « la surveillance de la progression d'un vol, la fourniture des renseignements opérationnels demandés par le commandant de bord, et le fait d'aviser les autorités appropriées de l'exploitant aérien et de recherches et sauvetage si le vol est en retard ou porté manquant Note de bas de page 69. »

1.17.5.7 Préparation du vol

Le paragraphe 4.2 du MEC d'Ornge stipule qu'il incombe au capitaine de s'assurer de la validité des licences et qualifications des membres d'équipage de conduite affectés au vol. Toutefois, il n'y a aucun système en place à Ornge RW pour aider les capitaines à vérifier qu'un premier officier a terminé toute la formation requise et répond à toutes les exigences réglementaires de maintien des compétences.

1.17.6 Surveillance et maintien de la compétence de vol des pilotes à Ornge

Le paragraphe 3.7.8 du Flight Following Manual [Manuel de suivi des vols] d'Ornge exige l'enregistrement des décollages et atterrissages des pilotes pour faire un suivi du maintien de la compétence de vol. Les préposés au suivi des vols doivent vérifier la section « Alerts and Exceedances » [alertes et dépassements] du logiciel AvAIO au début de chaque quart de travail. Au cas où une alerte ou un dépassement ne pourrait être résolu sur-le-champ, le préposé au suivi des vols doit communiquer le problème au préposé à la planification/affectation des équipages ou au CP.

D'après Ornge, ce manuel avait été rédigé avant la mise en place du service centralisé d'affectation des équipages, lorsqu'il incombait aux préposés au suivi des vols de vérifier la page des alertes et dépassements dans AvAIO. Lorsqu'Ornge est passé au service centralisé d'affectation des équipages, ce service a repris les tâches de vérification de l'écran d'alertes pour s'assurer que tous les documents (par ex., certificats médicaux, qualifications aux instruments, CCP) étaient à jour. Toutefois, ce service n'a pas adopté la procédure pour vérifier le maintien des compétences avant d'affecter les pilotes au service en vol, malgré l'émission par la compagnie, en octobre 2012, de la DOA 019: Minimum Rest Period [Période de repos minimale], qui stipule que le suivi des données sur les décollages et atterrissages de nuit et de jour est nécessaire pour s'assurer de la conformité à la réglementation. Le service centralisé d'affectation des équipages n'utilisait pas cette fonctionnalité du logiciel, et il n'y avait aucun autre niveau de supervision aux bases pour surveiller le maintien des compétences des pilotes.

Le logiciel AvAIO a été conçu au départ comme solution logicielle pour les activités aériennes à voilure fixe assujetties à la sous-partie 705 du RAC. Ornge avait décidé de migrer ce logiciel aux activités aériennes à voilure tournante. Après sa mise en œuvre, on a constaté un certain nombre de lacunes dans la fonctionnalité de consignation des renseignements.

Par conséquent, Ornge ne s'assurait pas que ses pilotes maintenaient à jour toutes les compétences requises (c.-à-d., les exigences relatives aux décollages, aux atterrissages et aux vols de nuit) avant de les affecter à une mission. Cette tâche incombait plutôt aux pilotes eux-mêmes. Même si le logiciel d'affectation des équipages de la compagnie comprenait une fonction d'avertissement de compétences expirées ou de dates d'expiration prochaines d'une formation ou de compétences, cette fonction n'était pas activée au moment de l'accident.

Un examen des renseignements consignés dans le logiciel AvAIO a permis de constater que certaines données n'étaient pas exactes. Plus précisément, le logiciel AvAIO n'avait pas été mis à jour pour comprendre les décollages et les atterrissages réalisés pendant l'entraînement sur simulateur et, dans d'autres cas, le nombre de décollages et d'atterrissages était moindre que le nombre réel en raison des limites du logiciel. En particulier, le système était incapable de faire le suivi de plus de 1 décollage et de 1 atterrissage par vol, car c'est là la norme pour une entreprise de transport aérien. Selon les renseignements figurant dans le système au moment de l'accident, 14 des 28 pilotes de S-76A de la compagnie n'avaient pas effectué au moins 3 décollages de nuit et 3 atterrissages de nuit au cours des 90 jours précédents. En outre, 13 des 28 pilotes n'avaient pas effectué au moins 5 décollages de nuit et 5 atterrissages de nuit au cours des 180 jours précédents. Néanmoins, un examen plus poussé a révélé qu'à l'exception de 2 pilotes, tous les autres pilotes de S-76A répondaient à l'exigence relative au maintien des compétences pour les décollages et les atterrissages de nuit au cours des 180 jours précédents. Les 2 pilotes qui ne répondaient pas à cette exigence n'effectuaient pas de vols de nuit.

On a trouvé qu'il en était de même pour les pilotes d'AW139 d'Ornge RW, quoiqu'à une moindre échelle. Dans le cas du personnel navigant des AW139, 2 des quelque 50 pilotes n'avaient pas effectué au moins 3 décollages de nuit et 3 atterrissages de nuit au cours des 90 jours précédents, malgré la stipulation au rapport AvAIO de la compagnie qu'il s'agissait là d'une exigence minimale. D'après ce rapport, tous les pilotes actifs d'AW139 au registre d'Ornge RW répondaient à l'exigence de maintien des compétences sur 180 jours relativement aux décollages et atterrissages de jour et de nuit.

Durant l'enquête, la compagnie a commenté certaines des lacunes relevées. D'après Ornge RW, les dossiers des pilotes étaient désorganisés et peu conviviaux, et la compagnie n'avait aucun moyen d'assurer le suivi des qualifications de ses pilotes; il était donc possible que des pilotes non qualifiés soient affectés à une mission. De même, la compagnie ne faisait aucun suivi du maintien des compétences des pilotes pour s'assurer de la conformité à la réglementation.

L'enquête a déterminé que ni les audits internes, ni le système d'ASR de la compagnie n'avaient cerné auparavant les lacunes décrites dans la présente section.

1.17.7 Système de gestion de la sécurité à Ornge Global Air Inc. et à Ornge Rotor-Wing

1.17.7.1 Généralités

Même si la réglementation ne l'y obligeait pas, Ornge a amorcé volontairement la mise en œuvre d'un SGS pour ses activités aériennes à voilure fixe et de maintenance en novembre 2009, et la mise en œuvre d'un SGS à Ornge RW en décembre 2011. Étant donné l'avance de 2 ans, la mise en œuvre du SGS était beaucoup plus avancée à Ornge FW qu'elle ne l'était à Ornge RW. D'après les documents de la compagnie, la mise en œuvre du SGS était achevée à 88 % pour ses activités à voilure fixe, par rapport à 27 % pour ses activités à voilure tournante au moment de l'accident. D'après le MEC d'Ornge RW, la compagnie était en transition vers un SGS Note de bas de page 70. Toutefois, au moment de l'accident, TC n'avait accordé ni à Ornge FW ni à Ornge RW le statut d'entreprise en transition vers un SGS, et ni l'une ni l'autre de ces compagnies n'avaient complété la mise en œuvre d'un SGS homologué par TC.

1.17.7.2 Procédures de déclaration

Le document Ornge Aviation Corporate Safety Manual [Manuel de sécurité d'Ornge] Note de bas de page 71, qui s'applique aux organisations FW, RW et de maintenance de la compagnie, stipule [traduction] « qu'un employé qui signale des dangers ou un événement ne fera pas l'objet de mesures disciplinaires ni de représailles Note de bas de page 72 », à moins qu'il ne s'agisse d'un abus d'alcool ou de toxicomanie, d'un acte criminel ou de mauvaise conduite intentionnelle ou d'une omission de signaler un fait dans un délai raisonnable, ou à moins que l'on détermine que l'employé a délibérément présenté les faits de façon inexacte dans sa déclaration.

Toujours d'après ce manuel, la compagnie peut se servir de rapports d'enquête achevés dont les noms ont été supprimés à des fins d'amélioration de la sécurité. Cette pratique est conforme aux directives fournies dans le document Systèmes de gestion de la sécurité propres aux petites exploitations aériennes : Un guide de mise en œuvre pratique (TP 14135) de TC, qui encourage les entreprises à donner à leurs employés une « rétroaction [...] rapide, accessible et informative Note de bas de page 73 » afin qu'ils soient au courant de tout problème de sécurité qui pourrait advenir, et mieux préparés au cas où ce problème adviendrait de nouveau. Cette pratique confirme en outre aux employés que la compagnie cherche activement à résoudre ces problèmes. Dans le cadre des activités d'Ornge, les rapports d'enquête de sécurité achevés n'étaient pas distribués au personnel de ligne. Toutefois, le service de sécurité de la compagnie publiait périodiquement de brefs sommaires sur la sécurité comme façon de communiquer avec ses employés.

TC préconise le partage de l'information de sécurité au sein des entreprises afin d'encourager la mise en place d'une culture de sécurité appropriée et le partage des leçons apprises et des mesures correctives. Toutefois, le ministère indique également que les entreprises peuvent choisir de ne pas partager un rapport au complet, étant donné la nature délicate et confidentielle d'un tel document. À Ornge RW, un des sommaires qui sert à informer les employés s'intitule 360 Feedback; il est distribué sur une base trimestrielle au personnel de ligne. Ornge produit également les rapports Looking Back, qui sont des éditoriaux rédigés par des pilotes et techniciens de la compagnie [traduction] « en vue de partager les leçons qu'ils ont apprises par leur propre expérience Note de bas de page 74 ». On publie les rapports Looking Back lorsque l'on juge qu'un sujet est tout indiqué à des fins d'apprentissage.

1.17.7.3 Évaluations des risques

Ornge adhère aux principes de la gestion du risque pour aborder les préoccupations liées aux risques de la compagnie, qui vont de questions afférentes à la culture de la compagnie à des enjeux d'exploitation comme les vols de nuit. Toutefois, la compagnie n'a pas de processus établi de gestion du risque pour aider les équipages de conduite ou le CCO à déterminer si les risques liés à un certain vol sont acceptables, et la réglementation ne l'exige pas. Plutôt, le CCO fonde ses décisions de dépêcher une ambulance aérienne sur les critères suivants :

Conformément au MEC d'Ornge, l'état de santé du patient n'est jamais un facteur dans la décision d'accepter ou de refuser une mission. Toutes les demandes de transfert par aéronef sont évaluées en fonction des critères indiqués ci-dessus. Le CCO informe les pilotes d'un vol potentiel et leur demande si les conditions météorologiques sont favorables au vol. Si les pilotes déterminent que les conditions sont acceptables, ils acceptent habituellement la mission. La décision de ne pas informer les pilotes de l'état de santé du patient est une pratique assez courante parmi les fournisseurs de SMU. Le but est d'éviter qu'un pilote accepte un niveau inacceptable de risque à cause de la gravité de l'état de santé du patient. Un vol VFR de nuit vers un endroit éloigné dans des conditions météorologiques marginales, par exemple, présente un niveau de risque plus élevé qu'une mission semblable durant les heures de clarté dans un ciel dégagé. Si l'équipage qui effectue cette mission de nuit manque d'expérience ou de compétence, le risque associé à ce vol est beaucoup plus élevé qu'il ne le serait pour un vol de jour. Dans certaines situations, le meilleur plan d'action pourrait être d'attendre la levée du jour afin de réduire le risque à un niveau acceptable. D'après le CCO d'Ornge, on considérait le vol en cause dans l'événement comme une mission de nuit normale ou de routine pour les équipages de conduite à CYMO. Cependant, le CCO n'a pas pris en considération les conditions météorologiques au moment du vol, la configuration de l'aéronef ou encore la composition de l'équipage, et n'avait aucun outil de gestion du risque lui permettant de le faire.

Ornge RW interdit de dépêcher de nuit des hélicoptères dans des endroits sans zone d'atterrissage dédiée en raison du risque accru que présente ce type de mission. D'après Ornge, la décision d'interdire ces missions n'était pas fondée sur une évaluation formelle des risques.

Dans certains pays, on fournit aux pilotes des outils de gestion du risque afin de s'assurer qu'ils tiennent compte des risques liés à un vol particulier dans le processus décisionnel. Par exemple, aux États-Unis, la National Emergency Services Pilots Association affiche en ligne une matrice d'évaluation des risques, outil qui permet aux pilotes d'affecter une valeur numérique à divers facteurs de risque comme la géographie, le mauvais temps, la fatigue de l'équipage, les niveaux d'expérience, l'équipement, etc. Pareillement, les membres de la Helicopter Association International ont accès gratuitement en ligne à un outil d'évaluation des risques de vol qu'ils peuvent personnaliser selon leurs propres besoins opérationnels et environnementaux. Dans les organisations qui utilisent une matrice de gestion du risque, les différents niveaux de risque exigent habituellement différents niveaux d'autorisation. Par exemple, si la cote de risque est faible, on peut permettre au pilote d'autoriser lui-même un vol. Par contre, si la cote de risque est trop élevée, il pourrait alors être nécessaire d'obtenir l'autorisation d'un gestionnaire en service, du CP, voire du gestionnaire des opérations. Ce type de processus vise à assurer qu'une organisation accepte les niveaux de risque aux niveaux hiérarchiques appropriés et à aider les pilotes à tenir compte de l'ensemble des risques que présente une mission particulière, avant de décoller.

Quand Ornge RW a commencé ses activités, elle a hérité d'une vaste expérience acquise par les nombreux gestionnaires et employés chevronnés de l'exploitant précédent qu'elle a conservés dans ses rangs. Cette expérience comprenait notamment un événement clé qui n'a pas été oublié dans la transition à Ornge RW – un accident survenu en 2008 et qui mettait en cause l'exploitant précédent. À l'époque où Ornge RW s'apprêtait à prendre en charge ces services, il y a eu des discussions internes concernant l'adoption de LVN pour faciliter les vols de nuit. La haute direction d'Ornge avait alors décidé de ne pas adopter les LVN, étant donné qu'Ornge RW n'allait pas dépêcher de nuit ses hélicoptères dans des endroits sans zone d'atterrissage dédiée. L'une des principales raisons soulevées contre l'utilisation des LVN était le coût lié à la mise à niveau des aéronefs AW139, dont le poste de pilotage ne se prêtait pas à l'usage de LVN au moment de leur achat, ainsi que le coût lié à la modernisation de la flotte vieillissante de S-76A. Aucune évaluation formelle des risques n'a été effectuée avant la prise de cette décision.

En février 2013, Ornge a lancé une évaluation des risques liés aux approches dans un trou noir. Dans le cadre de ce processus, on a déterminé que la technologie d'aide à la vision nocturne et d'autres options d'éclairage devraient être mieux examinées. Toutefois, on considérait toujours à l'époque que les LVN coûtaient trop cher, et cette option n'a donc pas été étudiée plus à fond.

1.17.7.4 Audit externe de 7506406 Canada Inc. (Ornge Rotor-Wing) : décembre 2012

Il arrive couramment au sein de l'industrie que les entreprises confient à un entrepreneur privé la tâche de mener un audit pour obtenir une opinion impartiale de l'état de l'entreprise. Pour se préparer à l'IVP de TC en janvier 2013, Ornge RW a demandé à un fournisseur tiers de faire un audit sur place afin de déterminer si les activités à voilure tournante de la compagnie étaient conformes aux exigences des sous-parties 704 et 706 du RAC, aux articles 724 et 726 des NSAC, et aux Standards and Requirements for Government of Ontario Approved Air Operators. L'audit s'est déroulé du 5 au 7 décembre 2012, par des entrevues avec le personnel clé, un examen des documents approuvés, un échantillonnage de dossiers pertinents et des inspections aléatoires à l'échelle du système d'Ornge RW. Le rapport d'audit a conclu qu'Ornge était en mesure d'assurer des services aériens par aéronefs à voilure tournante selon une [traduction] « norme professionnelle élevée ».

L'une des principales parties du rapport d'audit, la section intitulée « Risk Management » [Gestion du risque], couvre les aspects fonctionnels et les missions. L'audit a déterminé que les systèmes de gestion d'Ornge RW étaient conformes aux politiques et procédures de son MEC et de son manuel de contrôle de maintenance. Le rapport n'a pas relevé que la haute direction d'Ornge RW n'avait qu'une expérience limitée des aéronefs à voilure tournante, que des postes de gestion clés n'étaient pas pourvus, et que d'autres postes de gestion n'étaient pourvus qu'à titre intérimaire.

Le fournisseur tiers a évalué les catégories de l'audit portant sur le type d'aéronef et l'expérience des pilotes comme étant à faible risque et a accordé à Ornge RW la cote la plus faible possible pour ces catégories. Selon le rapport d'audit, les conditions météorologiques extrêmes présentaient un risque élevé pour la compagnie.

Le rapport a cerné 4 problèmes que devait corriger Ornge RW; toutefois, aucun d'entre eux ne représentait un problème majeur de non-conformité. Les constatations de l'audit portaient sur les procédures de modification relatives au MEC et aux SOP de la compagnie, la liste des pages valides du MEC, et la procédure dans le MEC concernant l'avitaillement lorsque des patients sont à bord. Ainsi, l'audit réalisé par ce fournisseur tiers en décembre 2012 a donné à croire à Ornge que ses activités d'aéronefs à voilure tournante étaient fin prêtes pour l'IVP de TC en janvier 2013.

1.17.8 Directives d’opérations aériennes

1.17.8.1 Généralités

Ornge RW se sert de DOA pour apporter des modifications aux politiques ou procédures et pour modifier son MEC de façon ponctuelle plutôt que d’attendre la prochaine mise à jour du MEC. On distribue les DOA aux employés par voie électronique par l’intermédiaire de QPulse, le système de bulletin électronique d’Ornge; ces bulletins entrent en vigueur dès qu’ils sont émis. D’après le MEC d’Ornge RW, les modifications futures au MEC [traduction] « vont englober ces directives qui seront alors annulées et retirées du manuel, et elles feront l’objet d’un suivi sur la liste des directives d’opérations aériennes en vigueur Note de bas de page 75 ». Toutefois, comme il a déjà été indiqué dans le présent rapport, on n’adhérait pas toujours à ce processus.

D’après le paragraphe 3.11 du MEC : [traduction] « tout renseignement ayant une incidence sur les approbations réglementaires sera communiqué à l’IPE de TC avant d’être émis. Des exemples comprennent la politique sur le carburant ou les limites d’atterrissage. En cas de doute sur la nécessité d’une approbation, il faudra alors consulter l’IPE de TC Note de bas de page 76 ». Ce passage est conforme aux paragraphes 703.104(4) et 704.120(4) du RAC, selon lesquels TC doit approuver toutes les modifications d’un MEC afférentes à une exigence réglementaire. Toutefois, l’enquête a révélé qu’avant l’accident à l’étude, le personnel d’Ornge ne comprenait pas bien le processus d’approbation des DOA, et ne le suivait pas et ne l’interprétait pas de façon uniforme.

Au début de l’enquête, la compagnie avait indiqué que, d’après la version en vigueur et approuvée du MEC d’Ornge RW, l’approbation des DOA par TC n’était pas nécessaire. Par contre, en février 2013, une DOA avait été acheminée par courriel à l’IPE pour approbation, car elle avait une incidence sur [traduction] « les politiques ou procédures opérationnelles ». Durant un échange subséquent avec les enquêteurs, la compagnie a indiqué qu’elle avait changé ce processus depuis l’accident, et que TC avait demandé la mise en place d’une nouvelle procédure (ce qui a été fait), selon laquelle TC approuverait toutes les nouvelles DOA émises avant leur distribution aux équipages de conduite de la compagnie. Plus tard durant l’enquête, la compagnie a indiqué que le processus avait toujours imposé l’approbation de toutes les DOA par TC avant leur distribution aux équipages de conduite. Néanmoins, l’enquête a révélé qu’à plusieurs reprises, des DOA qui avaient une incidence sur le contenu du MEC ou du manuel de formation approuvés par TC avaient été publiées avant d’être approuvées par TC. Dans certains cas, on avait informé TC d’une nouvelle DOA après la distribution de celle-ci dans la compagnie. De telles incohérences dans le processus d’approbation s’étaient produites aussi bien avant qu’après l’accident.

1.17.8.2 Directive d’opérations aériennes 039: Manœuvres dans un trou noir

Le 24 janvier 2013, Ornge RW a publié la DOA 039: Black Hole Operations [Manœuvres dans un trou noir]. Dans cette directive, la compagnie affirmait qu’elle allait prendre des mesures [traduction] « pour s’assurer qu’à l’avenir, tout entraînement au vol de nuit insisterait sur les principes de la gestion du risque lorsque l’éclairage artificiel ou ambiant est nul ou presque » et « pour réduire au minimum les risques d’impact sans perte de contrôle (CFIT) en maximisant la hauteur au lieu de la distance Note de bas de page 77 ». Elle donnait un aperçu de plusieurs initiatives que la compagnie avait mises en œuvre, entre autres :

[traduction]

Cette DOA informait également les équipages de conduite que s’ils n’avaient pas reçu leur formation périodique annuelle sur les manœuvres dans un trou noir au cours de la dernière année, ils avaient la permission du gestionnaire des opérations de refuser les missions la nuit dans toutes les zones de trou noir désignées dans la directive. Tout comme pour les autres aéroports agréés munis de pistes éclairées dont Ornge RW se servait, CYMO ne figurait pas sur la liste des zones de trou noir désignées par la compagnie.

1.17.8.3 Directive d’opérations aériennes 034: Jumelage de pilotes inexpérimentés

Le 15 octobre 2012, Ornge RW a publié la DOA 034 (révision 0): Green on Green [Jumelage de pilotes inexpérimentés] après que des pilotes chevronnés de la compagnie aient exprimé leurs préoccupations au gestionnaire des opérations. Ornge RW n’a effectué aucune évaluation formelle des risques pour évaluer le niveau de risque associé aux préoccupations soulevées ni pour déterminer le risque résiduel après la mise en œuvre de la DOA 034. Le SGS de la compagnie n’a pas non plus cerné le danger soulevé.

D’après la DOA 034, révision 0, la nouvelle politique interdisait le jumelage de pilotes inexpérimentés. La compagnie a mis en place cette politique précisément pour empêcher le jumelage de nouveaux premiers officiers avec de nouveaux capitaines ou avec des capitaines de renfort qui ne connaissaient pas bien les activités de la base. La DOA contenait le passage suivant :

[traduction] 

La DOA comprenait en outre les définitions suivantes :

[traduction] 

  1. Premier officier inexpérimenté : premier officier ayant acquis moins de 6 mois d’expérience pratique de vol.
  2. Capitaine inexpérimenté : capitaine ayant acquis moins de 3 mois d’expérience pratique de vol comme CdB. Cette définition s’applique également à tout premier officier qualifié comme capitaine.
  3. Pilote inexpérimenté : pilote n’ayant aucune expérience pratique de vol à une base donnée ou qui n’a effectué aucun vol depuis cette base au cours des 3 derniers mois.
  4. Orientation : formation, donnée par un pilote d’entraînement aux normes de vol ou un autre capitaine chevronné désigné, sur les tâches quotidiennes, les tâches administratives, les procédures de la base et la familiarisation avec l’aéronef Note de bas de page 80.

Selon les définitions dans la DOA 034, révision 0, le capitaine en cause dans l’événement aurait été considéré comme étant un pilote inexpérimenté lorsqu’il s’est présenté pour son premier quart de travail à CYMO en avril, étant donné que plus de 3 mois s’étaient écoulés depuis son dernier vol au départ de CYMO. Le premier officier comptait environ 8 mois d’expérience pratique de vol à la base de CYMO : il n’était donc plus considéré comme premier officier inexpérimenté, d’après la DOA 034, révision 0.

Le 28 février 2013, Ornge a émis la révision 1 de la DOA 034. Dans ce document, la compagnie avait retiré certains des critères concernant le statut « inexpérimenté ». En particulier, la DOA 034, révision 1 dit :

[traduction] 

La DOA révisée comprenait les définitions suivantes :

[traduction]

  1. Capitaine inexpérimenté : capitaine ayant acquis moins de 50 heures d’expérience pratique de vol de ligne sur type, ou capitaine nouvellement promu ou premier officier qualifié comme capitaine ayant acquis moins de 50 heures d’expérience pratique de vol de ligne sur type comme capitaine et que la compagnie considère toujours comme étant « inexpérimenté ».
  2. Pilote inexpérimenté : pilote n’ayant aucune expérience pratique de vol préalable à une base donnée.
  3. Premier officier inexpérimenté : premier officier ayant acquis moins de 50 heures d’expérience pratique de vol de ligne.
  4. Orientation : exposé de familiarisation donné par une personne désignée par la compagnie et portant sur les opérations particulières d’une base Note de bas de page 82.

La révision 1 de la DOA 034 comprenait 3 changements importants par rapport à la révision 0, le principal étant le retrait de l’exigence selon laquelle un pilote de la compagnie devait avoir effectué des vols depuis une base donnée au cours des 3 mois précédents. Suivant la prise d’effet de la révision 1 de la DOA 034, un pilote n’était plus considéré comme inexpérimenté pour autant qu’il ait une expérience pratique de vol préalable à une base donnée, peu importe à quand cette expérience remontait. Durant l’enquête, toutefois, Ornge RW a indiqué que l’exigence sur « l’expérience pratique de vol préalable à une base donnée » était satisfaite à la suite d’une participation à l’exposé au sol de formation de qualification pour la région d’exploitation et l’aérodrome. D’après la compagnie, aucun vol n’est requis.

L’enquête a révélé que des pilotes avaient exprimé leurs préoccupations au gestionnaire des opérations et au directeur, Sécurité aérienne, concernant ce changement à la définition de pilote inexpérimenté, en soulignant qu’elle était trop vague et que cela risquait de créer une situation [traduction]  « inquiétante et dangereuse Note de bas de page 83 ». Un pilote a suggéré d’y ajouter une période de temps relative à l’expérience pratique de vol préalable comme c’était le cas dans la révision 0 de la DOA 034. Le gestionnaire des opérations a répondu à ces préoccupations en disant qu’il espérait que [traduction]  « le programme de formation intensif dans un trou noir » projeté, ainsi que la DOA 039 [Manœuvres dans un trou noir], « allait améliorer sensiblement la situation Note de bas de page 84 ». Comme pour les préoccupations sur l’affectation immédiate de nouveaux pilotes aux quarts de nuit, ce problème n’a pas été soumis par l’entremise du système d’ASR d’Ornge; le service de Sécurité aérienne ne l’a donc pas consigné comme danger exigeant un suivi additionnel. D’après le service de Sécurité aérienne, si la personne qui signale un problème n’est pas satisfaite de la réponse du gestionnaire des opérations, elle doit soumettre un ASR, conformément à la politique de la compagnie.

Le deuxième changement important à la DOA 034 portait sur la définition de premier officier inexpérimenté. Dans la nouvelle version de la DOA, cette définition a été modifiée pour passer d’une exigence de 6 mois d’expérience pratique de vol de ligne à 50 heures. Une analyse des heures de vol des premiers officiers en 2013 a montré qu’en moyenne, il fallait aux premiers officiers environ 5 mois pour accumuler 50 heures d’expérience pratique de vol de ligne Note de bas de page 85.

Le troisième changement important à la DOA 034 portait sur l’orientation donnée aux pilotes inexpérimentés. À la révision 0, l’intention était de faire en sorte que cette orientation soit donnée par un pilote chevronné. À la révision 1, on laisse entendre que tout capitaine pourrait donner l’orientation, laquelle, d’après la compagnie, pouvait se limiter à une formation au sol.

Au début de mai 2013, les pilotes en cause dans l’événement étaient affectés ensemble aux quarts de nuit en disponibilité à une autre base, même si ni l’un ni l’autre n’avait d’expérience pratique de vol préalable à cette base. Cette situation a donné lieu à un jumelage de pilotes inexpérimentés; toutefois, les pilotes en cause avaient informé la compagnie qu’ils n’étaient pas à l’aise de travailler ensemble de nuit à une nouvelle base, et l’affectation avait été modifiée par la suite.

D’après les révisions 0 et 1 de la DOA 034, l’affectation des pilotes en cause dans l’événement ne constituait pas un jumelage de pilotes inexpérimentés à CYMO puisque, selon la révision 0, seul le capitaine était considéré comme inexpérimenté et, selon la révision 1, ni l’un ni l’autre n’était considéré comme inexpérimenté.

Même si la DOA 034 établissait les critères définissant un pilote inexpérimenté, les pilotes d’une base donnée pouvaient difficilement savoir si un collègue répondait aux critères de pilote inexpérimenté. Comme pour le suivi du maintien des compétences, à moins de communiquer avec le CP ou le gestionnaire des opérations, les capitaines devaient s’en remettre à leurs premiers officiers pour savoir s’ils étaient encore des pilotes inexpérimentés ou non.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Procédures d’utilisation normalisées

1.18.1.1 Généralités

Aux termes de la réglementation actuelle, les exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703, 704 et 705 du RAC doivent « établir et tenir à jour des procédures d’utilisation normalisées Note de bas de page 86 » dans le cas d’aéronefs qui doivent être pilotés par 2 pilotes ou plus. Les exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC doivent présenter leurs SOP à TC aux fins d’examen. Il n’y a aucune exigence de la sorte pour les exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703 ou 704 du RAC, même si par le passé, les exploitants présentaient habituellement leurs SOP à TC pour examen. Les rapports d’enquête du BST ont fait ressortir à plusieurs reprises des lacunes liées à des SOP inadéquates Note de bas de page 87.

Ornge RW a des SOP distinctes pour le AW139 et le S-76A. Le 6 février 2012, l’IPE pour Ornge RW a informé la compagnie que les SOP pour le S-76A avaient été examinés et répondaient aux exigences du paragraphe 703.107(1) du RAC.

Les SOP pour le S-76A d’Ornge RW sont divisées en plusieurs sections en fonction des différents aspects des activités de la compagnie. Bien que les SOP abordent dans une certaine mesure les opérations de nuit dans diverses sections, elles n’en dédient aucune au vol de nuit uniquement, qui traiterait des dangers propres aux opérations de nuit à Ornge RW. Elles ne décrivent pas non plus les précautions à prendre durant les vols de nuit pour s’assurer de maintenir des marges de sécurité suffisantes. Par exemple, les SOP ne décrivent pas précisément les tâches de l’équipage durant les étapes critiques du vol, comme le départ.

1.18.1.2 Procédures de décollage (généralités)

Les SOP pour le S-76A d’Ornge RW décrivent différents types de décollage. D’après la section générale sur le décollage, on détermine la puissance de décollage en ajoutant de 10 à 15 % au couple de vol stationnaire. Ni le RAC ni les SOP de la compagnie ne mentionnent un angle d’inclinaison maximal ou une altitude de virage pour les opérations de jour ou de nuit. Toutefois, les SOP pour chacun des différents types de décollage indiquent aux pilotes [traduction] « d’effectuer les vérifications après-décollage en franchissant les 300 pieds agl avant de suivre le cap souhaité Note de bas de page 88 ».

Les SOP pour le AW139 d’Ornge RW renferment les directives suivantes à l’intention des pilotes :

[traduction]

Au moment du départ pour un vol VFR de nuit, il est important d’atteindre une altitude de sécurité de franchissement d’obstacles dès que possible. Une montée prolongée à vitesse élevée peut rapprocher dangereusement l’aéronef d’obstacles. En vol VFR de nuit, la montée jusqu’à l’altitude minimale de franchissement d’obstacles (MOCA) doit se faire à grand angle à une vitesse indiquée en nœuds qui ne dépasse pas les 100 KIAS et, si possible, à un taux de montée d’au moins 1000 pi/min jusqu’à ce que le franchissement des obstacles soit assuré.

Cette information ne figure pas dans les SOP pour le S-76A.

1.18.1.3 Départs depuis un trou noir

L’effet de trou noir survient généralement au-dessus de l’eau ou d’une surface sombre et sans relief où les seuls stimuli visuels sont les feux de l’aéroport ou de la zone d’atterrissage ou des alentours Note de bas de page 89. L’absence de repères visuels dans le champ visuel rapproché du pilote nuit à la perception de profondeur et peut donner l’impression que l’aéronef se trouve à une altitude trop élevée à l’approche. Dans bien des cas, les pilotes réagissent à cette illusion en diminuant l’altitude en deçà de la trajectoire de vol correcte. Pareillement, le décollage depuis une zone éclairée vers une zone de noirceur présente ses propres défis, car le pilote doit soigneusement effectuer la transition d’une manœuvre à vue à une manœuvre essentiellement aux instruments. Si les pilotes ne demeurent pas vigilants durant une approche dans un trou noir ou un départ depuis un trou noir, ils pourraient se retrouver rapidement dans une situation où les marges de sécurité sont réduites à des niveaux inacceptables.

Le paragraphe 4.22 des SOP d’Ornge RW décrit la procédure de la compagnie sur les départs depuis un trou noir. Ce paragraphe rappelle [traduction] « qu’avec une référence visuelle minimale ou nulle devant soi au départ, le risque d’impact avec le relief est beaucoup plus grand que le risque d’une panne moteur. Ainsi, cette procédure réduit au minimum le risque d’impact sans perte de contrôle (CFIT) en maximisant la hauteur au lieu de la distance Note de bas de page 90 ». À propos de cette procédure, les SOP soulignent que [traduction] « ce type de départ exige du PF qu’il s’éloigne uniquement au moyen des instruments Note de bas de page 91 ». Le pilote doit amorcer une montée verticale tout en maintenant sa position au-dessus du point de départ, puis passer au vol vers l’avant lorsque l’hélicoptère atteint une hauteur de 30 à 50 pieds agl. Au point de transition, [traduction] « le pilote doit passer des repères extérieurs au vol aux instruments Note de bas de page 92 ». Cette section indique qu’il faut atteindre et maintenir la vitesse anémométrique IFR minimale dès que possible après le décollage pour s’assurer de franchir les obstacles jusqu’à une altitude de 500 pieds agl. D’après les SOP, [traduction] « on utilisera normalement cette procédure la nuit dans les endroits où l’éclairage ambiant est minime sinon nul, ou chaque fois que la capacité de percevoir des obstacles dans la trajectoire de décollage est limitée, par exemple lors de décollages dans une zone enneigée ou empoussiérée Note de bas de page 93 ».

Comme c’est le cas pour les autres procédures de décollage décrites dans les SOP, la procédure de départ depuis un trou noir conseille aux pilotes d’effectuer les vérifications après-décollage en franchissant les 300 pieds agl. Toutefois, cette section des SOP indique également aux pilotes de monter jusqu’à au moins 500 pieds agl avant de suivre le cap souhaité. Ainsi, à moins de décoller depuis l’une des zones de trou noir désignées par la compagnie, les équipages de conduite de S-76A pouvaient, de jour comme de nuit, suivre le cap souhaité après avoir atteint l’altitude de 300 pieds agl. Comme CYMO n’avait pas été désigné comme étant une zone de trou noir, il était acceptable, d’après les SOP de la compagnie, que les pilotes effectuent un virage à une altitude de 300 pieds agl, de jour ou de nuit, durant un décollage depuis cet aéroport.

1.18.1.4 Procédures de contre-vérification

L’une des stratégies de gestion des ressources de l’équipage (CRM) largement acceptées dans un poste de pilotage multipilote consiste à contrevérifier les réglages des instruments, les sélections de fréquence et les sélections du directeur de vol/pilote automatique. Cette contre-vérification tient lieu de stratégie de gestion des menaces et des erreurs, qui vise à empêcher que les erreurs aient des conséquences négatives sur un vol. Par exemple, il arrive fréquemment, dans les opérations multipilotes, que les pilotes répètent les calages altimétriques pour vérifier qu’ils sont identiques pour les 2 pilotes. Il y a eu de nombreux cas d’écrasements d’aéronefs causés par de mauvais calages altimétriques. Grâce à une contre-vérification soigneuse, les pilotes peuvent détecter une erreur, par exemple un calage altimétrique erroné, assez tôt pour corriger le problème avant qu’il n’aboutisse à un état indésirable de l’aéronef. Les SOP pour le S-76A d’Ornge RW contiennent 2 références à la contre-vérification des altimètres. La section des SOP portant sur la phase en route précise que chaque membre d’équipage doit répéter les calages altimétriques et dire « calé à droite » et « calé à gauche », respectivement. Le paragraphe 8.1 précise que les pilotes sont censés contrevérifier les altimètres au moment où ils franchissent le dernier repère d’approche finale en rapprochement de l’approche finale. Les SOP ne comprennent aucune directive sur les radioaltimètres ni aucune exigence de contre-vérification du calage du curseur de faible hauteur.

1.18.1.5 Tâches du pilote surveillant

Une autre pratique CRM largement acceptée concerne les tâches du PM, qui consistent à surveiller étroitement l’autre pilote pour détecter tout signe de dégradation du rendement ou d’écart par rapport au profil de vol convenu. Les SOP pour le S-76A d’Ornge RW ne décrivent pas de façon détaillée les tâches et stratégies du PM; toutefois, le paragraphe 8.1 de la section portant sur les procédures IFR affirme que le pilote qui n’est pas aux commandes (c.-à-d., le PM) doit signaler tout écart important.

Il est courant de parler de PF et de PNF. On emploie ces termes depuis de nombreuses années dans l’environnement multipilote. Un changement d’opinion a eu lieu ces dernières années dans le milieu de la CRM, et l’on accorde aujourd’hui plus d’importance au rôle du pilote qui n’est pas physiquement aux commandes de l’aéronef. D’après l’ancienne définition, il s’agit du pilote « qui n’est pas aux commandes ». Toutefois, même si ce pilote ne manipule pas directement les commandes de vol, il joue un rôle crucial dans la surveillance de la progression du vol. Par conséquent, beaucoup d’exploitants ont remplacé le terme « PNF » par « PM », pour souligner davantage le rôle actif de ce pilote dans un environnement multipilote.

Conformément aux meilleures pratiques CRM, le PM doit demeurer alerte à tout écart par rapport à la trajectoire de vol prévue et être prêt à intervenir rapidement. Dans certains cas, lorsque le dialogue est impossible par contrainte de temps, le PM pourrait devoir intervenir et prendre les commandes pour rétablir le régime de vol sécuritaire de l’aéronef. Comme pour toute autre compétence, il est essentiel d’établir des procédures, et que les pilotes reçoivent une formation réaliste à leur mise en pratique. Par exemple, beaucoup d’exploitants ont des SOP qui décrivent de façon détaillée les tâches particulières du PM, entre autres durant les décollages et atterrissages, la modification du calage altimétrique, les modifications du directeur de vol, etc. En règle générale, le PM doit demeurer attentif à tout changement à la trajectoire de vol, aux gestes du pilote, aux changements de mode système et aux réponses de l’aéronef, tout particulièrement durant les étapes critiques de vol, alors que la charge de travail augmente les risques qu’une erreur passe inaperçue Note de bas de page 94.

1.18.1.6 Radioaltimètres

Le radioaltimètre est un précieux outil pour accroître la conscience de la situation et pour réduire les risques de CFIT Note de bas de page 95. Dans les SOP pour le S-76A d’Ornge RW, la seule référence faite aux radioaltimètres se trouve au paragraphe 8.2 de la section portant sur les procédures IFR. D’après ce paragraphe, les pilotes doivent caler ce dispositif en fonction de la restriction d’altitude minimale donnée, ou à 1000 pieds si aucune altitude minimale n’est précisée. On y lit en outre que le pilote peut régler une altitude plus basse au départ, mais qu’il doit en expliquer la raison au PNF. L’enquête a montré que les pilotes n’adhéraient à aucune méthodologie ou pratique cohérente relativement au calage altimétrique.

Les pilotes qui choisissent de caler un curseur de faible hauteur à 500 pieds et l’autre à 150 pieds y voient une façon d’établir un système d’alerte à 2 paliers. Ainsi, le PNF reçoit le premier avertissement lorsque l’aéronef passe sous les 500 pieds agl, puis annonce cet état afin qu’une mesure corrective soit prise avant que l’aéronef descende sous les 150 pieds agl.

1.18.1.7 Procédures informelles de vol de nuit : pratique courante à Ornge

Outre les différences énoncées précédemment dans le présent rapport, il y avait plusieurs variantes informelles aux procédures d’Ornge RW sur les départs depuis un trou noir et les approches dans un trou noir. Ces procédures variaient d’un équipage de conduite à l’autre et d’une base à l’autre. Bon nombre de ces variations étaient liées à l’expérience antérieure des pilotes, et certaines d’entre elles, qui avaient été adoptées chez le fournisseur de SMU précédent, se sont perpétuées. Les capitaines chevronnés à Ornge RW étaient conscients des risques inhérents au vol de nuit, et certains avaient mis en place leurs propres procédures pour s’assurer de maintenir des marges de sécurité durant les vols de nuit. Par conséquent, il n’y avait aucune procédure normative commune pour les départs depuis un trou noir et les approches dans un trou noir. Par exemple, de nombreux pilotes d’Ornge RW avaient adopté la pratique largement acceptée de limiter tous les virages la nuit à un taux maximal de 1. Cette restriction visait à assurer l’exécution la nuit de virages contrôlés et en douceur, ce qui réduit les risques de désorientation. Durant les entrevues, plusieurs pilotes ont dit qu’ils croyaient que cette restriction faisait partie des SOP de la compagnie. D’autres ont dit qu’il s’agissait d’une pratique du fournisseur de SMU précédent qui s’était perpétuée. D’après les SOP de la compagnie, il n’y a aucune limite maximale ou recommandée d’angle d’inclinaison durant les vols de nuit.

Outre la pratique courante de limiter les virages à un taux maximal de 1, plusieurs des pilotes chevronnés de la compagnie croyaient que les SOP stipulaient une montée à 500 pieds agl la nuit avant de suivre le cap souhaité. Cette procédure informelle s’était établie du temps de l’exploitant précédent, et un grand nombre de pilotes chevronnés ont continué d’y adhérer.

Une autre pratique largement acceptée par les pilotes chevronnés de S-76A à Ornge RW consistait à surveiller étroitement le PF durant les décollages et atterrissages de nuit. Beaucoup de pilotes ont dit qu’ils n’effectuaient aucune vérification en vol durant l’étape de départ. Plutôt, ils surveillaient étroitement les instruments de vol au cas où le PF éprouverait des difficultés, et effectuaient les vérifications après décollage non essentielles une fois que l’aéronef n’était plus dans une étape critique de vol à basse altitude. Les capitaines expérimentés de S-76A d’Ornge RW étaient tout à fait conscients des risques associés aux départs de nuit et surveillaient étroitement les pilotes moins chevronnés à qui on donnait la possibilité d’effectuer les tâches de PF la nuit, en particulier durant les étapes de décollage et d’atterrissage, alors que la marge d’erreur est extrêmement mince.

1.18.2 Formation

1.18.2.1 Généralités

D’après l’article 703.88 du RAC, il est interdit à l’exploitant aérien de permettre à une personne d’agir en qualité de membre d’équipage de conduite et à toute personne d’agir en cette qualité, à bord de l’aéronef, à moins qu’elle ne satisfasse [...] aux exigences du programme de formation au sol et au pilotage de l’exploitant aérien (qui doit être approuvé par TC, même si ces exigences dépassent les exigences réglementaires). Le manuel de formation d’Ornge RW reprend cette exigence : il stipule que la formation donnée par un fournisseur contractuel doit se dérouler conformément au programme de formation de la compagnie approuvé par TC. D’après Ornge RW, la compagnie contrôle la formation donnée par un fournisseur contractuel par des visites des bases, des observations durant la formation et des commentaires des membres d’équipage.

La présente section du rapport souligne certains des éléments clés du programme de formation d’Ornge RW qui sont pertinents à l’événement à l’étude.

1.18.2.2 Entraînement sur simulateur à Ornge Rotor-Wing

Avant juin 2012, Ornge RW confiait à un fournisseur de formation S-76 les cours d’entraînement initial et périodique sur un simulateur modèle S-76A. Toutefois, comme Ornge RW envisageait d’éliminer les S-76A de sa flotte d’ambulances aériennes, elle n’a pas réservé de périodes d’entraînement additionnelles sur le S-76A auprès du fournisseur précédent. Après avoir décidé de continuer d’utiliser les S-76A, Ornge a tenté de retenir les services de son fournisseur de formation S-76A d’origine; toutefois, toutes les périodes d’entraînement sur le S-76A de ce dernier étaient déjà réservées. Ornge RW devait donc trouver une autre solution. Après avoir utilisé brièvement un simulateur à Vancouver, Ornge RW a finalement opté pour le centre de formation CAE à Whippany (New Jersey) pour les entraînements initial et périodique sur le S-76. L’entraînement des pilotes d’Ornge RW aux installations de CAE à Whippany, donné par des instructeurs de CAE, a commencé en janvier 2013. Les installations d’entraînement à Whippany comprennent un simulateur S-76C+ complètement couplé qui peut être converti à la configuration S-76B. Quoique le premier cours de formation périodique, en janvier 2013, s’est déroulé sur la configuration du modèle C+, il était courant de convertir cette configuration au modèle S-76B pour les cours d’entraînement initial et périodique d’Ornge RW. Les configurations S-76C+ et S-76B sont considérablement différentes des modèles S-76A plus âgés exploités par Ornge RW, mais étant donné la difficulté de trouver un autre simulateur S-76A, la compagnie a décidé d’utiliser les installations de CAE à Whippany. C’est également aux installations de CAE à Whippany qu’ont lieu les entraînements initial et périodique sur le AW139 pour Ornge RW; toutefois, ces entraînements sont assurés par le personnel de Rotorsim sur un simulateur complet de vol AW139. Rotorsim est une coentreprise en parts égales (50-50) entre AgustaWestland et CAE.

Avant l’accident, Ornge RW faisait l’entraînement en trou noir sur simulateur, et non à bord d’aéronefs. Quoique la réglementation ne l’exige pas, le manuel de formation d’Ornge RW approuvé par TC comprend une exigence d’entraînement en trou noir qui insiste sur l’importance de maximiser l’altitude au lieu de la distance durant les décollages depuis un trou noir et les atterrissages en trou noir. À la suite d’entrevues et d’un examen des dossiers de formation et des rapports de surveillance de TC, les enquêteurs ont déterminé que la partie des cours d’entraînement initial et périodique sur simulateur S-76 portant sur les trous noirs, donnée aux installations de CAE à Whippany, n’était pas toujours enseignée conformément aux SOP d’Ornge sur les départs depuis un trou noir (rubrique 1.18.1.3) ou au manuel de formation approuvé par TC, et qu’elle ne se déroulait pas de manière réaliste sur le plan opérationnel. Comme il a été indiqué précédemment dans le présent rapport, étant donné que l’entraînement en trou noir utilisé par CAE avait été jugé comme étant irréaliste sur le plan opérationnel, le capitaine en cause dans l’événement et son partenaire de formation ne l’ont pas suivi. Par conséquent, ni l’un ni l’autre des pilotes n’a reçu de crédit pour l’entraînement en trou noir, ce qui était clairement documenté dans le dossier d’entraînement en ligne et de formation de qualification concernant l’aérodrome et la région d’exploitation du capitaine. En outre, l’autre pilote avait informé la direction d’Ornge RW qu’étant donné qu’il n’avait pas reçu l’entraînement en trou noir requis durant son entraînement périodique, il devait recevoir cette formation avant d’être posté à l’une des bases désignées comme zone de trou noir.

Ornge RW a reçu plusieurs plaintes de pilotes de la compagnie, de vive voix et par écrit, sur la qualité de l’entraînement sur le S-76 donné aux installations de CAE à Whippany. Les problèmes couramment soulevés faisaient état d’une méconnaissance des SOP d’Ornge de la part des instructeurs du fournisseur; de plus, les membres d’équipage n’effectuaient pas toujours d’entraînement en trou noir ou devaient effectuer cet exercice eux-mêmes. Bon nombre de pilotes ont également exprimé leurs préoccupations sur le fait que l’entraînement IFR se déroulait dans l’espace aérien américain et utilisait des publications de vol des États-Unis. Certains de ces problèmes avaient été abordés avec la direction de CAE avant l’accident. De plus, Ornge RW a aussi discuté de la qualité des graphiques/éléments visuels, de la continuité entre instructeurs, du besoin d’une meilleure modélisation des sites d’atterrissage de la compagnie équipés de cônes réfléchissants et d’une meilleure formation aux SOP, ainsi que d’une révision du programme d’entraînement pour qu’il comprenne obligatoirement au moins une sortie complète de nuit.

Au moment de l’accident, les cours d’entraînement initial et périodique sur S-76 de la compagnie ne comprenaient pas de séance réservée au vol de nuit. Plutôt, on choisissait habituellement d’inclure des séquences VFR de nuit dans l’une des 2 séances périodiques VFR de 2 jours sur simulateur, ou dans les 2. D’après le manuel de formation et les formulaires d’entraînement sur simulateur de la compagnie, on effectuait au total 64 séquences durant 3 séances VFR et 3 séances IFR. De ces 64 séquences, 1 seul élément, intitulé « Loss of visual reference–Black Hole » (Perte de repère visuel – trou noir) visait spécifiquement les séquences de nuit. Pareillement, l’entraînement périodique sur le S-76 consistait en 56 séquences évaluées durant 2 séances VFR et 1 séance IFR. De ces 56 séquences, seuls 2 éléments visaient spécifiquement les séquences de nuit : « Towering and Black Hole Takeoffs » (Décollages passe-obstacle et depuis un trou noir) et « Loss of Visual Reference–Black Hole » (perte de repère visuel – trou noir). Les formulaires d’entraînement d’Ornge RW ne comprennent aucun élément sur les approches ou atterrissages en trou noir. D’après le fournisseur d’entraînement sur simulateur S-76 de la compagnie, le simulateur de CAE ne permettait pas d’effectuer des atterrissages en trou noir à cause des limites de son système visuel. Or, on avait ajouté « décollage depuis un trou noir et atterrissage en trou noir » à la liste des tâches facultatives achevées sur le formulaire d’entraînement au vol de CAE. Les atterrissages en trou noir étaient requis aux termes du manuel de formation approuvé par TC.

De plus, d’après CAE, l’entraînement pratique sur l’évitement des CFIT est inscrit dans les dossiers d’entraînement au vol de CAE en tant que « conscience situationnelle » et « conscience de sa position dans les airs », dans la catégorie « Gestion des ressources de l’équipage ». L’annotation « D » dans les dossiers d’entraînement de CAE indique que les instructeurs ont discuté d’une séquence particulière ou l’ont enseignée, mais ne l’ont pas évaluée. Par conséquent, il est impossible de différencier, en consultant les dossiers d’entraînement de CAE, si une manœuvre ou une procédure a été enseignée durant l’entraînement ou si elle a fait l’objet d’une discussion. Dans le dossier d’entraînement au vol de CAE pour le capitaine, on a inscrit un « D » pour chacune des 3 séances sur simulateur qu’il a achevées durant son cours pour les 11 éléments listés dans la section « Gestion des ressources de l’équipage » du dossier d’entraînement au vol, qui comprenaient la « conscience situationnelle » et la « conscience de sa position dans les airs ». Un « D » figurait également au dossier d’entraînement au vol de CAE pour le capitaine pour « décollage depuis un trou noir et atterrissage en trou noir » durant les 2 premières séances sur simulateur.

Outre les dossiers d’entraînement, aucune autre directive n’était donnée aux instructeurs sur simulateur pour les guider sur les séquences particulières à réaliser au cours de l’entraînement initial et périodique sur le S-76. À titre comparatif, pour les cours d’entraînement initial et périodique sur le AW139, Ornge RW avait préparé une reliure d’entraînement qui décrivait les tâches de l’instructeur et les exigences de la compagnie.

Au début de mai 2012, Ornge RW a fourni à l’IPE un sommaire des observations que la compagnie avait recueillies concernant l’entraînement sur simulateur AW139 à Whippany. Le rapport remis à l’IPE indiquait qu’il y avait [traduction] « une lacune générale concernant l’adhésion des équipages aux SOP Note de bas de page 96 », et que le personnel de formation de Rotorsim ne suivait pas le programme de formation d’Ornge RW approuvé par TC.

Afin de mieux comprendre l’efficacité du programme d’entraînement d’Ornge RW, les enquêteurs ont examiné les CCP des pilotes d’AW139 et de S-76A d’Ornge RW réalisés entre le 6 janvier 2012 et le 31 mai 2013. Ils ont recensé au total 108 réussites et 9 échecs au CCP, ce qui donne un taux d’échec d’environ 8 %. Les échecs des candidats d’Ornge RW étaient attribuables à des écarts d’altitude non détectés (2 échecs); à une diminution excessive de la vitesse indiquée dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC) (3 échecs); à des compétences et connaissances inacceptables durant des procédures d’urgence (2 échecs); et à des niveaux de connaissances inadmissibles sur les limites de l’aéronef, les SOP, et les minimums de décollage IFR (2 échecs). Dans chaque cas, l’IPE a examiné les circonstances de l’échec avec le PVA en question et a confirmé que tous ces échecs étaient justifiés.

Lors de discussions de suivi après l’événement (mai 2014), TC a indiqué aux enquêteurs du BST que le taux d’échec à Ornge RW était surtout lié aux vols aux instruments et aux procédures de vol aux instruments. Dans une réponse officielle, TC a affirmé que [traduction] « le taux d’échec montre que des faiblesses persistent dans le programme d’entraînement […] Note de bas de page 97 ».

1.18.2.3 Contrôles de compétence pilote

Les séquences que doivent exécuter les pilotes durant le CCP figurent aux annexes CCP comprises dans les NSAC. Outre le fait de préciser que les CdB et les SIC devraient être évalués dans le siège qu’ils occupent dans le poste de pilotage, les annexes CCP pour les pilotes d’hélicoptère régis par les sous-parties 702, 703 et 704 du RAC sont identiques pour les CdB et les SIC. Toutefois, selon les spécifications d’exploitation en place dans une entreprise, il se peut que les capitaines doivent exécuter des séquences additionnelles pour satisfaire aux exigences de CdB associées à une spécification d’exploitation particulière. La case « Fonction » du formulaire de CCP, qui est un document d’aviation canadien (DAC), indique la fonction pour laquelle le candidat a été évalué durant le CCP. En l’absence d’autres exigences se rapportant à une spécification d’exploitation, les capitaines et les premiers officiers sont soumis à la même norme à bord d’hélicoptères : soit qu’ils réussissent, soit qu’ils échouent.

Cette absence de différenciation fait qu’il n’y a pas de « CCP pour premier officier » ou de « CCP pour capitaine ». Tout pilote qui réussit un CCP sur hélicoptère satisfait à l’exigence minimale pour exercer les fonctions de CdB à bord du type d’aéronef indiqué. Outre l’échec, il n’y a aucun mécanisme en place pour qu’un PVA empêche un pilote d’exercer les fonctions de CdB d’hélicoptère. Il en va de même pour les annexes CCP pour pilotes d’avions régis par les sous-parties 702 et 703 du RAC. Les annexes CCP qui visent les pilotes d’avions régis par les sous-parties 704 et 705 du RAC comprennent des exigences additionnelles auxquelles doivent satisfaire les CdB, et il existe une annexe CCP distincte pour les pilotes de relève en croisière assujettis à la sous-partie 705 du RAC.

Au-delà du fait qu’il n’y a qu’une seule norme CCP pour pilotes d’hélicoptère, les annexes CCP actuelles ne tiennent pas compte de la complexité des missions et des exigences opérationnelles. Par conséquent, un exploitant qui veut vérifier la capacité d’un pilote à exécuter une séquence particulière, par exemple les approches dans un trou noir la nuit, ne peut pas le faire au moyen des annexes CCP actuelles. Un exploitant qui veut vérifier la compétence d’un pilote relativement à un aspect particulier des opérations qu’il n’est pas possible d’évaluer grâce aux annexes CCP actuelles doit trouver un autre moyen de vérifier que ce pilote a acquis un niveau de compétence acceptable.

1.18.2.4 Entraînement en ligne pour les pilotes

Le manuel de formation d’Ornge RW approuvé par TC comprend une section sur l’entraînement en ligne pour les pilotes. D’après le manuel, cette formation n’est requise que pour les équipages de conduite des AW139 et ne vise pas les équipages des S-76. Aux termes du paragraphe 724.115 des NSAC, tous les nouveaux pilotes assujettis à la sous-partie 704 du RAC doivent recevoir un entraînement en ligne qui doit comprendre au moins 6 heures de vol et 4 secteurs obligatoires Note de bas de page 98. D’après TC :

L’objet de l’entraînement en ligne est de préciser, dans le contexte d’une formation en ligne, la formation initiale qu’un pilote candidat a reçue sur ce type d’aéronef. Cette formation doit faire en sorte que le candidat est tout à fait prêt à exécuter les tâches de son poste désigné sur toutes les routes de la compagnie auxquelles il est affecté Note de bas de page 99.

Puisque la flotte d’AW139 d’Ornge RW est certifiée en vertu de la sous-partie 704 du RAC, ces pilotes doivent se conformer aux exigences du paragraphe 724.115 des NSAC. D’après Ornge RW, la compagnie a choisi d’exploiter ses AW139 en vertu de la sous-partie 704 du RAC pour accroître la sécurité. Étant donné que la compagnie avait prévu au départ de cesser d’utiliser les S-76A dès l’entrée en service des AW139, elle n’avait jamais envisagé d’exploiter ses S-76A en vertu de la sous-partie 704 du RAC, et elle n’est jamais revenue sur cette décision.

Contrairement aux exigences sur l’entraînement en ligne pour les pilotes assujettis aux sous-parties 704 et 705 du RAC, la réglementation ne précise aucun nombre minimal d’heures de vol ou de secteurs que doit réaliser un pilote régi par la sous-partie 703 du RAC avant de pouvoir exécuter des fonctions opérationnelles. De plus, aucune exigence n’oblige les titulaires de plusieurs certificats d’exploitation aérienne à établir une norme commune à toutes leurs flottes. Ainsi, les pilotes de S-76A d’Ornge RW, qui sont régis par la sous-partie 703 du RAC, ne sont pas tenus de suivre un entraînement en ligne officiel, quoique la compagnie exploite ses flottes d’AW139 et de S-76A avec les mêmes compositions d’équipages et qu’elles ont des profils de mission pratiquement identiques.

1.18.2.5 Formation sur la gestion des ressources aéromédicales

Aux termes du manuel de formation d’Ornge RW, tous les nouveaux employés doivent suivre la formation sur la GRA dont l’objectif est de donner aux employés des stratégies fondées sur les compétences qui les aideront à gérer efficacement les ressources, à prévenir les erreurs et, le cas échéant, à les gérer Note de bas de page 100, et qui porte sur le comportement des membres d’équipage et son incidence sur le système de sécurité. D’après le manuel, la GRA comprend la CRM et la prise de décision des pilotes (PDM), et couvre les sujets suivants :

[traduction]

  1. Gestion des menaces et des erreurs;
  2. Ressources disponibles et leurs limites;
  3. Gestion des ressources de l’équipage (compétences CRM);
  4. Communication;
  5. Connaissance de la situation;
  6. Prise de décisions;
  7. Gestion de la charge de travail;
  8. Rendement de l’équipage;
  9. Identification de comportements observables;
  10. Élaboration de stratégies de prévention;
  11. Facteurs humains (fatigue, stress, personnalités, dynamique de groupe) Note de bas de page 101.

Même si la réglementation n’obligeait pas Ornge RW à donner une formation en CRM, il s’agit d’un élément crucial pour l’efficacité des activités multipilotes. En conséquence, on a examiné les documents de formation initiale en GRA, pour ensuite les comparer aux philosophies modernes de formation en CRM. Un examen des normes CRM actuelles a permis de constater que le contenu essentiel du plan de cours en GRA d’Ornge RW répondait aux exigences décrites dans la norme CRM actuelle, qui ne vise que les exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC Note de bas de page 102.

La formation en CRM moderne vise à procurer aux équipages de conduite des outils pratiques pour réduire la probabilité d’erreurs (éviter les erreurs), détecter et corriger les erreurs avant qu’elles aient une incidence opérationnelle (cerner les erreurs), ou contenir et réduire la gravité des erreurs qui entraînent des conséquences (atténuer les erreurs).

À Ornge, on donnait 2 cours en GRA différents. Un entrepreneur indépendant donnait l’un des cours, tandis que le directeur, Opérations aériennes, d’Ornge FW donnait l’autre. D’après Ornge RW, la compagnie avait le choix de se servir de l’un ou l’autre de ces cours, car les 2 répondaient aux objectifs de formation stipulés dans le manuel de formation. Les documents de formation de l’entrepreneur se fondaient en grande partie sur la sensibilisation à la CRM et mettaient l’accent sur d’anciens sujets et exercices CRM, y compris des exercices de synergie/survie et des évaluations de la personnalité bien connus en dehors du milieu de l’aviation. Le cours donné par le directeur, Opérations aériennes, d’Ornge FW comprenait lui aussi un important volet de sensibilisation. Toutefois, il comprenait plus de documents de formation en CRM moderne et procurait plus de stratégies de CRM pratiques que le cours donné par l’entrepreneur. De façon générale, ni l’un ni l’autre des cours en GRA d’une journée examinés dans le cadre de l’enquête n’offrait beaucoup de stratégies pratiques applicables aux opérations aériennes quotidiennes.

Outre la formation en GRA initiale donnée à tous les nouveaux pilotes et ambulanciers paramédicaux, tous les membres d’équipage de conduite doivent suivre une formation en CRM périodique annuelle qui porte notamment sur les éléments suivants, indiqués dans le manuel de formation de la compagnie approuvé par TC :

  1. connaissance de la situation;
  2. compréhension des erreurs humaines;
  3. gestion des menaces et des erreurs;
  4. culture;
  5. collaboration des membres d’équipage;
  6. philosophie relative aux SOP et listes de vérification;
  7. gestion du stress et de la fatigue;
  8. automatisation;
  9. communication et assertivité;
  10. prise de décisions;
  11. gestion des risques Note de bas de page 103.

Comme on l’a fait avec les documents de formation en GRA initiale, on a examiné les documents de formation en CRM périodique d’Ornge RW pour les comparer aux philosophies modernes de formation en CRM. Ceux-ci étaient semblables aux documents des 2 cours de formation en GRA initiale en ce qu’ils offraient peu d’outils ou stratégies pratiques de CRM conçus pour aider les équipages de conduite à gérer efficacement les menaces et les erreurs qui peuvent survenir durant les vols opérationnels. Fondés principalement sur la sensibilisation, ces documents portaient davantage sur la façon d’aborder les problèmes physiologiques en vol.

Le BST a déjà exprimé par le passé une préoccupation liée à la sécurité concernant les normes actuelles de formation en CRM. Dans le cadre de son enquête aéronautique A11H0002, le BST a constaté que l’équipage de conduite n’avait pas reçu de formation initiale et périodique en CRM qui lui aurait fourni suffisamment de stratégies pratiques pour l’aider à prendre des décisions, à résoudre des problèmes, à communiquer, et à gérer la charge de travail. Comme l’indique le BST dans le rapport d’enquête sur cet accident, la formation en CRM initiale doit permettre de développer des compétences en CRM efficaces, et l’on doit renforcer ces compétences durant la formation périodique. Autrement, les équipages de conduite pourraient ne pas être en mesure de gérer adéquatement les risques dans le poste de pilotage. Si TC et les exploitants aériens n’adoptent pas une approche exhaustive et intégrée à l’égard de la CRM, le Bureau craint que les équipages de conduite ne mettent pas systématiquement en pratique une CRM efficace.

1.18.2.6 Formation au sol sur l’évitement des impacts sans perte de contrôle

Aux termes des paragraphes 723.98(24) et 724.115(27) des NSAC, les exploitants d’hélicoptères assujettis aux sous-parties 703 et 704 du RAC doivent donner une formation initiale et bisannuelle sur l’évitement des CFIT à tous les membres d’équipage de conduite d’hélicoptères homologués pour le vol en conditions IMC. La formation initiale et bisannuelle sur l’évitement des CFIT doit porter notamment sur les points suivants :

En outre, Ornge RW a intégré certaines exigences additionnelles de formation sur l’évitement des CFIT qui visent les avions indiquées aux paragraphes 723.98(29) et 724.115(32) des NSAC, mais qui ne sont pas obligatoires pour les exploitants d’hélicoptères assujettis aux sous-parties 703 et 704 du RAC aux termes de la réglementation. Par exemple, le manuel de formation de la compagnie approuvé par TC comprend les exigences suivantes sur la formation initiale et périodique sur l’évitement des CFIT :

  1. les caractéristiques de fonctionnement, propriétés et limites du système EGPWS;
  2. les manœuvres de rétablissement et profils pertinents à l’hélicoptère;
  3. l’exécution sur simulateur d’une manœuvre de rétablissement en VMC (conditions météorologiques de vol à vue) à la suite d’un avertissement de l’EGPWS;
  4. l’exécution sur simulateur d’une manœuvre de rétablissement en IFR à la suite d’un avertissement de l’EGPWS.

La partie de la formation initiale sur l’évitement des CFIT d’Ornge RW donnée en classe consistait en une présentation de 2 heures. Durant cette présentation, les pilotes apprenaient certains des facteurs pouvant mener à un accident CFIT, certaines stratégies pour les prévenir, ainsi qu’une manœuvre générale de rétablissement pour éviter les CFIT. Une des diapositives de la présentation cite une étude américaine sur les SMU menée de 1992 à 2004, selon laquelle 84 % des accidents CFIT sont survenus la nuit, et 58 % de ceux-ci ont eu lieu en VMC. La présentation indiquait que les plus grands risques guettant les opérations d’ambulance aérienne en Ontario étaient :

  1. les opérations dans un trou noir
  2. les vols dans des conditions marginales VFR
  3. les opérations VFR de nuit

La présentation faisait état de plusieurs facteurs de rendement individuel et d’équipe pouvant réduire les risques de CFIT; 2 de ces facteurs étaient l’expérience et le maintien des compétences.

Un examen de la présentation de formation initiale sur l’évitement des CFIT de la compagnie a permis de déterminer que celle-ci offrait une sensibilisation générale sur les menaces liées aux CFIT. Les notes d’introduction de la présentation annoncent que la formation enseignera des stratégies de prévention. En réalité, cette formation offre peu de stratégies pratiques de prévention (c.-à-d., les SOP) que l’on peut utiliser dans le poste de pilotage. Par exemple, les documents de formation sur l’évitement des CFIT n’abordent aucun des défis que comportent les vols de nuit depuis un aérodrome, pas plus que les responsabilités particulières des membres de l’équipage de conduite (p. ex., la surveillance des instruments de vol) ou encore l’importance d’effectuer uniquement les tâches essentielles durant les étapes cruciales du vol. Bien que la présentation comprenne une diapositive résumant une manœuvre de rétablissement pour éviter un CFIT, il s’agit en fait d’une procédure générique qui traite des avertissements de l’EGPWS et du bouton de « remise des gaz ». Seuls quelques S-76A étaient munis d’un EGPWS, et aucun de ces dispositifs n’avait la fonction de remise des gaz. La manœuvre de rétablissement générique que décrit la présentation n’offre aucune directive précise quant à l’assiette à sélectionner, aux réglages de puissance ou encore à la vitesse indiquée. Cette procédure semble s’appliquer à des aéronefs plus évolués, comme l’AW139, et il y manque des directives précises que devraient suivre les équipages de conduite lorsqu’ils effectuent la manœuvre d’évitement des CFIT.

Plusieurs pilotes, y compris le capitaine en cause dans l’événement, n’avaient pas fait le volet pratique de la formation sur l’évitement des CFIT, qui est pourtant requis d’après le manuel de formation approuvé par TC.

1.18.3 Processus de qualification des capitaines dans d’autres organisations

Certains exploitants de SMU ont mis en place un processus exigeant de tous les pilotes, peu importe leur expérience antérieure, de démontrer qu’ils sont aptes à assumer les fonctions de capitaine avant de devenir opérationnels comme capitaine. Cette mesure vise à garantir que les pilotes ont l’occasion d’acquérir, ou de rafraîchir, les compétences nécessaires pour s’acquitter en toute sécurité des tâches de capitaine, conformément au RAC et aux SOP d’une entreprise. Un important fournisseur de SMU dans l’Ouest canadien exige que tous les aspirants capitaines suivent une formation officielle de capitaine, que leur candidature reçoive l’appui de commandants instructeurs, et qu’ils paraissent ensuite devant un comité examinateur où ils doivent répondre à des questions sur l’aéronef, l’entreprise et les missions afin de démontrer qu’ils ont acquis les connaissances et les compétences nécessaires pour agir à titre de CdB d’un aéronef multipilote.

1.18.4 Vol de nuit

1.18.4.1 Règles de vol à vue la nuit

Les VFR se fondent sur le principe que le pilote doit utiliser des repères visuels à l'extérieur de l'aéronef comme références d'assiette. Il faut donc respecter certaines exigences de base lorsqu'on effectue un vol VFR, de jour ou de nuit, au Canada. Aux termes des paragraphes 602.114 et 602.115 du RAC, peu importe si l'on évolue dans un espace aérien contrôlé ou non contrôlé, l'aéronef doit être « utilisé avec des repères visuels à la surface Note de bas de page 104. » Le RAC définit la surface, en partie, comme « toute surface au sol ou sur l'eau, y compris une surface gelée Note de bas de page 105. » Ainsi, selon l'interprétation de TC des exigences de vol VFR de nuit, un vol se déroulant au-dessus d'une région sans éclairage artificiel et sans éclairage ambiant suffisant pour discerner clairement l'horizon (c.-à-d., pour poursuivre le vol uniquement au moyen de repères à la surface) ne répondrait pas aux exigences d'exploitation selon les règles VFR. Plutôt, ce vol répondrait aux critères de vol aux instruments (IFR), selon lesquels les pilotes se fient à leurs instruments de vol pour assurer l'utilisation en toute sécurité de l'aéronef.

Les vols VFR de nuit sont permis au Canada comme dans plusieurs pays. Toutefois, dans certains pays, les règlements qui régissent ces vols sont très différents de ceux du RAC. En Irlande, par exemple, les vols VFR de nuit sont interdits à moins qu'ils se déroulent dans une zone de contrôle, auquel cas il s'agit de vols VFR spéciaux Note de bas de page 106. Les vols de nuit qui sont effectués à l'extérieur d'une zone de contrôle doivent se dérouler selon les règles IFR. Aux États-Unis, les Federal Aviation Regulations (FARs) stipulent que nul ne peut utiliser un hélicoptère selon les VFR la nuit à moins d'avoir [traduction] « des repères visuels lumineux à la surface suffisants pour maîtriser l'hélicoptère en toute sécurité Note de bas de page 107. »

À l'heure actuelle, aucune exigence n'impose aux exploitants aériens commerciaux canadiens de démontrer qu'ils pourront maintenir un repère visuel à la surface le long d'une route VFR de nuit envisagée, que ce soit au moyen d'un éclairage artificiel ou par d'autres moyens. L'alinéa 702.18(3)c) du RAC comprend toutefois une modalité d'exception qui permet les vols VFR de nuit d'aéronefs monomoteurs lorsque le pilote n'a pas de qualification aux instruments. D'après les NSAC, « le vol se déroule au-dessus d'une zone éclairée dans des conditions VMC [conditions de vol à vue] et en présence d'un horizon visible Note de bas de page 108. »

Outre l'exigence réglementaire de base décrite ci-dessus, les pilotes qui effectuent des vols de nuit avec des passagers à bord doivent satisfaire aux exigences de maintien des compétences établies au paragraphe 401.05(2) du RAC, qui stipule que le pilote doit avoir réalisé au moins 5 décollages de nuit et 5 atterrissages de nuit au cours des 6 mois précédant ce vol. Ces exigences faisaient partie de la réglementation canadienne bien avant que le RAC, entré en vigueur en 1996, ait remplacé les Ordonnances sur la navigation aérienne (ONA) et l'ancien Règlement de l'Air. TC n'a pu expliquer pourquoi on avait sélectionné 5 décollages de nuit et 5 atterrissages de nuit comme exigences au paragraphe 401.05(2) du RAC. L'enquête a permis de constater que les inspecteurs de TC avaient l'impression que les exigences relatives au nombre de décollages et d'atterrissages de nuit se fondaient sur des valeurs choisies de façon arbitraire il y a plusieurs années, et non d'après une quelconque étude.

Les autorités nationales de l'aviation civile (CAA) d'Australie et de Nouvelle-Zélande ont établi des exigences de maintien des compétences à l'égard des décollages et atterrissages de nuit plus sévères que les exigences canadiennes. D'après les Australian Civil Aviation Regulations, si l'on transporte des passagers la nuit [traduction], « une exigence additionnelle du Règlement de l'aviation civile [australien] exige qu'un pilote ait réalisé au moins 3 décollages et 3 atterrissages la nuit au cours des 90 jours précédents Note de bas de page 109 ». Ces exigences sont semblables à celles actuellement en vigueur en Nouvelle-Zélande. Aux États-Unis, les FARs stipulent que [traduction] « nul ne peut agir en qualité de commandant de bord d'un aéronef qui transporte des passagers durant la période qui commence 1 heure après le coucher du soleil et qui prend fin 1 heure avant le lever du soleil, à moins d'avoir réalisé au cours des 90 jours précédents au moins 3 décollages et 3 atterrissages jusqu'à l'immobilisation complète durant la période qui commence 1 heure après le coucher du soleil et qui prend fin 1 heure avant le lever du soleil Note de bas de page 110 ».

1.18.4.2 Qualification de vol de nuit

Au Canada, un pilote d'hélicoptère doit d'abord obtenir la qualification de vol de nuit pour pouvoir effectuer un vol VFR de nuit. Ce processus comprend en partie l'achèvement de 10 heures de vol de nuit et de 10 heures de vol aux instruments en double commande Note de bas de page 111. Le but de ce temps de vol aux instruments est de préparer les pilotes à la possibilité d'une entrée par inadvertance dans une zone de vol en conditions IMC. Toutefois, il n'existe aucune exigence obligeant les pilotes à se soumettre à une évaluation formelle de leurs compétences de vol aux instruments avant d'obtenir une qualification de vol de nuit, pour autant qu'ils aient accumulé le nombre minimal d'heures requis. Une fois qu'un pilote a obtenu sa qualification de vol de nuit, la seule exigence de maintien des compétences qu'il doit respecter pour conserver sa qualification de vol de nuit porte sur le nombre de décollages et d'atterrissages pour transporter des passagers la nuit, comme le décrit l'article 401.05 du RAC et comme il a été mentionné précédemment. Il n'y a aucune exigence selon laquelle un pilote qui effectue des vols VFR de nuit doit accumuler du temps additionnel de vol aux instruments, malgré l'importance bien documentée des compétences de vol aux instruments durant les opérations VFR de nuit.

Le BST avait déjà cerné cette divergence dans son Étude de sécurité aéronautique 90-SP002, qui a permis de conclure qu'une forte proportion des accidents durant les vols de nuit se produit comme suite à une perte de maîtrise de l'aéronef, et met souvent en cause des pilotes ayant peu d'expérience additionnelle de vol aux instruments au-delà de celle qu'ils ont accumulée pour obtenir la qualification de vol de nuit. L'extrait suivant, qui provient d'un rapport de l'Australian Transport Safety Bureau, intitulé Visual flight at night accidents: What you can't see can still hurt you, illustre parfaitement l'importante distinction entre l'exigence de maintenir ses compétences selon la réglementation et la maîtrise de ces compétences :

[traduction]

Même si un pilote est légalement autorisé à voler par nuit noire en raison des vols de nuit récents effectués au-dessus d'une zone urbaine, ce vol présentera probablement un niveau de risque plus élevé si ce pilote n'a pas d'expérience récente en environnement de nuit noire. Même si la qualification de vol de nuit permet les vols au départ et à destination de bandes d'atterrissage disposant d'un éclairage minimal à proximité, en réalité peu de pilotes volent fréquemment dans un tel environnement. Le vol aux instruments constitue une habileté complexe, et une fois qu'on l'a développée, on doit la maintenir par une répétition fréquente. Il serait préférable qu'un pilote qui n'a pas d'expérience récente de vol par nuit noire n'effectue pas de décollage, de pilotage ou d'atterrissage dans ces conditions, à moins qu'il n'ait l'aide d'un pilote compétent et qualifié Note de bas de page 112.

D'après l'Étude de sécurité aéronautique 90-SP002 du BST, « comme l'habileté au vol aux instruments s'estompe avec le temps et demandent [sic] une pratique régulière pour qu'il reste ne serait-ce qu'un minimum de compétence, les conditions d'obtention et de maintien de la qualification de vol de nuit ne tiennent pas assez compte des compétences que doit posséder un pilote qui se retrouve par inadvertance dans des conditions météorologiques défavorables Note de bas de page 113. » Reconnaissant l'impossibilité, à l'heure actuelle, de garantir un niveau minimal d'habileté de vol aux instruments avant de délivrer une qualification de vol de nuit, et d'assurer que l'on maintient un niveau minimal de compétence de vol aux instruments, le BST a recommandé que :

le ministère des Transports apporte les modifications suivantes aux conditions d'obtention et de maintien de la qualification de vol de nuit :


  1. ajout d'un examen pratique de l'habileté du pilote avant la délivrance de la qualification; et
  2. vérification régulière de la compétence du pilote.
Recommandation A90-72 du BST

Dans sa réponse, TC a indiqué que le secteur avait rejeté l'idée d'une évaluation en vol des compétences de vol aux instruments. Plutôt, le Ministère a affirmé qu'il étudiait l'établissement d'un atelier de formation périodique au sol. Puisque cette réponse n'abordait pas la lacune de sécurité sous-jacente, le Bureau a estimé qu'elle était insatisfaisante. TC a par la suite apporté quelques changements à sa publication Guide de l'instructeur de vol – Avion (TP 975) concernant les qualifications de vol de nuit, en insistant sur le fait que l'instructeur doit savoir quand son « élève a la compétence voulue pour exercer les privilèges de cette qualification. Il ne s'agit pas simplement d'accumuler le nombre d'heures nécessaires en double commande et en solo pour l'obtenir Note de bas de page 114 ». Or, TC n'a pas ajouté cette directive additionnelle à sa publication Guide d'instructeur au pilotage – Hélicoptère (TP 4818). Par suite des changements apportés à TP 975, et en l'absence de toute autre mesure de la part de TC, le Bureau a estimé que la réponse de TC dénotait une attention en partie satisfaisante Note de bas de page 115.

1.18.4.3 Dangers associés au vol de nuit
1.18.4.3.1 Généralités

Le vol de nuit comporte un certain nombre de dangers. D'abord et avant tout, la performance visuelle est considérablement réduite dans des conditions d'éclairement nocturne. Même dans des conditions VFR de nuit idéales et avec une pleine lune, l'acuité visuelle du pilote est en toute probabilité de l'ordre de 20/200 Note de bas de page 116. Une performance visuelle ainsi réduite peut donner lieu à des illusions sensorielles convaincantes qui peuvent entraîner une désorientation spatiale, que l'on définit comme étant [traduction] « une impression trompeuse de sa propre position et du mouvement de l'aéronef par rapport à la surface de la Terre Note de bas de page 117 ». Autrement dit, il y a désorientation spatiale lorsque le cerveau interprète mal les repères de l'environnement; la personne a alors de la difficulté, par exemple, à résoudre mentalement pourquoi l'aéronef ne semble pas réagir comme le cerveau pense qu'il devrait le faire. Il y a 3 systèmes sensoriels spécialisés Note de bas de page 118 qui nous aident à nous orienter et à déterminer où se trouve le ciel :

  1. le système visuel (nos yeux);
  2. le système vestibulaire (les organes des 2 oreilles internes qui gèrent l'équilibre);
  3. le système somatosensoriel (récepteurs dermiques, musculaires et articulaires qui fonctionnent avec notre ouïe).

En avril 2013, le service de la sécurité d'Ornge a publié le Bulletin de sécurité AS-BULL-106: Spatial Disorientation (Désorientation spatiale). Ce bulletin comprenait des hyperliens à des rapports de sécurité aérienne, dont un publié sur le site SKYbrary et un publié par l'Australian Transport Safety Bureau (ATSB) [traduction] « afin de sensibiliser à la désorientation spatiale Note de bas de page 119 ». D'après le rapport de l'ATSB, [traduction] « le système visuel est de loin le plus important des 3 systèmes sensoriels Note de bas de page 120 »; il est responsable d'environ 80 à 90 % de l'information brute que reçoit le cerveau Note de bas de page 121, Note de bas de page 122. Par conséquent, dans des conditions nocturnes ou de mauvais temps, un pilote risque de rater énormément d'information qui lui permettrait de déterminer l'orientation de son aéronef. Des études réalisées par des chercheurs en aviation à l'Université de l'Illinois dans les années 1990 ont estimé qu'en moyenne, 178 secondes suffisaient aux pilotes VFR exposés à des conditions IMC simulées pour succomber à la désorientation spatiale Note de bas de page 123. Lorsqu'il n'y a aucun repère visuel extérieur ou très peu, on peut surmonter la désorientation spatiale en passant au vol aux instruments. L'entraînement au vol aux instruments aide les pilotes à apprendre à gérer efficacement leur attention et à établir l'ordre de priorité des activités pour s'assurer d'être attentifs à tous les éléments d'information cruciaux. Il leur apprend également à ignorer les fausses perceptions sensorielles et à faire confiance à leurs instruments de vol Note de bas de page 124.

Les dangers associés au vol VFR de nuit sont amplifiés à l'étape de décollage, lorsque le pilote passe d'un aéroport bien éclairé à ce qui peut sembler être la noirceur totale Note de bas de page 125. Par exemple, comme il est expliqué précédemment dans le présent rapport, il n'y a pratiquement aucun éclairage artificiel au nord de la piste 06 à CYMO. D'après de nombreux pilotes qui ont effectué des vols depuis CYMO à destination d'Attawapiskat par une nuit nuageuse, la situation peut se décrire le mieux comme un vol effectué en IMC, mais se déroulant en VFR, puisqu'il est impossible de maintenir un repère visuel à la surface.

Pour compliquer encore les choses, il faut environ 30 minutes à l'œil humain pour s'adapter entièrement aux niveaux d'éclairage plus faibles (période dite d'adaptation à la noirceur). Un pilote qui essaie de partir de nuit en mode VFR durant cette période d'adaptation de 30 minutes pourrait donc avoir une vision nocturne très réduite Note de bas de page 126. Cette réduction de la vision peut entraîner une situation très risquée. D'après le magazine Sécurité aérienne – Nouvelles publié par TC, « dans des conditions NVFR [vol VFR de nuit], le mélange de procédures VFR et IFR peut être mortel Note de bas de page 127 ». Dans ces situations, un pilote qui ne passe pas au vol aux instruments et qui ne contre-vérifie pas les instruments correctement s'exposera à un plus grand risque de désorientation visuelle ou spatiale Note de bas de page 128. C'est pourquoi il est essentiel que les pilotes d'aéronefs multipilotes demeurent extrêmement vigilants durant cette étape cruciale du vol et soient prêts à tout moment à prendre les commandes.

1.18.4.3.2 Vol de nuit selon les règles de vol à vue dans des endroits mal éclairés

Au cours de l'enquête, plus d'une vingtaine de pilotes d'hélicoptère chevronnés ont été convoqués en entrevue. La plupart d'entre eux étaient convaincus qu'il est beaucoup plus difficile d'effectuer un vol VFR de nuit dans des régions éloignées ou peu peuplées que d'effectuer un tel vol dans des régions densément peuplées où il y a abondamment d'éclairage artificiel. Dans de nombreux cas, des pilotes ont affirmé avoir effectué des vols VFR de nuit durant lesquels ils n'avaient pu maintenir de repère visuel avec la surface ou voir distinctement l'horizon. D'après eux, les compétences de vol aux instruments avaient été d'une importance cruciale à l'exécution de ces vols.

Notamment, aucun des pilotes convoqués en entrevue n'a indiqué qu'il avait refusé d'effectuer un vol VFR de nuit strictement à cause de la noirceur, ou parce qu'il estimait qu'un tel vol contrevenait à l'article 602.115 du RAC, selon lequel l'aéronef doit être piloté à l'aide de repères visuels à la surface. La grande majorité des pilotes d'hélicoptère semblait s'accorder pour dire que l'on s'attendait à ce qu'ils effectuent les vols VFR de nuit, pour autant que les prévisions météorologiques permettent ce type de vol, même si l'éclairage artificiel ou ambiant était insuffisant pour maintenir des repères visuels à la surface. La plupart de ces pilotes ont fait valoir que, durant de tels vols, ils pilotent en réalité en se servant des instruments et en surveillant attentivement leur position au moyen du GPS pour maintenir une distance convenable par rapport à la surface.

1.18.4.4 Systèmes d'imagerie de vision nocturne
1.18.4.4.1 Généralités

Ces dernières années, l'utilisation de systèmes d'imagerie de vision nocturne (SIVN), comme les LVN et les systèmes de vision améliorée, a gagné en popularité étant donné que ces systèmes améliorent les conditions et la sécurité de vol des exploitants qui effectuent des opérations VFR de nuit. En particulier, il y a eu une très forte croissance de l'utilisation des LVN ailleurs que dans les applications militaires. Dès 1994, la FAA a déterminé que [traduction] « lorsqu'elles sont utilisées correctement, les LVN peuvent accroître la sécurité, améliorer la conscience situationnelle, et réduire la charge de travail et le stress du pilote normalement associés aux opérations de nuit Note de bas de page 129 ».

Quoiqu'il existe plusieurs options en matière de SIVN, la présente partie du rapport porte sur les LVN, car il s'agit du SIVN le plus souvent utilisé par la communauté des pilotes d'hélicoptères civils. Les LVN sont [traduction] « des instruments optiques qui augmentent la lumière réfléchie par le relief pour améliorer la vision nocturne Note de bas de page 130 ». Elles utilisent la lumière ambiante pour fournir au pilote une image du monde extérieur qui autrement pourrait échapper à l'œil nu. Au cours des dernières années, la technologie des LVN a évolué. Voir l'annexe G pour une discussion des progrès réalisés récemment dans l'amélioration des LVN.

Un grand nombre d'organismes comme les SMUH, les services SAR civils, les services de police, et les organismes forestier et faunique ont intégré l'utilisation des LVN pour leurs activités de nuit Note de bas de page 131. D'après la Flight Safety Foundation, le pourcentage des fournisseurs civils de SMUH aux États-Unis utilisant des LVN qui était d'environ 2 à 5 % en 2006, est passé à plus de 90 % Note de bas de page 132. Au Canada, un important fournisseur de SMUH de l'Ouest canadien utilise assidument les LVN pour les vols de nuit depuis le milieu des années 2000. Les pilotes d'aéronefs à voilure tournante de la Gendarmerie royale du Canada et d'autres services de police provinciaux et municipaux et d'organismes gouvernementaux utilisent les LVN. Récemment, un important exploitant canadien d'hélicoptères pour des vols d'exploitation extracôtière a lui aussi commencé à se servir de LVN pour ses opérations SAR de nuit. TC s'attend à ce que les SIVN soient de plus en plus utilisés étant donné les marges de sécurité accrues qu'ils procurent dans le cadre d'opérations VFR de nuit Note de bas de page 133. Voir l'annexe H pour une discussion détaillée des avantages et désavantages des LVN.

1.18.5 Exigences sur la récence du vol aux instruments

Comme l’indique le Manuel de vol aux instruments (TP 2076) de TC, le vol aux instruments « est l’une des plus importantes tâches spécialisées que puisse accomplir un pilote. Toutefois, une telle aptitude n’est pas un trait que le pilote possède naturellement; il ne peut l’acquérir qu’au prix d’une formation rigoureuse, d’exercices réguliers et d’une démarche méthodique Note de bas de page 134 ». Comme toute autre compétence, un pilote verra ses compétences de vol aux instruments décliner avec le temps s’il ne les exerce pas et le pilote ne pourra plus s’y fier s’il ne prend pas les moyens nécessaires pour maintenir ses compétences de vol aux instruments Note de bas de page 135.

D’après le paragraphe 401.05(3) du RAC :

(3) Il est interdit au titulaire d’une qualification de vol aux instruments d’exercer les avantages visés à l’article 401.47 à moins qu’il ne satisfasse à l’une des conditions suivantes :

a) dans les 12 mois qui précèdent le vol, il a réussi un test en vol en vue d’une qualification de vol aux instruments […];

b) dans les six mois qui précèdent le vol, il a accumulé six heures de temps aux instruments et a effectué six approches aux instruments aux minimums précisés dans le Canada Air Pilot à bord d’un aéronef dans des conditions météorologiques de vol aux instruments réelles ou simulées, ou d’un simulateur de niveau B, C ou D de la même catégorie que l’aéronef ou d’un dispositif d’entraînement au vol, sous la supervision d’une personne qui possède les qualifications visées au paragraphe 425.21(9) des Normes de délivrance des licences et de formation du personnel relatives à l’entraînement en vol;

c) dans les six mois qui précèdent le vol, il a accumulé six heures de temps aux instruments et a effectué six approches aux instruments aux minimums précisés dans le Canada Air Pilot à bord d’un aéronef dans des conditions météorologiques de vol aux instruments réelles ou simulées, en qualité d’instructeur de vol qui dispense la formation en vue de l’annotation d’une qualification de vol aux instruments sur une licence ou un permis de membre d’équipage;

d) il a subi avec succès, pour un aéronef, une vérification de compétence ou un contrôle de la compétence du pilote dont la période de validité n’est pas expirée et qui comportait la partie sur les procédures de vol aux instruments de [l’annexe à la norme appropriée pour un aéronef exploité en vertu de cette sous-partie] Note de bas de page 136.

L’enquête a révélé que les inspecteurs de TC interprétaient de différentes façons le paragraphe 401.05(3) du RAC. En particulier, certains étaient d’avis que les pilotes qui satisfaisaient aux exigences de l’alinéa 401.05(3)a) du RAC devaient également avoir accumulé au moins 6 heures de temps de vol aux instruments et réalisé 6 approches aux instruments au cours des 6 mois qui précèdent le vol, conformément à l’alinéa 401.05(3)b) du RAC. D’après la réponse officielle de TC, la formulation du paragraphe 401.05(3) du RAC est telle que, tant que les pilotes renouvellent leur qualification aux instruments et leur CCP annuellement, ils ne sont pas tenus de satisfaire aux exigences décrites à l’alinéa 401.05(3)b) du RAC Note de bas de page 137. Par conséquent, aux termes de la réglementation actuelle, les pilotes régis par les sous-parties 703 ou 704 du RAC peuvent en toute légalité effectuer un vol IFR sans aucune restriction, pourvu qu’ils aient réussi leur CCP et leur qualification aux instruments au cours des 12 mois précédents. Ornge FW et Ornge RW interprètent ce règlement de la même façon.

Au cours de l’enquête, les enquêteurs ont convoqué un certain nombre de personnes en entrevue, entre autres, des membres d’équipage de conduite, des membres de la direction à Ornge RW, des inspecteurs régionaux de TC, des cadres supérieurs régionaux de TC, et du personnel de l’administration centrale de TC. La plupart de ces personnes se sont dites préoccupées du fait que la réglementation actuelle sur le maintien des compétences IFR réduit les marges de sécurité à un niveau inacceptable. La plupart des pilotes ont dit que, selon eux, il n’était pas sécuritaire d’entreprendre un vol IFR dans des conditions de plafond bas et de visibilité réduite sans avoir accumulé de temps de vol aux instruments au cours des 12 mois précédents. Certains des pilotes ont dit qu’ils avaient vécu une telle situation, et qu’ils avaient exprimé leur malaise ainsi que leur sentiment d’être mal préparés pour un vol IFR exigeant. Certains se sont également dits préoccupés par la réglementation actuelle qui rend difficile pour un pilote de refuser un vol IFR pour des raisons de compétence, étant donné que la compagnie pourrait voir d’un mauvais œil un tel refus.

En général, les personnes rencontrées en entrevue ont manifesté un soutien massif pour le renforcement des exigences de maintien des compétences IFR. Beaucoup de pilotes estiment que des exigences plus rigoureuses sont nécessaires afin que les exploitants leur offrent amplement d’occasions de maintenir leurs compétences de vol aux instruments. Un important fournisseur de SMU basé dans l’Ouest canadien a pris la mesure additionnelle d’exiger de ses pilotes qu’ils réalisent au moins 2 approches aux instruments par trimestre comme moyen de les aider à maintenir leurs compétences de vol aux instruments. Ce même exploitant ajoute tous les 6 mois, une journée complète d’entraînement d’appoint VFR et IFR sur simulateur en complément de l’entraînement périodique annuel sur simulateur (2 heures comme PF et 2 heures comme PNF), et donne à chaque pilote de la compagnie 1 heure de formation au pilotage par année à bord d’un aéronef.

Mis à part l’entraînement initial et périodique annuel sur simulateur, les pilotes d’Ornge RW réalisaient rarement des vols ou des approches aux instruments. D’après la compagnie, environ 5 % de ses vols annuels se font selon les règles IFR. Au cours de l’année qui a précédé l’événement, on n’a enregistré aucun départ IFR depuis CYMO par des pilotes d’Ornge RW.

Étant donné que les pilotes d’Ornge RW renouvellent chaque année leur CCP et leur qualification de vol aux instruments, la compagnie ne fait aucun suivi des heures de vol aux instruments et des approches aux instruments qu’effectuent ses pilotes. Par conséquent, Ornge RW n’a aucune façon de surveiller les compétences aux instruments de ses équipages de conduite entre les CCP annuels. D’après TC, l’IVP de janvier 2013 n’avait pas examiné les heures de vol et les approches aux instruments [traduction] « parce que tous les pilotes de la compagnie doivent réussir annuellement un CCP, y compris le renouvellement de leur qualification de vol aux instruments. Il n’est donc pas nécessaire pour la compagnie de consigner les heures ou les approches ni d’en faire un suivi (c.-à-d., elle n’est pas tenue de se conformer aux alinéas 401.05(3)b) ou c) Note de bas de page 138 ». D’après TC, le Ministère s’attend à ce que les entreprises consignent les heures de vol et les approches aux instruments si cela est nécessaire pour s’assurer qu’un membre d’équipage a les compétences requises pour effectuer un vol.

1.18.6 Impact sans perte de contrôle

Les accidents CFIT se produisent lorsqu’un aéronef en état de navigabilité et maîtrisé par le pilote est par inadvertance conduit contre le sol, l’eau ou un obstacle. Ce type d’accident survient le plus souvent par visibilité réduite, par mauvais temps ou la nuit. Ces conditions réduisent la conscience qu’a le pilote de la situation environnante et font qu’il est difficile de reconnaître que l’aéronef est trop près du sol. Le risque s’accroît lorsque les aéronefs se rendent dans des régions sauvages éloignées ou montagneuses.

Les collisions avec le sol et avec les plans d’eau représentent 5 % des accidents, mais près de 25 % de toutes les pertes de vie. De 2000 à 2009, 129 accidents de ce type sont survenus au Canada et ont fait 128 morts. En 2010, et de nouveau en 2012, le BST a inscrit à sa Liste de surveillance les collisions avec le relief et avec les plans d’eau. Depuis 2010, il s’est produit en moyenne 9 accidents CFIT par année au Canada Note de bas de page 139.

Les Listes de surveillance 2010 et 2012 du BST ont cerné comme moyens de réduire les risques de CFIT les procédures améliorées d’approche de non-précision et l’utilisation accrue de technologies comme les systèmes TAWS. Bien que les accidents CFIT demeurent un problème d’envergure internationale, ils ne figuraient pas sur la Liste de surveillance 2014 du BST étant donné les modifications apportées récemment à la réglementation pour réduire la menace de tels événements. La prochaine partie du présent rapport traite de certains des avantages des systèmes TAWS.

1.18.7 Système d’avertissement et d’alarme d’impact

Au cours des dernières années, d’importantes percées technologiques ont permis de réduire considérablement les risques d’accident CFIT. Les dispositifs avertisseurs de proximité du sol (GPWS) et les systèmes TAWS figurent parmi les plus appréciables d’entre elles. On utilise souvent de façon interchangeable les termes GPWS et TAWS; toutefois, il existe des différences entre ces 2 dispositifs. D’après la CI no 600-003 : Réglementation relative aux systèmes d’avertissement et d’alarme d’impact, le système TAWS est « conçu pour fournir à un équipage de conduite des alarmes sonores et visuelles permettant d’éviter le vol contrôlé par inadvertance vers un relief, un obstacle ou l’eau Note de bas de page 140 » en donnant à l’équipage suffisamment de temps pour prendre des mesures d’évitement. Quoique le GPWS est lui aussi conçu pour éviter les accidents CFIT, le TAWS fournit beaucoup plus tôt une alarme sonore et visuelle d’une collision imminente, et il donne ces alarmes dans certaines conditions où le GPWS ne peut pas le faire. Par exemple, le GPWS n’a aucune capacité de balayage vers l’avant, tandis que le TAWS comprend un système de visualisation du relief vers l’avant qui affiche un comparatif en temps réel de la position d’un aéronef par rapport aux données de relief stockées.

D’après l’annexe 6 de l’OACI, la norme actuelle exige que tous les avions à moteurs à pistons exploités à des fins commerciales et tous les « avions à turbomachines exploités à des fins privées ou commerciales et dont la masse maximale au décollage certifiée dépasse 5 700 kg ou qui sont autorisés à transporter plus de 9 passagers seront dotés d’un dispositif avertisseur de proximité du sol à fonction d’évitement du relief explorant vers l’avant Note de bas de page 141 ».

L’OACI recommande que les mêmes exigences s’appliquent aux aéronefs sous immatriculation privée à moteur à piston d’une masse maximale au décollage certifiée supérieure à 5700 kg ou qui sont autorisés à transporter plus de 9 passagers. Elle recommande également que les aéronefs à turbine plus petits et sous immatriculation privée (d’une masse maximale au décollage certifiée de 5700 kg ou moins et qui sont autorisés à transporter plus de 5 passagers, mais pas plus de 9 passagers) soient munis d’un GPWS comportant une fonction d’évitement d’obstacle à balayage vers l’avant.

Au moment de rédiger le présent rapport, aucune norme de l’OACI n’exige que les hélicoptères soient munis d’un TAWS. Toutefois, l’annexe 6 de l’OACI comprend la recommandation suivante :

[...] les hélicoptères utilisés en régime IFR et dont la masse maximale au décollage certifiée excède 3 175 kg ou dont le nombre maximal de sièges passagers est supérieur à 9 soient équipés d’un dispositif avertisseur de proximité du sol à fonction d’évitement du relief explorant vers l’avant Note de bas de page 142.

Le BST a reconnu depuis longtemps déjà la nécessité d’utiliser la technologie comme aide à la réduction des risques d’accident CFIT. En 1995, le BST avait recommandé que :

le ministère des Transports exige que tous les aéronefs de ligne et de transport régional propulsés par turbine à gaz, approuvés pour le vol IFR et pouvant transporter au moins 10 passagers, soient équipés d’un GPWS.
Recommandation A95-10 du BST

La réponse initiale de TC à la recommandation A95-10, reçue le 4 juillet 1995, n’abordait pas en profondeur la lacune de sécurité sous-jacente. Le Bureau a donc estimé que la réponse de TC était insatisfaisante Note de bas de page 143. Puis, en 2003, TC a présenté de nouveaux APM visant les TAWS au CCRAC. Cette réglementation proposée a été publiée le 4 juillet 2012 dans la partie II de la Gazette du Canada Note de bas de page 144. Aux termes de cette nouvelle réglementation, aucun exploitant commercial ou privé ne peut utiliser un avion à turbomoteur dont la configuration prévoit au moins 6 sièges (sièges des pilotes exclus), à moins que celui-ci ne soit équipé d’un TAWS en état de marche muni d’une fonction de précision d’altitude améliorée Note de bas de page 145. Ces stipulations s’appliquaient immédiatement à tout avion fabriqué le 4 juillet 2012 et après, tandis que les avions visés fabriqués avant le 4 juillet 2012 avaient jusqu’au 4 juillet 2014 pour être rendus conformes. Cette nouvelle réglementation sur les TAWS remplaçait les exigences précédentes relatives aux GPWS à l’article 605.37 du RAC et, comme suite à celle-ci, le BST a estimé que la réponse de 2012 de TC était entièrement satisfaisante Note de bas de page 146.

Le BST a enquêté sur bon nombre d’événements d’hélicoptère survenus la nuit ou dans des conditions IMC dans lesquels un TAWS aurait pu s’avérer utile pour prévenir un accident Note de bas de page 147. Or, il n’y a toujours aucune exigence obligeant les hélicoptères privés ou commerciaux propulsés par turbine, peu importe le nombre de sièges qu’ils comprennent ou l’environnement d’exploitation (par ex., la nuit ou IFR), d’être équipés d’un TAWS. L’enquête a déterminé que TC a choisi de ne pas rendre les TAWS obligatoires pour les hélicoptères, parce que la norme de l’OACI ne comprend pas cette exigence. Aucune autre raison n’a été fournie par le Ministère pour expliquer pourquoi un TAWS pourrait ne pas convenir aux hélicoptères.

Néanmoins, on utilise cette technologie à bord de certains hélicoptères depuis la fin des années 1990 Note de bas de page 148, et elle continue d’évoluer. Il existe plusieurs TAWS sur le marché conçus spécialement pour les hélicoptères. Plusieurs aéronefs de la flotte de S-76A d’Ornge RW, et tous ceux de sa flotte d’AW139, sont équipés d’un TAWS, mais l’hélicoptère en cause dans l’événement ne l’était pas, et la réglementation en vigueur n’exigeait pas qu’il le soit.

1.18.8 Transports Canada

1.18.8.1 Généralités

La vision ministérielle de TC est d’avoir un système de transport reconnu mondialement comme étant sûr et sécuritaire, efficace et respectueux de l’environnement Note de bas de page 149. Pour la Direction de l’aviation civile (TCAC), cela signifie « un système intégré et progressif […] en matière d’aviation civile qui favorise une culture proactive de la sécurité Note de bas de page 150 ». Les 3 principaux outils qu’utilise TC pour promouvoir un système de transport sûr et sécuritaire sont la réglementation, la sensibilisation et la surveillance Note de bas de page 151.

1.18.8.2 Structure organisationnelle

TC s’acquitte de ses responsabilités relatives à l’aviation civile par l’intermédiaire de la Direction générale de l’aviation civile (administration centrale de TC) à Ottawa et de ses directions de l’Aviation civile (bureaux régionaux de TC) dans 5 régions au pays. Il incombe au directeur général, Aviation civile (DGAC) de superviser le rendement et le fonctionnement général et continu du Programme de l’aviation civile de TCNote de bas de page 152. Le DGAC relève du sous-ministre adjoint, Sécurité et sûreté, qui relève à son tour du sous-ministre des Transports.

Il incombe au directeur régional de l’Aviation civile (DRAC) de chacun des 5 bureaux régionaux de TC de superviser le Programme de l’Aviation civile de TC de sa région. Les DRAC ont un rattachement hiérarchique Note de bas de page 153 à un directeur général régional (DGR) responsable de tous les modes de transport dans sa région. Les DGR relèvent directement du sous-ministre des Transports. Il existe une relation fonctionnelle Note de bas de page 154 entre le DRAC et le DGAC, ce qui permet à ce dernier de donner des directives s’inscrivant dans les limites du Programme de l’Aviation civile.

Le directeur associé, Opérations (DAO) relève directement du DRAC. Il incombe au DAO d’assurer la gestion stratégique de la mise en œuvre du Programme de l’Aviation civile dans un domaine de responsabilité régional. En Ontario, la province est divisée en régions Est et Ouest, et un DAO est affecté à chacune de ces régions. Le DAO dirige à son tour des chefs d’équipe technique à qui il incombe de superviser l’exécution des responsabilités assignées du Programme de l’Aviation civile. Relèvent ensuite des chefs d’équipe technique les inspecteurs régionaux, qui s’occupent des interactions quotidiennes avec les exploitants.

1.18.8.3 Évolution de la surveillance

Le programme de sécurité aérienne de TC a pour objectifs que le milieu de l’aviation adopte une solide culture de sécurité et qu’il s’approprie la gestion systématique des dangers et des risques liés à l’aviation Note de bas de page 155.

La surveillance traditionnelle consistait principalement en des vérifications et inspections visant à assurer la conformité réglementaire. Cette approche n’est toutefois qu’un premier pas, car la simple conformité réglementaire ne peut à elle seule garantir à l’organisme de réglementation que les problèmes cernés ne se reproduiront pas. TC a donc opté pour une approche systémique de la surveillance où, outre la vérification de la conformité réglementaire d’une entreprise, il examine aussi les processus internes d’une organisation pour s’assurer qu’elle a un système efficace pour gérer les risques liés à ses activités.

Au début, ce passage à une approche systémique de la surveillance devait coïncider avec l’exigence, pour l’ensemble de l’industrie de l’aviation, de mettre en œuvre des SGS. L’OACI décrit un SGS comme étant

[…] un système conçu pour assurer la sécurité de l’exploitation des aéronefs grâce à une gestion efficace des risques de sécurité. Ce système est conçu pour améliorer constamment la sécurité par l’identification des dangers, la collecte et l’analyse des données et par l’évaluation continue des risques de sécurité. Le SGS vise, de manière proactive, à contenir ou à atténuer les risques avant que ceux-ci n’aboutissent à des accidents et incidents d’aviation Note de bas de page 156.

En 1999, TC a tracé les grandes lignes des avantages attendus de cette approche ainsi que la transition envisagée à un modèle de surveillance plus collaborative, où le Ministère assumerait un rôle plus important dans l’éducation et la facilitation des pratiques de gestion de la sécurité. D’après le document Vol 2005 – Un cadre de sécurité de l’Aviation civile pour le Canada (TP 13521) :

[traduction]

Le but est d’améliorer la sécurité par une gestion proactive plutôt que par une conformité réactive aux exigences réglementaires. Étant donné que les organisations d’aviation ont en général une connaissance approfondie des risques inhérents à leurs activités, elles sont bien placées pour les gérer et réaliser des changements positifs dans leur culture de sécurité. Le rôle de Transports Canada est de fournir à ces organisations de l’information sur le concept de gestion de la sécurité et d’en faciliter la mise en œuvre Note de bas de page 157.

En 2006, TC a publié Vol 2010 : un plan stratégique pour l’Aviation civile (TP 14469). Ce document comprenait des objectifs pour la mise en œuvre des SGS et aider le milieu de l’aviation à passer au SGS. Il démontrait que TC croyait toujours que l’adoption de SGS faciliterait la transition à une approche systémique de la surveillance :

Après 2010, le milieu aéronautique aura mis en place des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) solides dans lesquels le public et l’organisme de réglementation auront confiance. Alors que les entreprises passeront d’une culture de la conformité à une culture de la gestion des risques en matière de sécurité, les organismes de réglementation subiront aussi une transformation en abandonnant leur rôle de vérificateurs de la conformité réglementaire pour celui d’évaluateurs du système, car selon la philosophie sous-jacente, il incombera à l’organisation plutôt qu’à l’organisme de réglementation de prouver si le rendement en matière de sécurité est adéquat ou non Note de bas de page 158.

On s’attendait à ce que l’adoption des SGS et d’une approche systémique de la surveillance favorise une démarche d’amélioration de la sécurité plus collaborative que ne le permettait le modèle traditionnel de surveillance réglementaire. L’un des objectifs que décrivait le document Vol 2010 pour faciliter cette transition visait à « [c]réer une culture proactive au sein du milieu aéronautique où l’accent est mis sur le traitement des questions et des préoccupations et non sur l’imposition de mesures punitivesNote de bas de page 159 ».

Toutefois, TC a reconnu son rôle pour ce qui est d’assurer la conformité réglementaire et a dit que 

La réglementation sur les SGS s’ajoute à la réglementation déjà en vigueur, et Transports Canada veille à ce que les entreprises respectent tous les règlements.

Pour ce qui est des secteurs non assujettis à la réglementation sur les SGS, Transports Canada continue de s’assurer que ceux-ci se conforment à la réglementation en vigueur Note de bas de page 160.

Pour développer un environnement réglementaire favorable à la réussite de la mise en œuvre des SGS, TC a concrétisé sa philosophie de collaboration accrue par des politiques et procédures qui favorisent l’utilisation de processus de gestion de la sécurité d’un exploitant plutôt que de mesures punitives pour résoudre les problèmes. Par exemple, selon la directive de l’Aviation civile 107-004, Application de la loi en aviation – Systèmes de gestion de la sécurité :

Transports Canada accepte de promouvoir la conformité volontaire aux exigences réglementaires, sans nécessairement avoir recours à des mesures disciplinaires, en permettant aux titulaires de certificats régis par un SGS de proposer des mesures correctives visant à empêcher que l’infraction ne se reproduise, et de déterminer la ligne de conduite à adopter pour encourager le respect futur des règlements Note de bas de page 161.

Comme ce ne sont pas tous les exploitants qui sont tenus d’avoir un SGS, cette directive et les procédures connexes qui appuient sa mise en œuvre (par ex., Instruction visant le personnel SUR-006Note de bas de page 162) ne s’appliquent pas encore à toutes les activités de surveillance.

1.18.8.3.1 Approche internationale à la gestion de la sécurité

L’OACI est une agence spéciale des Nations Unies dont le mandat est d’établir et de superviser des normes et des pratiques recommandées pour l’aviation civile à l’échelle mondiale. Le Manuel de gestion de la sécurité de l’OACI offre aux États des principes d’élaboration et de mise en œuvre d’un programme national de sécurité (PNS). Il contient des directives sur l’établissement d’exigences d’État sur les SGS et sur l’élaboration et la mise en œuvre de SGS par les fournisseurs de produits et services visés.

Le manuel décrit la logique d’une approche systémique de la gestion de la sécurité. Il définit la sécurité comme étant « l’état dans lequel la possibilité de lésions corporelles ou de dommages matériels est réduite à un niveau acceptable, et maintenue à ce niveau ou au-dessous de ce niveau, par un processus continu d’identification des dangers et de gestion des risques de sécurité Note de bas de page 163 ». Ce manuel donne également la description suivante de l’importance des SGS et d’une approche systémique :

[…] les activités traditionnelles de collecte et d’analyse de données, limitées à l’utilisation de données recueillies lors des enquêtes sur les accidents et les incidents graves, ont été complétées par une nouvelle approche proactive de la sécurité. Cette nouvelle approche se fonde sur la collecte et l’analyse régulières de données employant des méthodes tant proactives que réactives pour surveiller les risques de sécurité connus et détecter les problèmes de sécurité émergents. Ces améliorations ont établi la logique de l’évolution vers une méthode de gestion de la sécurité Note de bas de page 164.

Reconnaissant les avantages d’une approche proactive de la gestion de la sécurité, l’OACI a incorporé la norme suivante qui exige un SGS Note de bas de page 165 :

[traduction]

3.1.3 Dans le cadre de son PNS, chaque État exigera que les prestataires de services suivants qui relèvent de son autorité mettent en œuvre un SGS :

[…]

b) les exploitants d’avions ou d’hélicoptères autorisés à effectuer du transport commercial international, conformément à l’Annexe 6, Partie 1, ou Partie 3, Section II, respectivement.

D’autres pays ont aussi commencé à mettre en place des exigences de mise en œuvre de SGS par les exploitants. Comme exemple, nous nous pencherons brièvement sur la situation aux États-Unis et en Australie.

L’ordonnance 8000.369A de la FAA a établi une politique nationale sur les SGS. Elle exige des organisations régies par la FAA qu’elles élaborent des plans de mise en œuvre ou d’amélioration continue des SGS et qu’elles établissent des directives pour leurs propres activités SGS et pour la mise en œuvre de SGS dans leurs secteurs d’activité respectifs. Cette ordonnance décrit comment les SGS complètent la surveillance traditionnelle et donne un aperçu des avantages attendus des SGS :

[traduction] 

Grâce aux SGS, la FAA peut mieux affecter ses ressources et surveiller la sécurité selon les principes de gestion de la sécurité. La FAA établit des exigences de sécurité pour les fournisseurs de produits et services et favorise la mise en œuvre de SGS dans ces organisations, s’il y a lieu. Pour vérifier la conformité réglementaire, la FAA emploie divers moyens, comme les audits, les évaluations et les inspections, et confirme la mise en œuvre et l’efficacité des systèmes de sécurité des fournisseurs de produits et services aéronautiques. Ainsi, la FAA utilise plus efficacement son personnel, et il est plus sûr que les fournisseurs de produits et services aéronautiques satisfont aux normes de sécurité, que la FAA soit présente ou non Note de bas de page 166.

La FAA met également en place des exigences sur les SGS. Par exemple, elle a adopté une règle selon laquelle chaque transporteur aérien assujetti à la partie 121 de la règle 14 CFR (transporteurs aériens réguliers) doit élaborer et mettre en œuvre un SGS. Cette règle, entrée en vigueur le 9 mars 2015, stipule que :

[traduction] 

Les transporteurs aériens autorisés à mener des activités assujetties à la partie 121 doivent élaborer et mettre en œuvre un SGS dans les 3 années suivant la date d’entrée en vigueur de la réglementation finale. Ils devront démontrer que leur SGS sera entièrement mis en œuvre avant la fin du délai de 3 ans en déposant un plan de mise en œuvre dans les 6 mois suivant la date d’entrée en vigueur de la réglementation finale Note de bas de page 167.

Comme le décrit la prochaine section du présent rapport, le Canada a adopté de telles exigences pour ce secteur (sous-partie 705 du RAC) en 2005.

En mars 2015, la FAA envisageait d’exiger des exploitants commerciaux assujettis à la partie 135 (sans horaire fixe) d’adopter un SGS Note de bas de page 168.

La Civil Aviation Safety Authority d’Australie a elle aussi reconnu les avantages de sécurité additionnels que présente la mise en œuvre d’un SGS :

[traduction] 

Pour améliorer les niveaux actuels de sécurité aérienne dans le contexte d’un secteur en croissance continue, des mesures additionnelles s’imposent. Une de ces mesures consiste à encourager les exploitants à élaborer et à mettre en œuvre leur propre SGS adapté à la taille et à la complexité de leur entreprise Note de bas de page 169.

L’Australie a mis en place des exigences selon lesquelles les exploitants de transport public régulier de grande capacité doivent achever la mise en œuvre progressive de SGS avant juillet 2010 Note de bas de page 170, tandis que les exploitants de transport public régulier de faible capacité doivent faire de même avant février 2011 Note de bas de page 171.

1.18.8.3.2 Mise en œuvre des systèmes de gestion de la sécurité au Canada

En 2005, le premier règlement sur les SGS est entré en vigueur et il visait les exploitants de ligne aérienne canadiens (sous-partie 705 du RAC) de même que les entreprises qui font l’entretien de leurs aéronefs. Des règlements sur les SGS pour les aéroports et les prestataires de services de circulation aérienne ont suivi en 2008 et 2009.

En 2009, TCAC a mis en œuvre une politique de mise en application qui favorisait une approche non punitive en cas de non-conformité au RAC des exploitants en transition à un SGS Note de bas de page 172. Les exploitants devaient se munir d’un processus de rapport interne efficace et d’un processus réactif d’analyse des événements.

Également en 2009, TC a différé la mise en œuvre du règlement sur les SGS pour le reste des sous-secteurs de l’aviation « de manière à accorder plus de temps à l’industrie pour se préparer, et à TCAC pour améliorer ses outils de surveillance et fournir une formation à jour aux employés de première ligne Note de bas de page 173 ». Par conséquent, le règlement sur les SGS n’est pas encore mis en œuvre dans les segments suivants : services de navette aérienne, de taxi aérien et de travail aérien, autres organismes de maintenance agréés, construction d’aéronefs, certification d’aéronefs, et formation au pilotage Note de bas de page 174. Ensemble, ils représentent environ 800 exploitants aériens, soit plus de 90 % des titulaires d’AOC au Canada, bien que beaucoup d’entreprises dans ce groupe aient opté volontairement pour la mise en œuvre d’un SGS.

Quoique TC ait déjà affirmé que toutes les organisations d’aviation civile réglementées devraient avoir un SGS en place d’ici 2015 Note de bas de page 175, Note de bas de page 176, au moment de rédiger le présent rapport, TC affirmait ce qui suit sur son site Web, à propos du calendrier de mise en œuvre :

Avant d’établir des exigences relatives aux SGS qui s’appliqueront à d’autres secteurs [autres que 705], Transports Canada procède actuellement à une évaluation afin de déterminer les secteurs qui nécessitent une attention particulière et s’assurer que le milieu aéronautique et les inspecteurs de Transports Canada sont prêts à franchir cette nouvelle étape Note de bas de page 177.

1.18.8.4 Certificat d’exploitation aérienne

Un exploitant doit faire une demande à TC pour se voir délivrer un AOC. Aux termes des articles 703.07 et 704.07 du RAC, le ministre

[…] délivre ou modifie un certificat d’exploitation aérienne si le demandeur qui lui en fait la demande […] démontre qu’il est en mesure de […]

  1. maintenir une structure organisationnelle convenable;
  2. maintenir un système de contrôle d’exploitation;
  3. satisfaire aux exigences relatives au programme de formation;
  4. satisfaire aux exigences relatives à la maintenance;
  5. satisfaire aux Normes de service aérien commercial applicables à l’exploitation;
  6. mener l’exploitation d’une manière sécuritaire Note de bas de page 178.

Pour établir qu’il a ces capacités, l’exploitant doit fournir à TC des documents qui expliquent comment l’entreprise compte maintenir une structure organisationnelle convenable et un système de contrôle d’exploitation. Ces documents comprennent un manuel de formation qui donne un aperçu du programme de formation approuvé de la compagnie, et le MEC.

En outre, la certification initiale exige que le demandeur comble certains postes par du personnel de gestion approuvé par le ministre, y compris ceux de gestionnaire des opérations et de CP.

Un AOC comporte également un certain nombre de conditions générales, décrites aux articles 703.09 et 704.09 du RAC. Par exemple, un exploitant aérien doit mener ses activités aériennes conformément à son MEC approuvé par TC et doit donner de la formation conformément à son programme de formation au sol et en vol approuvé par TC.

1.18.8.5 Approche de la surveillance de Transports Canada

La surveillance réglementaire exige de l’organisme de réglementation qu’il détermine les activités de surveillance qu’il effectuera, qu’il mène ces activités de surveillance, et qu’il fasse un suivi pour vérifier que les lacunes cernées ont été corrigées. Les sections qui suivent décrivent l’approche de TC à la planification, à l’exécution et au suivi de la surveillance, y compris les directives que doivent utiliser les inspecteurs à chacune des étapes – et la façon dont cette approche a évolué durant la période de l’événement.

1.18.8.5.1 Planification

Les activités de surveillance de TC s’inscrivent dans 2 catégories générales : prévues et imprévues. Les premières ont lieu à intervalles prédéterminés; les secondes ont lieu en réaction à des événements ou à problèmes imprévus – par exemple, des accidents, incidents ou indications de risque accru.

En mai 2012, TC a adopté une approche fondée sur le risque pour déterminer les intervalles de surveillance pour toutes les entreprises, peu importe si elles avaient ou non un SGS Note de bas de page 179. Auparavant, la politique de surveillance de TC établissait un intervalle de surveillance de base pour toutes les entreprises assujetties à TCAC, peu importe le risque inhérent à leurs activités.

D’après le système révisé, les intervalles de surveillance prévue peuvent être aussi courts que chaque année dans le cas d’entreprises à risque élevé ou à incidence élevée, ou aussi longs que tous les 5 ans pour les entreprises que TC juge comme étant à risque ou à incidence plus faibles. Ces intervalles sont revus chaque année et sont déterminés en fonction des 2 critères suivants :

Au moment de l’événement, Ornge RW devait faire l’objet d’une IVP annuelle. Seuls les exploitants ayant un niveau d’indicateur de risque « très élevé » et une valeur des incidences « élevée » ou « extrême » font l’objet d’un intervalle de surveillance aussi court.

Important outil dans le processus de planification de la surveillance, le SGRSAN comprend un module indicateur de risque qui comprend 77 questions qui portent sur 10 domaines de danger clés. D’après le SUR-005 édition 01 Note de bas de page 180, « les réponses aux questions doivent être mises à jour dès que de nouveaux renseignements sur la sécurité sont reçus. Ceci permet d’obtenir, pratiquement en temps réel, un tableau des risques associés […] ». Ces réponses sont ensuite analysées pour calculer le niveau d’indicateur de risque d’un exploitant.

1.18.8.5.2 Exécution

La transition vers une approche systémique de la surveillance a entraîné un changement aux méthodes qu’emploie TC pour faire la surveillance. Les vérifications et inspections traditionnelles ont fait place à des évaluations Note de bas de page 181, des inspections de validation de programme (IVP) et des inspections de processus (IP) comme principaux outils de surveillance. Ces outils permettent à TC de sortir du cadre des vérifications de conformité et comprennent un examen de l’efficacité des systèmes de gestion d’un titulaire de certificat.

Le SUR-001 décrit les procédures d’utilisation de ces outils de surveillance. TC a publié de nombreuses éditions de ce document. Le SUR-001 en vigueur au moment de l’événement était l’édition 04. L’édition 05 est parue environ 1 mois après l’événement.

1.18.8.5.2.1 Inspections de validation de programme

Une IVP sert à vérifier « que toutes les exigences associées à une composante spécifique du modèle de SGS ou d’autres parties de la réglementation sont documentées, mises en œuvre, appliquées et efficaces Note de bas de page 182 ».

Pour chaque IVP, on nomme une autorité de convocation à qui il incombe

L’équipe doit aviser l’exploitant 6 semaines avant la tenue d’une IVP Note de bas de page 183. Une fois l’équipe de l’IVP composée, le gestionnaire de l’IVP demande des copies de la documentation aux fins d’examen et dresse un plan que doit approuver l’autorité de convocation. Ce plan d’IVP comprend des détails sur les entrevues et les documents à examiner ainsi que des lignes directrices pour aider à déterminer la taille appropriée de l’échantillon.

Le gestionnaire de l’IVP vérifie ensuite que l’exploitant a bien fourni les documents demandés. L’équipe de l’IVP fait un examen des documents 2 semaines avant l’inspection sur place. On examine à la même occasion d’autres renseignements pertinents, y compris les résultats d’activités de surveillance antérieures, les données de sécurité, les antécédents de conformité, et les mesures administratives relatives au certificat d’exploitation.

Durant l’inspection sur place, l’équipe réalise des entrevues et de l’échantillonnage, réunit les éléments de preuve à l’appui de ses observations, analyse ces observations, détermine si l’exploitant se conforme à la réglementation et, si l’entreprise est tenue d’avoir un SGS, si ce SGS est efficace.

Le SUR-001 édition 04 comprenait un système de notation à usage interne pour décrire à quel point une organisation répond à une liste d’attentes. Ce système comprenait une échelle de 1 à 5 : une note de 1 signifiait qu’un élément donné était absent, non documenté ou complètement inefficace; une note de 3 signifiait que l’élément satisfaisait aux exigences réglementaires; et une note de 5 signifiait que l’élément satisfaisait à toutes les exigences réglementaires et constituait une pratique exemplaire pour le secteur d’activité.

L’équipe de l’IVP prépare en outre toute constatation de non-conformité, s’il y a lieu, et documente les résultats de l’IVP au moyen de feuilles de travail préparées à cette fin.

L’équipe consigne les constatations sur un formulaire qui comprend des champs où l’inspecteur peut indiquer l’exigence réglementaire applicable et donner suffisamment d’exemples pour illustrer la non-conformité.

Selon le SUR-001 édition 04, on devait classer les constatations de non-conformité à une exigence réglementaire ou une pratique exemplaire relevée par l’IVP dans 1 des 4 catégories suivantes : mineure, modérée, majeure ou critique (annexe D).

L’inspection sur place s’achève par une réunion de clôture, et le titulaire de certificat reçoit un rapport d’évaluation dans les 30 jours qui suivent.

1.18.8.5.2.2 Inspection de processus

Semblable à une IVP, une inspection de processus (IP) sert à déterminer si les processus d’un exploitant satisfont aux exigences réglementaires et s’ils fonctionnent comme prévu. Son déroulement aussi est semblable à celui d’une IVP. Par contre, la portée d’une IP se limite à un seul processus et sert à aider TC à déterminer le niveau de risque associé à un exploitant et si une surveillance additionnelle s’impose ou non.

Une IP peut elle aussi donner lieu à des constatations et peut entraîner une surveillance additionnelle. Contrairement à une IVP cependant, on n’assigne aucune note aux constatations d’une IP. Si une IP relève des enjeux de sécurité, « une IVP pourra être menée de façon urgente dans le but de colliger de l’information pour la rédaction d’un rapport et d’un AS [avis de suspension], si nécessaire Note de bas de page 184 ».

Le rapport préparé à la fin d’une IP doit indiquer si le processus inspecté répond aux exigences réglementaires applicables et s’il est appliqué tel qu’il est publié dans les manuels approuvés de la compagnie, ou bien s’il n’est ni documenté, ni mis en œuvre, ni même efficace.

1.18.8.5.3 Suivi

Comme mentionné précédemment, à l’achèvement d’une IVP ou d’une IP, il incombe à l’autorité de convocation de choisir les mesures de suivi appropriées. Les sections à venir présentent les outils conçus pour guider un exploitant vers la conformité. Ces outils comprennent

Les directives données aux inspecteurs sur le choix et l’application de mesures de suivi appropriées parmi les 4 options ci-dessus ont changé avec le temps. Les 7 publications de TC ci-dessous contiennent la majeure partie des directives disponibles et sont pertinentes à l’analyse dans le présent rapport :

  1. SUR-001 édition 04, Procédures de surveillance (17 novembre 2010)
  2. SUR-002 édition 02, Programme de surveillance accrue (22 septembre 2010)
  3. SUR-014 édition 01 : Suspension ou annulation d’un document d’aviation canadien pour des raisons de sécurité (19 juillet 2011)
  4. Bulletin interne de procédure (BIP) 2012-02, Changements visant à préciser la surveillance par Transports Canada des entreprises titulaires de certificats (7 mai 2012)
  5. SUR-001 édition 05, Procédures de surveillance (28 juin 2013)
  6. Bulletin interne de procédure (BIP) 2013-02, Clarification concernant la prise de mesures relatives au certificat en vertu du paragraphe 7.(1) et des alinéas 7.1(1)b) et 7.1(1)c) de la Loi sur l’aéronautique (6 août 2013)
  7. SUR-002 édition 03, Programme de surveillance accrue (2 décembre 2013).

Seuls les 4 premiers de ces documents étaient en vigueur durant la période qui a précédé l’événement et pour la surveillance qui l’a suivi. Nous présentons ci-dessous un sommaire des directives pertinentes et de la façon dont elles ont changé avec le temps.

1.18.8.5.3.1 Directives en vigueur durant les périodes qui ont précédé et immédiatement suivi l’événement

SUR-001 édition 04, Procédures de surveillance (17 novembre 2010)

D’après ce document, chaque constatation devait donner lieu à un PMC, complémenté de mesures après surveillance selon la gravité de la constatation. Par exemple, dans le cas d’une constatation critique, le SUR-001 édition 04 stipule qu’« un AS à effet immédiat est justifié, conformément à l’alinéa 7.1a) de la Loi sur l’aéronautique ». À titre comparatif, « une constatation majeure va généralement exiger un PMC plus long et plus rigoureux que pour une constatation mineure ou modérée. Un AS avec préavis de 30 jours ou une surveillance accrue devraient être envisagés Note de bas de page 185 ».

Le SUR-001 édition 04 décrit également comment le processus PMC permet de vérifier si un exploitant a rectifié les lacunes cernées. À tout le moins, le PMC devrait comprendre un examen de la non-conformité, une analyse de la cause profonde de la non-conformité, des mesures correctives proposées, un calendrier de mise en œuvre et une confirmation de l’approbation des mesures correctives par la direction.

Ce document précise en outre les délais pour le processus PMC comme suit :

SUR-002 édition 02, Programme de surveillance accrue (22 septembre 2010)

Ce document définit ainsi la surveillance accrue :

processus de surveillance étroite d’un titulaire de certificat, à la suite de l’évaluation ou de l’IVP, visant à s’assurer que le niveau de conformité réglementaire de celui-ci ne se détériore pas davantage pendant qu’il élabore et met en œuvre des mesures pour corriger ses lacunes systémiques ou se conformer à la réglementation avant la seconde validation des programmes ou une validation subséquente Note de bas de page 186.

Le SUR-002 édition 02 établit en outre 2 attentes relatives à l’utilisation de la surveillance accrue : d’abord, que l’entreprise améliore ses systèmes pour garantir sa conformité à la réglementation; ensuite, que TC confirme, par un examen exhaustif des systèmes du titulaire de certificat, la capacité ou l’incapacité de l’entreprise de maintenir sa conformité à la réglementation.

Il convient de noter que le SUR-002 édition 02 établit le lien suivant entre la mise en œuvre de la surveillance accrue et un AS :

(b) une note de 2, attribuée lorsque les constatations sont majeures, peut entraîner la délivrance d’un avis de suspension, entrant en vigueur dans les 30 jours, et peut soumettre le titulaire de certificat à une surveillance accrue; et

(c) une note de 1 entraînera la délivrance d’un avis de suspension entrant immédiatement en vigueur, et peut soumettre le titulaire de certificat à une surveillance accrue Note de bas de page 187.

Cette information correspond aux directives sur la prise de décisions post-surveillance dans le SUR-001 édition 04, qui décrivent les mesures possibles à prendre selon la gravité des constatations. Or, toujours d’après le SUR-002 édition 02, l’autorité de convocation décide dans quelles circonstances on doit utiliser la surveillance accrue, et si elle sera appliquée aux titulaires de certificat ayant des antécédents de non-conformité ou ayant omis de présenter un PMC efficace Note de bas de page 188.

Le SUR-002 édition 02 établit le processus pour débuter et mettre fin à la surveillance accrue, et décrit les rôles et responsabilités pertinents à chacune des étapes de ce processus. En particulier, lorsqu’une entreprise fait l’objet d’une surveillance accrue, le chef de l’équipe désignée doit dresser un plan de surveillance accrue qui doit être approuvé par le gestionnaire de surveillance accrue. Entre autres spécifications, ce plan doit indiquer les outils qui seront utilisés durant la période de surveillance accrue ainsi que la fréquence de leur utilisation. La surveillance peut comprendre des examens de rapports CADORS Note de bas de page 189, de documents de l’entreprise et de la formation, des vérifications de l’aire de trafic, des entrevues sur place avec le personnel, de la surveillance discrète, etc. Le SUR indique une période maximale de 90 jours pour une première période de surveillance accrue et l’exigence selon laquelle une IVP doit avoir lieu pour mettre fin à la période de surveillance accrue.

SUR-014 édition 01, Suspension ou annulation d’un document d’aviation canadien pour des raisons de sécurité (19 juillet 2011)

Ce document comprend des directives sur la façon de prendre des mesures relatives au certificat en vertu de 2 éléments constitutifs de la Loi sur l’aéronautique, soit : l’article 7 (Danger pour la sécurité ou la sûreté aérienne) et le paragraphe 7.1(1) (Autres motifs).

En vertu de l’article 7 de la Loi sur l’aéronautique, le ministre des Transports est autorisé à suspendre un document d’aviation canadien « parce qu’un acte ou chose autorisé par le document a été, est ou doit être accompli de façon qu’il constitue un danger immédiat ou probable pour la sécurité ou la sûreté aérienne Note de bas de page 190 ».

La Loi sur l’aéronautique ne définit pas en quoi consiste un danger immédiat pour la sécurité ou la sûreté aérienne. Toutefois, d’après le SUR-014, « un danger immédiat pour la sécurité aérienne est un danger, existant ou probable, pour la sécurité d’un aéronef, à l’égard duquel il est raisonnable de s’attendre qu’il comporte un risque imminent de mort, de blessure ou d’importants dommages matériels, si des mesures immédiates ne soient [sic] prises pour l’éliminer Note de bas de page 191 ».

Toujours selon le SUR-014, on peut prendre des mesures relatives au certificat conformément au paragraphe 7.1(1) de la Loi sur l’aéronautique pour les raisons suivantes :

  1. Inaptitude : d’après le SUR, les mesures relatives au certificat pour des raisons d’inaptitude visent les personnes seulement, et non les sociétés.
  2. Certificat : le SUR indique que les mesures relatives aux certificats, prises en vertu de cette partie de la Loi, sont appropriées lorsqu’un exploitant ne satisfait plus aux exigences requises pour l’émission d’un certificat. Toutefois, le document précise que les mesures relatives au certificat ne sont pas appropriées en vertu de cette partie lorsqu’un exploitant ne satisfait pas aux exigences générales associées au certificat d’exploitation (par ex., la non-conformité à son MEC ou à son manuel de formation). Plutôt, dans de telles circonstances, des mesures d’application pourraient être prises en vertu de la partie pertinente du RAC.
  3. Intérêt public : on utilise cette catégorie lorsque les antécédents aériens du titulaire du document comprennent des exemples de non-conformité qui sont « suffisamment sérieux et répétés pour tirer comme conclusion qu’il existe un risque futur de contraventions additionnelles Note de bas de page 192 ». D’après le SUR, pour prendre des mesures relatives au certificat en vertu de cette partie de la Loi, il est convenable de tenir compte des dossiers, y compris les dossiers d’accident, de conformité (dossiers de la division de l’Application de la loi en aviation), de vérification, et de validation de programmes ou d’évaluation qui sont liés à la conformité des systèmes. Le SUR ajoute que les questions de non-conformité qui ont été relevées durant des activités de surveillance et qui ont été réglées à l’aide de mesures correctives ne sont pas valables pour prendre de telles mesures relatives au certificat.

Bulletin interne de procédure (BIP) 2012-02, Changements visant à préciser la surveillance par Transports Canada des entreprises titulaires de certificats (7 mai 2012)

Ce document modifie certaines des procédures du SUR-001 édition 04. Il comprend des directives additionnelles concernant l’approche systémique de la surveillance, la planification et la réalisation d’échantillonnages, l’élaboration et la documentation des constatations, et l’analyse et la prise de décisions post-surveillance.

Selon les sections de ce BIP qui portent sur les activités de post-surveillance et la prise de décisions, lorsque l’on détecte des cas de non-conformité, l’autorité de convocation doit tenir compte du nombre de constatations, de leur gravité, de leur nature systémique, et des antécédents de l’entreprise au chapitre de la conformité et de l’application de la loi, pour décider quelles mesures sont les plus appropriées pour corriger les conditions dangereuses. D’après le BIP 2012-02, les options qui s’offrent à l’autorité de convocation sont les suivantes :

  1. demander un PMC;
  2. émettre un avis de détection;
  3. demander un PMC et émettre un avis de détection;
  4. émettre un AS ou un avis d’annulation Note de bas de page 193.

La surveillance accrue ne figure pas parmi les options.

En ce qui a trait à la prise de mesures relatives au certificat, le BIP 2012-02 réitère que ces mesures doivent être prises conformément au SUR-014.

1.18.8.5.3.2 Directives émises après l’événement

SUR-001 édition 05, Procédures de surveillance (28 juin 2013)

Ce document est en fait une refonte exhaustive du SUR-001 édition 04 et comprend des directives sur la prise de décisions post-surveillance. Il précise que pour chaque non-conformité, l’équipe de surveillance doit recommander un suivi qui fera l’objet d’un examen par un comité d’examen de la surveillance formé, au minimum, de l’autorité de convocation et du gestionnaire de la surveillance.

Chaque constatation qui découle de l’activité de surveillance doit donner lieu à un PMC. Lorsque les constatations ne sont pas de nature grave et que l’entreprise a démontré qu’elle peut se conformer aux exigences réglementaires, l’équipe de surveillance peut recommander l’utilisation du processus PMC à lui seul. Dans d’autres circonstances, l’équipe de surveillance peut recommander l’ajout de toute combinaison des mesures suivantes :

Les critères dont il faut tenir compte pour formuler ces recommandations sont

Il convient de noter que les directives dans le SUR-001 édition 05 sont différentes de celles du BIP 2012-02, publié plus tôt : le SUR indique tout particulièrement la surveillance accrue comme étant une option de post-surveillance. En outre, le SUR-001 édition 05 indique tout particulièrement aux inspecteurs de tenir compte de la capacité d’un exploitant à produire un PMC acceptable lorsqu’ils choisissent les options de post-surveillance.

Bulletin interne de procédure (BIP) 2013-02, Clarification concernant la prise de mesures relatives au certificat en vertu du paragraphe 7.(1) et des alinéas 7.1(1)b) et 7.1(1)c) de la Loi sur l’aéronautique (6 août 2013)

Ce document a été publié pour rectifier une « idée fausse » selon laquelle les inspecteurs n’avaient pas « les outils qui conviennent pour prendre des mesures relatives au certificat lorsque c’est nécessaire Note de bas de page 195 ». D’après le BIP 2013-02, il y aurait 3 facteurs à l’origine de cette fausse idée :

[1] un manque d’information sur les preuves nécessaires pour satisfaire aux exigences « d’intérêt public »,

[2] une mauvaise compréhension des exigences liées à « établir et maintenir » […] et

[3] un manque de connaissances quant aux circonstances où le paragraphe 7.(1) de la Loi [sur l’aéronautique] peut être invoqué Note de bas de page 196.

Selon le BIP 2013-02, une fois que l’on a rassemblé toutes les preuves pour appuyer les constatations, les plans d’action possibles sont 

  1. demander un PMC, y compris une analyse des causes profondes;
  2. évaluer des mesures d’application punitives;
  3. prendre des mesures relatives au certificat (AS ou avis d’annulation d’un document d’aviation canadien).

Pour déterminer l’option la plus convenable, le BIP 2013-02 stipule que

[…] lorsqu’une non-conformité n’indique pas une question de sécurité, un PMC ou des mesures punitives sont les mesures appropriées. Si la mesure corrective n’est pas efficace et que le problème se répète, des mesures plus fermes peuvent être prises. Lorsqu’une question de sécurité est évidente, une mesure relative au certificat devrait être envisagée et peut être prise conjointement avec d’autres mesures d’application de la loi au besoin Note de bas de page 197.

À l’égard des mesures relatives au certificat, le BIP 2013-02 indique que « Le succès de la mesure relative au certificat est directement lié au degré de correspondance entre le règlement enfreint et la disposition de la Loi en vertu de laquelle la mesure relative au certificat est prise Note de bas de page 198 ». Le bulletin comprend en outre un test pour déterminer l’article de la Loi le plus convenable pour prendre des mesures relatives au certificat comme conséquence à la non-conformité aux dispositions liées aux exigences de certification ou à certains comportements (dispositions d’incrimination Note de bas de page 199). En particulier, on propose à l’équipe de surveillance de se poser la question suivante : « Si le titulaire de DAC demandait un document, compte tenu de son état de conformité actuel, le DAC serait-il délivré? Note de bas de page 200 ». Si la réponse est non, elle justifie la prise de mesures relatives au certificat en vertu de l’alinéa 7.1(1)b) de la Loi. Si la réponse est oui, alors l’établissement d’un cas d’intérêt public en vertu de l’alinéa 7.1(1)c) serait la mesure la plus appropriée.

SUR-002 édition 03, Programme de surveillance accrue (2 décembre 2013)

Ce document comprend de nombreuses révisions par rapport à l’édition 02, mais le but et le processus de la surveillance accrue qu’il décrit demeurent essentiellement les mêmes. Il y a néanmoins une différence cruciale entre les 2 documents : dans l’édition 03, on a retiré le lien entre la mise en œuvre de la surveillance accrue et l’utilisation d’un AS.

Selon le SUR-002 édition 03, la surveillance accrue peut être mise en œuvre après une activité de surveillance qui a relevé des constatations majeures montrant des défaillances systémiques qui ont entraîné une non-conformité aux exigences réglementaires, ou en réponse à un accident ou à des antécédents persistants de non-conformité. L’édition 03 exige en outre que l’approbation de la surveillance accrue soit soumise, à tout le moins, à un DAO régional ou à un chef de l’administration centrale qui assume alors le rôle d’autorité de convocation.

1.18.8.6 Formation sur les procédures de surveillance

Les enquêteurs ont examiné la formation obligatoire que TCAC donnait à ses inspecteurs au moment de l’événement.

La majeure partie du Programme de formation sur les procédures de surveillance de TC portait sur l’exécution des évaluations SGS, qui ne visent que les entreprises qui ont un SGS. Au total, ce programme consacrait environ 20 heures en classe aux évaluations SGS, mais environ ½ heure seulement à la formation sur les IVP, bien que plus de 90 % des transporteurs aériens commerciaux canadiens ne soient pas tenus par la réglementation d’avoir un SGS, et ne sont donc pas visés par ces évaluations. D’après le programme de formation, l’ampleur, le degré de formalité et les calendriers sont les principales différences entre une évaluation SGS et une IVP.

Il convient de noter que la formation ne mentionnait pas les ressources d’une entreprise ni sa capacité d’élaborer des PMC efficaces qui pourraient remédier aux causes sous-jacentes de toute constatation relevée.

1.18.8.7 Communications antérieures du BST sur la surveillance réglementaire
1.18.8.7.1 Recommandation antérieure du BST

Par suite de l’accident, survenu en 1999, mettant en cause un de Havilland DHC-6-300 Twin Otter qui s’est écrasé durant l’exécution d’une procédure d’approche aux instruments en dessous des minimums Note de bas de page 201, le BST a publié la recommandation A01-01. La recommandation A01-01 reconnaissait qu’une surveillance efficace des exploitants aériens de plus petite envergure ou éloignés représente un défi. Le BST est néanmoins fermement d’avis que le niveau de risque acceptable pour les passagers et équipages qui volent à bord de ces aéronefs ne doit pas être plus élevé simplement parce que la surveillance est plus difficile. Durant son enquête sur cet événement de 1999, le BST a déterminé que TC devait s’efforcer de réduire davantage le niveau de risque dans ces opérations. En particulier, le BST a fait valoir que TC, en se fiant uniquement aux méthodes traditionnelles d’inspection, de vérification, de surveillance générale et de sanction réglementaires, semblait avoir eu un succès mitigé dans l’établissement des cultures de sécurité souhaitées dans certaines entreprises et chez certaines personnes; par conséquent, des conditions dangereuses persistaient, tout comme les actes dangereux. C’est pourquoi le Bureau a recommandé que

le ministère des Transports entreprenne une révision de sa méthodologie, de ses ressources et de ses pratiques relatives à la surveillance de la sécurité, surtout quand il s’agit de petites compagnies aériennes ou de compagnies aériennes qui exploitent des appareils dans des régions éloignées afin de s’assurer que les exploitants et les membres d’équipage respectent en tout temps les règlements de sécurité Note de bas de page 202.
Recommandation A01-01 du BST

Dans sa réponse en 2001, TC a laissé savoir qu’il « révise continuellement la méthode, les ressources et les pratiques du programme de contrôle de la sécurité […] Note de bas de page 203 » Il a donné en exemple la promulgation du RAC en 1996, la publication du rapport du Groupe de travail chargé de l’examen de la sécurité de l’exploitation d’un taxi aérien en 1998, et le document de planification Vol 2005, et a déclaré qu’un « examen externe détaillé du programme de contrôle de la sécurité de l’aviation civile Note de bas de page 204 » avait été achevé en juillet 2001.

Étant donné la nature générale de la réponse de TC, ainsi que son engagement énoncé envers l’amélioration continue, le BST a jugé que cette réponse dénotait une intention satisfaisante. En 2005, TC a fourni une nouvelle réponse à la recommandation A01-01; en plus de reprendre ses déclarations antérieures sur l’examen continu de son programme de contrôle de la sécurité, il ajoutait que le ministère avait progressé pour inclure ce qui suit :

À partir des améliorations énoncées, le BST était d’avis que les mesures prises permettraient de réduire nettement la lacune de sécurité qui existait. Ainsi, en juin 2006, le Bureau a estimé la réponse de TC comme indiquant qu’une attention entièrement satisfaisante avait été accordée à la recommandation et qu’aucune mesure de suivi n’était nécessaire.

1.18.8.7.2 Enquêtes récentes

Le BST a mené un certain nombre d’enquêtes dans le cadre desquelles il s’est penché sur l’efficacité de la surveillance réglementaire.

1.18.8.7.2.1 Rapport d’enquête aéronautique A07C0001 du BST

Ce rapport faisait notamment état des 2 faits établis suivants quant aux risques :

Les méthodes de gestion de la Région des Prairies et du Nord (RPN) de Transports Canada au moment de l’annulation, en juin 2006, du programme des vérifications régionales conjointes dans le but de gérer la charge de travail inhérente aux systèmes de gestion de la sécurité (SGS), n’ont pas respecté les politiques de Transports Canada en matière de prise de décisions en gestion des risques. Une réaffectation des ressources sans évaluation des risques pourrait mener à un non-respect de la réglementation qui passe inaperçu.

Bien que les processus de surveillance de la sécurité de Transports Canada aient identifié l’existence de lacunes dans la supervision au sein de TWA, les gestionnaires de la RPN de Transports Canada n’ont pu se faire une idée complète de l’étendue de ces lacunes à cause des limites du système de surveillance par inspection et vérification en vigueur à ce moment-là Note de bas de page 206.

Dans ce rapport, on dit au sujet des mesures de sécurité prises :

Transports Canada prévoit que la version provisoire de dispositions réglementaires sera publiée dans la Partie 1 de la Gazette du Canada en décembre 2009, laquelle exigera que les exploitants relevant des sous-parties 703 et 704 du RAC mettent en place des systèmes de gestion de la sécurité (SGS) conformément à un calendrier de mise en œuvre progressive. L’adoption d’un SGS efficace par ces exploitants devrait atténuer de façon significative les problèmes liés à la gestion et à l’exploitation cités dans le présent rapport Note de bas de page 207.

1.18.8.7.2.2 Rapport d’enquête aéronautique A10Q0098 du BST

Ce rapport faisait notamment état de 1 fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs relatif à la surveillance réglementaire : « Les mesures importantes prises par TC n’ont pas eu les effets escomptés pour assurer une conformité aux règlements et, par conséquent, des pratiques non sécuritaires ont persisté Note de bas de page 208 ».

TC a annoncé la mesure de sécurité suivante :

Transports Canada a apporté des modifications importantes à son programme de surveillance. Ces modifications incluent une mise à jour des méthodes utilisées pour la planification de la surveillance et la présentation d’outils ayant une capacité accrue de surveillance et d’analyse des indicateurs de risque dans le domaine de l’aviation Note de bas de page 209.

1.18.8.7.2.3 Rapport d’enquête aéronautique A10Q0117 du BST

Ce rapport faisait notamment état de 1 fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs relatif à la surveillance réglementaire : « Les mesures prises par TC n’ont pas eu les effets escomptés pour assurer une conformité aux règlements et conséquemment des pratiques non sécuritaires ont persisté ». Ce rapport comprenait un autre fait établi : « Le manuel d’exploitation de la compagnie avait été approuvé par Transports Canada pour le transport de charges externes, et ce, malgré le fait que la compagnie n’avait pas de Certificat de type supplémentaire à cet égard Note de bas de page 210 ».

1.18.8.7.2.4 Rapport d’enquête aéronautique A12W0031 du BST

Ce rapport faisait notamment état de 1 fait établi quant aux risques relatif à la surveillance réglementaire : « Si Transports Canada n’assure pas une surveillance adéquate, la probabilité que des lacunes de sécurité de l’exploitant passent inaperçues augmente Note de bas de page 211 ».

1.18.8.7.2.5 Rapport d’enquête aéronautique A12C0154 du BST

Ce rapport faisait notamment état de 1 fait établi quant aux risques relatif à la surveillance réglementaire : « Si Transports Canada n’accorde pas aux exploitants de vols affrétés répétitifs le degré de supervision qu’il procure aux exploitants de services réguliers, les activités des exploitants risquent de n’être pas évaluées adéquatement Note de bas de page 212 ».

1.18.8.7.2.6 Rapport d’enquête aéronautique A13W0120 du BST

Ce rapport faisait notamment état de 2 faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs relatifs à la gestion de la sécurité et à la surveillance réglementaire :

Le système de gestion de la sécurité de l’exploitant n’a pu ni relever ni corriger les pratiques opérationnelles dangereuses.

Les activités de surveillance de Transports Canada n’ont pas cerné les pratiques d’exploitation dangereuses du transporteur en matière de calculs de masse et centrage et de la trajectoire nette de décollage. Par conséquent, ces pratiques dangereuses ont persisté Note de bas de page 213.

Ce rapport faisait également état du fait établi suivant quant aux risques relatifs à la surveillance réglementaire :

Si Transports Canada n’adopte pas une approche équilibrée qui réunit des inspections de conformité et des vérifications des processus de gestion de la sécurité, les pratiques d’exploitation non sécuritaires risquent de passer inaperçues, ce qui accroît le risque d’accident Note de bas de page 214.
1.18.8.7.2.7 Rapport d’enquête aéronautique A13H0002 du BST

Ce rapport faisait notamment état des 3 faits établis suivants quant aux risques :

Si l’on ne respecte pas les intervalles de surveillance réglementaire indiqués, il y a une probabilité accrue de ne pas cerner et corriger des lacunes généralisées qui pourraient accroître les risques.

Si les faits établis sont trop imprécis, ils accroissent l’ampleur des mesures correctives potentielles et compliquent la tâche de l’organisme de réglementation visant à déterminer si le plan de mesures correctives corrige la lacune sous-jacente, ce qui accroît le risque que les lacunes de sécurité ne soient pas corrigées.

Si Transports Canada n’exige pas des exploitants qu’ils respectent les délais de mise en œuvre des plans de mesures correctives, il y a un risque que les lacunes de sécurité ne soient pas corrigées rapidement Note de bas de page 215.

1.18.8.8 Liste de surveillance du BST

En 2012, le BST a ajouté les SGS à sa Liste de surveillance, qui cerne les enjeux qui font courir les plus grands risques au système de transport du Canada.

En 2012, la Liste de surveillance indiquait que « Transports Canada n’effectue pas toujours un contrôle efficace des sociétés de transport aérien qui sont en train de se doter d’un système de gestion de la sécurité, et certaines sociétés ne sont même pas tenues d’adopter un tel système Note de bas de page 216 ». On peut y lire par ailleurs que « Transports Canada doit surveiller efficacement l’intégration des pratiques liées aux SGS dans les activités courantes. En outre, toutes les sociétés aériennes doivent adopter de telles pratiques Note de bas de page 217 ».

En 2014, une édition plus récente de la Liste de surveillance indiquait que certaines entreprises de transport ne gèrent pas leurs risques de sécurité de façon efficace, et que TC ne parvient pas toujours, au moyen de ses pratiques de surveillance et de ses interventions, à les amener à changer leurs pratiques d’exploitation non sécuritaires Note de bas de page 218, Note de bas de page 219. Selon la Liste de surveillance, pour résoudre ces problèmes 

1.18.9 Surveillance d’Ornge Rotor-Wing par Transports Canada

1.18.9.1 Généralités

Ornge RW a reçu son certificat d’exploitation en janvier 2012. Les sections qui suivent présentent une chronologie de certaines des activités de surveillance importantes que TC a menées auprès de la compagnie.

1.18.9.2 Problème de formation (mai 2012)

Au début de mai 2012, avant toute activité formelle de surveillance, l’IPE de TC affecté à Ornge RW a appris que le programme d’entraînement sur simulateur de la compagnie comprenait des lacunes. En particulier, on ne donnait pas de formation pratique sur l’évitement des CFIT, comme l’exige le manuel de formation de la compagnie approuvé par TC.

En réponse à cette observation, Ornge RW a informé TC qu’elle avait corrigé cette lacune avec son fournisseur de formation et que cette formation aurait lieu dorénavant. Comme la compagnie avait indiqué que ce problème était résolu, TC n’a pris aucune autre mesure.

1.18.9.3 Inspection de processus (du 27 novembre au 2 décembre 2012)

À la mi-janvier 2012, l’IPE d’Ornge RW a informé les membres de la direction régionale de TC qu’étant donné que la compagnie était un [traduction] « exploitant de très grande taille et très complexe Note de bas de page 221 », TC devait prévoir un examen de ses opérations au cours des 12 mois à venir, et a suggéré la planification d’une IP après certification à l’automne 2012. Cette occasion de surveillance courante s’est présentée à la fin de novembre 2012. L’IP consistait en un contrôle, par l’IPE, de la formation périodique des équipages de conduite des AW139 d’Ornge RW. Les pilotes à l’entraînement étaient le gestionnaire des opérations et le CP adjoint de la compagnie.

L’IPE a déterminé que l’entraînement se déroulait en grande partie selon le manuel approuvé, conformément à la sous-partie 704 du RAC. Toutefois, l’IPE a observé les 2 pilotes effectuant des approches en trou noir sans se référer aux SOP. De plus, au cours de cet entraînement périodique, l’instructeur n’a ni insisté auprès de ces pilotes pour qu’ils utilisent les SOP de la compagnie ni donné de formation à cet égard. Au retour de l’entraînement périodique, l’IPE a communiqué par courriel avec le gestionnaire des opérations et le CP adjoint pour leur faire part de ses préoccupations concernant le fait de ne pas avoir utilisé les SOP durant un exercice sur simulateur surveillé par TC.

Le document intitulé AW139 Recurrent Training Process Inspection Report [Rapport d’inspection du processus de formation périodique sur le AW139] indique qu’il y avait des problèmes de non-respect des SOP de la compagnie et de formation sur l’utilisation des SOP. Le 3 janvier 2013, TC a émis la constatation FO-05-01: Operational Control Flight Operations, par laquelle le Ministère informait Ornge RW qu’elle ne respectait pas le paragraphe 704.12(1) du RAC, selon lequel : « L’exploitant aérien doit s’assurer que des instructions suffisantes sont données au personnel des opérations concernant ses fonctions et la relation que celles-ci ont avec l’ensemble des opérations Note de bas de page 222 ».

Dans sa réponse à TC, Ornge RW a indiqué que des changements avaient été apportés aux SOP de la compagnie, et qu’elle avait informé les équipages de conduite qu’ils devaient refuser d’effectuer des approches en trou noir s’ils n’avaient pas eu d’entraînement en trou noir au cours des 12 mois précédents. Ornge RW a ajouté que des réunions avaient eu lieu avec le fournisseur de formation pour s’assurer que tout l’entraînement requis avait lieu, que le plan de cours avait été mis à jour pour comprendre la formation sur les variantes, et que l’exigence d’inclure l’entraînement sur l’évitement des CFIT pendant la formation en vol était satisfaite.

Le PMC de la compagnie a déterminé que les départs de personnel et les carences subséquentes en personnel opérationnel clé durant les périodes de démarrage et de transition de la compagnie étaient les causes profondes des lacunes qui avaient été relevées par rapport aux SOP et à la formation.

Le 20 février 2013, TC a envoyé une lettre à Ornge RW pour l’informer qu’il avait examiné et accepté son PMC afférent à la constatation FO-05-01. Dans cette lettre, TC disait qu’il [traduction] « continuerait de surveiller les progrès réalisés à l’égard de votre PMC au moyen d’un processus de suivi qui pourrait comprendre un processus administratif ou une inspection sur place pour s’assurer que votre plan proposé a bel et bien corrigé toutes les lacunes  Note de bas de page 223 ». Au moment de l’accident, ce suivi n’avait toujours pas eu lieu.

1.18.9.4 Inspection de validation de programme (du 9 au 24 janvier 2013)
1.18.9.4.1 Généralités

Dans le cadre de sa surveillance prévue, TC devait faire une IVP à Ornge RW du 9 au 18 janvier 2013. Le but de cette IVP était de vérifier que l’organisation avait un système de contrôle d’exploitation efficace et un programme d’assurance de la qualité. Cette IVP a été menée conformément au SUR-001 édition 04 et au SUR-001-P édition 03. Le processus a été prolongé jusqu’au 24 janvier 2013 à cause de problèmes relevés durant l’IVP. Cette IVP consistait en un examen hors site du système de contrôle d’exploitation et du programme d’assurance de la qualité de la compagnie comme ils sont décrits dans le MEC. Elle comportait également un volet sur place qui comprenait des entrevues avec le personnel clé, un échantillonnage des dossiers et l’observation du travail.

1.18.9.4.2 Volet sur place de l’inspection de validation de programme

Le 9 janvier 2013, dans une note d’information, l’équipe de l’IVP a informé le DAO régional et le DRAC qu’il y avait [traduction] « de fortes indications que certaines parties du programme de formation des équipages de conduite n’ont pas eu lieu Note de bas de page 224 ». Le même jour, durant une réunion qui s’est tenue dans l’après-midi, l’équipe de l’IVP a informé la haute direction d’Ornge RW qu’elle avait jusqu’à 9 h, le 10 janvier 2013, pour [traduction] « prouver que les équipages étaient qualifiés Note de bas de page 225 ». Plus tard ce soir-là, le gestionnaire des opérations /CP intérimaire et le CP adjoint ont examiné les dossiers pour déterminer la certification des équipages de conduite de la compagnie. Par suite de leur examen, ils ont établi qu’aucun des 14 membres d’équipage qui commençait le quart de jour le 10 janvier 2013 n’avait fait l’« entraînement pratique aux procédures d’urgence » requis, et que 2 de ces membres d’équipage de conduite devaient aussi suivre la « formation sur l’entretien et la préparation au sol ». Cette information a été communiquée à l’équipe de l’IVP le matin du 10 janvier 2013.

D’après des notes présentées par TC après la réunion de l’après-midi du 9 janvier, Ornge RW [traduction] « a décidé de son propre chef d’interrompre les activités à voilure tournante au changement de quart Note de bas de page 226 » pour s’assurer que l’entraînement serait fait avant le début du quart de travail suivant. L’enquête a permis d’apprendre que l’équipe de l’IVP avait l’intention de frapper la compagnie d’un AS pour menace immédiate à la sécurité, étant donné la nature des constatations, au cas où la compagnie n’interromprait pas volontairement ses activités. Les notes de TC font également état de discussions sur le manque de formation sur l’évitement des CFIT, contrairement à l’exigence du Manuel de formation d’Ornge RW approuvé par TC. D’après ces notes [traduction], « les équipages d’aéronefs à voilure tournante n’ont pas été formés conformément à leur manuel de formation (exigences relatives aux opérations IFR et VFR de nuit) Note de bas de page 227 ». Cette observation était essentiellement la même que celle déjà faite par l’IPE en mai 2012 que la compagnie avait affirmé avoir corrigée avec son fournisseur de formation sur AW139.

En plus d’avoir cerné la lacune d’entraînement sur l’évitement des CFIT, l’équipe de l’IVP a découvert les lacunes suivantes chez beaucoup de pilotes de la compagnie :

Dans une lettre datée du 10 janvier 2013 envoyée à TC, Ornge RW a informé le Ministère que les 16 pilotes qui devaient travailler le quart de jour le 10 janvier 2013 [traduction] « ont été avisés par téléphone et par courriel qu’ils devaient rectifier ces lacunes avant d’effectuer toute opération aérienne, en produisant les documents manquants ou en achevant les parties manquantes à leur formation Note de bas de page 228 ». Toujours selon la lettre, [traduction] « les activités de vol ont été temporairement suspendues à toutes les bases d’aéronefs à voilure tournante jusqu’à la confirmation de l’exécution de la directive Note de bas de page 229 ». Pour ce qui est du manque d’entraînement pratique sur l’évitement des CFIT, la lettre indiquait qu’un PMC avait été élaboré et était [traduction] « en attente d’approbation par TC », et que [traduction] « pour nous conformer à notre manuel de formation, nous mettrons en œuvre un plan de mesures correctives à court terme pour rectifier la partie manquante de l’entraînement en vol sur l’évitement des CFIT Note de bas de page 230 ».

Le 11 janvier 2013, l’équipe de l’IVP a demandé à voir les dossiers de formation pour déterminer comment Ornge RW documentait la progression des acquisitions pratiques des premiers officiers récemment embauchés. La compagnie a informé TC qu’elle n’avait aucun dossier de cette nature. Plus tard le même jour, l’équipe de l’IVP a examiné 7 fiches de formation de pilotes qu’Ornge RW avait vérifiées et qu’elle considérait comme complètes et acceptables. D’après la correspondance entre l’équipe de l’IVP et le gestionnaire des opérations [traduction], « un échantillonnage rapide des (7) fiches montre que la totalité d’entre elles soulèvent toujours d’importantes préoccupations […] Note de bas de page 231 ». Notamment, plusieurs des préoccupations que TC avait soulevées à cette date étaient les mêmes que celles soulignées le 9 janvier 2013, avant que la compagnie interrompe temporairement ses activités.

Le chef de l’équipe de l’IVP a informé Ornge RW que, contrairement à la lettre du 10 janvier 2013 que la compagnie avait envoyée à TC (selon laquelle un PMC avait été élaboré et était « en attente d’approbation par TC »), aucun PMC n’avait été reçu pour rectifier l’absence d’entraînement pratique sur l’évitement des CFIT, et il demandait à Ornge RW de lui dire ce qui en advenait. Peu de temps après, le chef de l’équipe de l’IVP a informé le DAO et le DRAC que [traduction] « les processus, les procédures et la structure de gestion à 7506406 Canada Inc. comportaient de très graves problèmes Note de bas de page 232 ». L’équipe de l’IVP a aussi indiqué à la direction régionale de TC qu’elle informerait Ornge RW qu’elle ne pourrait mener ses activités tant qu’elle ne donnerait pas toute la formation à ses équipages de conduite selon son programme. Dans sa réponse à TC, plus tard ce jour-là, Ornge RW a indiqué [traduction] : « nous allons certainement soumettre dès que possible à Transports Canada, un plan de mesures correctives couvrant notamment les CFIT pour nous assurer d’atténuer convenablement tous les risques possibles à l’avenir Note de bas de page 233 ». Toutefois, comme il est décrit ci-dessus, les pilotes qui n’avaient pas fait la partie pratique de la formation obligatoire sur l’évitement des CFIT n’ont pas terminé cette formation avant qu’on les rétablisse dans leurs fonctions.

Étant donné les cas additionnels de formation incomplète ou d’absence de documentation relevés par l’équipe de l’IVP, Ornge RW a de nouveau volontairement interrompu ses activités le 14 janvier 2013. Dans sa réponse à l’équipe de l’IVP, la compagnie a de nouveau affirmé que les pilotes en question avaient été avisés par téléphone et par courriel qu’ils devaient rectifier les lacunes relevées, soit en produisant les documents manquants, soit en achevant les parties manquantes à leur formation Note de bas de page 234. La lettre répétait en outre qu’un PMC à court terme serait bientôt transmis pour corriger l’absence de formation sur l’évitement des CFIT Note de bas de page 235.

Après cette deuxième interruption des activités, l’équipe de l’IVP a découvert plusieurs autres lacunes de formation. Ces éléments ont fait l’objet d’un courriel que l’équipe de l’IVP a envoyé à la direction d’Ornge RW, le 17 janvier 2013. Ce courriel disait [traduction] : « comme il a été convenu durant la réunion de cet après-midi, il faudra examiner les éléments suivants et élaborer un plan d’action à mettre immédiatement en application pour assurer la conformité à la réglementation Note de bas de page 236 ». Les éléments en question étaient les suivants :

  1. La formation sur les variantes et les différences du type S-76A n’avait pas été donnée, contrairement à la réglementation.
  2. Ornge RW n’avait aucun processus en place pour s’assurer que les équipages de conduite suivaient le programme complet de formation au sol et en vol.
  3. Un examen du logiciel de suivi AvAIO s’imposait pour déterminer la conformité à tous les éléments de formation requis pour les équipages de conduite et pour s’assurer que le logiciel indique le statut exact de chaque membre d’équipage de conduite.
  4. Ornge RW devait établir un système de contrôle de masse et de centrage pour s’assurer que ces calculs seraient faits et documentés pour tous les vols.
  5. Il fallait faire le suivi quotidien du temps de vol et de la période de service de vol de tous les équipages de conduite, et ceux-ci devaient comprendre et utiliser le système et le processus de suivi.

Plus tard en soirée le 17 janvier 2013, dans sa correspondance avec les cadres supérieurs régionaux de TC, l’équipe de l’IVP notait que [traduction] « plusieurs problèmes liés aux programmes ou aux systèmes n’ont été ni cernés ni signalés par l’entremise du système de contrôle d’exploitation d’Ornge RW Note de bas de page 237 » et mentionnait des problèmes afférents aux enjeux indiqués ci-dessus.

En réponse à la demande de TC du 17 janvier 2013, Ornge RW a fourni à TC un PMC pour mise en œuvre immédiate qui rectifiait les 5 éléments indiqués ci-dessus. Ce PMC comprenait un certain nombre de mesures distinctes pour rectifier les lacunes cernées durant l’IVP; toutefois, il n’y était pas question de l’entraînement pratique sur l’évitement des CFIT. Les cadres supérieurs de la compagnie ont informé le Ministère qu’il faudrait du temps pour rectifier ce problème, car il fallait faire appel à des tiers fournisseurs de formation. Comme la haute direction d’Ornge RW s’était montrée très collaborative avec l’équipe de l’IVP et avait manifesté une grande volonté de corriger cette lacune de formation, TC a accepté d’accorder un sursis à la compagnie pour résoudre ce problème avec ses fournisseurs de formation et ne lui a imposé aucune restriction à ce moment-là. Le 24 janvier 2013, Ornge RW a présenté un PMC à TC qui rectifiait le manque d’entraînement pratique sur l’évitement des CFIT ainsi que d’autres éléments manquants de formation au sol et en vol. Nous aborderons ce PMC plus loin dans le présent rapport.

1.18.9.4.3 Processus décisionnel de Transports Canada après l’inspection de validation de programme

Le 22 février 2013, les membres de l’équipe de l’IVP ont rencontré les cadres supérieurs régionaux de TC pour discuter des prochaines étapes pour Ornge RW. L’issue de cette réunion a été consignée dans un compte rendu de décision, signé quelques heures après l’accident, le 31 mai 2013. Même si la compagnie n’avait pas résolu la question de l’absence d’entraînement sur l’évitement des CFIT, le compte rendu de décision en date du 31 mai 2013 indiquait qu’Ornge RW avait présenté des documents et dossiers [traduction] « qui montraient que tous les problèmes de non-respect relevés avaient été corrigés et qu’aucun équipage de conduite n’allait exploiter un aéronef sans avoir reçu la formation appropriée Note de bas de page 238 ».

D’après ce compte rendu de décision, l’équipe de l’IVP et les cadres supérieurs régionaux de TC ont envisagé les 2 options suivantes : 1) émettre un AS, ou 2) permettre à l’exploitant d’élaborer un PMC dans le délai habituel de 30 jours. Ils ont retenu la deuxième option et inscrit le motif suivant dans le compte rendu de décision :

[traduction]

Cette décision était (et est) conforme à la politique en vigueur et à la philosophie opérationnelle à Transports Canada (voir addenda) – Si un exploitant approuve sans réserve les constatations et est prêt à entreprendre une démarche proactive en élaborant un plan de mesures correctives exhaustif à court et à long terme, on peut lui donner l’option de le faire Note de bas de page 239.

Le compte rendu de décision du 31 mai 2013 indiquait qu’une surveillance et un contrôle accrus feraient l’objet de discussions « prochaines Note de bas de page 240 », et renvoyait à un autre compte rendu de décision, en date du 18 mars 2013, qui avait été préparé peu après que le rapport d’IVP avait été envoyé à Ornge RW. Dans le compte rendu du 18 mars, TC affirmait que [traduction] « l’exploitant a réagi de façon proactive aux problèmes de non-respect relevés et a corrigé toute lacune immédiate Note de bas de page 241 ». Toutefois, comme il a été mentionné précédemment, Ornge RW n’avait toujours pas corrigé l’absence de formation sur l’évitement des CFIT, car la compagnie tentait toujours de s’entendre avec son fournisseur de formation pour que l’entraînement pratique à l’évitement des CFIT ait lieu.

L’enquête a également examiné si le rôle d’Ornge RW au niveau provincial avait influé sur les décisions de TC après l’IVP de janvier 2013. Après bon nombre d’entrevues et un examen de toute la documentation sur le processus de prise de décisions après l’IVP, rien ne laissait croire que le rôle d’Ornge RW, en tant que fournisseur de SMU de niveau provincial, avait influé sur le personnel régional de TC après l’IVP de janvier 2013.

1.18.9.4.4 Rapport d’inspection de validation de programme et plan de mesures correctives d’Ornge Rotor-Wing

D’après le SUR-001 édition 04, un rapport d’IVP « est présenté normalement au titulaire de certificat dans les 30 jours [civils] suivant le dernier jour du volet de l’évaluation se faisant sur place Note de bas de page 242 ». Dans ce cas-ci, TC a présenté son rapport d’IVP de janvier 2013 à Ornge RW le 1er mars 2013. D’après ce rapport, l’équipe de l’IVP avait constaté [traduction] « plusieurs exemples de non-respect du Manuel d’exploitation de la compagnie et, dans certains cas, du Règlement de l’aviation canadien Note de bas de page 243 », ainsi que des exemples de non-conformité au Manuel de contrôle de maintenance des NSAC. En outre, d’après ce rapport :

[traduction]

Il y avait de solides indications que certains aspects du système de contrôle d’exploitation n’étaient pas efficaces. Certains dossiers de formation des équipages n’indiquaient aucune date, et diverses exigences du programme de formation des équipages n’étaient pas satisfaites. Des entrevues réalisées sur place ont permis de découvrir une certaine confusion, tant au niveau de la direction que des équipages de conduite, à l’égard de la mise en œuvre et de la gestion du programme de « temps de vol et temps de service en vol Note de bas de page 244 ».

D’après TC, quoique le rapport n’indiquait aucune note IVP, la compagnie s’était vue attribuer une note de 2 sur 5 comme suite aux constatations de l’IVP de janvier 2013. Il y avait 9 constatations au total : 3 critiques, 2 majeures et 4 modérées, classées conformément au SUR-001 édition 04. On expliquera chacune des constatations plus loin dans la présente section.

Le 10 avril 2013, Ornge RW a présenté des PMC pour chacune des 9 constatations dont faisait état le rapport d’IVP. Le gestionnaire des opérations et le CP adjoint étaient principalement responsables de la rédaction des PMC, avec l’aide de la PRM. C’était la première fois que le gestionnaire des opérations et le CP adjoint prenaient part à la préparation de PMC pour TC. Le 18 avril 2013, TC a informé la compagnie qu’il avait rejeté 8 des 9 PMC qui lui avaient été présentés. Le seul PMC accepté, portant sur une constatation visant le Manuel de contrôle de maintenance de la compagnie, a été accepté le 25 avril 2013.

Le 26 avril 2013, le personnel régional de TC s’est réuni avec la haute direction d’Ornge RW pour discuter des PMC qui avaient été rejetés. Durant cette réunion, TC a informé la compagnie qu’elle [traduction] « n’avait pas effectué une analyse suffisamment poussée pour cerner les causes profondes de la majorité des constatations Note de bas de page 245 ». TC a ensuite informé la haute direction d’Ornge RW que le Ministère accordait à la compagnie 2 semaines additionnelles pour réaliser d’autres analyses et lui présenter de nouveau les 8 PMC non résolus.

Le 13 mai 2013, Ornge RW a présenté les 8 PMC révisés à TC pour approbation. Dans une lettre datée du 30 mai 2013, TC a accepté ces PMC révisés.

Les paragraphes qui suivent décrivent chacune des constatations de l’IVP de janvier 2013, et s’il y a lieu, comprennent l’information pertinente sur les PMC d’Ornge RW qui s’y rapportent.

1.18.9.4.4.1 Constatation critique no 1 : FO-08-01 – Dossiers de formation des équipages

Un certain nombre d’éléments requis manquaient aux dossiers de formation des équipages. Par exemple, les dossiers de nombreux pilotes et ambulanciers paramédicaux ne comprenaient aucune documentation sur les formations suivantes :

  1. Entretien courant et préparation au sol
  2. Procédures d’urgence
  3. Contamination des surfaces
  4. Givrage des aéronefs
  5. Gestion des ressources aéromédicales (GRA)
  6. Entraînement en ligne pour les pilotes
  7. Évitement des CFIT
  8. Personnel tenu d’exécuter des tâches à bord (PTETB)

D’après TC, l’attente du Ministère était que : [traduction] « Le pilote en chef met sur pied et tient à jour un programme de formation au sol et en vol, ainsi que des dossiers pour chaque personne tenue de recevoir de la formation Note de bas de page 246 ».

Dans son PMC initial, Ornge RW a confirmé que ses dossiers de formation n’étaient ni complets ni exacts, en indiquant [traduction] « une supervision inadéquate, l’absence de processus internes documentés […], et un manque de personnel compétent Note de bas de page 247 » comme étant les causes profondes. Ce PMC indiquait en outre que le gestionnaire des opérations /CP intérimaire était débordé à cause des postes vacants et n’a pas correctement délégué l’autorité de gérer les dossiers de formation; personne ne gérait les dossiers de formation des équipages de conduite.

Dans son PMC révisé, la compagnie a indiqué

1.18.9.4.4.2 Constatation critique no 2 : FO-07-01 – Programme de formation des équipages

L’IVP a permis de constater que plusieurs membres d’équipage de conduite ne satisfaisaient pas aux exigences des programmes de formation au sol et en vol d’Ornge RW. En particulier, plusieurs membres d’équipage n’avaient pas reçu, en tout ou en partie, les formations obligatoires suivantes :

En réponse à cette constatation, Ornge RW a procédé à un examen interne et s’est rendue compte que, parmi ses 77 pilotes, tous comptaient au moins 1 élément de formation obligatoire non complété ou non documenté. Dans son PMC, Ornge RW a affirmé que cette constatation révélait une [traduction] « défaillance systémique Note de bas de page 248 » au sein de la compagnie. Durant son examen interne, la compagnie a déterminé que le fournisseur de formation ne donnait pas la partie en vol de la formation de la compagnie sur l’évitement des CFIT, même si TC avait relevé ce manquement lors d’activités de surveillance antérieures, en mai 2012 et de nouveau en décembre 2012.

Ornge RW a fait état de causes profondes semblables à celles de la constatation critique précédente (FO-08-01), ayant déterminé que le gestionnaire des opérations et la personne responsable du suivi de la formation des équipages de conduite (c.-à-d., le CP adjoint) étaient débordés. D’après le PMC, cette charge de travail excessive était la source de [traduction] « lacunes dans les procédures de tenue des dossiers qui, jumelées à une surveillance, des vérifications et un suivi insuffisants, ont fait que la compagnie a permis à des membres d’équipage qui ne satisfaisaient pas aux exigences du programme de formation de la compagnie de faire partie d’équipages de conduite Note de bas de page 249 ». Cette situation a aussi fait rater [traduction] « l’expiration imminente du maintien des compétences et des dates de formation Note de bas de page 250 ». En outre, en raison du déplacement des reliures de formation au siège social, il était difficile pour les pilotes instructeurs de s’assurer que les pilotes des bases se conformaient à la politique de la compagnie et aux exigences réglementaires.

Comme mesure corrective pour cette constatation, le PMC d’Ornge RW reprenait le contenu de FO-08-01 concernant la refonte des fiches de formation, le transfert de données dans AvAIO, et la nomination d’un inspecteur, Assurance de la qualité des opérations aériennes.

1.18.9.4.4.3 Constatation critique no 3 : FO-07-02 – Programme de formation des équipages de conduite

L’IVP a permis de constater que plusieurs pilotes n’avaient pas reçu de formation sur les différences entre aéronefs avant de prendre les commandes de S-76A. La réglementation exigeait cette formation parce que le simulateur de vol utilisé pour faire l’entraînement était un S-76B, un modèle très différent du S-76A au chapitre de la performance, des systèmes, de l’aménagement du poste de pilotage et de la configuration.

En réponse à cette constatation, la compagnie a indiqué qu’elle avait récemment changé de fournisseur de formation, sans toutefois faire d’examen formel de changement de fournisseur, contrairement aux exigences réglementaires, du MEC et du manuel de formation. Comme cause profonde, la compagnie a évoqué le défaut de mettre en place un processus de gestion du changement suffisant pour s’assurer que le nouveau fournisseur donnait toute la formation requise. La compagnie a une fois de plus souligné que le gestionnaire des opérations était débordé, tout comme le CP adjoint, à qui incombait de faire le suivi de la formation des équipages de conduite.

Les mesures correctives pour cette constatation comprenaient la préparation d’un document de formation et d’un examen écrit que devaient subir les pilotes de la compagnie; des réunions régulières avec le CP, le gestionnaire des opérations et les commandants de bord instructeurs pour corriger les lacunes de formation; et la nomination d’un inspecteur, Assurance de la qualité des opérations aériennes. Comme c’était le cas des mesures correctives prises pour rectifier les autres constatations critiques, ce poste devait contribuer à réduire la charge de travail excessive du gestionnaire des opérations / CP intérimaire et du CP adjoint. La date d’achèvement visée était le 30 août 2013.

1.18.9.4.4.4 Constatation majeure no 1 : FO-02-01 – Certificat d’exploitation aérienne et spécifications d’exploitation

L’équipe de l’IVP a constaté qu’Ornge RW ne veillait pas à ce que le gestionnaire des opérations, qui remplissait également le rôle de CP intérimaire depuis juillet 2012, dispose des ressources humaines nécessaires pour s’acquitter de ses tâches.

Ornge RW en a convenu, en évoquant [traduction] « le départ de hauts dirigeants, de gestionnaires des opérations et de chefs pilotes durant l’étape de certification et de transition, ainsi que l’incapacité de la compagnie de trouver des remplaçants qualifiés […] Note de bas de page 251 » comme facteurs ayant contribué à la saturation des tâches du gestionnaire des opérations /CP intérimaire. Ces facteurs, combinés à l’abolition des postes de pilote gestionnaire sans délégation formelle de leurs responsabilités ni analyse des ressources, ont compromis la capacité du gestionnaire des opérations /CP intérimaire de gérer et d’administrer efficacement les programmes opérationnels.

Le PMC d’Ornge RW soulignait que la compagnie s’efforçait d’embaucher un gestionnaire, Formation et normes, et envisageait de sélectionner un candidat avant le 30 juin 2013. La compagnie prévoyait également de créer un poste de commis aux services d’aviation et de le pourvoir avant le 30 mai 2013. Enfin, le plan indiquait que la compagnie avait mis en place un calendrier annuel des vérifications avec une date butoir d’août 2013, incombant à l’inspecteur, Assurance de la qualité des opérations aériennes.

1.18.9.4.4.5 Constatation majeure no 2 : FO-10-01 – Documentation de vol

L’IVP a permis de constater que certains vols s’étaient déroulés malgré des calculs de masse et de centrage partiels ou manquants, et que la compagnie n’avait aucun système en place pour s’assurer que l’on faisait ces calculs. D’après Ornge RW, la cause profonde était une lacune de surveillance par la direction et des instructions inadéquates pour remplir les feuilles de masse et centrage et de chargement. Pour corriger cette constatation, Ornge RW a remis de nouveaux plans de vol exploitation et de nouvelles feuilles de chargement à tous les équipages de conduite, accompagnés d’instructions sur leur utilisation appropriée.

1.18.9.4.4.6 Constatation modérée no 1 : FO-09-01 – Système de contrôle d’exploitation

L’IVP a permis de constater qu’Ornge RW n’avait établi aucun système pour surveiller le temps de vol, le temps de service en vol et les périodes de repos des membres d’équipage de conduite.

La compagnie a une fois de plus allégué un processus inadéquat de gestion du changement, ainsi que des changements répétés de personnel clé comme causes.

Dans son PMC, Ornge RW indiquait qu’elle allait

1.18.9.4.4.7 Constatation modérée no 2 : AOC-02-01 – Manuel de contrôle de maintenance

L’IVP a permis de constater que le Manuel de contrôle de maintenance d’Ornge RW ne contenait pas tous les éléments liés aux procédures de tenue des dossiers et du programme d’assurance de la qualité exigés par la réglementation. En réponse à cette constatation, le manuel devait être refondu pour corriger ces lacunes.

1.18.9.4.4.8 Constatation modérée no 3 : CS-01-01 – Sécurité dans la cabine

L’IVP a permis de constater qu’Ornge RW ne veillait pas à ce que tout le PTETB soit correctement informé de ses tâches. Ornge RW en a convenu en reconnaissant que 79 ambulanciers paramédicaux n’avaient pas reçu la formation de PTETB. Le PMC proposait les mesures suivantes :

1.18.9.4.4.9 Constatation modérée no 4 : FO-03-01 – Manuels de la compagnie

L’IVP a permis de constater que le MEC ne comprenait pas les instructions et l’information nécessaires pour permettre au personnel d’exécuter ses tâches afférentes à l’exploitation. En particulier, le MEC ne reflétait pas les changements récents dans la structure organisationnelle, n’offrait aucune directive concernant le givrage, les exigences de masse et centrage et les limites de performance des hélicoptères, et n’offrait pas d’instructions sur la façon de remplir les formulaires.

Comme cause profonde, Ornge RW évoquait [traduction] « un manque de personnel de gestion et de soutien opérationnel Note de bas de page 252 » et mentionnait le roulement élevé du personnel clé de la compagnie tout au long de 2012. Le PMC indiquait que, comme mesure corrective, la compagnie avait pourvu le poste de CP le 25 avril 2013, ce qui soulageait le gestionnaire des opérations des responsabilités de CP intérimaire. Ornge RW a également indiqué qu’elle devrait réviser complètement son MEC, étant donné le nombre élevé de problèmes cernés durant l’IVP de janvier 2013.

1.18.9.4.5 Inspection de processus (après accident : juin 2013)

Après l’accident, TC a mené une IP à Ornge RW du 12 au 21 juin 2013. Le but de cette IP, effectuée conformément au SUR-001 édition 04 et au BIP 2012-02, était de vérifier si l’entraînement, les qualifications et les affectations de service de vol des équipages de conduite de la compagnie [traduction] « satisfaisaient aux exigences réglementaires et que l’on y adhérait Note de bas de page 253 » conformément aux procédures documentées de la compagnie. Cette IP consistait en un examen des documents (hors site) et en une visite sur place pour observer le personnel et vérifier qu’il adhérait aux procédures.

L’IP a permis de conclure que le programme de formation des équipages de conduite de la compagnie ne satisfaisait pas aux exigences réglementaires minimales, et a fait état de 9 constatations de non-conformité au RAC. Voici un aperçu de ces constatations.

1.18.9.4.5.1 Constatation 07-01 : Programme de formation des équipages de conduite

L’IP a permis de constater Note de bas de page 254 que plusieurs pilotes de S-76A à Ornge RW n’avaient pas achevé l’entraînement en vol sur l’évitement des CFIT. Cette non-conformité avait été documentée auparavant, en mai 2012 de même que durant l’IVP de 2013. Quoique Ornge RW eut indiqué dans son PMC comme suite à l’IVP qu’elle avait résolu ce problème, une vérification interne faite après l’IP a permis de déterminer qu’environ 50 % des équipages de conduite de S-76A n’avaient pas achevé l’entraînement pratique sur l’évitement des CFIT requis.

Comme causes profondes, la compagnie a évoqué un manque de ressources de gestion, jumelé à une surveillance, des vérifications et un suivi insuffisants, qui avait donné lieu à un système de suivi de la formation sur les CFIT inefficace et fait en sorte que ce problème n’avait jamais été corrigé. La mesure corrective proposée était la même que celle de la constatation 07-02, décrite au paragraphe suivant.

1.18.9.4.5.2 Constatation 07-02 : Programme de formation des équipages de conduite

Tout comme la constatation précédente concernant l’entraînement pratique sur l’évitement des CFIT pour les pilotes de S-76A, l’IP a permis de constater que certains pilotes d’AW139 n’avaient pas, eux non plus, reçu cet entraînement. Dans ce cas-ci également, l’examen interne d’Ornge RW a permis de déterminer qu’environ 50 % de tous les équipages de conduite d’AW139 n’avaient pas achevé cet entraînement.

Dans son PMC, Ornge RW indiquait qu’elle allait

1.18.9.4.5.3 Constatation 07-03 : Programme de formation des équipages de conduite

L’IP a permis de constater que certains équipages de conduite d’AW139 n’avaient pas reçu une partie de l’entraînement technique requis d’après le manuel de formation de la compagnie approuvé par TC. Ornge RW a évoqué comme causes profondes [traduction] « une supervision inadéquate, l’absence de processus et de contrôles internes documentés et un manque de personnel spécialisé Note de bas de page 255 ». Le PMC proposait de la formation additionnelle et un examen en ligne pour vérifier la compréhension et la compétence. En outre, la compagnie a indiqué qu’elle avait pourvu 2 postes responsables du contrôle des fiches de formation, et qu’elle projetait une vérification du système AvAIO pour s’assurer du suivi de toutes les exigences de formation, conformément au manuel de formation des équipages de conduite de la compagnie.

1.18.9.4.5.4 Constatation 05-01 : Personnel de gestion et coordination des opérations

L’IP a permis de constater que des rapports produits à partir de données extraites du système de suivi AvAIO d’Ornge RW indiquaient qu’un grand nombre de pilotes, y compris le premier officier en cause dans l’événement, ne satisfaisaient pas aux exigences de la réglementation et de la compagnie concernant le maintien des compétences pour des vols effectués en totalité ou en partie la nuit avec des passagers à bord.

La compagnie a une fois de plus évoqué l’insuffisance de la supervision, du suivi et des vérifications comme facteurs à l’origine de l’inefficacité du programme de suivi du maintien des compétences pour les vols de nuit. Le 13 juin 2013, Ornge RW a suspendu ses opérations IFR et a donné l’instruction à tous ses pilotes de confirmer qu’ils répondaient aux exigences de maintien des compétences pour les vols de nuit, conformément au MEC.

1.18.9.4.5.5 Constatation 05-02 : Personnel de gestion et coordination des opérations

L’IP a permis de constater qu’Ornge RW ne pouvait pas présenter de dossier pour documenter la progression de ses premiers officiers, du pilotage en place gauche au pilotage en place droite, y compris celui du premier officier en cause dans l’événement.

La compagnie a confirmé qu’il n’existait aucun processus formel pour documenter la progression des acquisitions pratiques par ses pilotes. Dans son PMC, elle a fait état, comme cause profonde [traduction] « d’un manque de personnel de gestion et de soutien opérationnel qui a entraîné l’incapacité de la compagnie de gérer entièrement et efficacement tous les aspects de la progression des premiers officiers en pilotage en place droite Note de bas de page 256 », en évoquant une fois de plus l’insuffisance de la supervision, des vérifications et du suivi qui avaient donné lieu à un programme de suivi inefficace.

1.18.9.4.5.6 Constatation 05-04 : Personnel de gestion et coordination des opérations

L’IP a permis de constater que les premiers officiers d’Ornge RW s’étaient vus confier des tâches de CdB, malgré l’absence dans les dossiers de certains pilotes de documents exigés dans le MEC, notamment :

Dans son PMC, la compagnie a indiqué qu’elle avait plusieurs des documents requis, mais qu’elle ne les avait pas encore versés aux dossiers des pilotes. D’après Ornge RW, la compagnie se fiait à un programme de suivi hérité de l’exploitant précédent et qu’elle croyait acceptable. Elle devait mettre en œuvre un processus révisé pour documenter la formation d’appoint, et l’inspecteur, Assurance de la qualité des opérations aériennes, allait vérifier les dossiers du personnel.

1.18.9.4.5.7 Constatation 05-05 : Personnel de gestion et coordination des opérations

L’IP a permis de constater que plusieurs nouveaux pilotes avaient été embauchés directement comme CdB sans qu’ils aient dû suivre les procédures d’intégration directe des capitaines décrites dans le MEC. Aucune documentation ne justifiait la décision de contourner cette exigence, qui avait été mise en place pour réduire les risques liés à l’utilisation de pilotes contractuels comme capitaines. Plutôt, la compagnie a indiqué que ces pilotes avaient été promus directement à des postes de capitaine en fonction de leur expérience et de leurs qualifications. La compagnie a indiqué qu’elle modifierait son MEC pour qu’il comprenne les critères d’intégration directe des capitaines, ainsi qu’un processus de formation et d’évaluation de ceux-ci.

1.18.9.4.5.8 Constatation 07-06A : Programme de formation des équipages de conduite

L’IP a permis de constater que les pilotes d’Ornge RW qui avaient été entraînés sur un simulateur S-76B, n’avaient pas reçu de formation sur les différences entre aéronefs avant qu’on les affecte à des fonctions opérationnelles sur les S-76A. L’IVP de 2013 avait déjà relevé des lacunes dans la formation sur les différences entre aéronefs (constatation critique FO-07-02). Dans ce cas-ci, la compagnie a examiné les dossiers des pilotes et a déterminé qu’il s’agissait d’un problème de documentation pour 2 pilotes. Une fois de plus, Ornge RW a évoqué une surveillance, des vérifications et un suivi insuffisants comme causes de ce problème et, comme mesure corrective, a nommé un inspecteur, Assurance de la qualité des opérations aériennes, et un spécialiste, Conformité et logistique des opérations aériennes.

1.18.9.4.5.9 Constatation 07-06B : Programme de formation des équipages de conduite

L’IP a relevé des exemples de virages serrés que l’on n’effectuait pas durant les CCP des équipages de conduite de S-76. Dans son PMC, Ornge RW a fait valoir que le PVA, à titre de délégué du ministre, est responsable du déroulement des CCP, et qu’il incombe donc à TC de s’assurer que les PVA exécutent toutes les séquences nécessaires pour un CCP. Toutefois, la compagnie a indiqué qu’elle prendrait des mesures pour s’assurer que tous les PVA à son service sont au courant de l’exigence sur les virages serrés durant les futurs CCP. La compagnie a ajouté qu’elle avait mis en place un processus pour faire en sorte que l’exactitude de tous les futurs formulaires CCP soit vérifiée, et pour faire des vérifications aléatoires de la documentation CCP.

1.18.9.4.6 Discussions internes à Transports Canada après l’inspection de processus après événement

Le 18 juin 2013, l’équipe de l’IP a informé les cadres supérieurs régionaux de TC que, selon elle, Ornge RW n’avait aucun système en place pour s’assurer qu’elle satisfaisait à toutes les exigences de formation Note de bas de page 257. Deux jours plus tard, l’équipe de l’IP a informé le DAO (Ouest) et le DRAC qu’Ornge RW exerçait un contrôle opérationnel inefficace de la formation des équipages de conduite et a donné de nombreux exemples pour étayer cette constatation Note de bas de page 258.

Le 25 juin 2013, le directeur, Politiques et services de réglementation, à TC a communiqué avec le directeur, Normes, à TC et le chef, Application de la loi en aviation, à TC pour leur demander d’offrir leur soutien à la région [traduction] « en vue d’examiner les sanctions administratives et punitives possibles Note de bas de page 259 ». D’après le Manuel de politique de l’application de la loi en aéronautique (TP 13794) de TC, une mesure administrative est une « [m]esure de dissuasion que prend le ministre ou qui est prise en son nom et qui comprend les conseils verbaux, la suspension ou l’annulation des documents d’autorisation et l’imposition d’une amende Note de bas de page 260 ».

Le 26 juin 2013, l’équipe de l’IP a présenté au DAO (Ouest) et au DRAC un AS provisoire accompagné de pièces justificatives. Fondé sur l’alinéa 7.1(1)b) de la Loi sur l’aéronautique, cet avis affirmait qu’Ornge RW [traduction] « ne satisfait plus aux qualifications nécessaires de délivrance d’un certificat d’exploitation aérienne et de respect des conditions en vertu desquelles son certificat d’exploitation aérienne avait été délivré Note de bas de page 261 ». Plus précisément, d’après l’AS provisoire, la compagnie n’a pas respecté les exigences énoncées aux alinéas 704.07(2)e) et 703.07(2)d) du RAC, selon lesquels le demandeur doit avoir des « membres d’équipage de conduite qui sont qualifiés pour cette région d’exploitation et ce type d’exploitation Note de bas de page 262 ».

L’AS provisoire a été présenté à l’administration centrale de TC pour examen et commentaires. La Direction de l’application de la loi en aviation a transmis les commentaires suivants à la région :

[traduction]

  1. Tous les pilotes de S-76 à Ornge RW ont reçu une formation conforme aux normes réglementaires; toutefois, certains éléments de la formation, qui vont au-delà des exigences réglementaires, n’ont pas été achevés conformément au MEC de la compagnie.
  2. Tous les pilotes d’AW139 à Ornge RW ont reçu de la formation, quoique certains éléments du programme de formation n’ont pas été achevés, contrairement à la réglementation.
  3. Certains des éléments non exécutés du PMC suivant l’IVP de janvier 2013 n’ont toujours pas été mis en œuvre. Or, la date limite des PMC était le 30 juin 2013.
  4. La compagnie ne respecte pas certaines des procédures stipulées dans son MEC Note de bas de page 263.

D’après la Direction de l’application de la loi en aviation, un AS émis en vertu de l’alinéa 7.1(1)b) sur la certification de la Loi sur l’aéronautique était inapproprié, étant donné que la compagnie satisfaisait toujours aux conditions de la certification initiale stipulées aux alinéas 704.07(2)e) et 703.07(2)d) du RAC.

Envisageant un autre plan d’action, le personnel de l’administration centrale de TC a suggéré que la démarche aurait de meilleures chances de réussir si elle se fondait sur l’intérêt public [alinéa 7.1(1)c) de la Loi sur l’aéronautique]. On a donc informé le bureau régional de TC que de tels motifs exigeaient que l’on démontre [traduction] « un état de non-conformité continuel ou récurrent de la part de l’exploitant aussi bien avant qu’après l’accident. Le ministre doit également démontrer que cet état de non-conformité existe toujours Note de bas de page 264 ». On a informé le bureau régional que s’il souhaitait adopter ce plan d’action, il faudrait alors émettre l’AS après le 30 juin 2013, date limite de l’achèvement des PMC de la compagnie. Enfin, on a indiqué au bureau régional que le personnel de la Division de l’application de la loi en aviation demeurait à sa disposition pour l’aider s’il décidait d’aller de l’avant et d’émettre un AS.

Le personnel régional de TC a pris en considération les conseils qu’il avait reçus et a décidé de ne pas frapper l’exploitant d’un AS fondé sur l’intérêt public.

1.18.9.4.7 Mesure d’application prise après l’inspection de processus (juin 2013)

Après l’IP de juin 2013, TC a mis en œuvre des mesures d’application de la loi en émettant 8 avis de détection afférents aux constatations de l’IP. Voici un résumé des avis, ainsi que les résultats du processus d’application de TC :

  1. Défaut de satisfaire aux exigences de maintien des compétences pour le vol de nuit : aucune autre mesure prise; aucune violation. D’après TC, le pilote cité dans l’avis de détection avait été affecté au vol, mais n’avait pas pris les commandes de l’aéronef; aucune infraction n’avait donc été commise. Toutefois, TC n’a pas émis d’avis de détection concernant le premier officier en cause dans l’événement qui, d’après les dossiers AvAIO, ne satisfaisait pas aux exigences de maintien des compétences pour les vols de nuit.
  2. Exigences sur l’intégration directe des capitaines : aucune autre mesure prise; enquête abandonnée. D’après TC, l’enquête a été abandonnée parce qu’elle était semblable à celle de l’avis no 5 ci-dessous.
  3. Défaut d’effectuer des virages serrés durant les CCP : aucune autre mesure prise; prescription légale. D’après TC, cette infraction a été trouvée presque un an après la date où elle a été commise, et l’on estimait qu’il ne restait pas suffisamment de temps au délai légal pour faire enquête.
  4. Formation sur les différences entre aéronefs : il y a eu constatation; toutefois, TC a choisi d’abandonner l’enquête parce qu’elle était trop semblable à celle de l’avis no 5 ci-dessous et [traduction] « pour laquelle une sanction pécuniaire allait être imposée Note de bas de page 265 ».
  5. Entraînement incomplet sur l’évitement des CFIT sur le S-76A : on a déterminé qu’Ornge RW avait commis des infractions de non-conformité aux paragraphes 703.88(1) et 704.108(1) du RAC. Ornge RW s’est vue imposer une sanction pécuniaire, qu’elle a payée.
  6. Entraînement incomplet sur l’évitement des CFIT sur le AW139 : il y a eu constatation; toutefois, TC a choisi de ne pas prendre d’autres mesures et d’abandonner l’enquête parce qu’elle était trop semblable à celle de l’avis no 5 ci-dessus et pour laquelle une sanction pécuniaire allait être imposée.
  7. Certains membres d’équipage de conduite d’AW139 n’avaient pas suivi de formation technique périodique : on a déterminé qu’Ornge RW avait commis une infraction au paragraphe 704.108(1) du RAC; Ornge RW s’est vue imposer une sanction pécuniaire, qu’elle a payée.
  8. Exigences sur l’instruction de perfectionnement : on a remplacé le règlement cité par le paragraphe 704.108(1) du RAC; toutefois, aucune autre mesure n’a été prise, et l’enquête a été abandonnée parce que, selon TC, après les entrevues [traduction], « il n’y avait aucun élément de preuve justifiant qu’on poursuive l’enquête Note de bas de page 266 ».
1.18.9.5 Inspection de validation de programme (octobre 2014)
1.18.9.5.1 Généralités

Les 14 et 15 octobre 2014, TC a fait une IVP prévue à Ornge RW [traduction] « pour vérifier que l’organisation est conforme et qu’elle a les systèmes en place pour garantir sa conformité continue aux exigences réglementaires Note de bas de page 267 ». On avait informé l’exploitant que la portée de la surveillance comprendrait un examen du programme d’assurance qualité et du système de contrôle d’exploitation de la compagnie, en insistant sur les programmes de formation.

Le rapport qui documente les résultats de l’IVP indiquait que [traduction] « tous les secteurs d’activité de la compagnie se conforment aux exigences réglementaires, et l’IVP est considérée comme terminée Note de bas de page 268 ». Aucune constatation n’a été émise.

Il convient de noter que la méthodologie de l’IVP de 2014 était très différente de celle de la surveillance antérieure, sa portée étant beaucoup plus limitée. La section suivante du présent rapport comprend une description détaillée de cette méthodologie.

1.18.9.5.2 Méthodologie : Échantillonnage régulier ou ciblé

Le plan d’échantillonnage pour l’IVP d’octobre 2014 comprenait les domaines suivants : plans de vol exploitation, entrevues avec le personnel clé et un équipage de conduite disponible, vérifications internes de la qualité, mesures correctives, dossiers de formation du vérificateur, et formation des pilotes.

La portée de ce plan d’échantillonnage était différente de celle déterminée pour l’IVP et l’IP menées en 2013. Par exemple, la surveillance antérieure avait relevé que les pilotes de la compagnie n’avaient pas achevé un certain nombre d’éléments de la formation, y compris l’entraînement sur l’évitement des CFIT, l’entraînement en trou noir, et la formation sur les différences entre aéronefs. Ces éléments figuraient dans le manuel de formation des équipages de conduite approuvé par TC, mais comme la réglementation en vigueur ne les exigeait pas, il ne s’agissait pas de dispositions d’incrimination.

À titre comparatif, la portée de l’examen des fiches de formation des pilotes durant l’IVP de 2014 s’est limitée à un petit nombre d’exigences réglementaires qui constituaient des dispositions d’incrimination :

  1. Validité de la certification médicale
  2. Validité du CCP
  3. Achèvement du nombre minimal d’heures requis d’entraînement en vol
  4. Achèvement de l’entraînement en ligne (AW139 seulement)
  5. Achèvement de la formation sur l’aérodrome et la région d’exploitation
  6. Achèvement de la formation sur les procédures d’urgence
  7. Maintien des compétences de vol de nuit

Au total, on a examiné les fiches de formation de 13 des 87 pilotes (de S-76A et d’AW139).

Comme tous les éléments requis dans cette liste étaient correctement documentés, aucune autre fiche n’a été examinée. Ainsi, l’IVP n’a pas évalué la conformité aux exigences de la compagnie qui dépassaient les exigences réglementaires, et les problèmes qui avaient été relevés durant la surveillance antérieure de TC n’ont pas été réexaminés pour s’assurer qu’ils ne s’étaient pas reproduits.

La décision de limiter ainsi la portée de la surveillance (c.-à-d., aux dispositions d’incrimination uniquement) se fondait sur une interprétation de l’échantillonnage ciblé, méthodologie inaugurée dans le SUR-001 édition 05. D’après ce document, qui a été publié le 28 juin 2013, soit peu de temps après la surveillance précédente, le gestionnaire de la surveillance doit dresser un plan d’échantillonnage à partir des feuilles de travail fournies à cette fin. Les feuilles de travail comprennent une liste générale et systémique des attentes, qui décrivent ce qu’une entreprise doit faire. Par exemple, d’après la feuille de travail Contrôle des opérations, qui vise les exploitants assujettis aux sous-parties 703 et 704 du RAC : « Le pilote en chef met sur pied et tient à jour un programme de formation au sol et en vol, ainsi que des dossiers pour chaque personne tenue de recevoir de la formation Note de bas de page 269 ». Le gestionnaire de la surveillance doit établir un lien entre chaque attente et toutes les exigences réglementaires applicables.

Le SUR précise en outre :

Lorsque cela est possible, une disposition d’incrimination désignée (indiqué dans le RAC, 103, annexe II) doit être le principal lien, de sorte que si l’activité de surveillance donne lieu à une mesure d’application nécessaire, le lien sera facilement accessible. À la suite de l’établissement des liens avec les dispositions d’incrimination désignées, des liens doivent être établis avec toute autre exigence réglementaire applicable à l’attente Note de bas de page 270.

À partir de cette schématisation, le gestionnaire de la surveillance doit déterminer les éléments à échantillonner pour valider chacune des attentes. Le SUR donne un aperçu de 2 méthodes d’échantillonnage que l’on peut utiliser en fonction des données de sortie tirées de la recherche et des antécédents de la compagnie. Elles sont :

Toutefois, étant donné le manque d’expérience de l’équipe de l’IVP dans cette approche et l’ampleur et la gravité des constatations trouvées à Ornge RW par le passé, et comme il s’agissait de la première IVP de cette compagnie depuis l’accident survenu en mai 2013, certains membres de l’équipe de l’IVP ont exprimé des préoccupations quant à la pertinence de l’échantillonnage ciblé. Aucun d’entre eux n’avait reçu de formation sur les modifications apportées au SUR-001 édition 05. La correspondance interne entre les membres de l’équipe ayant effectué l’IVP d’octobre 2014 fait état d’une grande confusion quant à la meilleure méthode d’échantillonnage à utiliser et à la façon d’effectuer l’échantillonnage ciblé.

1.18.10 Services médicaux d’urgence par hélicoptère aux États-Unis

Au cours des 10 dernières années, le NTSB a réalisé des études, fait de nombreuses observations et publié des recommandations qui visaient à améliorer la sécurité des SMUH aux États-Unis. Le 21 février 2014, plusieurs nouveaux règlements qui devaient améliorer la sécurité des opérations SMU par hélicoptère sont entrés en vigueur aux États-Unis. Voici un aperçu des principaux changements liés aux révisions de la FAA :

Malgré ces changements récents aux FAR, la FAA tarde toujours à mettre en œuvre un certain nombre des recommandations du NTSB portant sur la sécurité des ambulances aériennes. Par conséquent, ces recommandations ont été classées soit « En cours », soit « Fermée – mesure inacceptable ». (Les recommandations du NTSB, ainsi que les réponses de la FAA à celles-ci, se trouvent à l’annexe I.)

Dans une perspective réglementaire, TC a mis en place certaines politiques et procédures pour harmoniser la réglementation canadienne avec celle d’autres organismes de réglementation, dont la FAA. Par exemple, en février 2011, le Canada et les États-Unis ont créé le Conseil de coopération en matière de réglementation (CCR) pour aider les 2 pays à collaborer plus étroitement et pour en venir à « l’élaboration d’approches plus avisées et efficaces en matière de réglementation Note de bas de page 271 » en harmonisant leurs réglementations là où il y a lieu. D’après le Plan prospectif conjoint d’août 2014 du CCR, la FAA et TC « continueront de collaborer dans le domaine de la sécurité de l’aviation civile. Ils établiront des procédures pour : identifier les initiatives de sécurité d’intérêt commun; échanger des priorités réglementaires; et créer des occasions de travailler en commun sur la réglementation Note de bas de page 272 ». En outre, selon ce rapport, TC et la FAA vont « aligner le plus possible leurs programmes respectifs d’élaboration des règlements Note de bas de page 273 ». D’après TC, le Ministère s’efforce [traduction] « d’harmoniser la réglementation avec d’autres organismes de réglementation, là où c’est possible Note de bas de page 274 ». Toutefois, au moment de rédiger le présent rapport, aucun des changements récents apportés aux FAR n’a été incorporé dans le RAC.

1.18.11 Événement antérieur

Le 8 février 2008, un hélicoptère S-76A lié par contrat à Ornge s’est écrasé à Temagami (Ontario) Note de bas de page 275 durant une approche à l’atterrissage dans un trou noir. L’hélicoptère s’est écrasé dans une région boisée au bord d’un lac gelé et s’est immobilisé sur son côté gauche. Des 4 occupants, 3 ont été grièvement blessés. Le quatrième occupant a été légèrement blessé. Le CdB comptait plus de 2200 heures de vol sur le S-76A, tandis que le premier officier en comptait 147. Durant les 90 dernières secondes de l’approche, le PF expliquait ses manœuvres, étape par étape, au PNF et ce qu’il fallait surveiller durant les approches de nuit, entre autres les illusions de trou noir.

L’hélicoptère était muni d’un système EGPWS, d’un GPS Garmin GNS 530 à double fonction navigation/communication, d’un système de suivi par satellite SkyNode de Latitude Technologies, et d’un CVR.

Le rapport d’enquête sur cet accident a souligné l’importance de surveiller étroitement les instruments de vol de l’hélicoptère durant les étapes critiques du vol. On y indiquait en outre que le PF partageait son attention entre le pilotage durant l’approche et les explications de ce qui se passait et de ce qu’il fallait surveiller durant une approche dans un trou noir. Cet enseignement a sans doute distrait les pilotes, qui ne se sont pas aperçus du taux de descente excessif qui a mené à l’écrasement.

1.19 Techniques d’enquête utiles ou efficaces

L’hélicoptère d’Ornge RW s’est écrasé dans une zone broussailleuse et marécageuse. L’accès au site n’a été possible que grâce à l’aide de pompiers volontaires locaux et de l’O.P.P. qui ont frayé un passage dans les bois à l’aide de véhicules tout-terrain. Cette aide locale était cruciale pour permettre d’accéder rapidement à l’épave pour l’examiner et préserver les éléments de preuve éphémères.

En plus de fournir des ressources terrestres à l’équipe d’enquête, l’O.P.P. a aussi mis à sa disposition l’un de ses hélicoptères Eurocopter EC135 et un pilote. Après la première nuit, des membres de l’O.P.P. ont dégagé une zone d’atterrissage pour l’hélicoptère à proximité du lieu de l’accident. Cette petite clairière a permis de se rendre rapidement au lieu de l’écrasement et d’en sortir. Elle a aussi permis à l’équipe d’enquête de retirer facilement plusieurs des composants de l’aéronef qui ont ensuite été expédiés au laboratoire du BST à Ottawa aux fins d’examens plus approfondis.

2.0 Analyse

Aucun élément n’indique que la défaillance d’un système de l’aéronef aurait pu contribuer à l’impact sans perte de contrôle (CFIT) à l’étude dans le présent rapport. L’analyse porte sur les facteurs opérationnels et organisationnels qui ont contribué à cet accident, le programme de surveillance réglementaire de Transports Canada, Aviation civile (TCAC), et le cadre réglementaire en place.

2.1 Descente inopinée et impact contre le relief

Les articles 602.114 et 602.115 du Règlement de l’aviation canadien (RAC) stipulent que tous les vols de nuit effectués selon les règles de vol à vue (VFR), que ce soit dans un espace aérien contrôlé ou non contrôlé, doivent se dérouler avec des repères visuels à la surface. Durant les vols de nuit, même dans des conditions météorologiques de vol à vue (VMC), les équipages doivent continuer d’examiner les instruments, et se tenir prêts à passer au pilotage en utilisant les instruments de vol lorsque les repères visuels à l’extérieur de l’aéronef sont insuffisants pour en assurer la maîtrise et être capables de passer à ce mode de pilotage.

Étant donné le manque d’éclairage artificiel dans le secteur, il y a très peu de repères visuels la nuit au-delà de l’extrémité de départ de la piste 06 à l’aéroport de Moosonee (CYMO). La nuit de l’événement, cette situation était exacerbée par le fait que le ciel était couvert, ce qui a sans doute limité la lumière ambiante qui aurait pu rendre visible l’horizon ou d’autres repères visuels nécessaires pour maintenir l’orientation. Ainsi, l’équipage a effectué le vol selon la règlementation relative au vol de nuit selon les règles VFR sans lumière ambiante ni éclairage artificiel suffisants pour maintenir des repères visuels à la surface. Dans ces conditions, il aurait fallu que les pilotes en cause se fient entièrement aux instruments de vol pour conserver la maîtrise de l’aéronef après avoir dépassé l’extrémité de la piste de décollage éclairée.

Les premières étapes du départ se sont déroulées selon les procédures d’utilisation normalisées (SOP). En virant à gauche vers le cap indiqué à 300 pieds au-dessus du sol (agl), le pilote aux commandes (PF) a involontairement laissé l’angle d’inclinaison atteindre 30°, et l’aéronef est descendu durant le virage. Aucune mesure n’a été prise pour corriger ces écarts avant qu’ils soient signalés par le pilote surveillant (PM). Ainsi, 23 secondes après l’amorce du virage, l’aéronef a percuté des arbres.

Le PF était peut-être concentré sur diverses autres choses durant cette séquence. Lorsque l’aéronef a quitté l’extrémité de la piste de décollage éclairée, le PF a perdu de vue les repères visuels utilisés durant la montée pour effectuer le virage. Si le PF n’a pas reconnu le besoin de passer au vol aux instruments, il accordait sans doute toute son attention à scruter le champ visuel extérieur pour des repères. Toutefois, si le PF a bel et bien noté le manque de repères externes pertinents, il se concentrait alors peut-être sur la transition au vol aux instruments, ce qui pourrait prendre plusieurs secondes s’il n’y était pas préparé. Il se peut également que le PF ait été distrait par l’achèvement des vérifications après décollage. L’enquête n’a pas permis de déterminer lequel de ces scénarios était le plus probable.

Dans l’événement à l’étude, le PM veillait surtout à achever des procédures mineures de la liste de vérification après décollage et à éteindre les phares d’atterrissage alors que la priorité aurait dû être accordée à surveiller le déroulement du vol. Au-delà de l’extrémité de départ de la piste 06, le manque de repères visuels a obligé le PF à passer au vol aux instruments; durant cette transition, l’équipage n’a pas constaté l’évolution d’un angle d’inclinaison et d’un taux de descente excessifs à une altitude qui eût permis un rétablissement.

Il faut comprendre de nombreux facteurs pour bien saisir l’ensemble des enjeux qui ont mené à cette situation.

2.2 Séquence d’impact

À partir des renseignements recueillis, les enquêteurs ont pu déterminer que, sous l’effet combiné d’une grande vitesse longitudinale, d’un faible angle de descente et de la perte d’une pale du rotor de queue durant l’impact, l’hélicoptère a rebondi au sol et a tourné vers la droite avant de vraisemblablement faire la roue dans le sens d’origine de son déplacement. Ainsi, le sillon laissé par l’aéronef s’est rétréci graduellement, depuis le diamètre du rotor principal environ, jusqu’à la moitié de ce diamètre à mesure que les pales se séparaient et que la poutre de queue se détachait juste à gauche dans le sens du déplacement.

Le premier officier et l’un des ambulanciers paramédicaux navigants ont succombé à la gravité des forces d’impact, et le commandant de bord (CdB) et l’autre ambulancier paramédical ont probablement perdu connaissance. Ces 2 derniers occupants ont manifestement succombé rapidement à leurs blessures, sans avoir inhalé d’importantes quantités de produits de combustion de l’incendie.

2.3 Préparation opérationnelle de l’équipage

Il incombe à toute compagnie de veiller à la préparation opérationnelle de ses équipages de conduite afin qu’ils puissent gérer toutes les situations, normales ou anormales, dans lesquelles ils pourraient se trouver. Quoique les 2 membres d’équipage du vol à l’étude étaient des pilotes chevronnés, ils n’avaient que peu d’expérience du vol de nuit et du vol aux instruments. Par conséquent, une formation et une supervision efficaces étaient cruciales pour préparer adéquatement ces pilotes aux vols multipilotes, selon les règles de vol aux instruments (IFR) et aux vols de nuit.

De 2011 à 2013, le capitaine, qui était le PM durant le vol à l’étude, avait accumulé très peu d’heures de vol de nuit et aux instruments. De 2011 à la date de l’accident, il n’avait fort probablement pas effectué de vol de nuit à bord d’un aéronef sans l’aide de lunettes de vision nocturne (LVN). Pourtant, les décollages et atterrissages de nuit réalisés durant son plus récent entraînement sur simulateur avaient satisfait aux exigences réglementaires et aux exigences de la compagnie sur le maintien des compétences de vol de nuit avec des passagers à bord. Le pilote vérificateur agréé (PVA) de la compagnie et le capitaine lui-même avaient constaté, durant la formation périodique de ce dernier sur le S-76, des faiblesses au niveau des procédures IFR et multipilotes, et avaient convenu qu’il serait utile pour le capitaine de servir comme premier officier pendant un certain temps. C’est pourquoi le PVA a noirci la case « P/O » (premier officier) de la section Fonction du Rapport du test en vol – Contrôle de compétence pilote (formulaire 26-0249/0279). Le PVA avait communiqué ses préoccupations et le fait qu’il avait noirci la case « P/O » du Rapport du test en vol au gestionnaire des opérations / chef pilote (CP) intérimaire et au CP adjoint. Toutefois, la compagnie n’a pris aucune mesure, et on a confié directement au capitaine une fonction pour laquelle il n’était pas prêt.

De plus, la compagnie n’avait pas bien préparé le capitaine avant de l’affecter à des fonctions opérationnelles. Comme l’entraînement en ligne pour pilotes n’est pas requis pour les activités assujetties à la sous-partie 703 du RAC et que la compagnie a décidé de contourner sa propre procédure d’intégration directe des capitaines, le capitaine n’a reçu aucun entraînement en vol ou supervision additionnels entre son contrôle de compétence pilote (CCP) et son affectation à un vol comme capitaine. En outre, la compagnie n’a jamais tenu compte du fait que le capitaine n’avait reçu aucun entraînement en trou noir, lacune qui avait été relevée durant l’exposé au capitaine sur la région d’exploitation et signalée à la compagnie. Si, conformément au manuel d’exploitation de la compagnie (MEC), la compagnie avait adhéré à son processus d’intégration directe des capitaines, le capitaine aurait dû accumuler au moins 50 heures de vol comme commandant en second (SIC), dont 5 heures d’opérations de nuit et 3 approches dans un trou noir, avant toute évaluation par le PVA pour déterminer s’il était prêt à assumer les fonctions de CdB. En fait, le vol à l’étude était le premier vol de nuit sans dispositif d’aide visuelle du capitaine depuis qu’il avait achevé son entraînement périodique sur simulateur, ce qui explique probablement les difficultés qu’avait le capitaine à trouver les interrupteurs d’éclairage dans le poste de pilotage.

Le premier officier, qui était le PF durant le vol à l’étude, avait eu de la difficulté à s’adapter aux opérations IFR multipilotes durant sa formation initiale sur le S-76, probablement à cause de son expérience IFR limitée. Cependant, grâce à de la formation additionnelle, il avait réussi son CCP, malgré 3 écarts majeurs notés par le PVA. L’une des faiblesses documentées touchait tout particulièrement les difficultés à maîtriser la vitesse anémométrique et le taux de montée durant un départ en mode IFR. Même s’il s’agissait d’un vol de nuit en mode VFR, le vol à l’étude exigeait une surveillance constante des instruments et aurait comporté les mêmes difficultés pour le premier officier. Pourtant, outre le cours d’adaptation initiale du premier officier, la compagnie n’avait pris aucune autre mesure pour s’assurer qu’il recevrait la formation nécessaire afin de corriger ces faiblesses documentées. Au contraire, au cours de ses 6 premiers mois au service d’Ornge RW, et de nouveau en avril et durant une partie du mois de mai 2013, on a permis au premier officier d’échanger ses quarts de nuit pour des quarts de jour, jusqu’à ce que les heures supplémentaires posent problème. À ce stade, il a commencé à effectuer plus régulièrement des quarts de nuit, tout en continuant d’échanger certains quarts de nuit contre des quarts de jour. Durant l’un de ces quarts de nuit, le premier officier a éprouvé des difficultés à remplir les fonctions de PF durant un départ de nuit en mode VFR (rubrique 1.5.3.6), et le capitaine a dû intervenir pour garantir le maintien de marges de sécurité adéquates. Pourtant, les difficultés qu’a éprouvées le premier officier n’ont pas été documentées, et aucune mesure corrective n’a été prise pour s’assurer qu’il était suffisamment compétent pour effectuer des opérations de nuit en mode VFR depuis CYMO.

Au moment de l’accident, le premier officier avait accumulé 33 heures d’expérience de vol aux instruments, mais n’avait acquis aucune expérience IFR réelle durant son service à Ornge RW. De plus, comme ses quarts de vols de nuit étaient irréguliers, il n’avait aucune continuité pour perfectionner ces opérations pour lesquelles il n’avait qu’une expérience limitée et avait éprouvé des difficultés par le passé. Quoique le premier officier satisfaisait aux exigences réglementaires minimales de maintien des compétences de vol de nuit avec des passagers à bord, son plus récent vol de nuit avait eu lieu 85 jours avant le vol à l’étude. En outre, Ornge RW n’a pu fournir de documentation après l’accident attestant que le premier officier avait achevé la formation exigée par la compagnie pour assumer les fonctions de PF à partir du siège de droite.

Au moment du vol à l’étude, les 2 membres d’équipage n’avaient qu’une compétence minimale des vols de nuit et en mode IFR. Par conséquent, l’équipage n’était pas préparé, sur le plan opérationnel, à effectuer en toute sécurité un départ VFR de nuit, durant lequel l’aéronef s’est trouvé dans la noirceur totale.

Au moment de l’accident, le capitaine était CP au ministère des Ressources naturelles (MRN) de l’Ontario. À 2 reprises au moins, la direction du MRN a indiqué explicitement au capitaine de ne pas se livrer aux 2 emplois en même temps et de respecter la réglementation sur le temps de service et les périodes de repos; malgré cela, le capitaine a pris part à des téléconférences du MRN alors qu’il était à Moosonee et a envoyé de nombreux courriels durant ses quarts de travail prévus à CYMO et en dehors de ceux-ci. La formation sur la politique de la compagnie à Ornge RW insistait elle aussi sur l’importance pour les équipages de conduite de s’assurer d’obtenir tout le repos nécessaire avant leur service en vol.

Néanmoins, le jour de l’événement, le capitaine a effectué beaucoup de travail pour le compte du MRN durant la matinée et le début de l’après-midi, à tel point que la direction au MRN ignorait qu’il se trouvait alors à Moosonee. Pendant son affectation à Moosonee, le capitaine effectuait pour le MRN des activités liées à son travail qui normalement marquent le début de la période de service de vol d’un membre d’équipage de conduite. Comme il a été indiqué précédemment, il est très probable que le capitaine ait fait une sieste durant l’après-midi, avant le début du quart de nuit en question. Bien qu’il n’y ait aucune indication de dégradation de la performance du capitaine liée à la fatigue durant le bref vol à l’étude, si les pilotes s’adonnent à d’autres activités liées au travail avant le début d’une période de service de vol prévue, il y a un risque de dépasser les limites de temps de service de vol prévues par la réglementation, ce qui pourrait réduire la performance à cause de la fatigue.

2.4 Formation

La formation est essentielle pour veiller à ce que les pilotes de la compagnie soient bien préparés pour les situations normales et d’urgence qu’ils pourraient rencontrer. Pour être efficace, la formation doit être conçue pour répondre aux besoins opérationnels de la compagnie, donnée efficacement, et suivie d’une formation périodique pour favoriser la conservation et le perfectionnement continu des compétences acquises. Dans le cas d’Ornge RW, des faiblesses dans chacun de ces domaines ont réduit l’efficacité de la formation offerte par la compagnie et ont contribué, durant le vol à l’étude, à l’impréparation de l’équipage à gérer les conditions rencontrées au départ de CYMO.

TC avait approuvé le manuel de formation qu’avait préparé Ornge RW et ce manuel satisfaisait aux exigences réglementaires (et à certains égards, les dépassait), mais la formation, telle qu’elle était conçue, comprenait des lacunes et ne répondait pas entièrement aux besoins opérationnels des équipages d’Ornge RW. Par exemple :

Une prestation inefficace et incohérente de plusieurs aspects de cette formation n’a fait qu’empirer les lacunes dans le plan de cours. Dans certains cas, des pilotes (y compris les pilotes en cause dans l’accident) n’avaient que peu de temps et aucun document de la compagnie pour se préparer à l’entraînement initial ou périodique sur simulateur. Une fois sur place, les pilotes n’avaient toujours pas accès aux documents de la compagnie et, dans plusieurs cas, l’entraînement – y compris celui dans un trou noir – ne s’est pas déroulé selon les SOP et le manuel de formation d’Ornge RW.

Comme l’ont souligné à plusieurs occasions des pilotes de la compagnie et TC, une partie de la formation, obligatoire selon le manuel de formation de la compagnie, ne figurait pas dans l’entraînement sur simulateur assuré par les entrepreneurs. L’entraînement pratique sur l’évitement des CFIT et au vol dans les trous noirs faisait partie des éléments d’entraînement qui étaient souvent omis; si l’on abordait ces sujets, c’était surtout à la discrétion de l’instructeur ou à la demande des pilotes à l’entraînement. Dans le cas de l’équipage du vol à l’étude, le capitaine n’avait reçu aucun entraînement en trou noir durant sa formation périodique sur le S-76; jugeant cet entraînement non réaliste, le capitaine l’avait refusé. Les dossiers des formations d’Ornge RW ne contiennent aucune indication selon laquelle le capitaine aurait reçu un entraînement pratique sur l’évitement des CFIT.

Une fois la formation de la compagnie terminée, il n’y avait que peu de suivi, sinon aucun, pour assurer la conservation et le perfectionnement continu des compétences acquises. Les pilotes du vol à l’étude n’avaient reçu aucune formation additionnelle au pilotage ni vérification après l’achèvement de leur entraînement sur simulateur, puisque la formation préparatoire au vol en ligne n’était pas requise, et que la formation sur la familiarisation avec la région consistait en un exposé verbal donné par un autre capitaine de ligne de la compagnie. La réglementation en vigueur ne comprend aucune exigence selon laquelle les pilotes en équipage multipilote assujettis à la sous-partie 703 du RAC doivent suivre une formation préparatoire au vol en ligne. Par conséquent, il y a un risque que les pilotes ne soient pas tout à fait prêts à exécuter en toute sécurité les tâches de leur siège désigné sur toutes les routes de la compagnie.

En outre, la compagnie n’avait aucun processus en place pour faire un suivi des problèmes cernés durant la formation de la compagnie, et la réglementation ne l’exigeait pas. Ainsi, les lacunes relevées chez les 2 pilotes en cause dans cet accident n’ont jamais été abordées. Même si le PVA de la compagnie avait indiqué que le capitaine devait acquérir plus d’expérience comme premier officier avant d’assumer les responsabilités de CdB, on a immédiatement employé le capitaine comme CdB. La compagnie n’a jamais tenu compte du fait que le capitaine n’avait pas suivi l’entraînement en trou noir obligatoire, même si cette lacune lui avait été signalée durant l’exposé au capitaine sur la région d’exploitation. Une formation insuffisante et inadéquate a contribué aux difficultés que l’équipage a éprouvées durant le départ depuis la piste 06 à CYMO.

Certains pilotes d’Ornge RW avaient obtenu des copies des examens de la compagnie et en donnaient aux pilotes récemment embauchés. Si les compagnies ne prennent pas les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité des examens obligatoires qu’elles imposent à leurs pilotes, il y a un risque que ces examens ne soient pas efficaces pour valider que les pilotes possèdent les connaissances requises pour effectuer en toute sécurité leurs tâches d’équipage de conduite.

2.5 Procédures d’utilisation normalisées

Des SOP efficaces sont nécessaires pour mener des activités sécuritaires et cohérentes. Elles établissent des attentes et des normes par rapport à des activités précises, ainsi que des paramètres qui permettent de détecter tout écart aux profils de vol standards. Comme l’explique le présent rapport, les SOP d’Ornge RW étaient inadéquates à plusieurs égards et manquaient d’indications visant à accroître la sécurité. Ce n’est pas la première fois qu’un rapport d’enquête aéronautique du BST fait état de SOP inadéquates.

Les SOP du S-76A d’Ornge RW en vigueur au moment de l’événement étaient celles du fournisseur précédent de services médicaux d’urgence par hélicoptère (SMUH). Ces SOP ne comprenaient aucune section sur les vols de nuit. Par conséquent, l’équipage a exécuté l’exposé d’un départ standard en mode VFR et a suivi ce profil, qui comprenait un virage vers le cap indiqué à 300 pieds agl, mais aucune précision pour exécuter cette manœuvre la nuit.

Quoique les SOP comprenaient une procédure particulière pour les départs dans un trou noir, la compagnie ne considérait pas CYMO comme une zone de trou noir. Il n’était donc pas obligatoire d’utiliser cette procédure, et il se peut que l’équipage n’ait pas considéré de le faire. La section sur les départs dans des trous noirs indiquait aux pilotes de monter à au moins 500 pieds agl avant d’effectuer un virage, et la plupart des pilotes plus chevronnés de la compagnie avaient adopté cette procédure pour tous les départs la nuit. La pratique d’atteindre 500 pieds agl avant d’effectuer un virage procure une marge additionnelle pour stabiliser le départ, franchir les obstacles et réduire les risques de CFIT.

Dans l’événement à l’étude, le premier angle d’inclinaison annoncé était de 30 degrés, et le PF a indiqué que l’inclinaison était trop prononcée. Pour réduire le risque de désorientation spatiale, plusieurs des pilotes chevronnés de la compagnie ne permettaient pas les virages à un taux supérieur à 1 la nuit Note de bas de page 276. Toutefois, aucun paragraphe dans les SOP du S-76A d’Ornge RW ne précise d’angle d’inclinaison normal ou maximal durant un virage. Ainsi, les équipages de conduite n’ont aucune limite prédéfinie pour les aider à reconnaître les écarts par rapport aux paramètres de vol établis.

Durant le vol à l’étude, le PF a été le seul à indiquer le réglage du radioaltimètre durant la séquence prévol. Seules les sections des SOP du S-76A d’Ornge RW portant sur les vols IFR contiennent les procédures sur l’utilisation du radioaltimètre. L’enquête a permis de déterminer que les pilotes à Ornge RW utilisaient plusieurs procédures informelles relativement au réglage du curseur de faible hauteur du radioaltimètre. Des procédures informelles peuvent semer la confusion et créer un manque de coordination : si les pilotes jumelés utilisent différentes procédures pour le radioaltimètre, cela réduira l’efficacité de cet appareil pour atténuer les risques de CFIT.

Dans les opérations multipilotes, les SOP facilitent la communication, la coordination des tâches de l’équipage de conduite et la gestion des menaces et des erreurs. La contre-vérification des réglages des instruments permet aux équipages de veiller à ce qu’ils se fient à la même information et de s’assurer que celle-ci est exacte. La relecture des éléments de listes de vérification, d’instructions et d’autorisations sert à relever et à restreindre les erreurs dans l’exécution des tâches du PF et du PM. Les SOP d’Ornge RW contenaient très peu d’indications destinées aux pilotes sur les procédures de contre-vérification et ne comprenaient aucune exigence en matière de relecture, sauf dans la section sur la phase en route. L’enquête a relevé peu d’indications indiquant que l’équipage de conduite ait fait des contre-vérifications et des relectures durant le vol à l’étude.

L’intégration de stratégies CRM pratiques dans les SOP accroît la coordination de l’équipage, et améliore la communication entre membres d’équipage ainsi que leur capacité de gérer efficacement les erreurs. Une CRM efficace exige une définition claire des rôles de PF et de PM, surtout durant les étapes critiques du vol, lorsque les marges d’erreur sont réduites. Dans l’événement à l’étude, le PM était affairé à exécuter les vérifications après décollage et à rechercher l’interrupteur des phares d’atterrissage durant une étape critique du vol. En conséquence, lorsque l’équipage de conduite a remarqué l’angle d’inclinaison et le taux de descente croissants, il était trop tard pour rétablir le vol. Les SOP du S-76A d’Ornge RW ne comprenaient que très peu d’indications sur les rôles et responsabilités d’équipage propres au PM et au PF.

Tous les pilotes à Ornge RW n’utilisaient pas les pratiques exemplaires indiquées dans la présente section, et celles-ci ne leur avaient pas été indiquées formellement par la compagnie ni incorporées dans les SOP du S-76A. Également, les lacunes dans les SOP de la compagnie n’ont jamais été relevées ou corrigées par des mises à jour, en partie en raison du non signalement de ces lacunes ou des pratiques exemplaires au moyen du système de gestion de la sécurité (SGS) de la compagnie. Comme l’aéronef en cause dans cet événement était en voie d’être retiré du service, il est probable que les SOP du S-76A ne représentaient pas une priorité élevée. De plus, le CP au moment de l’événement, dont le rôle comprenait la responsabilité d’élaborer et de gérer les SOP, connaissait mal les SOP du S-76A et manquait d’expérience en services médicaux d’urgence (SMU). La lourde charge de travail du gestionnaire des opérations et du CP, ainsi que les problèmes de ressources durant la période qui a précédé l’accident, sont analysés à la rubrique 2.7.2.

Ornge RW n’avait pas de SOP particulières aux vols de nuit pour aborder les dangers propres aux opérations de nuit, sauf pour les zones de trou noir désignées, dont Moosonee ne faisait pas partie. Par conséquent, l’insuffisance des SOP de vol de nuit de la compagnie a contribué à cet accident.

Des SOP rigoureuses fondées sur des principes CRM efficaces, les pratiques exemplaires du secteur et l’expérience opérationnelle renforcent la sécurité opérationnelle. TC doit examiner les SOP des exploitants assujettis à la sous-partie 705 du RAC, ce qui donne à l’organisme de réglementation un aperçu de la façon dont une compagnie mène ses activités et lui permet de la comparer à d’autres compagnies du même secteur d’activité. Le processus d’examen est également l’occasion pour le ministère de faire des observations lorsque les SOP sont inadéquates ou non conformes aux pratiques exemplaires. Il pourrait être avantageux pour les exploitants d’aéronefs multipilotes assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC, en particulier les nouveaux exploitants, de laisser TC examiner leurs SOP durant les activités de surveillance de routine.

Comme l’a déjà souligné le BST dans des rapports d’enquête aéronautique précédents, aucun processus réglementaire à l’heure actuelle ne prévoit l’examen par TC des SOP d’exploitants d’aéronefs multipilotes assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC. Par conséquent, il y a un risque d’adoption de procédures non optimales.

2.6 Contrôles de compétence pilote

Selon la réglementation en vigueur, tous les capitaines et premiers officiers d’hélicoptère assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC sont assujettis à la même CCP, selon la sous-partie qui s’applique aux activités. Tous les pilotes d’hélicoptère, peu importe s’ils doivent assumer les fonctions de capitaine ou de premier officier, doivent réussir le CCP au rang de capitaine pour la sous-partie concernée.

Cette absence de différenciation fait qu’il n’y a pas de « CCP pour premier officier » ou de « CCP pour capitaine ». Tout pilote qui réussit un CCP sur hélicoptère satisfait à l’exigence minimale pour exercer les fonctions de CdB à bord du type d’aéronef indiqué. Outre l’échec du pilote, il n’y a aucun mécanisme en place pour qu’un PVA empêche un pilote d’exercer les fonctions de CdB d’hélicoptère.

Un pilote peut obtenir jusqu’à 4 cotes 2 (c’est-à-dire des écarts majeurs que le pilote constate et corrige en temps opportun) durant un CCP et réussir l’épreuve, et pourra servir comme capitaine à bord du type d’aéronef indiqué. Or, étant donné la complexité de certaines opérations par hélicoptère multipilote, cette norme pourrait être insuffisante pour déterminer si un pilote est bien préparé à servir comme CdB à bord d’un aéronef multipilote. Si, durant un CCP, un pilote n’a qu’un seul écart majeur et qu’il le corrige en temps opportun, cet écart pourrait n’être rien de plus qu’une simple erreur humaine. Par contre, plusieurs écarts majeurs durant un bref vol pourraient indiquer un manque de compétence du candidat au poste de CdB.

Permettre à un pilote qui accumule les écarts majeurs de servir comme CdB n’est pas sans risque, et ces risques pourraient avoir des conséquences graves sur la sécurité du vol. Il serait donc judicieux que les capitaines et premiers officiers d’hélicoptère multipilote soient tenus de satisfaire à différentes normes correspondant à leurs responsabilités. Malgré le fait que le capitaine en cause avait réussi son CCP en mars 2013, le PVA et l’inspecteur principal de l’exploitation (IPE) de TC avaient exprimé de sérieuses réserves à l’idée d’employer immédiatement le capitaine dans un rôle de CdB. Toutefois, comme le capitaine n’avait pas échoué au CCP, le PVA avait peu de recours pour limiter sa désignation. Par conséquent, le PVA a recommandé au gestionnaire des opérations et au CP de la compagnie que le capitaine en cause serve uniquement comme premier officier jusqu’à ce qu’il acquière plus d’expérience. Malgré cette recommandation, aucune restriction n’a été imposée au capitaine en cause de servir comme CdB.

Selon la réglementation en vigueur, la même norme CCP s’applique aux capitaines et aux premiers officiers d’hélicoptère assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC. Ainsi, il y a un risque accru qu’un pilote affecté comme capitaine ne possède pas les compétences et les aptitudes CRM nécessaires pour assumer en toute sécurité ces responsabilités.

2.7 Facteurs liés à l’organisation et à la gestion de la compagnie

Pour veiller à ce que les pilotes soient bien préparés à effectuer des opérations aériennes, une compagnie doit se munir de processus de sécurité tels qu’une formation efficace, des SOP, la supervision des pilotes et l’appariement des membres d’équipage. Au moment de l’accident, il y avait plusieurs manquements à la sécurité à ce chapitre à Ornge RW. La direction de la compagnie était au courant de certains de ces manquements, mais elle n’avait pas pris toutes les mesures nécessaires pour les corriger. La formation et les SOP ont été analysées aux rubriques 2.4 et 2.5 respectivement.

2.7.1 Affectation des équipages et appariement des membres d’équipage

Les services de taxi aérien par hélicoptère peuvent se dérouler dans diverses conditions d’exploitation, techniques, environnementales et géographiques. L’on se fie énormément à l’expérience des équipages pour gérer la nature variable et imprévisible de ces activités; c’est pourquoi l’affectation des équipages et l’appariement optimal des membres d’équipage sont cruciaux.

Entre l’été et l’automne 2012, Ornge RW a aboli les postes de pilote gestionnaire à ses bases d’aéronefs à voilure tournante. Certaines indications laissaient supposer que cette mesure visait à changer la structure de direction par rapport à celle de l’exploitant précédent et à poursuivre la transition à Ornge RW. L’affectation et l’appariement des pilotes étaient une fonction clé des pilotes gestionnaires. Connaissant leurs régions d’exploitation locales et leurs équipages, les pilotes gestionnaires prenaient en considération les compétences et l’expérience des pilotes et appariaient les pilotes de manière à équilibrer les forces et faiblesses individuelles. Bien que le poste de pilote gestionnaire ne soit pas requis par la réglementation, son abolition a accru les risques d’appariements sous-optimaux de pilotes pour effectuer des vols.

En juillet 2012, après l’abolition des postes de pilote gestionnaire, Ornge RW a mis en place un système centralisé d’affectation des équipages, le même système qui était en place à Ornge FW. La disponibilité des pilotes et la politique sur le jumelage de pilotes inexpérimentés que décrit la Directive d’opérations aériennes (FOD) 034 étaient les seuls critères dont se servait le service centralisé pour affecter et apparier les pilotes. Comme les 2 pilotes du vol à l’étude avaient des faiblesses semblables au chapitre de l’expérience IFR et des vols de nuit, ils ne formaient pas un bon équipage multipilote. Étant donné les différences dans la nature des opérations et dans le savoir-faire requis, un système centralisé d’affectation qui utilise pour seul critère la disponibilité des pilotes ne peut vraisemblablement pas tenir compte de l’expérience, des forces et des faiblesses des pilotes d’hélicoptère nécessaires pour le travail aérien et les services de taxi aérien. Si l’on ne tient pas compte de l’expérience et de la compétence des pilotes dans l’affectation des équipages, il y a risque d’appariements sous-optimaux, ce qui réduit les marges de sécurité.

Le service centralisé d’affectation des équipages était responsable du suivi et de la vérification des qualifications et du maintien des compétences des pilotes, mais il ne remplissait pas ces tâches au moment de l’accident. Avant la transition à un système centralisé d’affectation des pilotes, ce sont les préposés au suivi des vols qui étaient responsables de la vérification des qualifications et du maintien des compétences des pilotes, conformément au Flight Following Manual. Cette responsabilité a été confiée au service centralisé d’affectation, mais celui-ci n’a pas mis en œuvre les processus pertinents. Ornge RW n’utilisait pas son programme de suivi du maintien des compétences (Aviation All In One (logiciel) [AvAIO]) comme elle le devait pour s’assurer que les pilotes satisfaisaient aux exigences réglementaires et de la compagnie concernant le maintien des compétences au vol de nuit. Par conséquent, le service centralisé d’affectation n’a pas constaté que le premier officier n’était pas qualifié pour le vol en question, et ce, selon des données erronées dans AvAIO.

2.7.2 Érosion des politiques et procédures de la compagnie

La préparation opérationnelle des pilotes en cause était inadéquate pour les conditions en vigueur au départ de CYMO. À ce chapitre, Ornge RW avait établi des politiques et procédures qui dépassaient les exigences réglementaires minimales, mais ces politiques et procédures ont été contournées et érodées lorsque sont survenues des difficultés.

Les exemples suivants montrent comment, aux prises avec des pénuries de pilotes et de personnel, Ornge RW a modifié ou a omis d’utiliser les dispositifs de protection qui avaient été mis en place pour garantir la préparation opérationnelle de ses pilotes :

Ornge RW avait établi des politiques et procédures pour définir la préparation opérationnelle de ses pilotes, mais la compagnie les contournait et contribuait à leur érosion; l’équipage en cause n’était donc pas préparé, sur le plan opérationnel, aux conditions en vigueur la nuit de l’événement.

Une pénurie de personnel au service des opérations aériennes d’Ornge RW était à la source de l’érosion des politiques et procédures qui devaient garantir la préparation opérationnelle. Ce service a fait l’objet d’un important roulement de personnel au cours de sa première année suivant la certification, en 2012. Si la dotation en personnel aux postes clés s’est stabilisée à l’automne 2012, les titulaires des postes combinés de gestionnaire des opérations  / CP intérimaire et de CP adjoint n’avaient aucune expérience de gestion et des opérations SMU, respectivement.

Outre le fait qu’ils étaient novices dans leurs nouveaux rôles, le gestionnaire des opérations  / CP intérimaire et le CP adjoint recevaient peu de soutien opérationnel à Ornge RW. Par exemple :

Au service des opérations aériennes, une charge de travail trop lourde pour seulement 2 personnes a nui à la capacité de l’organisation de gérer et d’administrer ses programmes opérationnels. TC a établi ce fait durant son IVP en janvier 2013, et la compagnie était au courant de la situation, mais ne l’avait pas corrigée avant l’accident, en partie parce que le gestionnaire des opérations / CP intérimaire et le CP adjoint étaient surchargés et manquaient de ressources. Malgré leur charge de travail déjà élevée, ces 2 personnes ont dû par surcroît jouer un rôle pivot dans l’élaboration de plans de mesures correctives (PMC) comme suite à l’IVP de janvier 2013. Par conséquent, à cause d’un manque de ressources, plusieurs tâches réglementaires et liées à la sécurité n’ont été accomplies qu’en partie ou pas du tout, y compris les suivantes :

Par conséquent, la compagnie confiait des vols à des pilotes qui n’étaient ni préparés ni qualifiés. Or, comme Ornge RW menait ses activités malgré une pénurie de personnel et du personnel inexpérimenté dans certains postes clés, des conditions dangereuses ont persisté.

2.7.3 Gestion de la sécurité

La gestion de la sécurité vise à cerner les dangers et à atténuer les risques. Les processus formels de gestion de la sécurité comportent un avantage certain – l’information de sécurité est documentée, et l’organisation peut agir par rapport à celle-ci. Ornge RW avait mis en place plusieurs processus de gestion de la sécurité qui faisaient partie du SGS de la société mère; or, soit ces processus n’avaient pas les ressources nécessaires, soit les pilotes de ligne et gestionnaires ne les utilisaient pas correctement. On gérait les problèmes de sécurité opérationnelle de façon informelle plutôt qu’au moyen du système d’information sur la sécurité de la compagnie. Les exemples suivants illustrent les conditions dangereuses qui existaient le jour de l’accident :

Ces préoccupations liées à la sécurité n’ont pas été consignées dans le système d’information sur la sécurité de la compagnie; par conséquent, aucune évaluation du risque n’a été faite, et aucune mesure d’atténuation n’a été mise en place. Ainsi, aucun changement n’a été apporté aux procédures ou aux méthodes d’affectation de la compagnie, et les risques qui avaient été cernés de façon informelle ont persisté.

En décembre 2012, Ornge RW a fait appel à un vérificateur externe en prévision de l’IVP de janvier 2013 par TC. L’audit n’a relevé aucun cas de non-conformité réglementaire, malgré les manquements qui existaient à ce moment-là et que l’enquête sur l’événement à l’étude a relevés plus tard. Ornge RW ignorait tout des non-conformités dans son programme de formation et dans son processus de suivi et de vérification des qualifications et du maintien des compétences des pilotes. L’ignorance d’Ornge RW de ces graves non-conformités réglementaires et conditions dangereuses représente une défaillance dans la gestion de la sécurité. Le service des opérations aériennes n’avait pas alors les ressources nécessaires pour satisfaire aux exigences réglementaires, et il ne comptait aucune fonction d’assurance-qualité des opérations aériennes.

Les approches informelles à la gestion des préoccupations de sécurité ne réduisent pas toujours efficacement les risques. Ornge RW gérait de façon informelle ses problèmes de sécurité plutôt qu’au moyen d’un système d’information sur la sécurité. Si l’on ne signale pas formellement les problèmes de sécurité au moyen d’un système d’information sur la sécurité d’entreprise, il y a risque d’une gestion inefficace des dangers.

2.8 Questions relatives à la survie des occupants

Le BST a cerné par le passé de nombreux cas où le port d’un casque protecteur aurait probablement évité aux pilotes de subir des blessures à la tête ou en aurait réduit la gravité. Bon nombre des pilotes à Ornge RW portaient le casque protecteur, mais certains, dont le capitaine en cause, ne le portaient pas. Il n’a pas été possible de déterminer dans quelle mesure le port d’un casque aurait atténué les blessures qu’a subies le capitaine. Si les équipages de conduite d’hélicoptère ne portent pas de casque protecteur, ils s’exposent à un risque accru de blessure ou de décès à cause de blessures à la tête comme suite à un accident.

2.9 Radiobalise de repérage d’urgence

2.9.1 Généralités

En novembre 1999, l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a adopté de nouvelles normes qui stipulaient qu’à compter du 1er janvier 2005, tous les pays membres de l’OACI devaient exiger que les radiobalises de repérage d’urgence (ELT) fonctionnent simultanément aux fréquences 406 MHz et 121,5 MHz. Comme pays membre, le Canada est tenu de se conformer aux normes de l’OACI, à moins que TC dépose une dérogation qui permette aux exploitants étrangers de prendre des décisions de vol éclairées dans l’espace aérien canadien. En 2008, TC a amorcé un processus d’établissement des règles fondé sur les changements de 2005 à la norme de l’OACI et les nombreux avantages des ELT de 406 MHz; toutefois, TC a choisi de retirer les changements proposés à la réglementation sur les ELT. Puis, en juin 2015, le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne de TC a publié un Avis de proposition de modification (APM) sur son site Web. Cet APM propose d’exiger l’installation d’ELT à double fréquence 121,5/406 MHz. Toutefois, au moment de rédiger le présent rapport, la réglementation sur les ELT n’a toujours pas été modifiée pour exiger l’utilisation d’ELT de 406 MHz au Canada. Par conséquent, le Canada ne se conforme pas aux Normes de l’Organisation de l’aviation civile internationale, qui stipulent que les ELT doivent émettre simultanément sur les fréquences 406 MHz et 121,5 MHz, et TC n’a déposé aucune dérogation auprès de l’OACI comme l’exige la Convention sur l’aviation civile internationale. Si les aéronefs ne sont pas munis d’une ELT fonctionnant à la fréquence de 406 MHz, les équipages de conduite et passagers sont exposés à un risque accru de blessure ou de décès en cas d’accident, car l’aide du personnel de recherche et sauvetage (SAR) pourrait être retardée.

2.9.2 Normes de conception des radiobalises de repérage d’urgence

Le document CAN-TSO-C126 stipule plusieurs normes de conception des ELT de 406 MHz. Toutefois, ces normes comportent des lacunes, en particulier en ce qui a trait aux exigences de résistance à l’impact du câblage et des composants de l’antenne des ELT.

L’ELT à bord de l’aéronef en cause était fort probablement en bon état de service au moment de l’événement, mais étant donné son antenne endommagée, elle n’a émis aucun signal. Le personnel SAR ne connaissait pas le lieu précis de l’accident, et aucun signal ne lui permettait de s’aligner sur cet emplacement au moyen de l’équipement embarqué. Il a donc fallu entreprendre des recherches aux alentours de CYMO avant que l’épave soit repérée. Il y a eu beaucoup d’autres événements où des problèmes de résistance à l’impact des antennes d’ELT ont empêché les satellites SAR de recevoir un signal, et ces problèmes sont amplement documentés. Des études réalisées par Recherche et développement pour la défense Canada (RDDC), le Centre canadien de contrôle des missions (CCCM), la National Aeronautics and Space Administration (NASA) aux États-Unis, et l’Australian Transport Safety Bureau (ATSB) ont souligné la nécessité de renforcer les normes de conception des systèmes ELT pour améliorer leur tenue à l’impact. Selon l’étude du RDDC, les dommages causés par impact étaient à l’origine de 92 % des échecs de transmission des ELT recensés dans les événements qui ont été étudiés.

Si l’on parvient à surmonter ces problèmes par une meilleure utilisation de la technologie, le taux d’échec des ELT sera probablement beaucoup plus faible. Au cours des dernières années, on a mis en marché des systèmes ELT qui comprennent un récepteur et une antenne interne de système mondial de positionnement pour navigation satellite (GPS). Ces systèmes ELT plus récents comprennent un degré additionnel de redondance qui pourrait accroître considérablement la probabilité de détection de leur signal, même si le système d’antenne externe est endommagé durant un écrasement. Ce n’est là qu’un exemple de mesures visant à améliorer le taux de réussite des ELT après un accident; bien entendu, on doit poursuivre ces travaux pour améliorer la résistance à l’impact des systèmes ELT. Malgré les problèmes de résistance à l’impact amplement documentés des ELT, aucun changement important n’a été apporté aux normes de l’OACI à cet égard. Les normes actuelles de conception des systèmes ELT ne comprennent aucune exigence sur un système d’antenne résistant à l’impact. Par conséquent, il y a un risque que les services SAR qui pourraient sauver des vies soient retardés si une antenne ELT est endommagée durant un événement.

Selon les spécifications ELT de Cospas-Sarsat au moment de rédiger le présent rapport, les ELT de 406 MHz doivent avoir un délai minimal avant la première émission d’environ 50 secondes entre le moment de l’activation et la première émission. En outre, il n’y a aucun intervalle maximal admissible avant la première émission, et certaines ELT en production ont un délai avant la première émission de 100 secondes. Si, pour quelque raison que ce soit, un système ELT cesse de fonctionner durant le délai avant la première émission, le système Cospas-Sarsat ne détectera aucun signal de détresse. On développe actuellement pour les systèmes ELT une nouvelle spécification de 406 MHz qui prévoit un délai avant la première émission beaucoup plus court, mais ces systèmes sont encore loin d’être disponibles. Les spécifications actuelles d’ELT de 406 MHz exigent un délai avant la première émission de 50 secondes ou plus après l’activation. Ainsi, les équipages de conduite et les passagers sont exposés à des risques accrus de blessure ou de décès comme suite à un événement si l’ELT cesse de fonctionner durant le délai avant la première émission.

Il existe des cas antérieurs documentés d’ELT Kannad de 406 MHz AF-H (comme celle à bord de l’hélicoptère en cause) qui n’ont pas été maintenus sur leur support par la sangle à ruban autoagrippant. Le BST, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis et la Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis, l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) et le fabricant ont par le passé émis des communications de sécurité, y compris des recommandations, sur ce sujet. Vers la fin de 2012, la FAA a émis la spécification technique TSO-C126b pour indiquer que les sangles à ruban autoagrippant n’étaient plus un élément de conformité admissible aux exigences de sécurité relatives aux écrasements stipulées au document DO-204A de la RTCA. Toutefois, ce changement ne s’appliquait pas aux ELT déjà installées.

TC a indiqué son intention d’adopter la spécification TSO-C126b et a récemment publié une évaluation préliminaire des questions et des consultations liée à ce sujet, mais il n’y a aucune indication sur la date éventuelle d’une modification aux normes courantes de conception des ELT. De plus, TC a indiqué que, advenant une modification des normes de conception des ELT, il n’avait aucune intention d’exiger que les ELT déjà installées conformément à la TSO-C126a soient mises à niveau pour satisfaire à la nouvelle norme TSO-C126b. Par conséquent, les installations d’ELT avec sangles à ruban autoagrippant sont encore permises au Canada, et un grand nombre de ces dispositifs demeureront en service dans un avenir prévisible. Malgré les problèmes bien documentés des sangles à ruban autoagrippant, TC n’a toujours pas adopté la spécification TSO-C126b. Par conséquent, le risque persiste que l’on ne reçoive pas les signaux d’ELT retenues par des sangles à ruban autoagrippant à cause de la défaillance de ces sangles durant un impact.

2.10 Règlement sur les vols de nuit

2.10.1 Définition des règles de vol à vue la nuit au Canada

Les vols effectués en mode VFR, peu importe s’ils se déroulent le jour ou la nuit, doivent respecter 2 principes : la navigation avec repères visuels à la surface, et la notion d’espacement entre aéronefs qui consiste à « voir et éviter ». Les articles 602.114 et 602.115 du RAC stipulent que pour tout vol VFR de nuit, dans un espace aérien contrôlé ou non contrôlé, l’aéronef doit être « utilisé avec des repères visuels à la surface Note de bas de page 277 ».

Les règles VFR de nuit varient d’un pays à l’autre. Dans certains pays, les vols VFR de nuit sont interdits, et les vols à l’extérieur des zones de contrôle doivent se dérouler selon les IFR. Dans d’autres pays, les vols VFR de nuit sont limités à des endroits très restreints. Aux États-Unis, les règles VFR de nuit pour hélicoptères stipulent qu’il doit y avoir suffisamment de lumière pour maîtriser l’aéronef en toute sécurité. Au Canada, la réglementation générale gouvernant les vols VFR de nuit ne comprend aucune exigence de la sorte.

Comme la réglementation ne définit pas le concept de « repères visuels à la surface », on peut l’interpréter librement. TC a indiqué que la présence d’un horizon visible est l’une des conditions nécessaires aux vols VFR de nuit. Toutefois, dans les régions éloignées et celles où il n’y a que peu ou pas d’éclairage artificiel, ces vols se déroulent souvent dans des conditions sans horizon visible et qui n’offrent aucun repère visuel à la surface. Dans l’ensemble du secteur de l’aviation, on considère que ce problème pose un risque aux opérations de nuit, à un point tel qu’Ornge RW a émis un bulletin de sécurité à ce sujet au cours du mois qui a précédé l’accident. Ce bulletin présentait des scénarios où des pilotes volant dans des zones offrant peu de repères visuels externes, sinon aucun, sont rapidement victimes de désorientation spatiale.

En général, pour les exploitants et équipages de ce secteur d’activité, « VFR de nuit » s’entend d’un vol exploité dans les conditions météorologiques VFR; en l’absence de repères visuels, on doit utiliser les compétences et procédures de vol aux instruments. Les enquêteurs ont constaté que la plupart des pilotes à Ornge RW ne considéraient pas qu’agir ainsi était contraire aux règles. Le ministère lui-même approuve des routes VFR de nuit dans des zones où il n’y a que peu ou pas d’éclairage artificiel, et les exploitants ne sont pas tenus d’établir qu’ils peuvent maintenir des repères visuels sur ces routes.

Ornge RW utilise un système de contrôle d’exploitation de type « C » dans le cadre duquel il revient aux pilotes d’accepter ou de refuser une mission. Selon la réglementation en vigueur, les exploitants d’ambulances aériennes n’ont pas à faire d’évaluation formelle du risque pour déterminer si, dans les circonstances, on peut justifier les risques que comporte une mission. La nuit de l’événement, le capitaine avait refusé à 2 reprises d’effectuer le vol à destination d’Attawapiskat à cause de mauvaises conditions météorologiques. Lorsque les conditions météorologiques signalées se sont améliorées, faisant état d’un ciel couvert à 9000 pieds et d’une visibilité de 9 milles terrestres (sm), le capitaine a accepté la mission. Toutefois, étant donné le ciel couvert à moyenne altitude et l’absence quasi totale d’éclairage artificiel, il est peu probable que l’équipage ait pu apercevoir l’horizon ou maintenir le contact visuel avec la surface après le départ de CYMO et en route.

L’article 602.115 du RAC ne définit pas la notion de « référence visuelle à la surface », que l’on interprète librement dans le secteur comme voulant dire des conditions VMC. Ainsi, il est permis d’effectuer des vols de nuit sans repères visuels suffisants, ce qui accroît les risques de CFIT et d’accidents avec perte de contrôle.

2.10.2 Systèmes d’imagerie de vision nocturne

Le Canada comprend de vastes régions où il n’y a que peu ou pas d’éclairage artificiel pour aider les pilotes à maintenir le contact visuel avec la surface, durant les vols VFR de nuit sans aides visuelles. Dans ces régions, il faut un ciel dégagé et une importante luminosité céleste pour maintenir le contact visuel avec la surface, sinon on doit utiliser un quelconque système d’imagerie de vision nocturne (SIVN).

En 2006, le NTSB a publié un rapport spécial intitulé Special Investigation Report on Emergency Medical Services Operations.Ce document mettait en valeur les avantages potentiels des LVN, mais le NTSB n’avait alors formulé aucune recommandation exigeant leur utilisation. En 2009, le NTSB a recommandé que la FAA exige des exploitants SMUH qu’ils installent de l’équipement SIVN et que les pilotes soient formés pour utiliser cet équipement durant les opérations de nuit. À ce jour, la FAA n’a pas imposé d’exigence réglementaire concernant les SIVN pour les opérations SMUH. Toutefois, plus de 90 % des exploitants de SMUH aux États-Unis ont adopté les LVN pour tirer parti d’une meilleure conscience de la situation et de la sécurité accrue que favorise leur utilisation.

D’autres pays ont pris des règlements qui exigent l’utilisation des SIVN durant les opérations SMUH de nuit, ainsi que des règlements particuliers sur l’approbation des SIVN pour les opérations VFR de nuit.

Au Canada, il n’y a à l’heure actuelle aucune exigence sur l’utilisation de SIVN pour les SMUH ou quelque autre activité. Néanmoins, le nombre d’exploitants qui ont adopté un type quelconque de SIVN a beaucoup augmenté au cours des dernières années. Les LVN de nouvelle génération ont beaucoup évolué, et les exploitants ne sont plus dissuadés par les capacités limitées des anciennes versions. Ainsi, l’utilisation de LVN par les exploitants d’aéronefs civils à voilure tournante s’est accrue progressivement.

Ornge RW a pour politique de ne pas dépêcher d’hélicoptère la nuit dans des endroits sans zone d’atterrissage dédiée, ce qui explique en partie sa décision de ne pas équiper sa flotte d’AW139 d’éclairage compatible avec les LVN et de ne pas convertir sa flotte de S-76 aux LVN. Or, il est courant pour la compagnie d’effectuer des vols VFR de nuit qui survolent de vastes régions où il n’y a que très peu ou pas d’éclairage artificiel. Dans des conditions météorologiques qui, techniquement, conviennent au vol VFR, mais offrent peu d’éclairage ambiant, il n’est pas toujours possible d’effectuer des vols avec des repères visuels à la surface. Même s’il y a un contact visuel avec la surface au départ, il y a un risque, surtout dans les régions éloignées aux prévisions météorologiques limitées, que les conditions en route changent et que l’on perde le contact visuel requis avec la surface.

Si, durant des opérations VFR de nuit, les pilotes poursuivent un vol dans des conditions sans éclairage artificiel ou ambiant et sans autre moyen pour maintenir le contact visuel avec la surface, il y a un risque accru de CFIT et d’accidents avec perte de contrôle.

2.11 Exigences sur le maintien des compétences de vol aux instruments

Les compétences de vol aux instruments sont un moyen de défense nécessaire pour les vols commerciaux VFR de nuit, même lorsque ces vols se déroulent avec des repères visuels à la surface. Les équipages doivent en tout temps surveiller visuellement les instruments et se tenir prêts à utiliser uniquement les instruments de vol s’ils se trouvent dans des conditions où les repères visuels à l’extérieur de l’aéronef sont insuffisants pour conserver la maîtrise de celui-ci. Les pilotes doivent maintenir leurs compétences conformément au paragraphe 401.05(3) du RAC, qui permet, au minimum, d’exercer les avantages d’une qualification aux instruments s’ils ont réussi un CCP IFR au cours des 12 derniers mois à bord du type d’aéronef qu’ils utilisent, sans autre exigence.

Certains pilotes qui détiennent la qualification aux instruments peuvent maintenir un niveau de compétence plus élevé en effectuant des vols opérationnels ou d’entraînement. Toutefois, Ornge RW mène ses activités presque exclusivement dans des conditions VFR, et ses pilotes effectuent rarement des vols aux instruments entre leurs séances annuelles d’entraînement périodique sur simulateur. L’enquête a permis d’établir que beaucoup de pilotes de ligne et d’inspecteurs régionaux, et même certains cadres supérieurs à TC, estiment que les exigences courantes en matière de maintien des compétences de vol aux instruments n’assurent pas un niveau de sécurité adéquat, étant donné la longueur de l’intervalle entre les vols aux instruments qu’effectuent les pilotes. Malgré ces préoccupations, les pilotes qui ont maintenu leurs compétences à jour conformément à la réglementation hésiteraient probablement à refuser d’effectuer un vol aux instruments, étant donné la réaction attendue à un tel refus. Eu égard à la réglementation courante, il serait ainsi très difficile pour un pilote qui doute de ses compétences de vol aux instruments de refuser un vol par souci des conséquences possibles avec son employeur, qui s’attend à ce qu’un pilote puisse travailler conformément à la réglementation.

Certains exploitants au Canada ont reconnu les risques liés à la réglementation en vigueur et ont volontairement imposé des exigences trimestrielles et semestrielles sur la récence des vols aux instruments. Les réglementations Federal Aviation Regulations (FARs) et Joint Aviation Requirements comprennent des exigences de récence plus strictes sur les vols aux instruments; elles exigent des pilotes qu’ils suivent un entraînement de maintien des compétences de vol aux instruments tous les 6 mois pour conserver leur qualification aux instruments.

Dans l’événement à l’étude, les 2 pilotes avaient satisfait aux exigences minimales de maintien des compétences de vol aux instruments, conformément à la réglementation, mais n’étaient pas préparés pour les conditions en vigueur durant le vol. Le PF avait éprouvé des difficultés avec les procédures aux instruments lors de son entraînement initial sur simulateur 9 mois avant l’événement, et avait dû faire des heures d’entraînement supplémentaires. Après cet entraînement, il a réussi le CCP IFR avec 3 écarts majeurs. Il n’y a aucune indication que le PF avait effectué un vol IFR entre sa formation initiale et le vol à l’étude. En fait, au moment de l’événement, le PF n’avait accumulé aucune heure de vol IFR réelle à bord d’hélicoptères; les seuls vols aux instruments qu’il avait réalisés étaient sur simulateur. Le capitaine n’avait effectué aucun vol IFR, autre que durant l’entraînement, entre 2011 et la date de son entrée en service à Ornge RW. Outre la partie IFR de sa formation périodique sur le S-76 en mars, il n’avait effectué aucun vol IFR ni reçu de formation IFR à Ornge RW avant l’accident.

Les exigences de maintien des compétences de vol aux instruments du RAC sont telles que les pilotes sont considérés comme à jour même s’ils n’ont effectué aucun vol en utilisant les procédures aux instruments au cours d’une période allant jusqu’à 12 mois. Ainsi, les pilotes peuvent effectuer des vols dans des conditions IFR ou de nuit noire avec une compétence minimale aux vols IFR, ce qui accroît les risques de CFIT et d’accident avec perte de contrôle.

2.12 Système d’avertissement et d’alarme d’impact

Les CFIT sont un enjeu de sécurité d’envergure mondiale. L’introduction du dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) et du plus évolué système d’avertissement et d’alarme d’impact (TAWS) a été l’une des plus importantes percées pour contrer ce type d’accident. En 1995, le BST a publié la recommandation A95-10 qui demandait que tous les aéronefs de ligne et de transport régional à turbopropulseur et approuvés pour le vol IFR, et pouvant transporter au moins 10 passagers, soient équipés d’un dispositif GPWS. Après d’importants retards, TC a publié de nouvelles règles selon lesquelles aucun exploitant commercial ou privé ne peut utiliser un aéronef à turbopropulseur dont la configuration prévoit au moins 6 sièges, sans compter les sièges pilotes, à moins que celui-ci ne soit équipé d’un TAWS en état de marche comprenant une fonction de précision d’altitude améliorée. Bien qu’elles constituent une amélioration, ces nouvelles règles ne s’appliquaient pas aux hélicoptères privés et commerciaux, qui volent couramment à des altitudes inférieures à celles d’aéronefs à voilure fixe.

Dans l’événement à l’étude, l’aéronef n’était pas muni d’un dispositif TAWS, et la réglementation en vigueur ne l’exigeait pas. Par conséquent, l’équipage de conduite n’a reçu aucun avertissement que l’aéronef descendait involontairement. La réglementation en vigueur n’exige pas l’installation d’un dispositif TAWS à bord d’hélicoptères privés ou commerciaux, peu importe le nombre de sièges à bord. Si les hélicoptères ne sont pas munis de dispositifs TAWS, les équipages de conduite et les passagers sont exposés à un risque accru de CFIT, en particulier durant les vols de nuit ou aux instruments.

2.13 Surveillance réglementaire : Transports Canada

2.13.1 Généralités

Il incombe à toutes les compagnies de transport de gérer les risques pour la sécurité que posent leurs activités. Toutefois, comme la capacité ou le niveau d’engagement à gérer efficacement la sécurité varient d’une compagnie à l’autre, l’organisme de réglementation doit pouvoir effectuer une supervision qui favorise la détermination et l’atténuation proactive des risques, et intervenir quand il le faut pour au moins garantir la conformité réglementaire.

L’enquête sur l’événement à l’étude a révélé des problèmes quant à la rectification en temps opportun de non-conformités réglementaires à Ornge RW, et sur le plan du traitement de ces non-conformités par TC et Ornge RW. Tout est survenu au cours d’une période lors de laquelle TC était en transition à une approche favorisant la surveillance des systèmes; l’une des conséquences fut que la formation et l’orientation fournies aux inspecteurs ont donné lieu à de l’incertitude et à une surveillance qui était soit incohérente, soit inefficace, ou encore les deux.

2.13.2 Rectification en temps opportun des non-conformités

Pour développer la culture de sécurité nécessaire pour appuyer une approche systémique, on doit réserver les mesures d’application aux situations où un exploitant refuse de corriger un problème qui a été cerné, ou aux cas d’infraction ou de non-conformité volontaires. S’il y a des avantages certains à laisser un exploitant participer activement à la correction de non-conformités relevées durant les activités de surveillance, TC doit néanmoins s’assurer qu’elles sont rectifiées en temps opportun.

De mai 2012 à la date de l’accident, la compagnie et TC avaient relevé de multiples cas d’omission de parties du programme de formation des équipages de conduite, notamment l’entraînement sur l’évitement des CFIT et les volets IFR et VFR du programme d’entraînement sur simulateur. Lorsque TC a cerné ces problèmes de formation durant son IVP, en janvier 2013, l’équipe d’inspection a considéré la possibilité de présenter un avis de suspension (AS) à Ornge RW dans l’éventualité où la compagnie refuserait de prendre les mesures nécessaires pour corriger les problèmes cernés. Toutefois, l’exploitant a volontairement suspendu ses opérations aériennes à 2 occasions distinctes pendant qu’il vérifiait les dossiers de formation des pilotes pour corriger les lacunes.

Après l’IVP, l’exploitant avait pris suffisamment de mesures pour satisfaire aux préoccupations immédiates, y compris la vérification des dossiers de formation et la distribution d’une interdiction aux pilotes d’accepter un vol s’ils n’avaient pas achevé tous les volets de leur programme d’entraînement. L’entraînement sur l’évitement des CFIT faisait exception : la compagnie avait indiqué qu’il faudrait plus de temps pour achever ce volet et qu’elle dresserait un PMC à court terme è cet effet. TC trouvait cette approche acceptable; or, la compagnie n’a jamais présenté ni mis en œuvre ce PMC. Le problème de l’entraînement sur l’évitement des CFIT a ainsi persisté jusqu’après l’accident. Il était évident, durant l’IVP de janvier 2013, qu’Ornge RW n’avait pas les ressources nécessaires pour rétablir la conformité de la compagnie en temps opportun, mais on n’a pas tenu compte de ce fait durant le processus décisionnel après la surveillance. TC a plutôt permis à Ornge RW de rectifier ces non-conformités uniquement au moyen d’un PMC, malgré la disponibilité d’outils, comme la surveillance accrue et un AS, pour favoriser un rétablissement de la conformité en temps opportun. Les raisons qui sous-tendent la décision d’utiliser uniquement le processus PMC sont examinées de plus près à la rubrique 2.13.3.

Le processus PMC peut être long. Dans le cas d’Ornge RW, à cause du temps requis pour dresser des PMC et réviser ceux que TC avait refusés, 127 jours s’étaient écoulés entre le jour où les problèmes de formation avaient été cernés et le jour de l’accident. Comme les dates de fin des PMC à plus long terme n’étaient pas encore échues au moment de l’accident, TC n’avait toujours pas achevé son suivi pour s’assurer que les mesures correctives proposées avaient été mises en œuvre. Dans le cadre de ce processus, les mesures correctives à long terme doivent être achevées dans un délai de 90 jours; or, ce délai ne comprend pas la préparation d’un PMC, et la période de 90 jours ne commence qu’une fois qu’un PMC est accepté.

Comme l’a montré l’événement à l’étude, des lacunes touchant l’ensemble de la formation ont été cernées à maintes reprises, d’abord par la compagnie en mai 2012, puis durant les activités de surveillance de TC en décembre 2012 et janvier 2013. Chaque fois, la compagnie a assuré à TC qu’elle corrigerait ces problèmes. Or, au moment de l’inspection de processus (IP) après l’événement, 4 mois s’étaient écoulés depuis l’IVP; plus de 6 mois s’étaient écoulés depuis que l’on avait cerné le problème d’une formation incomplète durant l’IP menée en novembre 2012; et plus d’un an s’était écoulé depuis que le personnel de la compagnie avait soulevé ce problème. Malgré le processus PMC en cours, l’IP après l’événement a relevé des lacunes relatives :

Cet accident fait ressortir le fait que l’approche de TC relativement à ses activités de surveillance n’a pas mené à la rectification en temps opportun des non-conformités qui avaient été relevées, et que des pratiques dangereuses ont persisté.

2.13.3 Sélection des options de surveillance

Comme l’explique l’enjeu « Gestion de la sécurité et surveillance » de la Liste de surveillance 2014 du BST, une approche équilibrée à la surveillance réglementaire est un élément clé pour promouvoir la sécurité, étant donné les grandes différences entre exploitants au chapitre de la capacité et de la volonté de gérer la sécurité. En plus des inspections traditionnelles, cette approche doit comprendre une vérification proactive des systèmes de sécurité d’un exploitant pour assurer sa conformité réglementaire, suivie d’interventions rapides pour éliminer les pratiques d’exploitation non sécuritaires.

En 2005, TC a adopté une approche systémique de la surveillance réglementaire et a changé sa façon de déterminer la conformité réglementaire en passant d’inspections directes uniquement, à un modèle qui comprend un examen de l’efficacité des processus de gestion de la sécurité du titulaire de certificat. Au départ, l’intention de TC était d’avoir un système à 2 couches qui lui permettrait d’examiner les processus de gestions de la sécurité d’un exploitant tout en conservant la capacité de faire des vérifications et inspections réglementaires, selon le cas. Cette insistance sur la conformité est nécessaire au cas où un exploitant serait incapable d’adhérer en temps opportun au processus PMC ou refuserait de le faire, ou dans des situations de non-conformité volontaire.

Une approche équilibrée à la surveillance réglementaire permettrait à l’organisme de réglementation de maintenir des activités de surveillance accrues par des inspections directes, dans le cas d’un exploitant qui n’a pas de SGS ou qui en est aux premières étapes de développement d’un SGS. Cette approche procurerait une assurance suffisante que la compagnie mène ses activités conformément à la réglementation. À mesure que s’établit le système de gestion de la compagnie, les activités d’inspection directe pourraient être réduites.

Comme il a été démontré à la rubrique 2.7.2, TC avait amplement d’indications après l’IPV de janvier 2013 qu’Ornge RW n’avait pas la capacité de rétablir sa conformité réglementaire en temps opportun. Pourtant, ce n’est pas la capacité réelle de l’exploitant de rectifier ses non-conformités, mais bien sa volonté de participer au processus PMC qui a influé sur la décision de TC d’utiliser uniquement ce processus.

TC avait à sa disposition 3 autres outils de supervision, chacun pouvant motiver le changement ou permettre une surveillance accrue :

  1. Un AS, qui aurait accordé à l’exploitant un délai limité pour rectifier les non-conformités; cet outil a été considéré durant le processus décisionnel après surveillance, mais on l’a jugé inapproprié. Plusieurs facteurs ont influencé cette décision, notamment qu’il s’agissait de la première IVP d’Ornge RW, que la compagnie avait agi immédiatement pour rectifier les non-conformités relevées, qu’elle avait accepté toutes les constatations de l’IVP, et qu’elle avait manifesté sa volonté de mettre en œuvre les mesures correctives à court et à long terme.
  2. L’avis de détection, qui aurait entraîné des mesures d’application relatives aux non-conformités, n’a pas été considéré durant le processus décisionnel après surveillance, probablement pour les mêmes raisons pour lesquelles on a jugé l’AS comme inapproprié. On a jugé la prise de mesures d’application comme étant contraire à l’esprit de collaboration nécessaire au succès d’une approche systémique de la surveillance. En fait, ce n’est que lorsque des problèmes semblables ont été constatés durant l’IP après l’accident, en juin 2013, que les inspecteurs ont délivré 8 avis de détection à la Division de l’application de la loi en aviation de TC pour qu’elle prenne des mesures d’application.
  3. La surveillance accrue, qui aurait entraîné un niveau plus élevé de surveillance de l’exploitant pendant qu’il rectifiait ses non-conformités à la réglementation, n’a pas été retenue durant le processus décisionnel après surveillance. Croyant qu’il ne pouvait l’utiliser qu’après l’émission d’un AS, comme l’indiquaient les instructions visant le personnel SUR-001 édition 04 et SUR-002 édition 02, le personnel régional de TC ne considérait pas la surveillance accrue comme une option.

Par conséquent, si l’on a choisi le processus PMC comme unique moyen pour Ornge RW de rétablir sa conformité, c’est que l’on estimait ces autres options inutilisables ou inappropriées dans le cas d’un exploitant prêt à collaborer. Ce malentendu a contribué à la persistance de ces non-conformités.

2.13.4 Formation et procédures pour appuyer la transition à une approche systémique de la surveillance

L’approche traditionnelle de la surveillance des inspecteurs de TC se limitait à vérifier la conformité réglementaire des exploitants. Toutefois, pour accroître le niveau de sécurité au-delà de la simple conformité réglementaire, TC a adopté une approche systémique de la surveillance. Ce type d’approche exige que l’on vérifie non seulement si les exploitants se conforment à la réglementation, mais également s’ils ont en place des processus pour développer et gérer efficacement les mesures nécessaires pour corriger les causes sous-jacentes des non-conformités. À long terme, cette approche favorisera davantage la sécurité qu’un programme comprenant uniquement des inspections traditionnelles et des rectifications ponctuelles.

Un changement aussi important présente inévitablement des défis, et celui-ci a exigé beaucoup d’apprentissage et d’adaptation à tous les échelons de l’organisme de réglementation. En particulier, il faut aux inspecteurs de TC une formation et des procédures claires pour comprendre comment assurer une supervision efficace dans ce nouveau système. L’enquête a permis d’établir que, malgré une documentation exhaustive et des révisions aux documents d’orientation de TC, des doutes persistent. Ces doutes ont engendré une application inégale des procédures de surveillance en ce qui concerne la prise de décisions après surveillance, l’application de mesures relatives au certificat, et les stratégies des inspecteurs en matière d’étendue et d’échantillonnage.

2.13.4.1 Analyse et prise de décisions après surveillance

Comme il a été noté à la rubrique 2.13.3, le choix du processus PMC comme unique moyen pour Ornge RW de rétablir sa conformité découlait du fait que l’on estimait que les autres options étaient soit inutilisables soit inappropriées dans le cas d’un exploitant disposé à collaborer. La formation et l’orientation données aux inspecteurs ont contribué à ce malentendu. Par exemple :

2.13.4.2 Prise de mesures relatives au certificat

Suivant l’inspection de programme après événement, le personnel régional de TC a éprouvé des difficultés à monter un dossier pour la prise de mesures relatives au certificat, ce qui a renforcé la perception qu’il n’avait pas les bons outils pour le faire, même lorsque ces mesures étaient justifiées. Là aussi, la formation et l’orientation ont contribué à cette perception.

Les lignes directrices fournies aux inspecteurs de TC sur la façon de suspendre ou d’annuler un certificat d’exploitation en application de la Loi sur l’aéronautique sont beaucoup plus claires depuis quelques années, par exemple. Selon le SUR-001 Édition 04, une constatation majeure qui présente une menace immédiate à la sécurité justifie la délivrance immédiate d’un AS. Pourtant, ce document ne comprenait aucun critère quant à l’information nécessaire pour établir qu’il y a menace immédiate à la sécurité. Plus tard, en juillet 2011, TC a publié le SUR-014 Édition 01, qui donnait plus d’information sur la justification requise pour délivrer un AS.

Ainsi, suivant l’inspection de programme après événement, les inspecteurs régionaux de TC croyaient que des mesures relatives au certificat étaient justifiées étant donné les préoccupations liées à la sécurité et leur perte de confiance dans la compagnie. Le SUR-014 décrit 2 sections de la Loi sur l’aéronautique (concernant la certification et l’intérêt public) comme étant appropriées pour frapper une compagnie de mesures relatives au certificat. L’équipe IP a donc monté un premier dossier pour délivrer un AS aux termes de la section sur la certification. Toutefois, l’administration centrale de TC a informé l’équipe IP qu’un dossier ne pouvait être établi sur le fondement de cette section, mais qu’il était possible de fonder un dossier probant sur la clause de l’intérêt public. Comme il était impossible d’établir des antécédents aériens, l’équipe IP a dû abandonner les démarches visant les mesures relatives au certificat fondées sur cette clause.

En août 2013, TC a publié le BPI 2013-02, qui éclaircissait ce que l’on appelait un « malentendu » et donnait aux inspecteurs d’autres directives sur les sections de la Loi qu’il convenait d’utiliser selon les circonstances. Or, les inspecteurs de TC n’avaient pas ces directives au moment où ils montaient un dossier justificatif pour frapper Ornge RW d’un AS.

2.13.4.3 Étendue et échantillonnage

Une IVP menée en octobre 2014 utilisait une procédure d’échantillonnage ciblé que décrit le SUR-001 Édition 05, publié récemment. Ce document n’offrait aucune précision à savoir si l’on devait utiliser l’échantillonnage ciblé seul ou de pair avec l’échantillonnage régulier. L’Édition 05 comportait d’importantes différences par rapport à l’Édition 04, et les inspecteurs n’avaient pas encore reçu de formation propre à cette nouvelle version. Cette lacune a soulevé beaucoup de doutes chez les inspecteurs sur la façon d’appliquer l’échantillonnage ciblé, et s’il convenait de l’utiliser seul.

La portée et les détails de l’IVP se limitaient aux dispositions d’incrimination, étant donné que certains inspecteurs régionaux jugeaient que l’examen de dispositions ne constituant pas une infraction pouvait donner lieu à aucune mesure d’application et qu’en conséquence, leur examen serait futile. Cette perception provient en partie de l’abandon de l’AS suivant l’IP après l’événement de juin 2013, lorsque les renseignements nécessaires à la délivrance d’un AS n’étaient pas facilement disponibles.

Le SUR-001 Édition 05 indique clairement que les dispositions d’incrimination doivent être le principal lien avec les attentes qui définissent l’intention des exigences réglementaires; cela garantirait la disponibilité de l’information requise au cas où des mesures d’applications seraient nécessaires. Toutefois, l’Édition 05 ne limite pas les activités de surveillance aux dispositions d’incrimination.

Parce qu’elle a utilisé l’échantillonnage ciblé, qui ne visait que les dispositions d’incrimination dans l’examen des dossiers de formation des pilotes, l’équipe de l’IVP n’a vérifié qu’une petite partie des exigences réglementaires. Par exemple, l’inspection a simplement vérifié que les pilotes avaient fait le nombre requis d’heures d’entraînement, mais pas s’ils avaient reçu tout l’entraînement stipulé dans le manuel de formation de la compagnie. Par conséquent, on n’a pas validé si le programme de formation était appliqué comme il devait l’être.

Durant les préparatifs en vue de l’IVP d’octobre 2014, il était évident que le manque de formation sur la plus récente version du SUR semait la confusion et le doute chez certains inspecteurs quant à l’application des nouvelles procédures. Après l’IPV, TC a indiqué à l’exploitant que tous les domaines d’activité de la compagnie étaient conformes aux exigences réglementaires. Il s’agissait toutefois d’un échantillonnage ciblé qui se limitait aux dispositions d’incrimination et qui, comme tel, ne pouvait garantir que les non-conformités qui avaient mené aux constatations antérieures sur des dispositions ne constituant pas une infraction ne soient pas répétées.

Les problèmes décrits ci-dessus montrent que l’on n’a pas considéré pleinement, avant l’événement, toutes les options possibles pour amener Ornge RW à se conformer à la réglementation. Après l’événement, les inspecteurs ont éprouvé des difficultés à délivrer un AS lorsqu’ils ont perdu confiance dans l’exploitant, et la portée de l’IVP subséquente, menée plus d’un an après l’événement, était si limitée qu’elle ne pouvait garantir que les problèmes systémiques cernés précédemment aient été rectifiés.

Quoique TC ait fait de grands pas dans sa transition à une approche systémique de la surveillance, la formation et les directives données aux inspecteurs de TC n’ont fait que semer le doute, ce qui a mené à une surveillance incohérente et inefficace d’Ornge RW.

2.13.5 Application de la surveillance des systèmes dans les compagnies sans système de gestion de la sécurité

Les politiques, les procédures et la formation de TC relatives à une approche systémique de la surveillance s’appuyaient sur l’attente que tous les exploitants aériens mettent progressivement en œuvre des SGS et que tous aient en place un système formel pour gérer la sécurité. La capacité d’un exploitant de cerner et de rectifier les conditions dangereuses sous-jacentes, y compris la non-conformité réglementaire, est l’un des aspects clés d’un SGS. Cette capacité était l’une des bases de l’approche non punitive à la conformité réglementaire. En pratique, cela signifiait que l’on encourageait les inspecteurs à utiliser le processus PMC jusqu’à ce que les mesures correctives ne soient plus efficaces ou que le problème se répète.

TC développait l’expérience et la capacité pour mener ainsi ses activités de surveillance, tout en appuyant le secteur du transport aérien dans la mise en œuvre progressive de SGS :

Comme on a mis en place une approche systémique de la surveillance qui partait du principe que tous les exploitants devraient un jour se doter d’un SGS, l’intention était de s’assurer que les exploitants soient capables de cerner et de rectifier des conditions dangereuses sous-jacentes avant que l’on utilise les outils de surveillance des systèmes. Toutefois, en 2009 Note de bas de page 278, TC a suspendu la mise en œuvre de la réglementation SGS visant les exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du RAC pour accorder plus de temps au secteur pour s’y préparer, et à TC pour améliorer ses outils de surveillance et donner aux inspecteurs une formation à jour.

Malgré cette pause, TC a continué d’améliorer son approche systémique de la surveillance pour tous les exploitants aériens, y compris ceux qui n’étaient pas assujettis aux exigences sur les SGS. L’approche systémique peut être efficace pour tous les systèmes et processus, mais on doit d’abord vérifier la capacité des exploitants de cerner et de rectifier eux-mêmes les conditions dangereuses sous-jacentes.

Ornge RW a défini des problèmes dans son programme de formation en mai 2012, et TC a défini des problèmes semblables en novembre 2012 et en janvier 2013. Par ses insuccès répétés relativement au processus PMC, la compagnie a démontré qu’elle n’avait ni les ressources nécessaires pour rectifier les conditions dangereuses sous-jacentes en temps opportun ni la capacité de le faire. Avant qu’il décide d’employer uniquement le processus PMC, TC n’avait ni développé ni évalué la capacité d’Ornge RW de s’y conformer; cette décision se fondait principalement sur la volonté de la compagnie de rectifier ses non-conformités.

L’approche de TC relativement à la supervision des systèmes part du principe que tous les exploitants, même ceux sans SGS évalué, ont la capacité de rectifier les non-conformités. Lorsque des exploitants sont incapables de rectifier les non-conformités, il y a un risque accru que des conditions dangereuses persistent.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L’équipage a effectué le vol selon la règlementation relative au vol de nuit selon les règles de vol à vue sans lumière ambiante ni éclairage artificiel suffisants pour maintenir des repères visuels à la surface.
  2. Au-delà de l’extrémité de départ de la piste 06, le manque de repères visuels a obligé le pilote aux commandes à passer au vol aux instruments; durant cette transition, l’équipage n’a pas constaté l’évolution d’un angle d’inclinaison et d’un taux de descente excessifs à une altitude qui eût permis un rétablissement.
  3. Le premier officier et l’un des ambulanciers paramédicaux navigants ont succombé à la gravité des forces d’impact, et le commandant de bord et l’autre ambulancier paramédical ont probablement perdu connaissance. Ces 2 derniers occupants ont manifestement succombé rapidement à leurs blessures, sans avoir inhalé d’importantes quantités de produits de combustion de l’incendie.
  4. L’équipage n’était pas préparé, sur le plan opérationnel, à effectuer en toute sécurité un départ selon les règles de vol à vue la nuit, durant lequel l’aéronef s’est trouvé dans la noirceur totale.
  5. Une formation insuffisante et inadéquate a contribué aux difficultés que l’équipage a éprouvées durant le départ depuis la piste 06 de l’aéroport de Moosonee (CYMO).
  6. Ornge Rotor-Wing n’avait pas de procédures d’utilisation normalisées (SOP) particulières aux vols de nuit pour aborder les dangers propres aux opérations de nuit, sauf pour les zones de trou noir désignées, dont Moosonee ne faisait pas partie. Par conséquent, l’insuffisance des SOP de vol de nuit de la compagnie a contribué à cet accident.
  7. Ornge Rotor-Wing n’utilisait pas son programme de suivi du maintien des compétences (AvAIO) comme elle le devait pour s’assurer que les pilotes satisfaisaient aux exigences réglementaires et de la compagnie concernant le maintien des compétences au vol de nuit. Par conséquent, le service centralisé d’affectation n’a pas constaté que le premier officier n’était pas qualifié pour le vol en question, et ce, selon des données erronées dans AvAIO.
  8. Ornge Rotor-Wing avait établi des politiques et procédures pour définir la préparation opérationnelle de ses pilotes, mais la compagnie les contournait et contribuait à leur érosion; l’équipage en cause n’était donc pas préparé, sur le plan opérationnel, aux conditions en vigueur la nuit de l’événement.
  9. Comme Ornge Rotor-Wing menait ses activités malgré une pénurie de personnel et du personnel inexpérimenté dans certains postes clés, des conditions dangereuses ont persisté.
  10. L’approche de Transports Canada relativement à ses activités de surveillance n’a pas mené à la rectification en temps opportun des non-conformités qui avaient été relevées, et des pratiques dangereuses ont persisté.
  11. Si l’on a choisi le processus de plan de mesures correctives comme unique moyen pour Ornge Rotor-Wing de rétablir sa conformité, c’est que l’on estimait les autres options inutilisables ou inappropriées dans le cas d’un exploitant prêt à collaborer. Ce malentendu a contribué à la persistance de ces non-conformités.
  12. La formation et les directives données aux inspecteurs de Transports Canada n’ont fait que semer le doute, ce qui a mené à une surveillance incohérente et inefficace d’Ornge Rotor-Wing.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Si les pilotes s’adonnent à d’autres activités liées au travail avant le début d’une période de service de vol prévue, il y a un risque de dépasser les limites de temps de service de vol prévues par la réglementation, ce qui pourrait réduire la performance à cause de la fatigue.
  2. La réglementation en vigueur ne comprend aucune exigence selon laquelle les pilotes en équipage multipilote assujettis à la sous-partie 703 du Règlement de l’aviation canadien doivent suivre une formation préparatoire au vol en ligne. Par conséquent, il y a un risque que les pilotes ne soient pas tout à fait prêts à exécuter en toute sécurité les tâches de leur siège désigné sur toutes les routes de la compagnie.
  3. Si les compagnies ne prennent pas les mesures nécessaires pour protéger l’intégrité des examens obligatoires qu’elles imposent à leurs pilotes, il y a un risque que ces examens ne soient pas efficaces pour valider que les pilotes possèdent les connaissances requises pour effectuer en toute sécurité leurs tâches d’équipage de conduite.
  4. Aucun processus réglementaire à l’heure actuelle ne prévoit l’examen par Transports Canada des procédures d’utilisation normalisées d’exploitants d’aéronefs multipilotes assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du Règlement de l’aviation canadien. Par conséquent, il y a un risque d’adoption de procédures non optimales.
  5. Selon la réglementation en vigueur, la même norme de contrôle de la compétence pilote s’applique aux capitaines et aux premiers officiers d’hélicoptère assujettis aux sous-parties 702, 703 et 704 du Règlement de l’aviation canadien. Ainsi, il y a un risque accru qu’un pilote affecté comme capitaine ne possède pas les compétences et les aptitudes de gestion des ressources de l’équipage nécessaires pour assumer en toute sécurité ces responsabilités.
  6. Si l’on ne tient pas compte de l’expérience et de la compétence des pilotes dans l’affectation des équipages, il y a risque d’appariements sous-optimaux, ce qui réduit les marges de sécurité.
  7. Si l’on ne signale pas formellement les problèmes de sécurité au moyen d’un système d’information sur la sécurité d’entreprise, il y a risque d’une gestion inefficace des dangers.
  8. Si les équipages de conduite d’hélicoptère ne portent pas de casque protecteur, ils s’exposent à un risque accru de blessure ou de décès à cause de blessures à la tête comme suite à un accident.
  9. Si les aéronefs ne sont pas munis d’une radiobalise de repérage d’urgence fonctionnant à la fréquence de 406 MHz, les équipages de conduite et passagers sont exposés à un risque accru de blessure ou de décès en cas d’accident, car l’aide du personnel de recherche et sauvetage pourrait être retardée.
  10. Les normes actuelles de conception des systèmes de radiobalise de repérage d’urgence (ELT) ne comprennent aucune exigence sur un système d’antenne résistant à l’impact. Par conséquent, il y a un risque que les services de recherche et sauvetage qui pourraient sauver des vies soient retardés si une antenne ELT est endommagée durant un événement.
  11. Les spécifications actuelles des radiobalises de repérage d’urgence (ELT) de 406 MHz exigent un délai avant la première émission de 50 secondes ou plus après l’activation. Ainsi, les équipages de conduite et les passagers peuvent être exposés à des risques accrus de blessure ou de décès comme suite à un événement si l’ELT cesse de fonctionner durant le délai avant la première émission.
  12. Les installations de radiobalises de repérage d’urgence (ELT) avec sangles à ruban autoagrippant sont encore permises au Canada, et un grand nombre de ces dispositifs demeureront en service dans un avenir prévisible. Malgré les problèmes bien documentés des sangles à ruban autoagrippant, Transports Canada n’a toujours pas adopté la spécification technique C126b. Par conséquent, le risque persiste que l’on ne reçoive pas les signaux d’ELT retenues par des sangles à ruban autoagrippant à cause de la défaillance de ces sangles durant un impact.
  13. L’article 602.115 du Règlement de l’aviation canadien ne définit pas la notion de « référence visuelle à la surface », que l’on interprète librement dans le secteur comme voulant dire des conditions météorologiques de vol à vue. Ainsi, il est permis d’effectuer des vols de nuit sans repères visuels suffisants, ce qui accroît les risques d’impact sans perte de contrôle et d’accidents avec perte de contrôle.
  14. Si, durant des opérations de nuit selon les règles de vol à vue, les pilotes poursuivent un vol dans des conditions sans éclairage artificiel ou ambiant et sans autre moyen pour maintenir le contact visuel avec la surface, il y a un risque accru d’impact sans perte de contrôle et d’accidents avec perte de contrôle.
  15. Les exigences de maintien des compétences de vol aux instruments du Règlement de l’aviation canadien sont telles que les pilotes sont considérés comme à jour même s’ils n’ont effectué aucun vol en utilisant les procédures aux instruments au cours d’une période allant jusqu’à 12 mois. Ainsi, les pilotes peuvent effectuer des vols dans des conditions de vol aux instruments (IFR) ou de nuit noire avec une compétence minimale aux vols IFR, ce qui accroît les risques d’impact sans perte de contrôle et d’accidents avec perte de contrôle.
  16. Si les hélicoptères ne sont pas munis de système d’avertissement et d’alarme d’impact, les équipages de conduite et les passagers sont exposés à un risque accru d’impact sans perte de contrôle, en particulier durant les vols de nuit ou aux instruments.
  17. L’approche de Transports Canada relativement à la supervision des systèmes part du principe que tous les exploitants, même ceux sans système de gestion de la sécurité évalué, ont la capacité de rectifier les non-conformités. Lorsque des exploitants sont incapables de rectifier les non-conformités, il y a un risque accru que des conditions dangereuses persistent.

3.3 Autres faits établis

  1. Il n’y avait aucune indication que le rôle d’Ornge Rotor-Wing, en tant que fournisseur de services médicaux d’urgence de niveau provincial, avait influé sur le personnel régional de Transports Canada après l’inspection de validation de programme de janvier 2013.
  2. Il n’y avait aucun signe de dommages préexistants ou causés par l’impact qui pourrait expliquer pourquoi les casques ne se trouvaient pas sur les victimes, et il n’a pas été possible de déterminer s’ils avaient été correctement attachés avant l’événement.
  3. Il a été impossible de déterminer si tous les occupants portaient leur ceinture et leurs bretelles de sécurité au moment de l’impact.
  4. Le klaxon train d’atterrissage a retenti juste avant l’impact, et il a été en toute probabilité actionné par des relevés inexacts du système anémobarométrique attribuables à l’impact avec les arbres.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures de sécurité prises

4.1.1 Transports Canada

Depuis que l'événement à l'étude a eu lieu, Transports Canada (TC) a pris plusieurs mesures différentes. Bien que selon TC, aucune de ces mesures n'ait été prise comme suite à cet événement en particulier, il importe néanmoins de comprendre en quoi la surveillance de TC a évolué depuis cet accident. Plusieurs de ces mesures sont déjà décrites dans le présent rapport. Quant aux autres, elles comprennent :

4.1.2 7506406 Canada Inc. (Ornge Rotor-Wing)

Après l'accident, Ornge RW a pris les mesures de sécurité suivantes :

4.2 Mesures de sécurité à prendre

Dans l'événement à l'étude, l'ELT de 406 mégahertz (MHz) a été endommagée; elle ne pouvait donc pas transmettre de signal de détresse au système satellite Cospas-Sarsat. Cette situation a mené à un examen plus approfondi de l'état de fonctionnement de l'ELT en question, des normes de conception de ces dispositifs et des exigences réglementaires relatives aux ELT pour les aéronefs immatriculés au Canada.

4.2.1 Radiobalises de repérage d'urgence de 406 mégahertz

D'après les normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) sur les ELT, il n'est plus nécessaire que ces dispositifs transmettent sur la fréquence de 121,5 MHz. Depuis le 1er février 2009, Cospas-Sarsat ne surveille plus la fréquence de 121,5 MHz. Cospas-Sarsat peut détecter et repérer uniquement les signaux de 406 MHz, principal moyen d'alerte, de détection et d'intervention en recherche et sauvetage (SAR) au Canada. Pourtant, à l'heure actuelle, la réglementation canadienne n'exige que les ELT de 121,5 MHz. Le Canada ne respecte pas les normes de l'OACI sur les ELT, entrées en vigueur en 2005, qui exigent que tout aéronef soit équipé d'une ELT de 406 MHz. Par conséquent, au Canada, on permet l'exploitation d'aéronefs immatriculés au Canada munis d'ELT qui émettent des signaux de détresse que le système international Cospas-Sarsat ne peut détecter.

D'après TC, environ 27 000 aéronefs immatriculés au Canada doivent être munis d'une ELT. Or, en mars 2016, la base de données du registre d'immatriculation des aéronefs de TC ne comptait que 10 086 aéronefs immatriculés au Canada qui étaient munis d'au moins une ELT active de 406 MHz inscrite au Registre canadien des balises. De ceux-ci, 5256 étaient des aéronefs privés, 4604 étaient des aéronefs commerciaux, et les 226 autres étaient des aéronefs d'État. Ainsi, plus de la moitié des aéronefs immatriculés au Canada qui doivent être munis d'une ELT sont équipés d'une ELT dont le signal ne peut être détecté par le système Cospas-Sarsat.

Par le passé, TC avait favorisé les ELT de 406 MHz et promu leurs avantages, et avait amorcé le processus formel de modification des règles pour que ces ELT deviennent une exigence réglementaire. Toutefois, devant l'opposition de certains segments du secteur de l'aviation, TC a abandonné cette démarche. En juin 2015, 10 ans après l'entrée en vigueur de l'exigence de l'OACI sur les ELT de 406 MHz, TC a publié un Avis de proposition de modification (APM) sur le site Web des activités du Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne qui proposait l'installation obligatoire d'ELT à double fréquence 121,5/406 MHz. D'après TC, l'installation d'une ELT de 406 MHz autonome en plus d'une ELT existante de 121,5/243,0 MHz satisferait à l'esprit de cette proposition; toutefois, TC a ajouté que pratiquement toutes les ELT de 406 MHz sont maintenant à double fréquence.

Si la réglementation n'est pas modifiée de façon à ce qu'elle reflète les normes de l'OACI, il est très probable que des aéronefs immatriculés au Canada et des aéronefs étrangers qui effectuent des vols au Canada continueront d'utiliser des modèles d'ELT autres que de 406 MHz. En conséquence, les équipages de conduite et les passagers continueront d'être exposés à des retards dans les activités des services SAR qui pourraient mettre leur vie en danger.

C'est pourquoi le Bureau recommande que

le ministère des Transports exige que tous les aéronefs immatriculés au Canada et aéronefs étrangers effectuant des vols au Canada pour lesquels une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) est obligatoire soient équipés d'une ELT de 406 mégahertz conformément aux normes de l'Organisation de l'aviation civile internationale.
Recommandation A16-01 du BST

4.2.2 Résistance à l'impact des systèmes de radiobalises de repérage d'urgence

Dans l'événement à l'étude, comme dans de nombreux autres sur lesquels le BST a enquêté Note de bas de page 279, le système ELT a cessé de fonctionner presque immédiatement ou quelques secondes après l'impact à cause des dommages subis durant l'écrasement. Par conséquent, l'ELT n'a pas transmis de signal de détresse au système de recherche et sauvetage par satellite Cospas-Sarsat. Dans de nombreux cas, la rupture d'une antenne ou le sectionnement du câble reliant le dispositif ELT à l'antenne ont empêché l'émission d'un signal de détresse détectable par le système Cospas-Sarsat. Dans l'événement à l'étude, on a déterminé que malgré une ELT fonctionnelle, l'antenne ELT rompue a empêché la transmission du signal. Les spécifications de conception sur la résistance à l'impact sont rigoureuses pour le dispositif ELT même; par contre, elles sont beaucoup moins strictes pour les autres composantes clés (c.-à-d., les câbles et l'antenne) des systèmes ELT.

L'une des faiblesses inhérentes de l'ELT de 121,5 MHz est le fait qu'elle nécessite une antenne-fouet, laquelle se prolonge à l'extérieur du fuselage : cela la rend beaucoup plus vulnérable aux dommages ou aux ruptures causés par suite d'un impact avec le relief, des arbres ou d'autres pièces de l'aéronef durant un écrasement. Les ELT de 406 MHz modernes permettent l'utilisation d'antennes discrètes (c.-à-d., montage affleuré), qui risquent beaucoup moins d'être endommagées. TC a émis récemment un APM qui rendrait obligatoires les ELT de 406 MHz; toutefois, cet APM précise que la réglementation exigerait l'utilisation d'ELT à double fréquence 121,5/406 MHz. D'après TC, le maintien de la fréquence de 121,5 MHz pour les nouvelles installations d'ELT de 406 MHz, conformément à la spécification technique TSO-C126b, vise à permettre le radioralliement. Si ces dispositifs à double fréquence sont conçus pour n'utiliser qu'une seule antenne, il s'agirait nécessairement d'une antenne-fouet pour assurer le fonctionnement de la fréquence de 121,5 MHz. Certaines ELT de 406 MHz sont aujourd'hui munies d'un récepteur interne de réserve pour système mondial de positionnement (GPS) et d'une antenne conforme aux spécifications de la Radio Technical Commission for Aeronautics (RTCA) RTCA DO-204A et au document ED62A de l'Organisation européenne pour l'équipement électronique de l'aviation civile (EUROCAE). Toutefois, cette antenne interne n'a été ni testée ni approuvée par Cospas-Sarsat, dont la norme de conception ne comprend aucun détail sur le rayonnement ou la puissance de sortie du dispositif. Enfin, en fonction de son emplacement, la transmission du signal d'une ELT avec une antenne interne pourrait être moins efficace en raison de l'écran formé par les composants de l'aéronef ou par le relief. TC a indiqué qu'il ne stipulera aucune exigence d'antenne double relativement aux nouvelles ELT à double fréquence 121,5/406 MHz. Par conséquent, si les normes de conception permettent l'utilisation d'une antenne simple au lieu d'antennes distinctes 121,5 MHz et 406 MHz avec les dispositifs double fréquence, les risques liés à l'utilisation d'une antenne-fouet persisteront.

L'OACI établit des Normes et pratiques recommandées internationales pour les États membres. Toutefois, elle n'a établi aucune norme de conception de systèmes ELT; à l'heure actuelle, ce sont les organismes de réglementation nationaux comme TC, la Federal Aviation Administration (FAA) et l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) qui établissent ces normes. Au Canada, d'après le Règlement de l'aviation canadien (RAC), Partie V – Navigabilité (Chapitre 551 - Équipement d'aéronef et installation), les ELT doivent satisfaire aux normes de performance d'ELT de 121,5 MHz et de 406 MHz établies par la RTCA. Aux États-Unis, malgré l'absence d'exigence réglementaire sur les ELT de 406 MHz, la FAA n'accepte que les demandes d'autorisation de nouvelles spécifications techniques d'ELT pour des dispositifs de 406 MHz. Comme au Canada, la FAA se fie aux exigences de performance établies par la RTCA. En Europe, l'AESA préconise une approche semblable en exigeant que les ELT répondent aux spécifications de conception établies par l'EUROCAE. De nombreuses études indiquent que les normes de conception d'ELT actuelles ne garantissent pas un niveau raisonnable de résistance à l'écrasement.

Ainsi, il est fort probable que des aéronefs munis de systèmes ELT qui sont conformes à la norme de conception actuelle continueront d'être impliqués dans des événements lors desquels les services SAR susceptibles de sauver des vies pourraient être retardés à cause d'un système ELT endommagé, ce qui réduirait les chances de survie comme suite à un accident.

C'est pourquoi le Bureau recommande que

l'Organisation de l'aviation civile internationale établisse de rigoureuses normes relatives à la capacité de résister à l'écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu'un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d'impact subies durant un événement aéronautique.
Recommandation A16-02 du BST

la Radio Technical Commission for Aeronautics établisse de rigoureuses spécifications relatives à la capacité de résister à l'écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu'un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d'impact subies durant un événement aéronautique.
Recommandation A16-03 du BST

l'Organisation européenne pour l'équipement électronique de l'aviation civile établisse de rigoureuses spécifications relatives à la capacité de résister à l'écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu'un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d'impact subies durant un événement aéronautique.
Recommandation A16-04 du BST

le ministère des Transports établisse de rigoureuses exigences relatives à la capacité de résister à l'écrasement pour les systèmes de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) qui réduisent la probabilité qu'un système ELT cesse de fonctionner comme suite aux forces d'impact subies durant un événement aéronautique.
Recommandation A16-05 du BST

4.2.3 Délai de première émission des radiobalises de repérage d'urgence

Dans l'événement à l'étude, le système ELT de l'aéronef n'a pas pu transmettre de signal que le système satellite Cospas-Sarsat aurait pu détecter. En l'occurrence, le système ELT a été endommagé durant le délai déterminé de 50 secondes (± 2,5 secondes) entre l'activation et la première transmission d'un signal de détresse. Cette temporisation de 50 secondes, appelée délai de première émission, est une exigence de conception de Cospas-Sarsat. Au départ, le but du délai de première émission était d'accorder du temps à l'un des composants de génération antérieure, appelé oscillateur, de se stabiliser; plus tard, son rôle a évolué pour permettre de désactiver la radiobalise et de prévenir la première transmission en cas de fausse alerte. Les systèmes ELT modernes n'exigent plus de temporisation aussi longue avant de pouvoir transmettre un signal de détresse.

Le BST a enquêté sur un grand nombre d'événements Note de bas de page 280 lors desquels un système ELT a cessé de fonctionner durant le délai de première émission, ce qui a empêché qu'un signal de détresse soit capté par le système Cospas-Sarsat, principal moyen d'alerte, de détection et d'intervention SAR au Canada.

Bien que par le passé, certains composants aient rendu nécessaire le délai de première émission de 50 secondes, ce n'est plus le cas aujourd'hui. Pourtant, la spécification visant ce délai n'a pas été mise à jour pour refléter cette réalité. Par conséquent, si un système ELT est endommagé durant la période de 50 secondes du délai de première émission, aucun signal de détresse ne sera reçu.

Si un système ELT cesse de fonctionner (c.-à-d., s'il est endommagé ou submergé) avant que s'écoule le délai de première émission, il est fort probable que les services SAR cruciaux susceptibles de sauver des vies soient retardés, ce qui pourrait mener à d'autres blessures et pertes de vies à la suite d'un accident aéronautique.

C'est pourquoi le Bureau recommande que

Cospas-Sarsat modifie les spécifications de délai de première émission des radiobalises de repérage d'urgence de 406 mégahertz à la plus courte période possible pour augmenter la probabilité de transmission d'un signal de détresse, et de détection par les services de recherche et sauvetage après un événement.
Recommandation A16-06 du BST

4.2.4 Sangles de fixation à ruban autoagrippant

Dans l'événement à l'étude, le dispositif ELT de l'aéronef était fixé à son support par une sangle à ruban autoagrippant. Durant l'écrasement, l'ELT est sortie de cette sangle et a été retrouvée suspendue par le câble qui la relie à l'antenne. Il y a eu de nombreux cas où des sangles à ruban autoagrippant n'ont pu retenir une ELT dans son support. Dans plusieurs cas, les dispositifs ont été endommagés après avoir été expulsés de leurs sangles, ce qui a empêché la transmission d'un signal de détresse au système de recherche et sauvetage par satellite Cospas-Sarsat. Le BST avait déjà cerné la vulnérabilité de ce type de sangle dans le cadre de son enquête aéronautique A11W0151, et avait ensuite envoyé un Avis de sécurité à TC et au fabricant de l'ELT. Malgré la vulnérabilité connue des sangles de fixation à ruban autoagrippant, on continue de les approuver comme mode de fixation de dispositifs ELT à une cellule d'aéronef.

Au Canada et ailleurs dans le monde, il y a beaucoup de systèmes ELT qui emploient des sangles à ruban autoagrippant pour fixer l'ELT à la cellule de l'aéronef. D'après le fabricant de l'ELT, environ 2000 ELT Kannad enregistrées au Canada emploient des sangles de fixation à ruban autoagrippant. Il y en a plus de 7000 aux États-Unis. D'après la compagnie, seulement 2 de ces dispositifs enregistrés au Canada emploient un nouveau type de sangle autre qu'à ruban autoagrippant et conforme à la spécification technique TSO-C126b.

Les problèmes des sangles à ruban autoagrippant sont bien connus, et certains organismes de réglementation nationaux ont déjà pris des mesures pour les régler. Aux États-Unis, la FAA a adopté la spécification technique TSO-C126b, qui interdit l'utilisation de sangles à ruban autoagrippant dans les nouvelles installations d'ELT. Toutefois, cette spécification technique révisée n'est pas rétroactive et ce type de sangle demeurera présent, à court terme, dans les installations existantes aux États-Unis. Pour sa part, l'AESA a récemment émis un APM où elle annonce son intention d'adopter la spécification technique ETSO-C126b, qui reprend les exigences de la TSO-C126b.

Bien que le BST ait cerné les risques liés aux sangles à ruban autoagrippant pour fixer une ELT à une cellule d'aéronef, leur utilisation demeure permise au Canada. En juin 2015, TC a émis un formulaire d'évaluation préliminaire des questions et des consultations qui indiquait l'intention du Ministère d'examiner ses normes de maintenance/installation et de navigabilité relatives aux ELT. TC a annoncé son intention d'adopter la spécification TSO-C126b; il a cependant indiqué, à l'instar de la FAA et de l'AESA, que cette exigence ne serait pas rétroactive. Aucun échéancier n'a été fixé pour ces modifications éventuelles aux normes de maintenance/installation et de navigabilité, et rien ne confirme qu'elles seront adoptées dans le RAC ou dans les normes de navigabilité. Par conséquent, les risques liés à l'utilisation de sangles de fixation à ruban autoagrippant persisteront.

Tant que les sangles à ruban autoagrippant seront permises pour l'installation d'ELT, il y aura un important risque que les signaux de ces ELT ne soient pas transmis à cause des dommages qu'ils pourraient subir si ces dispositifs sortent de leur support durant un écrasement. La non-transmission de signaux risque d'entraîner des délais de prestation de services SAR qui pourraient sauver des vies.

C'est pourquoi le Bureau recommande que

le ministère des Transports interdise l'utilisation de sangles à ruban autoagrippant comme mode de fixation de radiobalises de repérage d'urgence à la cellule d'un aéronef.
Recommandation A16-07 du BST

4.2.5 Réglementation sur les règles de vol à vue la nuit

Dans l'événement à l'étude, les pilotes ont effectué un vol de nuit selon les règles VFR dans des conditions qui ne leur permettaient pas de maintenir en toute sécurité un repère visuel à la surface. Bien que le RAC stipule que les pilotes doivent maintenir un repère visuel à la surface durant les vols de nuit selon les règles VFR, le règlement ne définit pas adéquatement les repères visuels nécessaires pour s'y conformer. Par exemple, la réglementation ne définit pas les exigences d'éclairage artificiel/ambiant, et n'offre aucun autre moyen de rechange de se conformer lorsque les conditions ne permettent pas de maintenir un repère visuel à la surface. L'enquête a permis de déterminer que beaucoup de pilotes qui effectuent des vols de nuit selon les règles VFR estiment qu'il est acceptable de le faire, peu importe les conditions d'éclairage, pour autant que les conditions météorologiques annoncées (c.-à-d., plafond et visibilité) répondent aux minimums exigés par la réglementation. Les différences d'interprétation de la réglementation accroissent considérablement les risques pour les personnes qui voyagent à bord d'aéronefs qui effectuent des vols de nuit selon les règles VFR. De plus, il n'existe aucune exigence réglementaire, comme c'est le cas dans certains pays, qui oblige les exploitants commerciaux à montrer à TC qu'ils peuvent raisonnablement effectuer leurs routes VFR de nuit grâce à l'éclairage artificiel ou ambiant, ou par d'autres moyens comme les LVN, pour que TC approuve leurs routes VFR de nuit.

On effectue couramment des vols de nuit selon les règles VFR partout au Canada. Dans les régions densément peuplées, il pourrait être plus facile pour les pilotes de maintenir des repères visuels à la surface grâce à l'éclairage artificiel. Toutefois, on effectue souvent des vols dans les régions éloignées du Canada où il n'y a que peu ou pas d'éclairage artificiel pour aider les pilotes à maintenir des repères visuels à la surface sans autre moyen de rechange comme des LVN. Les rapports d'enquête du BST Note de bas de page 281 documentent amplement les risques liés aux opérations de nuit selon les règles VFR dans des conditions où les pilotes ne peuvent pas maintenir de repères visuels à la surface. Dans une étude menée par TC, l'organisme de réglementation a relevé un certain nombre de cas où l'on a effectué des vols de nuit selon les règles VFR, sans éclairage suffisant toutefois pour maintenir des repères visuels à la surface Note de bas de page 282. Voilà donc des signes évidents que l'on devrait revoir et modifier la réglementation actuelle sur les vols de nuit selon les règles VFR afin d'établir clairement les conditions requises pour se conformer à l'esprit de la réglementation. Par exemple, aux États-Unis, les Federal Aviation Regulations (FARs) stipulent que nul ne peut utiliser un hélicoptère selon les règles VFR la nuit à moins d'avoir [traduction] « des repères visuels lumineux à la surface suffisants pour maîtriser l'hélicoptère en toute sécurité Note de bas de page 283. »

Sans exigence clairement définie sur le vol de nuit selon les règles VFR pour établir des modalités d'éclairage/repères visuels sans aide ou d'autres moyens de maintenir des repères visuels à la surface (c.-à-d., systèmes d'imagerie de vision nocturne), il est fort probable que des accidents comme celui à l'étude continueront de se produire.

C'est pourquoi le Bureau recommande que

le ministère des Transports modifie la réglementation de manière à définir clairement les repères visuels (y compris les considérations d'éclairage ou autres moyens) requis pour réduire les risques liés aux vols de nuit selon les règles de vol à vue.
Recommandation A16-08 du BST

4.2.6 Exigences sur le maintien des compétences de vol aux instruments

Dans l'événement à l'étude, 2 pilotes ayant peu de compétences en vol aux instruments ont effectué un vol de nuit selon les règles VFR dans des conditions qui faisaient appel aux compétences de vol aux instruments, étant donné l'absence d'éclairage artificiel ou ambiant pour maintenir des repères visuels à la surface. Quoique les 2 pilotes répondaient aux exigences de maintien des compétences de vol aux instruments du RAC, ils ont dû passer au vol aux instruments lorsque l'aéronef a dépassé l'éclairage des feux de piste; durant cette transition, l'équipage n'a pas constaté l'évolution d'un angle d'inclinaison et d'un taux de descente excessifs à une altitude qui eût permis un rétablissement.

D'après la réglementation actuelle, il peut s'écouler jusqu'à 12 mois entre le vol de vérification compétence aux instruments d'un pilote et sa réalisation d'un vol aux instruments réel ou simulé. Après 12 mois, la réglementation exige que le pilote ait effectué 6 heures de vol aux instruments, y compris 6 approches aux instruments au cours des 6 mois précédents pour demeurer qualifié au vol aux instruments. Un grand nombre de pilotes qualifiés au vol aux instruments n'effectuent pas couramment ce type de vol, réel ou d'entraînement, pour maintenir un niveau de compétence raisonnable dans cette discipline. Ainsi, des pilotes ayant acquis peu d'expérience de vol aux instruments, voire aucune, durant 12 mois, peuvent en toute légalité être appelés à effectuer, et peuvent accepter, un vol aux instruments exigeant, sans avoir récemment mis en pratique les compétences essentielles à la conduite d'un tel vol en toute sécurité.

TC indique dans son Manuel de vol aux instruments que cette compétence s'acquiert au prix d'une « formation rigoureuse, d'exercices réguliers et d'une démarche méthodique Note de bas de page 284 ». Comme c'est le cas pour toute compétence, la répétition est essentielle pour prévenir la diminution des compétences de vol aux instruments d'un pilote. Comme il est expliqué ci-dessus, les exigences sur le maintien des compétences de vol aux instruments permettent qu'une longue période (c.-à-d., jusqu'à 12 mois) puisse s'écouler avant qu'un pilote soit tenu d'effectuer un vol aux instruments, peu importe le type. Par contre, le RAC comprend de nombreuses exigences de maintien semestriel des compétences, en ce qui concerne les décollages et atterrissages notamment, que doivent respecter les pilotes pour maintenir leurs compétences. Il existe une exigence semestrielle semblable pour le vol aux instruments; toutefois, elle ne s'applique qu'à la période de 12 mois qui suit la délivrance ou le renouvellement d'une qualification de vol aux instruments. TC n'impose pas l'exigence 6/6/6 de maintien des compétences de vol aux instruments au cours des 12 premiers mois. Aux États-Unis, l'alinéa 61.57(c) des FARs contient des exigences sur le maintien semestriel des compétences de vol aux instruments auxquelles doit satisfaire un pilote avant de pouvoir servir en qualité de commandant de bord (CdB) selon les règles de vol aux instruments ou dans des conditions météorologiques inférieures aux minimums prescrits pour les VFR seulement.

Les exigences sur le maintien des compétences de vol aux instruments du RAC n'offrent pas d'assurance suffisante voulant qu'un pilote qualifié au vol aux instruments soit suffisamment compétent pour effectuer un vol en toute sécurité dans de difficiles conditions IMC. Par conséquent, des pilotes peuvent effectuer des vols dans des conditions IMC ou de nuit noire exigeantes sans posséder le niveau de compétence de vol aux instruments requis pour maintenir la sécurité aérienne.

C'est pourquoi le Bureau recommande que

le ministère des Transports établisse des exigences sur le maintien des compétences de vol aux instruments qui feront en sorte que les pilotes qualifiés au vol aux instruments, qui peuvent effectuer des vols dans des conditions nécessitant des compétences de vol aux instruments, maintiennent ces compétences.
Recommandation A16-09 du BST

4.2.7 Systèmes d'avertissement et d'alarme d'impact pour hélicoptères

L'événement à l'étude est un cas d'impact sans perte de contrôle (CFIT), c'est-à-dire où un aéronef en état de navigabilité percute le relief par inadvertance. Au départ d'un vol à vue de nuit dans des conditions d'extrême noirceur, l'aéronef a effectué une descente inopinée avant de percuter le relief. Lorsque l'équipage de conduite a constaté la descente inopinée, l'aéronef se trouvait alors à une altitude qui ne permettait aucun rétablissement. Quoique certains des aéronefs de la flotte de S-76A de l'exploitant étaient équipés d'un système d'avertissement et d'alarme d'impact (TAWS), l'aéronef en cause ne l'était pas, et la réglementation en vigueur n'exigeait pas qu'il le soit. Par conséquent, l'équipage de conduite n'a pas été averti à temps de la descente inopinée de l'aéronef ni de l'impact imminent.

Un grand nombre d'hélicoptères commerciaux effectuent couramment des opérations aériennes de nuit ou dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), ou les deux. Sans les avantages d'un système TAWS, ces aéronefs sont exposés à un risque beaucoup plus grand de CFIT. Le BST a enquêté sur un certain nombre d'événements d'hélicoptère survenus la nuit ou dans des conditions IMC lors desquels un dispositif TAWS aurait pu être utile pour prévenir un accident Note de bas de page 285.

Au Canada, la réglementation exige que les avions commerciaux et certains avions privés soient équipés d'un système TAWS. Toutefois, aucun règlement n'exige que les hélicoptères commerciaux en soient munis, malgré le fait qu'ils empruntent souvent des routes semblables à celles des aéronefs commerciaux à voilure fixe et qu'ils transportent parfois un plus grand nombre de passagers. Par conséquent, la réglementation n'assure pas à l'heure actuelle un niveau de sécurité équivalent entre les opérations commerciales à voilure fixe et celles à voilure tournante.

Tant que l'on n'exigera pas que les hélicoptères commerciaux immatriculés au Canada soient équipés d'un système TAWS, les membres d'équipage et les passagers qui voyagent à bord de ces aéronefs la nuit ou dans des conditions IMC demeureront exposés à un risque accru de blessure ou de décès comme suite à un CFIT.

C'est pourquoi le Bureau recommande que

le ministère des Transports exige l'installation de systèmes d'avertissement et d'alarme d'impact à bord d'hélicoptères commerciaux qui effectuent des vols la nuit ou dans des conditions météorologiques de vol aux instruments.
Recommandation A16-10 du BST

4.2.8 Normes des contrôles de compétence pilote

Dans le cas du capitaine en cause, le CCP s'est déroulé en fonction de l'attente qu'avait le pilote vérificateur agréé (PVA), c'est-à-dire que le capitaine servirait en tant que premier officier avant d'assumer immédiatement les fonctions de CdB, et ce, jusqu'à ce qu'il acquière plus d'expérience pratique à bord d'une ambulance aérienne. Même si le PVA avait coché la case « P/O » (premier officier) sur le formulaire CCP du capitaine, la compagnie a néanmoins affecté ce dernier au rôle très exigeant de CdB, au départ d'un emplacement éloigné également très exigeant. En l'occurrence, pour éviter cette situation, l'unique recours du PVA aurait été de faire échouer au capitaine son CCP. À l'heure actuelle, un PVA ne dispose d'aucun moyen pour limiter un pilote aux tâches de commandant en second (SIC) si, selon son évaluation, le pilote n'est pas prêt à servir de CdB, et possiblement de capitaine d'aéronef multimoteur et à équipage multipilote responsable de l'exécution en toute sécurité de vols de nuit ou en mode IFR exigeants.

Les normes CCP actuelles, et les annexes CCP qui s'y rapportent, pour les exploitants assujettis aux sous-parties 702, 703, 704 et 705 du RAC, font peu de distinction entre les CCP respectifs pour capitaines ou premiers officiers. Les annexes CCP pour avions relatives aux sous-parties 702, 703, 704 et 705 du RAC indiquent qu'il pourrait être impossible d'effectuer certaines vérifications de circulation au sol depuis le siège du SIC. Celles afférentes aux sous-parties 704 et 705 font également état d'exigences différentes pour le CdB et le SIC relativement aux atterrissages avec moteur en panne. Pour les pilotes d'hélicoptère, les annexes CCP relatives aux sous-parties 702, 703 et 704 précisent uniquement que les pilotes qui occupent la place de SIC pourraient être incapables d'effectuer toutes les vérifications de circulation au sol indiquées à l'annexe du CCP. Hormis ces petites variations, les pilotes d'avion et d'hélicoptère doivent satisfaire aux mêmes normes de performance, conformément à leur sous-partie respective, peu importe s'ils doivent servir de capitaine ou de premier officier après leur CCP. Il n'y a aucune exigence selon laquelle un capitaine doit faire preuve d'un niveau de compétence plus élevé correspondant à des responsabilités plus grandes.

En outre, les normes CCP ne tiennent pas compte des défis uniques liés au service potentiel de capitaine d'un aéronef multimoteur et à équipage multipilote dans d'exigeantes conditions de vol de nuit ou en mode IFR, ou les deux. Par conséquent, malgré des différences considérables au chapitre des responsabilités entre un capitaine et un premier officier, les 2 pilotes sont évalués selon la même norme, qui permet jusqu'à 4 écarts majeurs par rapport aux normes de qualification. Il peut y avoir écart majeur lorsque « le pilotage de l'aéronef indique une aptitude limitée Note de bas de page 286 » ou lorsque « les aptitudes et des connaissances techniques [indiquent] des niveaux limités de compétence technique et/ou de profondeur des connaissances Note de bas de page 287 ». Lorsqu'un pilote réussit le CCP pour un type d'aéronef particulier, ce CCP est transférable si le pilote passe à une autre compagnie qui exploite le même type d'aéronef.

À l'heure actuelle, les risques liés à l'affectation d'un pilote comme capitaine sont gérés par l'entremise des politiques internes d'une entreprise et des exigences de compagnies d'assurances ou d'entrepreneur. Pourtant, de nombreuses entreprises se fient à la réglementation pour établir les exigences minimales d'affectation d'un pilote aux fonctions de CdB. Comme le montre l'événement à l'étude, Ornge RW savait que le capitaine avait eu des difficultés durant son CCP, et que le PVA avait noirci la case « P/O » (premier officier) sur son formulaire CCP. Or, comme il n'y a qu'une seule norme CCP pour les pilotes d'hélicoptère régis par la sous-partie 703, et comme suite à l'évaluation qu'elle a faite de son expérience, Ornge RW a choisi d'employer le capitaine en cause au poste de CdB sans aucune formation ni supervision additionnelles. En conséquence, la nuit de l'événement, le capitaine n'était pas adéquatement préparé à effectuer ses tâches.

D'autres pays ont reconnu ce problème. Par exemple, le paragraphe 61.58, titre 14 du Code of Federal Regulations (CFR) des États-Unis stipule qu'un pilote doit réussir un CCP pour CdB pour [traduction] « servir de CdB d'un aéronef à turboréacteurs ou dont la certification de type exige plus d'un membre d'équipage de conduite pilote Note de bas de page 288 ». Un pilote qui doit servir de commandant en second (c.-à-d., premier officier) n'est pas tenu de réussir le même CCP de CdB. Plutôt, les FARs prévoient des exigences moins strictes auxquelles doit satisfaire un pilote pour qu'il puisse servir de SIC à bord d'un aéronef dont la certification de type exige plus d'un pilote parmi les membres d'équipage de conduite. Il n'existe aucune distinction de la sorte au Canada pour les membres d'équipage qui vont occuper le siège de SIC.

Les normes CCP actuelles ne garantissent pas que les capitaines aient un niveau suffisant de compétence pour effectuer en toute sécurité les tâches opérationnelles d'un CdB. Par conséquent, il y a un risque que les pilotes régis par les sous-parties 702, 703, 704 et 705 continueront d'être affectés à des tâches de CdB sans qu'ils aient d'abord fait preuve d'un niveau suffisant de compétence à titre de capitaine.

C'est pourquoi le Bureau recommande que

le ministère des Transports établisse des normes de contrôle de compétence pilote qui font la distinction entre les différentes tâches et responsabilités opérationnelles d'un commandant de bord et d'un commandant en second, et qui évaluent les compétences nécessaires pour les effectuer.
Recommandation A16-11 du BST

4.2.9 Surveillance de l'aviation commerciale au Canada

Il incombe aux entreprises de transport de gérer les risques pour la sécurité liés à leurs activités. La conformité à la réglementation n'offre qu'un niveau de sécurité de base à tous les exploitants d'un secteur donné. Puisque les exigences réglementaires ne peuvent prévoir tous les risques liés à une activité particulière, les entreprises doivent pouvoir cerner et atténuer les dangers propres à leurs activités.

Le modèle traditionnel de la surveillance ne prévoit pas que les entreprises aient en place des systèmes en bonne et due forme pour gérer continuellement la sécurité des systèmes. La surveillance se fait au moyen d'une approche d'inspection et de correction. Ainsi, le rôle de l'organisme de réglementation consiste à relever des cas de non-conformité à la réglementation, que l'exploitant doit ensuite corriger. Cette approche a une incidence limitée sur la sécurité, pour 2 principales raisons.

Premièrement, l'organisme de réglementation ne peut pas examiner continuellement tous les aspects des activités d'un exploitant. De nombreuses enquêtes antérieures du BST font état des difficultés à détecter les non-conformités (p. ex., A12W0031, A12C0154 et A13W0120). Par exemple, dans l'événement A13W0120, bien que TC eut évalué l'exploitant en cause comme présentant un risque élevé et qu'il le soumettait fréquemment à des activités de surveillance, celles-ci étaient toujours axées sur les systèmes et non sur la conformité à la réglementation. Par conséquent, la surveillance de TC n'a pas relevé les pratiques d'exploitation dangereuses qui ont contribué à la gravité de l'événement.

Deuxièmement, à défaut de cerner et de corriger les causes systémiques des non-conformités, il est probable que les conditions dangereuses persistent. Plusieurs enquêtes antérieures du BST ont cerné cette tendance (p. ex., A10Q0098, A10Q0117 et A13H0002). Par exemple, le rapport d'enquête aéronautique A13H0002 fait état de faiblesses dans la surveillance d'un exploitant en transition vers un système de gestion de la sécurité (SGS). Dans ce cas, l'exploitant avait de la difficulté à dresser des PMC acceptables et à respecter les délais de mise en œuvre proposés, avec pour résultat des retards répétés dans la correction des manquements. TC a reporté les activités de surveillance additionnelles pendant le processus de mise en œuvre des PMC. La suspension des activités de surveillance pendant la mise en œuvre des PMC a de fait réduit la fréquence de la surveillance d'un exploitant qui était considéré comme étant à risque élevé; il a ainsi fait l'objet d'une surveillance moins fréquente que prévu durant une longue période.

Lorsqu'ils sont mis en œuvre adéquatement, les SGS fournissent aux entreprises un cadre efficace de gestion du risque pour rendre leurs activités plus sûres. Des exigences réglementaires obligeant les entreprises à mettre en œuvre des SGS sont la première étape pour que tous les exploitants puissent satisfaire à leurs responsabilités en matière de sécurité. C'est pourquoi le BST a repris les propos de l'OACI et du secteur mondial de l'aviation civile qui soulignent les avantages des SGS.

Pourtant, malgré les exigences sur les SGS, il y aura toujours des écarts dans la capacité et la volonté des entreprises de gérer efficacement le risque. Une surveillance moins fréquente et axée sur les processus de gestion de la sécurité d'un exploitant suffira pour certaines entreprises. Toutefois, l'organisme de réglementation doit pouvoir choisir le type, la fréquence et l'objet de ses activités de surveillance afin de surveiller efficacement les entreprises qui ne veulent ou ne peuvent pas satisfaire aux exigences réglementaires ou gérer efficacement le risque. De plus, dans de tels cas, l'organisme de réglementation doit pouvoir prendre les mesures d'application nécessaires.

Les exploitants qui ont un SGS bien établi et efficace, étayé par une culture et des capacités de sécurité qui vont de pair, pourraient faire l'objet d'une surveillance des systèmes moins fréquente que ceux qui se montrent incapables de gérer efficacement les risques au niveau des systèmes; la surveillance de ces derniers doit, en plus d'être plus fréquente, insister davantage sur la conformité réglementaire. À mesure que les systèmes d'un exploitant s'implantent et gagnent en efficacité, la fréquence de la surveillance pourrait diminuer et porter plutôt sur les systèmes que sur la conformité.

Dans son enquête sur l'accident d'Ornge RW survenu à Moosonee (Ontario), le BST a constaté que l'approche de TC relativement aux activités de surveillance n'avait pas mené à la rectification des non-conformités en temps opportun. L'enquête a également permis de constater que selon les inspecteurs de TC, outre les plans de mesures correctives, les outils à leur disposition pour rétablir la conformité réglementaire d'un exploitant prêt à collaborer étaient soit inutilisables, soit inappropriés. Ainsi, durant la prise de décisions après surveillance, la volonté de l'exploitant de corriger les constatations de surveillance a supplanté les préoccupations sur sa capacité de corriger les lacunes. En outre, l'enquête a permis de constater que la formation et les directives fournies aux inspecteurs de TC avaient donné lieu à de l'incertitude, source d'incohérence et d'inefficacité dans la surveillance d'Ornge. En définitive, malgré une surveillance fréquente et systématique, l'approche de TC pour aider l'exploitant à rétablir sa conformité correspondait mal aux capacités de ce dernier.

L'enquête a également noté que, quoique TC misait lourdement sur le processus PMC, l'exploitant n'était pas tenu d'avoir un SGS et, par conséquent, n'a pas démontré à TC qu'il avait les processus en place pour gérer efficacement la sécurité.

Le BST a déjà cerné ces enjeux par le passé; la gestion de la sécurité et la surveillance est un élément multimodal sur la Liste de surveillance du BST, qui cerne les enjeux de sécurité font courir les plus grands risques au système de transport du Canada. La Liste de surveillance propose les solutions suivantes à cet égard :

L'enquête sur l'accident à l'étude et sur d'autres événements récents soulignent la nécessité pour les exploitants de pouvoir gérer efficacement la sécurité. Plus de 10 ans après la mise en place de la première réglementation sur les SGS des exploitants aériens et des entreprises qui font la maintenance d'aéronefs, voilà que la mise en œuvre des SGS stagne. Quoique beaucoup d'entreprises, dont Ornge RW, ont reconnu les avantages d'un SGS et ont volontairement amorcé la mise en œuvre d'un tel système au sein de leur organisation, environ 90 % de tous les titulaires de certificat d'aviation canadien ne sont toujours pas tenus d'avoir de SGS, selon la réglementation en vigueur. Par conséquent, TC n'a aucune assurance quant à la capacité de ces exploitants de gérer efficacement la sécurité.

C'est pourquoi le Bureau recommande que

le ministère des Transports exige que tous les exploitants d'aviation commerciale au Canada mettent en œuvre un système de gestion de la sécurité en bonne et due forme.
Recommandation A16-12 du BST

et que

le ministère des Transports effectue des évaluations régulières des SGS pour déterminer la capacité des exploitants de gérer efficacement la sécurité.
Recommandation A16-13 du BST

La présente enquête, comme d'autres auparavant, a également fait ressortir la nécessité pour TC d'adapter son approche de la surveillance réglementaire en fonction de la compétence de l'exploitant. La documentation fournie aux inspecteurs de TC a considérablement évolué durant la période de l'enquête, et TC continue de donner de la formation nouvelle à ses inspecteurs, comme le décrit la section Mesures de sécurité prises du présent rapport.

Cependant, des enquêtes récentes ont mis en évidence le fait que, dans le cas d'exploitants qui ne peuvent ou ne veulent pas corriger les manquements à la sécurité relevés, TC a du mal à adapter son approche pour s'assurer que ces manquements sont bien cernés et qu'ils sont corrigés en temps opportun.

TC préconise une approche à la planification de la surveillance fondée sur les risques qui prévoyait une surveillance plus fréquente de certains exploitants perçus comme étant à risque plus élevé. Toutefois, dans le cas de l'événement A13W0120, cette surveillance était axée sur les processus de sorte que des conditions dangereuses sont passées inaperçues. Dans d'autres événements, des conditions dangereuses ont persisté pendant longtemps parce que TC se fiait trop au processus PMC auquel les exploitants ne pouvaient participer, faute d'outils appropriés.

Par conséquent, pour s'assurer que les entreprises utilisent efficacement leur SGS et qu'elles continuent de mener leurs activités conformément à la réglementation, le Bureau recommande également que

le ministère des Transports renforce ses politiques, ses procédures et sa formation en matière de surveillance, afin que la fréquence et l'objet de la surveillance et des activités de contrôle après surveillance, y compris les mesures d'application, correspondent à la capacité de l'exploitant de gérer efficacement le risque.
Recommandation A16-14 du BST

Le présent rapport conclut l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication de ce rapport le . Le rapport a été officiellement publié le .

Correction

Le rapport a été modifié en fonction de nouveaux renseignements qui ont été communiqués au Bureau de la sécurité des transports après la publication initiale du rapport.

Le Bureau a modifié les sections 1.17.1 et 1.17.2 du rapport comme il suit :

Section 1.17.1

Élimination des 2 dernières phrases du deuxième paragraphe qui se lisaient

D'après Ornge, l'exploitant précédent avait déterminé quelles cellules de S-76A seraient retirées du service à la livraison des AW139. Ornge n'a pas pris part à la décision de retirer certaines cellules du service, mais a supposé que ces retraits étaient fondés sur la durée de vie restante des composants.

Section 1.17.2

Ajout des 2 nouvelles phrases suivantes au début du cinquième paragraphe :

Au cours des mois précédant le mois de septembre 2010, moment où la transition de l'exploitant précédent à Ornge RW a débuté, l'exploitant précédent avait recommandé, en fonction des dispositifs de sécurité dont ils étaient munis, l'ordre dans lequel les aéronefs S-76A devraient être retirés du service à la livraison des AW139. Toutefois, lorsque la mise en œuvre des AW139 a été retardée, certains hélicoptères S-76A, y compris l'aéronef en cause dans l'événement, sont demeurés en service à leur base d'exploitation régulière plutôt que d'être retirés dans l'ordre recommandé.

Section 1.18.2.2

Élimination des quatrième, cinquième, sixième et septième phrases du troisième paragraphe qui se lisaient

Dans d’autres cas, des pilotes ont éprouvé des problèmes techniques avec le simulateur, et ce dernier devait être redémarré ou confié à un technicien pour être réparé. Dans au moins un cas, un équipage jumelé a dû effectuer plusieurs séances doubles d’entraînement pour respecter les délais prévus du CCP à cause de difficultés techniques. En fin de compte, cet équipage a refusé une deuxième séance double, car il n’aurait pas eu suffisamment de temps de repos et de préparation en vue du CCP prévu le lendemain. Leurs CCP ont ainsi dû être reportés.

Ces modifications ont été apportées par souci de précision et d'intégralité; elles ne changent pas les sections du rapport portant sur l'analyse, les faits établis et les mesures de sécurité.

Le Bureau a approuvé ces modifications le , et la version modifiée du rapport a été publiée le .

Annexes

Annexe A – Différences entre aéronefs S-76 à Ornge Rotor-Wing

Annexe B – Communications de sécurité concernant les sangles à ruban autoagrippant sur les radiobalises de repérage d'urgence

Le 19 avril 2012, le BST a émis l'avis de sécurité 825-A11W0151-D1-A1: Loose Attachment of Kannad 406 AF-Compact (ER) ELT. Cet avis de sécurité suggérait à Transports Canada d'informer les propriétaires, les exploitants et les responsables de la maintenance d'aéronefs équipés de radiobalise de repérage d'urgence (ELT) retenue par une sangle à ruban autoagrippant de la nécessité de veiller à ce que l'ELT soit retenue convenablement en cas d'accident. Le 19 avril 2012, le BST a émis un avis de sécurité semblable(825-A11W0151-D1-A2) aux fabricants d'ELT utilisant des sangles de fixation à ruban autoagrippant pour les informer qu'il serait avantageux d'élaborer et de publier des méthodes pour déterminer le degré de serrage des sangles et pour informer le personnel de maintenance de la nécessité d'installer correctement ce dispositif.

Outre les avis de sécurité produits par le BST, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a émis les recommandations de sécurité A-10-169 et A-10-170 en janvier 2011, qui recommandaient que la Federal Aviation Administration (FAA) [traduction] :

Exige une inspection détaillée, durant les inspections annuelles, de toutes les radiobalises de repérage d'urgence installées à bord d'aéronefs d'aviation générale pour s'assurer qu'elles sont installées et fixées conformément aux spécifications des fabricants. (A-10-169)

Détermine si les exigences d'installation et essais de fixation de radiobalises de repérage d'urgence (ELT) énoncés dans les spécifications techniques TSO C91a et TSO C126 suffisent pour évaluer la capacité de retenue des concepts d'ELT. Selon les résultats de cette détermination, réviser, si nécessaire, les exigences des TSO pour garantir une fixation adéquate des ELT en cas d'accident d'aéronef. (A-10-170) Note de bas de page 289

Le 23 mai 2012, la FAA a émis le bulletin spécial d'information sur la navigabilité [Special Airworthiness Information Bulletin] (SAIB) HQ-12-32. Ce document avait pour objectif d'informer les fabricants et installateurs d'ELT ainsi que le personnel d'entretien d'aéronef de préoccupations concernant la capacité des sangles à ruban autoagrippant de retenir une ELT durant l'impact d'un accident. Ce bulletin donnait plusieurs exemples d'échecs de ces types d'attaches qui ont, dans plusieurs cas, provoqué le sectionnement des fils et rendu l'ELT inutilisable. Le document SAIB recommandait aux fabricants d'ELT qui utilisaient des sangles à ruban autoagrippant d'ajouter l'information suivante à leurs instructions afin de maintenir leur état de navigabilité [traduction] :

  1. Des instructions pour fixer correctement l'ELT durant son installation et sa réinstallation, ainsi qu'une méthode pour déterminer la tension correcte des sangles à ruban autoagrippant.
  2. Des instructions pour inspecter les sangles à ruban autoagrippant contre l'usure, la contamination, la dégradation environnementale ou d'autres effets afin de s'assurer qu'elles continuent de satisfaire aux exigences de la TSO applicable. Il convient d'incorporer cette inspection dans celle qu'exige le règlement 14 du Code of Federal Regulations (CFR) partie 91.207.
  3. L'intervalle de remplacement des sangles à ruban autoagrippant Note de bas de page 290.

En réponse au document SAIB HQ-12-32, Kannad Aviation a émis le bulletin de service (BS) S1800000-25-00, qui donnait des directives détaillées sur la façon de fixer correctement une ELT au moyen de sangles à ruban autoagrippant. Or, les bulletins de service ne sont pas impératifs. Comme la conformité à ceux-ci est strictement volontaire, chaque entreprise peut décider de s'y conformer ou non. Ce bulletin insistait tout particulièrement sur l'importance de serrer correctement les sangles, à défaut de quoi l'ELT pourrait ne pas transmettre des signaux de détresse. On recommandait dans le même bulletin de faire un examen visuel des sangles à ruban autoagrippant à chaque installation ou réinstallation d'une ELT et lors des inspections périodiques requises par les autorités nationales.

Le 11 février 2013, Kannad Aviation a émis le BS S1840501-25-25-05 (révision 01), intitulé Kannad 406 AF-Compact, Kannad 406 AF-Compact (ER) Integra ELTs Family: Guidelines For Periodic Inspection. Le 19 février 2013, Kannad Aviation a émis l'avis de sécurité SL18XX502-25-12 (révision 02), intitulé Kannad 406 ELTs: Guidelines for Periodic Inspection. Ces documents décrivent les procédures habituelles de vérification périodique qu'exigent les principales autorités de l'aviation.

Le 13 février 2013, l'Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA) a émis une consigne de navigabilité spéciale (SAB) 2013-04, qui reprenait les recommandations du SAIB HQ-12-32 de la FAA. Cette SAB indiquait que l'AESA envisageait de mettre à jour la spécification technique européenne ETSO C126a pour qu'il reflète les changements apportés à la TSO-126b. Au moment de rédiger le présent rapport, la spécification ETSO C126a était toujours en vigueur.

Comme suite à l'enquête aéronautique A11W0151 du BST, TC a publié un article dans son bulletin Sécurité aérienne – Nouvelles numéro 2/2013 qui portait tout particulièrement sur les sangles de fixation à ruban autoagrippant et sur la nécessité de veiller à ce qu'elles soient suffisamment serrées.

Annexe C – Options possibles pour améliorer la résistance à l'impact des radiobalises de repérage d'urgence

L'une des options examinées pour améliorer la résistance à l'impact des radiobalises de repérage d'urgence (ELT) consistait à déterminer s'il était possible ou non de concevoir une antenne ELT discrète, semblable à celles qu'on utilise pour les téléphones satellites et pour les systèmes mondiaux de positionnement (GPS). Toutefois, le fait que certaines ELT transmettent sur différentes fréquences – 121,5 mégahertz (MHz), 243,0 MHz et 406 MHz –impose des limites de conception relatives aux diagrammes de rayonnement et à la puissance du signal. Les fréquences de 121,5 MHz et 243,0 MHz exigent une polarisation verticale, ce qui exclut l'utilisation d'une antenne discrète encastrée. Comme c'est le cas pour les téléphones satellites et les GPS, une antenne discrète exigerait que l'ELT utilise la fréquence de 406 MHz. L'installation d'une double antenne est une autre possibilité, c'est-à-dire une antenne à profil laminaire ou une antenne fouet classique pour la transmission sur les fréquences de 121,5 MHz et 243,0 MHz, et d'une antenne discrète pour la transmission sur la fréquence de 406 MHz.

Le fabricant de l'ELT à bord de l'aéronef en cause a pris des mesures pour résoudre le problème de redondance dans la conception de ses ELT en mettant au point une nouvelle gamme d'ELT, approuvées par Industrie Canada, munies d'une antenne interne intégrée. Si le dispositif détecte un rapport d'ondes stationnaires bas découlant d'une perte de connexion avec l'antenne externe, l'ELT bascule automatiquement à l'antenne interne de 406 MHz. Ce concept vise à empêcher l'échec de transmission de signaux de détresse au système Cospas-Sarsat dans la situation où l'antenne serait rompue. Cette ELT comprend aussi un récepteur et une antenne GPS internes qui fournissent la position ainsi qu'un émetteur de 121,5 MHz pour le radioguidage lors de la phrase finale des opérations de sauvetage. L'antenne interne a été conçue pour satisfaire aux spécifications RTCA DO-204A et du document ED62A de l'Organisation européenne pour l'équipement électronique de l'aviation civile (EUROCAE). Or, cette antenne interne n'a été ni testée ni approuvée par Cospas-Sarsat, dont la norme ne comprend aucun détail sur le rayonnement ou la puissance de sortie du dispositif. Enfin, en fonction de son emplacement, l'efficacité de transmission de l'ELT avec une antenne interne pourrait être moins efficace en raison de l'écran formé par les composantes de l'aéronef ou encore le relief.

Annexe D – Évaluation et classification des constatations faites dans le cadre d'une inspection de validation de programme selon le SUR-001 édition 04

Selon le SUR-001 édition 04, les constatations faites dans le cadre d'une inspection de validation de programme sont classées en fonction des critères suivants :

a) Mineure – Une constatation est jugée mineure si l'activité de surveillance a montré qu'une composante ou un élément a été tenu à jour et a fait preuve de son efficacité, mais que cette composante ou cet élément devrait être amélioré au niveau administratif par rapport aux domaines existants (par exemple pour des questions de formatage).

b) Modérée – Une constatation est jugée modérée si l'activité de surveillance a montré qu'une composante ou un élément n'a pas été pleinement tenu à jour et que des constatations touchant la conformité indiquent que la composante n'est pas pleinement efficace, mais que le titulaire de certificat a clairement démontré sa capacité à mener l'activité requise par l'élément ou la composante, une simple modification à son processus devant probablement suffire pour remédier à la situation.

c) Majeure – Une constatation est jugée majeure si l'activité de surveillance a trouvé des exemples montrant que la composante ou l'élément n'a pas été élaboré, tenu à jour et respecté, ou encore qu'il est inefficace, et qu'une défaillance systémique est évidente. Une constatation majeure va généralement exiger une [sic] PMC plus long et plus rigoureux que pour une constatation mineure ou modérée. Un AS avec préavis de 30 jours ou une surveillance accrue devraient être envisagées.

[…]

d) Critique – Lorsqu'une constatation résultant d'une activité de surveillance montre qu'une composante n'a pas été mise en œuvre ou qu'elle est complètement inefficace (à savoir qu'elle a reçu une note de 1), un AS à effet immédiat est justifié, conformément à l'alinéa 7.1a) de la Loi sur l'aéronautique. L'absence d'un SGS tenu à jour et efficace conforme aux dispositions pertinentes du RAC sera citée comme raison de la suspension. Dans le cas d'une évaluation, l'AS sera délivré pour cause de non-respect du RAC 107.02 et des dispositions appropriées du RAC 107.03 ainsi que des parties et sous-parties pertinentes au titulaire de certificat faisant l'objet de l'examen. Pour un IVP, l'AS sera délivré pour cause de non-respect des parties et sous-parties pertinentes au titulaire de certificat faisant l'objet de l'examen Note de bas de page 291.

Annexe E – Notation d'après le SUR-001 édition 04

D'après le SUR-001 édition 04, les notes sont attribuées selon les critères suivants :

  1. Une note de « 1 » signifie que l'élément n'est pas documenté ni mis en œuvre, ou qu'il est complètement inefficace;
  2. une note de « 2 » indique que l'élément a été partiellement mis en œuvre, mais qu'il n'est peut-être pas entièrement efficace […];
  3. une note de « 3 » signifie que l'élément répond aux exigences réglementaires;
  4. une note de « 4 » indique que l'élément dépasse les exigences réglementaires […];
  5. une note de « 5 » indique que l'élément est conforme à tous les critères du niveau 3 et qu'il respecte tous les critères supplémentaires exigés pour cet élément. […] Note de bas de page 292

D'après le SUR-001 édition 04, « si une composante a obtenu une note de 1, un avis de suspension (AS) sera émis Note de bas de page 293 ». Ce document indique en outre que l'AS peut prendre effet immédiatement. Si une composante a obtenu « une note de 2 à l'évaluation et que l'interprétation des constatations indique qu'il s'agit de points majeurs […] l'autorité de convocation décidera des mesures à prendre, lesquelles pourront inclure une émission d'un AS ainsi qu'une surveillance accrue Note de bas de page 294 ».

Annexe F – Échéanciers des plans de mesures correctives pour l'inspection de validation de programme de janvier 2013

Annexe G – Progrès récents relatifs aux lunettes de vision nocturne

D'après Transports Canada, les lunettes de vision nocturne (LVN) de la génération actuelle (GEN III) comportent plusieurs avantages distincts par rapport aux LVN GEN II et GEN I précédentes : elles s'ajustent automatiquement aux conditions ambiantes, allant de la lumière stellaire à celle de l'aurore et du crépuscule, et offrent une bien meilleure performance par faible luminosité. Pour mettre ces progrès en perspective, les LVN GEN III peuvent fonctionner dans des conditions d'éclairage 100 fois inférieures à celles que permettent les LVN GEN II, et 1000 fois inférieures à celles que permettent les LVN GEN I Note de bas de page 295 (figure ci-après).

Comparaison de lunettes de vision nocturne (LVN) de diverses générations (Source : Transports Canada [présentation], Civil Aviation Use of NVG [2005])
Image 1: Comparaison de lunettes de vision nocturne (LVN) de diverses générations (Source : Transports Canada [présentation], Civil Aviation Use of NVG [2005])

En plus des progrès généraux des LVN de GEN III, certaines entreprises fabriquent aujourd'hui des systèmes d'affichage tête haute de LVN qui projettent l'information cruciale de vol et de navigation sur l'image affichée dans les LVN, ce qui réduit considérablement le temps que le pilote passe la tête baissée dans le poste de pilotage (figure ci-après). Le fait de passer plus de temps la tête haute permet aux pilotes de maintenir un meilleur balayage visuel des environs, ce qui permet une meilleure conscience de la situation et augmente le niveau de sécurité Note de bas de page 296.

Image de lunettes de vision nocturne (LVN) à système d'affichage tête haute (Source : Transports Canada [présentation], Civil Aviation Use of NVG [2005])
Image de lunettes de vision nocturne (LVN) à système d'affichage tête haute (Source : Transports Canada [présentation], Civil Aviation Use of NVG [2005])

Annexe H – Avantages et désavantages des lunettes de vision nocturne

Bien que les opérations assistées par lunettes de vision nocturne (LVN) comportent certains défis, il est généralement accepté que les LVN réduisent considérablement les risques associés aux opérations de nuit selon les règles de vol à vue (VFR), en particulier le risque d'impact sans perte de contrôle (CFIT). Le plus grand avantage des LVN est qu'elles peuvent améliorer énormément l'acuité visuelle la nuit, celle-ci pouvant presque atteindre des niveaux diurnes; une acuité 20/30 ou meilleure est facilement réalisable avec des LVN correctement mises au point. D'après Transports Canada (TC), une telle acuité visuelle améliorée la nuit favorise l'orientation spatiale et permet d'accroître la conscience de la situation Note de bas de page 297.

Dans le cadre d'un important sondage mené par la National EMS Pilots Association (NEMSPA) Note de bas de page 298, on a invité les participants à répondre à plusieurs questions sur leur expérience avec les LVN et à donner leur avis sur cette technologie comme moyen d'améliorer la sécurité de vol. Selon la NEMSPA, 85 % des pilotes étaient fermement d'avis que les LVN augmentent la sécurité des opérations des services médicaux d'urgence par hélicoptère (SMUH) la nuit Note de bas de page 299. Voici quelques commentaires fournis par les répondants [traduction] :

« Les LVN sont la plus importante amélioration de toute l'histoire des opérations SMU de nuit. »

« La capacité de voir la nuit avec des LVN est remarquable […] »

« Selon moi, les lunettes de vision nocturne ont accru la sécurité dans notre programme plus que tout autre outil que j'ai vu durant mes 17 ans de pilotage pour les SMU. »

« Il est dangereux d'atterrir la nuit dans des endroits non aménagés. Atterrir la nuit dans un endroit non aménagé sans LVN serait une idiotie! »

« Pour les opérations héliportées de nuit, l'utilisation des LVN représente la plus importante amélioration sur le plan de la sécurité que j'ai vue durant mes 41 années (18 000 heures) comme pilote d'hélicoptère. »

« Je ne voudrais jamais effectuer un vol la nuit sans LVN. »

Les membres de la division des Normes de vol de TC ont publiquement exprimé des opinions semblables. Dans un article publié dans Canadian Skies, l'agent de projet – développement de réglementation des systèmes d'imagerie de vision nocturne, a dit à propos des LVN [traduction] : « Mon objectif personnel, c'est que dans quelques années, les LVN élimineront les vols VFR de nuit sans dispositif d'aide visuelle dans des endroits où il y a très peu d'éclairage artificiel Note de bas de page 300 ».

Même si un certain nombre de pilotes à Ornge RW n'avaient aucune expérience opérationnelle avec des LVN au moment de l'accident, l'enquête a montré que la grande majorité d'entre eux était fortement en faveur des LVN, en particulier dans les bases au nord, étant donné le manque d'éclairage artificiel dans ces endroits pour aider les pilotes à maintenir le contact visuel avec la surface durant les vols VFR de nuit.

Dans son rapport de sondage, la NEMSPA a indiqué que la plus grande résistance à l'utilisation des LVN pour les SMU venait de pilotes et d'inspecteurs de la Federal Aviation Administration (FAA) qui n'avaient que peu ou pas d'expérience de vol assisté par LVN. Par contre, d'autres personnes ayant une vaste expérience des LVN sont allées jusqu'à affirmer qu'ils sont plus utiles pour contrer les CFIT que les systèmes d'avertissement et d'alarme d'impact pour hélicoptères (HTAWS). La raison est que les HTAWS avertissent les pilotes de dangers qu'ils ne peuvent voir, tandis que les LVN permettent aux pilotes de voir, de reconnaître et d'éviter les dangers comme ils le feraient de jour lorsqu'ils peuvent voir le paysage Note de bas de page 301.

Malgré les avantages bien connus des LVN, celles-ci comportent certaines limites dont doivent tenir compte les entreprises qui songent à adopter cet outil pour leurs opérations VFR de nuit. L'une des principales limites est que le champ visuel des LVN est très restreint (environ 40 degrés). Étant donné cette restriction, les pilotes doivent tourner la tête beaucoup plus qu'ils le font normalement, puisqu'ils n'ont plus la vision périphérique dont ils tirent parti le jour. Les LVN peuvent également obstruer partiellement la vue des pilotes et faire en sorte qu'il leur est plus difficile de voir certains instruments dans le poste de pilotage; en outre, les opérations aidées par des LVN peuvent être plus fatigantes, surtout si la mise au point focale est incorrecte. D'autres enjeux liés aux limites des LVN pourraient rendre plus difficile la détection de certains éléments du relief en raison de la dissimulation par le terrain; de plus, sans formation adéquate, il peut être plus difficile de percevoir la profondeur et de déterminer la vitesse de rapprochement.

Outre les limites indiquées ci-dessus, il est important de tenir compte du fait que selon la réglementation en vigueur, on peut satisfaire aux exigences de maintien des compétences de vol de nuit en utilisant des LVN. Par conséquent, il est possible que l'aptitude au vol de nuit sans dispositif d'aide visuelle se dégrade si les pilotes se fient uniquement aux LVN pour satisfaire à ces exigences. Malgré ces limites, la grande majorité des pilotes d'aéronef à voilure tournante s'accordent pour dire que les LVN procurent une marge de sécurité accrue durant les opérations VFR de nuit.

Annexe I – Services médicaux d'urgence par hélicoptère aux États-Unis

En 2006, le National Transportation Safety Board (NTSB) des États-Unis a publié un rapport spécial intitulé Special Investigation Report on Emergency Medical Services Operations. D'après ce rapport, le NTSB a analysé 55 accidents, de janvier 2002 à janvier 2005, et a conclu que dans 13 cas, l'utilisation de systèmes d'imagerie de vision nocturne (SIVN) aurait pu prévenir l'accident en aidant les pilotes à voir clairement les obstacles qui approchaient et à effectuer à temps des manœuvres d'évitement Note de bas de page 302. Le NTSB n'avait formulé aucune recommandation à l'époque, car [traduction] « les SIVN n'étaient pas pratiques dans certaines situations, par exemple les régions peuplées avec de la lumière ambiante et de nombreux lampadaires. De plus, les coûts et la disponibilité de cette technologie, ainsi que les politiques d'homologation et le personnel de la FAA [Federal Aviation Administration] n'étaient pas assez évolués pour justifier raisonnablement une recommandation Note de bas de page 303 ». En conclusion, le NTSB a indiqué qu'il surveillerait de près le rôle de la FAA dans la promotion de l'utilisation des lunettes de vision nocturne (LVN) Note de bas de page 304.

Si le NTSB n'a formulé aucune recommandation officielle sur les LVN en 2006, il a néanmoins adressé plusieurs recommandations de sécurité à la FAA. Voici un aperçu de ces recommandations et des réponses de la FAA.

[traduction]

Recommandation A-06-12 : exiger que tous les fournisseurs de services médicaux d'urgence se conforment aux exigences d'exploitation Note de bas de page 305 du règlement 14 du Code of Federal Regulations (CFR), partie 135, durant tous les vols avec du personnel médical à bord Note de bas de page 306.

En réponse à la recommandation A-06-12, la FAA a proposé une révision du règlement 14 CFR partie 135 pour définir les opérations d'ambulance aérienne par hélicoptère comme étant celles menées par un titulaire de certificat régi par la partie 135. Cette révision est entrée en vigueur le 21 février 2014. Par conséquent, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure acceptable ».

[traduction]

Recommandation A-06-13 : exiger que tous les fournisseurs de SMU [services médicaux d'urgence] élaborent et mettent en œuvre un programme d'évaluation des risques en vol qui comprend la formation des employés qui prennent part aux opérations, les procédures qui appuient l'évaluation systématique des risques en vol, et la consultation d'autres personnes formées aux opérations aériennes SMU si les risques atteignent un niveau prédéfini Note de bas de page 307.

En réponse à la recommandation A-06-13, la FAA a proposé une révision du règlement 14 CFR partie 135 afin d'exiger une procédure approuvée par la FAA pour mener des analyses des risques prévol lors d'opérations d'ambulance aérienne par hélicoptère. Ce règlement est entré en vigueur le 21 février 2014. Par conséquent, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure acceptable ».

[traduction]

Recommandation A-06-14 : exiger des fournisseurs de SMU qu'ils utilisent des procédures formelles de régulation et de suivi des vols qui comprennent des renseignements météorologiques à jour et du soutien relativement aux décisions d'évaluation des risques en vol Note de bas de page 308.

En réponse à la recommandation A-06-14, la FAA a proposé des révisions au règlement 14 CFR partie 135 visant à rendre obligatoire l'établissement d'un centre de contrôle des opérations (CCO) et l'utilisation de spécialistes du contrôle des opérations chez les exploitants d'hélicoptères-ambulances qui ont une flotte de 10 hélicoptères ou plus. Ce règlement est entré en vigueur le 21 février 2014. Par conséquent, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure de rechange acceptable ».

[traduction]

Recommandation A-06-15 : exiger des fournisseurs de SMU qu'ils installent des dispositifs TAWS [système d'avertissement et d'alarme d'impact] à bord de leurs aéronefs et qu'ils donnent une formation pertinente aux équipages de conduite pour s'assurer qu'ils sont capables d'utiliser ces systèmes pour effectuer en toute sécurité les opérations SMU Note de bas de page 309.

En réponse à la recommandation A-06-15, la FAA a proposé une révision au règlement 14 CFR partie 135 visant à rendre obligatoire l'utilisation de dispositifs TAWS pour hélicoptère pour les opérations d'ambulance aérienne par hélicoptère. Ce règlement est entré en vigueur le 21 février 2014. Par conséquent, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure acceptable ».

En octobre 2008, le NTSB a ajouté les services médicaux d'urgence par hélicoptère (SMUH) à sa « Most Wanted List Note de bas de page 310 » (liste de surveillance), en tant qu'activité parmi celles où des changements cruciaux s'imposent pour réduire le nombre d'accidents de transport et sauver des vies. Puis, en février 2009, le NTSB a tenu des audiences publiques sur les SMUH. Comme suite à ces audiences, le NTSB a formulé 19 recommandations de sécurité Note de bas de page 311 portant sur la formation des pilotes, l'équipement à bord des aéronefs, l'infrastructure de l'espace aérien, les centres de remboursement des services médicaux dispensés pour les programmes Medicare et Medicaid, et les critères d'utilisation des SMUH. Certaines des recommandations visant la FAA et qui sont particulièrement pertinentes à l'accident en question figurent ci-dessous.

[traduction]

Recommandation A-09-87 : élaborer pour les pilotes SMUH des critères de formation de mise en situation qui comprennent le vol par inadvertance dans des conditions IMC [de vol aux instruments ] et les dangers propres aux opérations SMUH, et déterminer la fréquence requise de cette formation pour assurer la maîtrise de ces compétences Note de bas de page 312.

En réponse à la recommandation A-09-87, la FAA a proposé plusieurs révisions au règlement 14 CFR partie 91, dont certaines reprennent des recommandations antérieures du NTSB. Toutefois, puisque les changements proposés ne comprenaient pas l'élaboration de critères de formation de mise en situation pour les pilotes SMUH qui comprennent le vol par inadvertance dans des conditions IMC et les dangers propres aux opérations SMUH, et ne déterminaient pas la fréquence de cette formation, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure inacceptable ».

[traduction]

Recommandation A-09-88 : une fois les mesures recommandées dans la recommandation de sécurité A-09-87 mises en place, exiger que les pilotes SMUH suivent une formation périodique de mise en situation sur simulateur et approuvée par la FAA, y compris une formation qui utilise des simulateurs ou des dispositifs d'entraînement au vol Note de bas de page 313.

Comme la FAA n'a pas mis en œuvre la mesure proposée dans la Recommandation de sécurité A-09-87 du NTSB, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure inacceptable ».

[traduction]

Recommandation A-09-89 : exiger que les fournisseurs de services médicaux d'urgence héliportés mettent en place un programme SGS qui comprend des pratiques sûres de gestion du risque Note de bas de page 314.

La FAA n'a pas adopté cette recommandation; par conséquent, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure inacceptable ».

[traduction]

Recommandation A-09-90 : exiger que les fournisseurs de SMUH installent des enregistreurs de données de vol (FDR) et établissent un programme structuré de suivi des données de vol (SDV) qui examine toutes les sources disponibles de données afin de cerner les écarts des normes et procédures établies et d'autres enjeux de sécurité potentiels Note de bas de page 315.

Dans sa réponse, la FAA a indiqué qu'elle invitait les commentaires sur l'utilisation potentielle de systèmes d'enregistrement des données de vol d'avion léger (LARS) dans l'industrie des SMUH. La FAA a également indiqué qu'elle étudiait la possibilité d'exiger l'installation de systèmes LARS à bord de tous les aéronefs SMUH, peu importe le nombre de sièges de passagers ou le nombre de pilotes, à moins qu'un titulaire du certificat puisse démontrer que l'utilisation d'un enregistreur de conversations de poste de pilotage (CVR) ou d'un enregistreur de données de vol (FDR) permettrait de se conformer aux exigences. Étant donné que ce changement n'est pas encore entré en vigueur, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure acceptable ».

[traduction]

Recommandation A-09-95 : exiger que les fournisseurs de SMUH installent des systèmes SIVN et que les pilotes soient formés à leur utilisation pour les opérations de nuit Note de bas de page 316.

Comme la FAA n'a promulgué aucun des règlements proposés, et comme aucun règlement n'a été approuvé relativement à la recommandation A-09-95, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure inacceptable ».

[traduction]

Recommandation A-09-96 : exiger que les hélicoptères qui servent au transport SMU soient équipés d'un pilote automatique, et que les pilotes soient formés à leur utilisation si un second pilote n'est pas disponible Note de bas de page 317.

La FAA n'a promulgué aucun des règlements proposés, et aucun règlement n'a été approuvé relativement à la recommandation A-09-96. Par conséquent, le NTSB a classé la réponse de la FAA comme étant « fermée – mesure inacceptable ».

En octobre 2010, la FAA a publié un document d'information intitulé FAA Initiatives to Improve Helicopter Air Ambulance Safety, où l'organisme abordait certains des enjeux soulevés par les recommandations du NTSB mentionnées ci-dessus. En particulier, ce document soulignait la nécessité d'une meilleure formation sur les opérations de nuit et les réactions au vol par inadvertance dans des conditions météorologiques qui se dégradent. Il favorisait en outre l'utilisation de nouvelles technologies comme les LVN, les dispositifs TAWS et les radioaltimètres. Malgré ces développements, le NTSB a classé toutes les réponses à ses recommandations 2009 mentionnées ci-dessus, sauf une, comme étant des « mesures inacceptables ». Ainsi, les lacunes de sécurité qui y sont associées représentent toujours une menace, d'après le NTSB. Il est à noter que le NTSB a également transmis ses recommandations 2009 mentionnées ci-dessus à 40 exploitants publics de SMUH. La grande majorité des réponses de ces 40 exploitants à chacune des recommandations a été classée comme étant soit « réponse acceptable », soit « mesure acceptable », soit encore « dépasse la mesure recommandée ».

Comme il est mentionné ci-dessus, certains changements à la réglementation mis en place récemment aux États-Unis sont pertinents à la présente enquête. Le 21 février 2014, la FAA a publié de nouveaux règlements qui visaient les opérations d'ambulance aérienne par hélicoptère, d'hélicoptères commerciaux et d'hélicoptères assujettis à la partie 91 Note de bas de page 318. Ces changements, qui sont entrés en vigueur le 22 avril 2014, visent les causes des 62 accidents d'hélicoptères-ambulances survenus aux États-Unis, de 1991 à 2010, et qui ont coûté la vie à 125 personnes. Selon le Federal Register, ces accidents avaient en commun 4 facteurs :

  1. Vol par inadvertance dans des conditions IMC
  2. Perte de maîtrise
  3. Impact sans perte de contrôle
  4. Conditions nocturnes

Dans une étude semblable, TC a analysé les accidents durant des transferts par hélicoptère-ambulance survenus de 1977 à 1997. Durant cette période, il y a eu en tout 54 accidents et 6 incidents liés à ces activités. L'étude a déterminé que [traduction] « la réduction des impacts sans perte de contrôle (CFIT) offre le plus grand potentiel de réduction de pertes de vie lors de transferts par hélicoptère-ambulance, surtout durant les heures d'obscurité Note de bas de page 319 ». Cette étude conclut en outre que « la plupart des problèmes sont survenus dans l'espace aérien non contrôlé, souvent hors de la couverture radar, de nuit, habituellement dans des conditions de nuit noire Note de bas de page 320 ».

Voici un aperçu des principaux changements liés aux révisions de la FAA :

  1. Les vols d'hélicoptères-ambulances avec du personnel médical à bord doivent être exploités sous le régime de la partie 135, qui correspond à la sous-partie 704du RAC au Canada.
  2. Les exploitants d'hélicoptères-ambulances qui ont une flotte de 10 aéronefs ou plus doivent mettre sur pied un CCO.
  3. Les hélicoptères exploités comme ambulances aériennes doivent être équipés d'un TAWS pour hélicoptère.
  4. Les hélicoptères-ambulances doivent être munis d'un système SDV (suivi des données de vol).
  5. Les exploitants d'hélicoptères-ambulances doivent établir et documenter un processus d'analyse prévol des risques approuvé par la FAA.

Même si la FAA a déclaré qu'elle appuyait l'utilisation des LVN dans le cadre des SMUH, et même si la grande majorité du secteur des SMUH aux États-Unis est favorable aux LVN, la FAA n'a proposé aucune nouvelle réglementation imposant aux SMUH l'utilisation de SIVN pour les vols de nuit. Dans son avis de projet de réglementation, la FAA a indiqué qu'elle avait examiné la possibilité de permettre l'utilisation des LVN comme solution de rechange pour se conformer à l'exigence des dispositifs TAWS pour hélicoptère (HTAWS), mais que finalement, elle avait conclu que les LVN pourraient ne pas convenir à toutes les situations, et que des études plus poussées seraient nécessaires pour déterminer si les LVN remplaceraient avantageusement les dispositifs HTAWS. D'après le Federal Register, qui documente les opinions présentées par des intervenants du secteur, plusieurs exploitants estiment que l'on devrait favoriser les LVN au lieu des dispositifs HTAWS, tandis que d'autres exploitants estiment que l'on devrait exiger les LVN et les dispositifs HTAWS, étant donné que ces deux systèmes se complètent.

Annexe J – Liste des acronymes et des abréviations

AESA
Agence européenne de la sécurité aérienne
AF
automatique fixe
AOC
certificat d'exploitation aérienne
AP
automatique portative
APM
Avis de proposition de modification
agl
au-dessus du sol
asl
au-dessus du niveau de la mer
AS
avis de suspension
ASR
rapport de sécurité aéronautique
ATPL
licence de pilote de ligne
ATSB
Australian Transport Safety Bureau (Australie)
AvAIO
Aviation All In One (logiciel)
AWOS
système automatisé d'observation météorologique
BIP
bulletin interne de procédure
BS
Bulletin de service
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CAA
Civil Aviation Authority (Royaume-Uni)
CADV
commandes automatiques de vol
CCCM
Centre canadien de contrôle des missions
CCO
centre de contrôle des opérations
CCP
contrôle de compétence pilote
CCR
Conseil de coopération en matière de réglementation
CCRAC
Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne
CdB
commandant de bord
CFIT
impact sans perte de contrôle
CFR
Code of Federal Regulations (États-Unis)
CI
Circulaire d'information
CP
chef pilote
CRM
gestion des ressources de l'équipage
CVR
enregistreur de conversations de poste de pilotage
CYMO
aéroport de Moosonee
DAC
Document d'aviation canadien
DAO
directeur associé, Opérations
DGAC
directeur général, Aviation civile
DGR
directeur général régional
DOA
Directive d'opérations aériennes
DRAC
directeur régional de l'Aviation civile
EGPWS
système d'avertissement de proximité du sol amélioré
ELT
radiobalise de repérage d'urgence
EUROCAE
Organisation européenne pour l'équipement électronique de l'aviation civile
FAA
Federal Aviation Administration (États-Unis)
FARs
Federal Aviation Regulations (États-Unis)
FDR
enregistreur de données de vol
FIC
centre d'information de vol
FOD
directive d'opérations aériennes
FOQA
programme d'assurance de la qualité des opérations aériennes
FRAT
outil d'évaluation des risques en vol 
FW
voilure fixe
GEN
génération
GPS
système mondial de positionnement
GPWS
dispositif avertisseur de proximité du sol
GRA
gestion des ressources aéromédicales
HTAWS
système d'avertissement et d'alarme d'impact (hélicoptère)
IFR
règles de vol aux instruments
IMC
conditions météorologiques de vol aux instruments
in. Hg
pouces de mercure
IP
inspection de processus
IPE
inspecteur principal de l'exploitation (Transports Canada)
IVP
inspection de validation de programme
LARS
système d'enregistrement des données de vol d'avion léger
LVN
lunettes de vision nocturne
M
magnétique (degrés)
MEC
manuel d'exploitation de la compagnie
MHz
mégahertz
ML
médecin légiste
MPFR
enregistreur de vol multifonction
MRN
ministère des Ressources naturelles (Ontario)
NASA
National Aeronautics and Space Administration (États-Unis)
NEMSPA
National EMS Pilots Association
NOO
National Oversight Office (bureau national de la surveillance)
NSAC
Normes de service aérien commercial
NTSB
National Transportation Safety Board (États-Unis)
OAB
Oversight Advisory Board (comité consultatif de surveillance)
OEPP
organiseur électronique de poste de pilotage
OACI
Organisation de l'aviation civile internationale
ONA
Ordonnances sur la navigation aérienne
O.P.P.
Police provinciale de l'Ontario
Ornge FW
Ornge Fixed-Wing (voilure fixe)
Ornge RW
Ornge Rotor-Wing (voilure tournante)
PDM
prise de décision des pilotes
PF
pilote aux commandes
PM
pilote surveillant
PMC
plan de mesures correctives
PNF
pilote qui n'est pas aux commandes
PSN
programme national de sécurité
P/O
premier officier
PRM
personne responsable de la maintenance
PTETB
personnel tenu d'exécuter des tâches à bord
PVA
pilote vérificateur agréé
RAC
Règlement de l'aviation canadien
RDDC
Recherche et développement pour la défense Canada
RTCA
Radio Technical Commission for Aeronautics
RW
voilure tournante
SAIB
special airworthiness information bulletin (bulletin spécial d'information sur la navigabilité)
SAR
recherche et sauvetage
SAR TECH
technicien de recherche et sauvetage
SDV
système de suivi des données de vol
SGRSAN
système de gestion des renseignements relatifs à la sécurité aérienne nationale
SIVN
système d'imagerie de vision nocturne
SMU
services médicaux d'urgence
SMUH
services médicaux d'urgence par hélicoptère
SGS
système de gestion de la sécurité
SIC
commandant en second
sm
mille terrestre
SOP
procédures d'utilisation normalisées
TAWS
système d'avertissement et d'alarme d'impact
TC
Transports Canada
TCAC
Transports Canada, Aviation civile
tr/min
tours par minute
TSO
spécification technique
VFR
règles de vol à vue
VMC
conditions météorologiques de vol à vue
VOR
radiophare omnidirectionnel très haute fréquence
W
ouest