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Rapport d'enquête aéronautique A09Q0065

Collision avec un câble et submersion dans l'eau
du Cessna 150L C-GJAE
exploité par Air Richelieu 1990
à Saint-Louis (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le 4 mai 2009 vers 15 h 56, heure avancée de l'Est (HAE), le Cessna 150L immatriculé C-GJAE (numéro de série 150-72055) exploité par Air Richelieu décolle de l'aéroport de Montréal / Saint-Hubert (Québec) pour une séance d'entraînement en vol. L'instructeur fait deux comptes rendus de position, l'un en route et l'autre à l'arrivée dans la zone d'entraînement. Le vol vers la zone d'entraînement se déroule sans incident. Lors d'un survol de la rivière Yamaska (Québec) à basse altitude en suivant une trajectoire vers le nord-est, l'avion heurte un câble téléphonique suspendu d'ouest en est au-dessus de la surface de l'eau et s'abîme dans la rivière. L'instructeur a perdu la vie dans l'accident. L'élève a réussi à évacuer l'avion, mais elle s'est noyée. L'avion a été lourdement endommagé. L'accident est survenu vers 16 h 37 HAE à 27 milles marins au nord-est de l'aéroport de Montréal / Saint-Hubert.

Renseignements de base

Déroulement du vol

L'élève avait commencé sa formation en vol le 27 avril 2009 en vue de l'obtention de la licence de pilote privé - avion. Elle n'avait aucune expérience de vol, à l'exception d'une période de cinq mois en tant qu'agent de bord.

Du début de sa formation jusqu'au jour de l'accident le 4 mai 2009, l'élève totalisait 3 heures d'instruction théorique, 1,6 heure sur simulateur et 1,8 heure de vol. Le vol ayant mené à l'accident était le troisième vol qu'elle devait effectuer. Le vol avait été précédé d'une instruction théorique et d'un exposé avant vol pertinents. La leçon devait porter sur le vol rectiligne en palier ainsi que sur des exercices de montée et de descente, comme l'indique le programme de formation d'Air RichelieuFootnote 1. Le vol devait durer environ 1,3 heure. Les conditions météorologiques étaient idéales pour le vol à vue et on a jugé que la météo n'avait joué aucun rôle dans l'accident.

Il y avait plusieurs aéronefs dans la zone d'entraînement le jour de l'accident. Les données radar montrent qu'après avoir passé Beloeil, le C-GJAE a d'abord mis le cap à l'est vers la zone d'entraînement la plus proche de l'aéroport de Montréal / Saint-Hubert (CYHU), puis après avoir passé Saint-Hyacinthe, il a mis le cap au nord vers une autre zone d'entraînement située à 27 milles marins (nm) au nord-est de CYHU (voir Annexe A - Trajectoire de l'avion). Il a probablement changé de zone en raison du trop grand nombre d'aéronefs dans la zone d'entraînement la plus proche. Les données radar montrent que le C-GJAE a volé en palier et a effectué des montées et des descentes alors qu'il se dirigeait au nord.

Après avoir quitté la fréquence tour de CYHU, l'instructeur a fait deux comptes rendus de position : l'un en route à 16 h 4Footnote 2, et l'autre à 16 h 22 après être arrivé dans la zone d'entraînement au nord. Aucun autre appel radio n'a été fait. La dernière position radar valide, observée à 16 h 33 montre l'aéronef à une altitude de 1340 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), sur une trajectoire vraie de 341 degrésFootnote 3 et à une vitesse sol de 90 nœuds. La dernière cible extrapoléeFootnote 4 de l'aéronef a été enregistrée à 16 h 34. Le plancher radar se situe à environ 1000 pieds asl dans la région de l'accident. Le système de positionnement global (GPS) n'a pas pu fournir de données puisqu'il avait été mis sur OFF avant le départ de CYHU.

Après 16 h 34, alors qu'il était au-dessous du plancher radarFootnote 5, l'avion a volé à basse altitude à environ 200 pieds au-dessus du sol (agl) vers le village de Saint-Louis selon un cap nord-ouest. L'avion a alors mis le cap au nord-est à basse altitude, descendant à moins de 100 pieds au-dessus de la rivière Yamaska. Des centaines d'oies qui se trouvaient sur les berges de la rivière se sont envolées lorsque l'avion est passé au-dessus d'elles à basse altitude. L'avion a volé en palier selon un cap nord-est, au niveau de la cime des arbres, au-dessus de la rivière, sur une distance d'environ 2,4 km avant de heurter un câble téléphonique non balisé qui était suspendu d'ouest en est, et qui à ce point est à environ 60 pieds (18 m) aslFootnote 6 (voir Annexe B -Vue oblique de la trajectoire de l'avion). Le bruit du moteur semblait normal avant la collision avec le câble. L'appareil a heurté le câble avec un angle d'inclinaison d'environ 30 degrés avant d'entrer en collision avec la surface de l'eau en piqué et de couler rapidement. L'instructeur qui était en place droite a subi des blessures mortelles. L'élève qui était en place gauche a réussi à évacuer l'avion après l'impact avec la surface de l'eau, mais elle s'est noyée. Les sièges occupés correspondent à la situation typique au cours de laquelle un instructeur donne de l'instruction en vol. L'accident est survenu vers 16 h 37 après 1 heure d'instruction.

Suite à un appel au service 911, les pompiers de Saint-Hyacinthe et les plongeurs de la Sûreté du Québec se sont rendus sur les lieux. Ils ont retrouvé l'avion le soir de l'accident; l'instructeur a été trouvé encore sanglé dans son siège. L'élève a été retrouvée le lendemain. L'épave de l'avion a été transportée au Laboratoire technique du BST à des fins d'examens. Les capots moteur et les deux tiers extérieurs du bord d'attaque de l'extrémité de l'aile droite n'ont pas été récupérés.

Renseignements sur l'épave et sur l'impact

L'avion a heurté un câble téléphonique (recouvert d'une gaine protectrice noire) attaché à un câble d'acier. Le câble ne s'est pas rompu sous le choc.

Photo 1. Échantillon de câble provenant du lieu de l'accident.
Photo of Échantillon de câble provenant du lieu de l'accident.

L'examen des dommages à l'avion dus à l'impact indique que c'est la partie inférieure du capot moteur qui a percuté le câble téléphonique. Suite à l'impact avec le câble ou avec la surface de l'eau, le moteur s'est déplacé latéralement à droite, vers le haut et vers l'arrière, mais il est resté fixé au bâti moteur. En raison de ce déplacement, le capot moteur est entré en contact avec le diamètre extérieur du réducteur d'hélice et y a laissé des marques qui indiquent une rotation, ce qui laisse croire que l'hélice était entraînée par le moteur lorsque le capot moteur s'est détaché de l'avion. La continuitéFootnote 7 des commandes de vol a pu être confirmée.

Des marques d'impact et un transfert de matériau du câble téléphonique ont été observés sur la conduite de mise à l'air libre du carter du moteur. Les marques d'impact sur la conduite de mise à l'air libre étaient aussi larges et espacées que les fils du câble d'acier qui soutient le câble téléphonique (voir Photo 2). Ni l'hélice ni le pneu de la roue avant ne présentaient des signes de dommages causés par un contact avec le câble. Cependant la bielle de direction droite a été fracturée en surcharge, ce qui a probablement été causé par l'impact avec le câble mais dont tout transfert de matériau a probablement été masqué par le capot moteur.

Photo 2. Marques du câble relevées sur la conduite de mise à l'air libre du carter
Photo of Marques du câble relevées sur la conduite de mise à l'air libre du carter

L'examen de la soupape à deux voies dans le réchauffage carburateur a révélé des marques et des déformations qui montrent que la soupape était à la position HOT du réchauffage carburateur au moment de l'impact. Cette position est normale du fait que l'avion a effectué des montées et des descentes lors de la séance d'entraînement et que l'avion était en descente vers la rivière juste avant l'impact avec le câble. Pour éviter le givrage du carburateurFootnote 8, le réchauffage carburateur est normalement mis sur HOT pendant une descente, puisque la puissance du moteur est réduite.

Les silencieux avec les pipes d'échappement ont fait l'objet d'essais de dureté et d'analyses métallurgiques qui ont révélé que les pipes d'échappement ont probablement été écrasées alors que leur température dépassait les 600 à 800 °F, ce qui indique que le moteur produisait de la puissance au moment de l'impact avec le câble téléphonique. L'examen microscopique de la face intérieure du cadran du manomètre de pression d'huile montre également que le moteur tournait. La masse du rotor de gyroscope du coordonnateur de virage fonctionnant à l'électricité confirme que l'alimentation électrique n'était pas interrompue au moment de l'impact.

L'avion a heurté la surface de l'eau en piqué, l'aile gauche basse. Le bord d'attaque de l'aile gauche était toujours fixé à l'avion, et même s'il présentait des dommages d'impact, il ne présentait aucun signe visible d'impact avec le câble. Le bord d'attaque de l'aile droite a été arraché, et le devant du longeron avant présentait des taches noires. Un examen des taches avec la spectroscopie IRTF-RTAFootnote 9, a permis de déterminer que ces taches sont dues à un transfert de matériau à la suite d'un contact avec le câble téléphonique. Le stabilisateur, la dérive et la gouverne de direction sont restés fixés au fuselage et ils n'ont pratiquement pas été endommagés; il n'y avait pas de signe d'impact avec le câble.

Renseignements sur l'aéronef

L'examen des dossiers de maintenance de l'avion indique que l'appareil était maintenu conformément au programme de maintenance no Q2276 d'Air Richelieu approuvé par Transports Canada. Toutes les consignes de navigabilité applicables à ce modèle de Cessna 150 avaient été notées et exécutées. La dernière maintenance planifiée remontait au 24 avril 2009. Au moment de l'accident, l'avion totalisait 5565,1 heures de vol cellule. Le moteur Continental Motors O-200-A totalisait 510,2 heures depuis la dernière révision et 4144,1 heures depuis la mise en service initiale. La masse et le centrage de l'avion étaient à l'intérieur des limites prescrites au moment de l'accident.

La radiobalise de repérage d'urgence (ELT), une ELT 10C de Narco AvionicsFootnote 10 portant le numéro de série 81093, est restée submergée pendant environ 24 heures. Une fois l'avion retiré de l'eau, la radiobalise a émis un signal qui a été capté par le Centre canadien de contrôle des missions de recherche et sauvetage. Le sélecteur a été trouvé dans la position ARM et l'unité ne présentait aucun signe de dommage au boîtier ou à l'antenne. La radiobalise a été retirée de l'épave et envoyée au Laboratoire technique du BST. Elle avait été certifiée le 19 septembre 2008. Les vérifications des ELT se font annuellement. Un examen de l'ELT a révélé que la carte de circuit imprimé de la radiobalise présentait de la corrosion. Comme les tentatives de réparation de la carte ont été infructueuses, il n'a pas été possible de faire des vérifications de la radiobalise après l'événement. Le signal émis par l'ELT submergé n'a pas été capté; par conséquent, il n'a pas pu activer le système de recherche et sauvetage. C'est grâce aux témoins de l'événement que l'intervention de secours a été entreprise.

Le Cessna 150L n'était pas équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) ni d'un enregistreur de données de vol (FDR), la réglementation ne l'exigeant pas.

Environnement

Air Richelieu utilise trois zones d'entraînement situées respectivement à l'est, au sud et au nord-est de CYHU. Ces zones sont utilisées pour l'entraînement depuis 15 ans et elles sont partagées avec trois autres unités de formation au pilotage. Elles sont reconnues pour être très fréquentées par beau temps. La zone d'entraînement située à proximité du lieu de l'accident est un espace aérien non contrôlé de classe G jusqu'à 2200 pieds asl et où le contrôle de la circulation aérienne (ATC) n'a pas l'autorité ni la responsabilité de contrôler la circulation aérienne. La séance d'entraînement se déroulait en VFR. La fréquence de 126,7 MHz est utilisée pour faire les comptes rendus de position dans un espace aérien non contrôlé, ce qui permet d'assurer, si la fréquence est utilisée à bon escient, que les autres aéronefs évoluant dans une zone savent qu'il y a d'autres aéronefs dans les environs. La zone d'entraînement est située principalement au-dessus de petites régions boisées, de champs et de petites villes. L'accident est survenu à 1 nm à l'extérieur de la limite est de la zone d'entraînement. Il n'existe ni consigne ni disposition réglementaire interdisant à l'instructeur de dispenser de la formation à cet endroit.

Si l'instructeur avait dû gérer une urgence nécessitant un atterrissage de précaution ou d'urgence, les nombreux champs environnants auraient pu convenir. L'examen de l'avion n'a révélé aucune anomalie qui aurait pu forcer l'instructeur à effectuer un atterrissage de précaution ou d'urgence. Il n'y a eu aucun appel radio d'urgence.

Balisage du câble

Télébec Ltée, une division de Bell Alliant, est le fournisseur de services téléphoniques de nombreuses régions rurales et nordiques du Québec. Le câble téléphonique dont il est question dans le présent événement est suspendu d'ouest en est au-dessus de la rivière Yamaska et assure le service téléphonique aux abonnés des résidences situées sur les rives de la rivière. Télébec l'a installé sans balisage en 1975 après avoir obtenu une exemption du ministre des Transports. L'exemption a été accordée en vertu de la Loi sur la protection des eaux navigables, après qu'on a jugé que le câble ne constituait pas un danger pour les petites embarcations circulant sur la rivière.

La norme de Transports Canada intitulée Normes d'identification des obstaclesFootnote 11 précise qu'un obstacle devrait être balisé ou éclairé si sa hauteur ou son emplacement constitue un danger pour la sécurité aérienne. Puisque le câble téléphonique se trouvait à une hauteur approximative de 52 pieds (16 m) asl, il n'a pas été considéré comme un danger pour l'aviation. De plus, le câble n'est pas à proximité d'un aéroport, d'un aérodrome ou d'un hydroaérodrome.

Le câble noir non balisé est fixé sur deux poteaux de téléphone de 40 pieds de hauteur situés de part et d'autre de la rivière large de 300 pieds. L'appareil a heurté le câble à peu près à mi-chemin entre la rive est et le centre de la rivière, ce qui donne une hauteur d'environ 60 pieds (18 m) asl. En raison des limites de la vue humaine, il est difficile de repérer un fil ou un câble si le paysage en arrière-plan n'offre pas suffisamment de contraste. Du fait que le câble n'était pas balisé, il était probablement difficile à repérer. On enseigne habituellement aux pilotes à repérer les poteaux de téléphone ou les tours parce qu'ils indiquent la présence de câbles ou de fils. Du fait que les poteaux de téléphone sont situés plus loin dans les terres par rapport aux berges, ils ne sont pas visibles pour un observateur se dirigeant vers le nord-est le long de la rivière puisqu'ils sont cachés par des broussailles et de grands arbres. Il est possible que l'instructeur ou l'élève ait vu le câble juste avant de le heurter.

Unité de formation au pilotage

L'école de formation au pilotage existe depuis plus de 20 ans. Au cours de ces années, elle a changé plusieurs fois de raison sociale à la suite d'acquisitions et de modifications à sa structure et à sa taille. Elle est maintenant connue sous le nom d'Air Richelieu 1990Footnote 12. Elle exploite 15 aéronefs et 2 simulateurs à sa base principale située à l'aéroport de Montréal / Saint-Hubert.

En tant qu'école de formation au pilotage, Air Richelieu doit démontrerFootnote 13 qu'elle est en mesure de maintenir une structure organisationnelle convenable, de maintenir un contrôle d'exploitation, de satisfaire aux exigences relatives à la maintenance, de satisfaire aux normes de délivrance des licences du personnel et de mener l'exploitation d'une manière sécuritaire. Bien que le Règlement de l'aviation canadien (RAC) ne l'exige pas, Air Richelieu contrôle périodiquement les cours de formation théorique de ses instructeurs et effectue également des vols supervisés avec les élèves pour s'assurer que la progression des élèves est normale. Le cours d'instruction théorique de l'instructeur à bord du C-GJAE avait été contrôlé en février 2009. Il était autorisé par Air Richelieu à effectuer les exercices en vol qui devaient être enseignés le jour de l'accident. Les progrès de l'élève à bord du C-GJAE n'avaient pas encore été contrôlés puisque sa formation venait tout juste de débuter.

Comme c'est le cas pour toutes les écoles de formation au pilotage au Canada, les opérations d'Air Richelieu sont surveillées par Transports Canada. Des vérifications ont été effectuées en 2005 et en 2008, ce qui constitue une fréquence normale dans un calendrier de vérification. La vérification de 2008 a conclu que l'école Air Richelieu était exploitée de manière professionnelle dans le respect de la sécurité tout en se conformant aux exigences réglementaires. Toutes les constatations résultant de la vérification étaient en fait de nature administrative et ne concernaient pas l'exploitation sécuritaire de l'école.

Instructeur

L'instructeur avait obtenu la licence de pilote privé - avion en 1996 en France et les licences de pilote privé et professionnel - avion aux États-Unis en 1998, puis il avait obtenu la qualification multimoteur et la qualification de vol aux instruments. Lors d'un séjour en France, il avait obtenu la licence de pilote privé - hélicoptère en 2000, avec à son actif 33 heures de vol sur hélicoptère. Entre 2007 et 2008, il avait obtenu au Canada la licence de pilote professionnel - avion annotée de la qualification multimoteur, de la qualification de vol aux instruments et de la qualification d'instructeur de vol de classe 4 conformément à l'article 405.21 du RAC. Il possédait un certificat médical valide au jour de l'accident; il était donc considéré apte au vol. Toute la formation complétée au Canada avait été dispensée par Air Richelieu qui l'avait embauché en tant qu'instructeur de vol de classe 4 suite à l'obtention de la qualification d'instructeur de vol en juillet 2008. Il avait quitté Air Richelieu en novembre 2008 pour une période d'un mois pour enseigner à l'étranger, puis il était revenu à l'école en décembre 2008. Son carnet de vol indique qu'il avait quelque 700 heures de vol à son actif, dont 228 en tant qu'instructeur. Il était considéré comme un employé compétent, responsable et professionnel. Il possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur pour effectuer la séance d'entraînement. La réglementation actuelle stipule que la période de validité de la qualification d'instructeur de vol de classe 4 se termine « le premier jour du treizième mois suivant le mois où s'est déroulé le test en vol d'instructeur », ce qui signifie que l'instructeur à bord du C-GJAE devait faire un test en vol d'instructeur en juillet 2009 pour se requalifier comme instructeur de vol de classe 4. L'enquête sur l'accident n'a pas révélé d'écart antérieur par rapport aux exercices en vol prévus ou à la réglementation.

Instruction

L'élève qui souhaite obtenir un permis d'élève-pilote doit d'abord subir un examen médical à des fins aéronautiques et il doit réussir l'examen écrit de Transports Canada intitulé Règlement de l'aviation pour le permis d'élève-pilote ou pour les postulants étrangers et militaires à la licence de pilote privé (PSTAR). Cet examen préliminaire porte sur le RAC et les procédures, autorisations et instructions du contrôle de la circulation aérienne concernant les aéroports contrôlés, les aéroports non contrôlés et les aérodromes. L'élève n'a pas besoin d'avoir un permis d'élève-pilote avant de commencer l'instruction théorique ou l'instruction en vol, mais il doit posséder ce permis pour pouvoir effectuer son premier vol en solo. L'élève à bord du C-GJAE avait subi l'examen médical, elle avait obtenu un certificat médical de classe 1 et elle avait commencé l'instruction préparatoire au sol et en vol. La formation théorique n'avait pas encore débuté et elle n'avait pas encore passé l'examen PSTAR. Au terme de la formation théorique, l'élève est prêt à subir l'examen écrit en vue de l'obtention de la licence de pilote privé.

Les plans de leçon comprennent le temps alloué à l'instruction préparatoire au sol, aux séances sur simulateur ou à la formation au vol. Chaque plan de leçon indique les exercices en vol qui devraient être enseignés, évalués ou mis en pratique, ainsi que le niveau de compétence attendu à l'étape de formation de l'élève. Bien qu'il soit recommandé qu'un instructeur suive les plans de leçon tirés du programme d'instruction au vol d'Air Richelieu, certains accommodements et une certaine souplesse peuvent être de mise dans les plans de leçon, compte tenu de divers facteurs, comme les capacités d'un élève, la météo et la disponibilité des aéronefs. Un exposé avant vol portant sur le contenu de l'instruction en vol et sur les consignes de sécurité précède chaque séance d'entraînement. L'élève est donc au courant des exercices en vol qui seront enseignés. Une évaluation après vol a lieu au terme de la séance d'entraînement.

Vol à basse altitude

Quelques dispositions du RAC portent sur le vol à basse altitude :

Il est interdit d'utiliser un aéronef d'une manière imprudente ou négligente qui constitue ou risque de constituer un danger pour la vie ou les biens de toute personneFootnote 14.

Comme le vol s'est déroulé au-dessus d'une zone non bâtie, « sauf s'il s'agit d'effectuer le décollage, l'approche ou l'atterrissage d'un aéronef ou lorsque la personne y est autorisée en application de l'article 602.15, il est interdit d'utiliser un aéronef à une distance inférieure à 500 pieds de toute personne, tout navire, tout véhicule ou toute structureFootnote 15 ».

Il est permis d'utiliser un aéronef, dans la mesure nécessaire pour effectuer le vol, si l'aéronef est utilisé sans constituer un danger pour les personnes ou les biens à la surface [et que] l'entraînement en vol [est] dispensé ou supervisé par un instructeur de vol qualifiéFootnote 16.

Le manuel d'exploitation d'Air RichelieuFootnote 17 précise que les manœuvres en vol pendant l'instruction en double commande en VFR ne devraient pas être effectuées au-dessous de 500 pieds agl, sauf en cas d'atterrissage, de décollage ou d'atterrissage forcé. Les objectifs de la leçon ne nécessitaient pas de voler au-dessous de 500 pieds agl. L'enquête n'a pas révélé pourquoi l'instructeur s'est écarté du cadre de l'exercice de formation et de la réglementation en vigueur pour effectuer la dernière portion du vol à basse altitude au-dessus de la rivière. La partie I du Guide de l'instructeur de volFootnote 18 porte sur la sécurité en vol et insiste sur la nécessité que l'instructeur fasse montre de bonnes habitudes de sécurité puisqu'il est un modèle à suivre. Il est venu à l'attention du BST que d'autres aéronefs ont été observés volant à basse altitude au-dessus de la rivière depuis l'accident. Cette information a été communiquée à Transports Canada et à Télébec.

Analyse

Vu les connaissances en aviation et l'expérience de vol limitées de l'élève à bord du C-GJAE, il est permis de penser que c'est l'instructeur qui était aux commandes lorsque l'avion a survolé la rivière à basse altitude avant de heurter le câble téléphonique.

Comme il n'y a pas de survivants et que le C-GJAE n'était pas équipé d'un CVR, il n'a pas été possible d'établir pourquoi l'instructeur s'est écarté du cadre de l'exercice de formation pour effectuer la dernière portion du vol à basse altitude au-dessus de la rivière. Bien que l'accident soit survenu à 1 nm à l'extérieur de la limite est de la zone d'entraînement, il n'existe ni consigne ni disposition réglementaire interdisant à l'instructeur de dispenser de la formation à cet endroit. Le vol à basse altitude n'était pas nécessaire pour les exercices en vol prévus, en plus d'être inacceptable en vertu du RAC et des procédures de l'entreprise.

La séance d'entraînement devait durer 1,3 heure, et l'accident est survenu après 1 heure d'entraînement. Il restait donc 0,3 heure (20 minutes) pour retourner à CYHU. Bien que ce ne soit qu'une hypothèse, il est possible que l'instructeur ait voulu profiter du paysage et faire un bref passage à basse altitude au-dessus des oies qui se trouvaient sur les berges de la rivière avant de rentrer à l'aéroport.

Il se peut que les câbles ne soient pas balisés s'ils ne sont pas considérés comme un danger pour l'aviation ou les eaux navigables. Le câble téléphonique suspendu au-dessus de la rivière Yamaska n'était pas considéré comme un danger pour l'aviation puisqu'il se trouvait à environ 52 pieds asl à peu près à la hauteur des berges de la rivière, et il n'était pas proche d'un aéroport, d'un aérodrome ou d'un hydroaérodrome. Puisque l'appareil a heurté le câble avec un angle d'inclinaison de 30 degrés, il est possible que l'instructeur ou l'élève ait vu le câble, mais trop tard pour l'éviter. Du fait que le câble n'était pas balisé, il était difficile à repérer. De plus, les poteaux de téléphone de part et d'autre de la rivière, lesquels sont des signes importants de la présence d'un câble, étaient cachés par des arbres et de la broussaille. Le vol à basse altitude augmente le risque de collision avec les câbles et d'autres structures.

Il a été possible de confirmer l'alimentation électrique, la puissance du moteur et la continuité des commandes de vol pour ce qui est du moment où l'avion a heurté le câble téléphonique. Il est donc peu probable que l'instructeur ait été aux prises avec une urgence qui l'aurait forcé à voler à basse altitude au-dessus de la rivière. Il y avait de nombreux champs dans les environs qui auraient été idéals si l'instructeur avait eu besoin de faire un atterrissage d'urgence ou de précaution. La rivière n'aurait pas été la première option, vu les autres possibilités. L'absence de communication faisant état d'une situation d'urgence réduit la probabilité qu'il y ait effectivement eu une situation d'urgence.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'avion volait à basse altitude, et il a heurté un câble téléphonique non balisé suspendu à une hauteur de 60 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl) au-dessus de la rivière Yamaska (Québec).
  2. Il n'était pas nécessaire de voler au-dessous de 500 pieds au-dessus du sol (agl) compte tenu des exercices en vol qui devaient être enseignés lors de la séance d'entraînement. L'enquête n'a pas révélé pourquoi il y a eu un écart par rapport au plan de la leçon et aux procédures de l'école.

Fait établi quant aux risques

  1. Les pilotes courent des risques additionnels en volant à basse altitude. Il se peut que les câbles et d'autres obstacles ne soient pas balisés s'ils ne sont pas considérés comme un danger pour l'aviation ou les eaux navigables. Les câbles non balisés sont difficiles à repérer.

Mesures de sécurité

Du fait que d'autres aéronefs ont été observés volant à basse altitude au-dessus de la rivière depuis l'accident, Télébec (Bell Alliant) a installé des balises rouges et blanches sur le câble téléphonique suspendu au-dessus de la rivière Yamaska (Québec), et cela même s'il n'y a pas d'exigence réglementaire à cet égard.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A — Trajectoire de l'avion

Annexe B — Vue oblique de la trajectoire de l'avion