Language selection

Rapport d'enquête aéronautique A08Q0231

Impact avec un plan d'eau sans perte de contrôle
de l'hélicoptère Robinson R44 Raven I C-GSVX
au lac Simon (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 17 h 21, heure normale de l'Est, l'hélicoptère privé Robinson R44 Raven I, immatriculé C-GSVX, numéro de série 1727, décolle de Sainte-Anne-des-Plaines (Québec) avec à son bord le pilote-propriétaire et trois passagers pour un vol de nuit selon les règles de vol à vue (VFR) à destination du chalet du pilote situé au lac Simon (Québec). Le vol d'une distance de 52 milles marins se déroule sans incident. Pour placer l'hélicoptère en approche vers la plate-forme d'atterrissage éclairée située en avant du chalet, le pilote fait un virage à droite en approche finale à une hauteur de quelque 150 pieds au-dessus du lac. Pendant l'approche finale, l'hélicoptère continue à descendre et heurte la surface de l'eau. Après l'impact, tous les occupants réussissent à évacuer l'hélicoptère indemnes. Un des passagers réussit à nager sur quelque 1000 pieds et à atteindre la rive; un autre passager est secouru par deux personnes se trouvant à bord d'une embarcation à rames. Le pilote et l'autre passager sont incapables d'atteindre la rive et se noient. L'hélicoptère coule dans 25 pieds d'eau et est lourdement endommagé. L'accident est survenu vers 18 h 5, heure normale de l'Est, alors qu'il faisait très sombre.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Le pilote, qui surveillait l'évolution des travaux de construction de son chalet situé au lac Simon (Québec), avait demandé à un entrepreneur de venir avec lui en hélicoptère pour prendre des mesures au chalet. Pour le vol, le pilote était en place avant droite et l'entrepreneur en place avant gauche. À bord se trouvaient également deux passagers. Le passager en place arrière gauche était titulaire d'une licence de pilote d'aéronef à voilure fixe.

Vers 18 hFootnote 1 , en arrivant au lac Simon, le pilote a décrit un cercle au-dessus du chalet, puis il a volé près du côté sud-ouest de la baie, à quelque 150 pieds au-dessus du sol (agl), et il a fait un virage à droite au dessus de l'eau en vue de l'approche finale vers la plate forme d'atterrissage éclairée (voir l'Annexe A - Trajectoire de vol probable du Robinson R44 avant l'impact avec le plan d'eau). La plate forme d'atterrissage était munie de quatre feux à diodes électroluminescentes (DEL) à énergie solaire à faible intensité, dont trois étaient en bon état de fonctionnement. On pouvait voir un petit feu de camp entre le chalet et la plate-forme d'atterrissage. Les feux d'atterrissage de l'hélicoptère étaient allumés. Comme ce n'était pas la haute saison pour les chalets, seulement quelques lumières des habitations environnantes étaient allumées et seuls quelques lampadaires étaient allumés dans la rue contournant la baie. Après avoir effectué un virage à droite pour se placer en approche finale, l'hélicoptère est descendu au-dessous de la trajectoire de descente normale pour se rendre à la plate forme d'atterrissage et a heurté la surface de l'eau. L'hélicoptère volait à une vitesse estimée inférieure à 20 nœuds au moment de l'impact et il a basculé sur le côté gauche.

Au moment de l'impact, tous les occupants portaient leur ceinture de sécurité et leur ceinture-baudrier. On a rapidement donné instruction aux passagers de détacher leur ceinture de sécurité et d'évacuer l'hélicoptère par les portes latérales droites qui n'étaient pas submergées. Une fois tous les occupants à l'extérieur, l'hélicoptère a coulé rapidement. L'hélicoptère ne transportait aucun dispositif de flottaison individuel. Les quatre occupants ont tenté de parcourir à la nage une distance d'environ 1000 pieds pour se rendre au chalet éclairé le plus proche. Selon toute vraisemblance, en raison de la température froide de l'eau et des vêtements chauds qu'ils portaient, le pilote et le passager du siège arrière droit n'ont pas réussi à atteindre la rive et se sont noyés. Les deux autres passagers ont continué de nager vers la rive. L'un deux a finalement atteint la rive; l'autre a été aidé par deux personnes qui se trouvaient à bord d'une embarcation à rames. Les deux survivants ont été emmenés à l'intérieur d'une maison où ils ont reçu des soins en attendant l'arrivée de l'ambulance qui les a emmenés à l'hôpital.

Efforts de sauvetage

Des sauveteurs et des pompiers volontaires municipaux sont arrivés sur les lieux dans les huit minutes qui ont suivi l'appel au 911 reçu à 18 h 9. Des policiers de la Sûreté du Québec (SQ)Footnote 2 de Papineauville (Québec) sont arrivés sur les lieux en moins de 34 minutes. Au total, il y avait environ 13 sauveteurs volontaires sur les lieux; certains ont ratissé les rives autour de la baie, d'autres sont partis à la recherche des deux occupants portés manquants; on a d'abord utilisé une seule embarcation, puis trois embarcations. Quelques résidents locaux et membres des familles ont participé aux recherches. À 20 h 45, un hélicoptère de l'escadron de recherche et sauvetage (SAR) de la base des Forces canadiennes de Trenton (Ontario) s'est joint à l'équipe de recherche. Le lendemain matin de l'accident, des plongeurs de la SQ ont retrouvé les corps du pilote et du passager portés disparus ainsi que l'épave de l'hélicoptère.

Possibilité de survie

Il y a hypothermie lorsque la température interne du corps diminue en raison de l'exposition au froid. On sait que dans des eaux dont la température est de 0,3 °C (32,5 °F), il peut y avoir épuisement en moins de 15 minutes d'exposition. La survie dépend de la durée d'exposition de la personne, de son âge, de son poids, de son sexe, de sa condition physique et mentale, de ses vêtements, de la température de l'eau et de l'état de préparation de la personne. Les symptômes de l'hypothermie apparaissent rapidement, et habituellement en quelques minutes. Au nombre des symptômes figurent le choc, la panique, les mouvements respiratoires réflexes (gasp), l'augmentation initiale de la tension artérielle, du rythme cardiaque et des niveaux d'adrénaline ainsi que l'arythmie cardiaque. La nage accélère la chute de la température interne du corps et l'apparition de l'hypothermie, laquelle occasionne des crampes musculaires, une mauvaise coordination et des difficultés à nager. La noyade suit souvent l'hypothermieFootnote 3 .

Les gilets de sauvetage, les dispositifs de flottaison individuels ou les vêtements de flottaison individuels comme ceux requis pour chaque personne à bord d'un aéronef lorsque l'on prévoit voler au-dessus d'un plan d'eau aident les personnes à flotter, mais ils ne fournissent aucune protection contre la perte de chaleur corporelle. Au moment de l'accident, on n'a pas pris la température de l'eau, mais comme c'était le début de décembre, on présume qu'elle avoisinait le point de congélation.

Dommages à l'aéronef

L'épave a été récupérée et transportée jusqu'à un hangar pour être examinée par des enquêteurs du BST. Les pare-brise et les fenêtres des portes de l'hélicoptère étaient intacts, sauf que le pare-brise gauche présentait une crique. La cabine principale était intacte. Toutes les portes ouvraient et fermaient normalement. Les sièges et leurs structures n'étaient pas déformés. Les ceintures de sécurité et les ceintures-baudriers étaient intactes et ont probablement empêché les occupants d'être projetés vers l'avant au moment du choc, minimisant leurs blessures. Le fuselage était déformé dans la région de la transmission principale et du support du moteur. La poutre de queue était déformée au point de fixation de la partie arrière du fuselage.

L'hélicoptère était équipé d'une radiobalise de repérage d'urgence (ELT), modèle 3000-10, numéro de série 346213, fabriquée par Pointer Inc. L'ELT a été trouvée intacte, mais elle avait été submergée après l'impact. L'émetteur et les interrupteurs télécommandés de l'ELT ont été trouvés à la position normale AUTO. Le voyant de l'ELT était allumé, ce qui indique que l'ELT s'est déclenchée. Il n'a cependant pas été possible de vérifier si elle s'est déclenchée sous l'effet des forces d'impact ou suite à un court-circuit interne lorsqu'elle a été submergée dans le lac. Même si l'ELT s'est déclenchée, le centre de recherche et sauvetage de Trenton n'a pas reçu de signal de l'ELT, fort probablement parce que cette dernière a rapidement été submergée.

Renseignements sur le pilote

Le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur. Il connaissait la région où s'est déroulé le vol; il avait effectué le trajet en hélicoptère jusqu'à son chalet plusieurs fois par semaine pour surveiller l'évolution des travaux de construction. Depuis qu'il avait fait l'acquisition du Robinson R44, la majorité des vols qu'il avait effectué en direction et en provenance de la région du chalet s'étaient déroulés pendant les heures de clarté. Même si le vol ayant mené à l'accident s'est déroulé après une journée de travail, la fatigue n'a pas été retenue comme facteur contributif à l'accident.

Le pilote avait obtenu sa licence de pilote d'hélicoptère privé en juillet 2007. Son certificat médical de l'aviation de catégorie 3 était valide au moment de l'accident. Il totalisait quelque 246 heures de vol, dont 175 heures avaient été effectuées sur son Robinson R44 depuis qu'il l'avait acheté à l'état neuf en juin 2007. Plus tard en 2007 et au début de 2008, le pilote avait entrepris un entraînement au vol de nuit. Il avait obtenu la qualification de vol de nuit en juillet 2008 et il était qualifié pour faire du transport de passagers de nuit. Il n'a pas été possible d'établir le nombre exact d'heures de vol de nuit du pilote. On estime qu'il totalisait quelque 25 heures de vol de nuit, dont certaines ont été effectuées à destination et en provenance de son chalet dans les mois ayant précédé l'accident.

Renseignements sur l'hélicoptère

Le Robinson R44 est un hélicoptère monomoteur à pistons pouvant transporter un pilote et trois passagers. Les dossiers indiquent que l'hélicoptère était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées. Les dossiers de maintenance indiquent que l'hélicoptère totalisait quelque 175 heures depuis sa mise en service initiale et 53 heures depuis sa dernière inspection annuelle/inspection aux 100 heures. Au moment de l'accident, la masse et le centrage de l'hélicoptère se trouvaient dans les limites prescrites. Le pilote n'a signalé aucune difficulté technique avec l'hélicoptère avant l'impact avec le plan d'eau.

L'hélicoptère était certifié et équipé pour le vol dans des conditions de vol à vue (VFR) de nuit, conformément au Règlement de l'aviation canadien (RAC). Il n'était pas équipé d'un pilote automatique, ni d'un dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS), ni d'un altimètre radar; la réglementation n'exigeait pas la présence de ces dispositifs à bord.

L'hélicoptère était équipé d'un système de positionnement mondial (GPS) Garmin 296. Le Laboratoire technique du BST a examiné le GPS et confirmé les points de cheminement entrés ainsi que l'historique du vol. Comme la fonction de sauvegarde des données de vol du GPS avait été désactivée, aucune des données utiles à l'enquête, comme l'heure, la position, l'altitude, la direction et les variations de vitesse du vol ayant mené à l'accident n'était disponible. L'hélicoptère n'était équipé ni d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) ni d'un enregistreur de données de vol (FDR); la réglementation n'exigeait pas la présence de ces enregistreurs à bord.

Conditions météorologiques

Les cartes météorologiques de prévisions de zone graphique (PZG) montraient un système de basse pression qui traversait le Québec en direction est et avait un effet sur la région dans laquelle le vol s'est déroulé avant 1 h, heure locale, le 4 décembre 2008. Le lac Simon est situé un peu au nord et à peu près à mi chemin entre l'aéroport de Gatineau (CYND) et l'aéroport international de Montréal (Mirabel) (CYMX) au Québec. Si on tient compte des conditions météorologiques signalées à ces deux aéroports, on estime que les conditions qui prévalaient au lac Simon au moment de l'accident étaient les suivantes : couvert nuageux à quelque 5300 pieds au-dessus du sol, visibilité de 20 milles terrestres et vent du sud-est à 3 nœuds. Les conditions météorologiques ne sont pas un facteur contributif.

Le 3 décembre 2008, l'heure du coucher du soleil était 16 h 54. Le vol a donc eu lieu pendant les heures officielles d'obscurité. C'était une nuit sombre. La lune aurait été visible à 21 %, mais, en raison du couvert nuageux, la lune n'a probablement pas amélioré les conditions d'éclairement.

Approches de nuit

Le chalet du pilote est situé dans une grosse baie du lac Simon (voir l'Annexe A - Trajectoire de vol probable de l'hélicoptère Robinson R44 avant l'impact avec le plan d'eau). Des chalets sont situés sur la rive autour de la baie, mais comme c'était l'hiver, peu étaient occupés et très peu d'habitations environnantes étaient donc éclairées. L'environnement dans lequel le pilote a effectué l'approche finale était sombre et il ne comportait que très peu de repères visuels pour aider le pilote à identifier les objets, les textures et les caractéristiques des environs. Ces repères visuels sont nécessaires pour permettre au pilote d'évaluer correctement la vitesse, l'altitude, la vitesse de rapprochement et le taux de descente de l'hélicoptère pendant la descente en vue de l'atterrissage. Il faut également que le pilote effectue un balayage visuel des instruments de vol et établisse une corrélation entre les données fournies par les instruments et toute information visuelle extérieure.

La plate-forme d'atterrissage privée pour hélicoptères utilisée par le pilote était située dans une zone non bâtie et, comme elle ne servait qu'à des fins privées, il n'était pas nécessaire qu'elle soit certifiée en vertu du RACFootnote 4 . La réglementation en vigueur stipule que la plate-forme doit être munie d'un balisage lumineux, mais elle ne précise pas l'intensité ni la couleur ni le nombre de feux du balisage lumineux ou des aides à l'approche.

La lumière des trois feux à diodes électroluminescentes (DEL) à énergie solaire à faible intensité en bon état de fonctionnement (dans les coins de la plate-forme d'atterrissage de 16 pieds sur 16 pieds) et du feu de camp (en avant de l'aire d'atterrissage) n'éclairait pas suffisamment les environs; la lumière fournie définissait simplement le périmètre de la plate-forme d'atterrissage. Les feux d'atterrissage de l'hélicoptère étaient allumés; ils sont utiles principalement pendant l'atterrissage pour éclairer la surface d'atterrissage et lors des manœuvres près du sol.

L'atterrissage d'un hélicoptère comporte trois phases. Le pilote doit d'abord se faire une première opinion de l'alignement de descente ou de la trajectoire d'approche appropriés, qui est habituellement de 3°, puis maintenir l'alignement de descente pendant l'approche de manière à ne se trouver ni trop bas ni trop haut par rapport à l'aire d'atterrissage. Le pilote doit ensuite évaluer la proximité du sol avant de toucher le solFootnote 5 . Les pilotes évaluent la hauteur, la vitesse, la vitesse de rapprochement et le taux de descente en utilisant les repères disponibles pendant l'approche, comme les objets ainsi que les textures du terrain et les caractéristiques du relief. Ces repères sont beaucoup moins nombreux lorsque le vol ou l'approche se déroule au dessus d'un plan d'eau ou d'un relief recouvert de neige, ou la nuit.

L'illusion du trou noir peut se produire lors d'une approche de nuit au-dessus d'un relief non éclairé, comme un plan d'eau. Lorsqu'un aéronef est en approche vers une aire d'atterrissage et que tout est sombre au-dessous de la trajectoire d'approche, et qu'il n'y a comme stimulus visuels que des feux éloignés, il est très difficile d'estimer correctement la hauteur. Ne disposant d'aucun autre repère visuel que la piste ou l'aire d'atterrissage éclairée, le pilote a l'impression que l'aire d'atterrissage est plus éloignée et plus petite. Le pilote croit que l'aéronef se trouve à une altitude supérieure à l'altitude réelle, de sorte qu'il effectue ensuite l'approche à une altitude inférieure à la trajectoire d'approche souhaitée, et il peut être victime d'un impact sans perte de contrôle (accident CFIT).

Lorsque le pilote exerce une force latérale sur le cyclique pour effectuer un virage, le R44, coome un grand nombre d'autres types d'hélicoptères, vire, mais il a également tendance à perdre de l'altitude car la portance générée par le rotor principal est orientée loin de l'axe vertical. Pour maintenir son altitude pendant un virage, le pilote doit augmenter la composante de poussée verticale de l'hélicoptère en augmentant le pas collectif et/ou en déplaçant le cyclique vers l'arrière. Si le pilote n'avait pas perçu et corrigé cet effet, l'hélicoptère aurait eu tendance à perdre de l'altitude pendant le virage à droite. Si les repères visuels sont insuffisants et si le balayage des instruments de vol établissant une corrélation avec l'information tarde, le pilote peut ne pas déceler des variations d'altitude lentes et progressives. Le manque d'information qu'aurait pu fournir le GPS fait qu'on ne sait pas si l'hélicoptère est descendu pendant le virage à droite pour l'approche finale.

Le pilote a amorcé le virage pour l'approche finale à quelque 150 pieds agl. Dans un circuit normal, on exige habituellement que le pilote vire en finale à partir de l'étape de base à quelque 500 pieds agl, ce qui permet une marge suffisante de franchissement d'obstacles, en particulier lors d'un vol de nuit, et laisse assez de temps pour l'établissement d'une trajectoire d'approche stable pour l'approche finale.

Le paragraphe 602.62 (1) du RAC stipule ce qui suit : « Il est interdit d'effectuer un décollage à partir d'un plan d'eau ou un amerrissage sur celui-ci dans un aéronef ou d'utiliser un aéronef au-dessus d'un plan d'eau au-delà d'un point où l'aéronef pourrait rejoindre le rivage dans l'éventualité d'une panne moteur, à moins que ne soit transporté à bord un gilet de sauvetage, un dispositif de flottaison individuel ou un vêtement de flottaison individuel pour chaque personne à bord. » Le règlement sous-entend l'intention en ce sens qu'il interdit de voler délibérément au-dessus d'un plan d'eau sans la présence à bord de certains dispositifs de protection. L'approche finale a été effectuée au-dessus du lac, mais le pilote n'avait pas prévu survoler le plan d'eau au-delà du point où l'hélicoptère pouvait rejoindre le rivage en toute sécurité. Le pilote n'avait pas l'intention de voler aussi bas quand il a tenté de se poser sur la plate-forme d'atterrissage le soir de l'accident. C'est pourquoi le pilote n'avait pas emporté de dispositifs de flottaison individuels à bord; la présence de ces dispositifs à bord n'était pas obligatoire.

L'exploitation d'un hélicoptère monomoteur à basse altitude au-dessus d'un plan d'eau n'est pas inhabituelle dans certaines applications aériennes, mais elle place l'hélicoptère et ses occupants dans une situation où, s'il y a perte de puissance ou perte de contrôle, le pilote disposera de peu de temps et de peu d'altitude pour rétablir l'appareil. L'hélicoptère se trouvait à quelque 150 pieds au-dessus du plan d'eau, en approche finale, et il n'aurait pas été en mesure de planer jusqu'au rivage le plus proche en cas de panne moteur ou de situation d'urgence au-dessus du plan d'eau. Le pilote avait l'habitude de s'approcher de la plate-forme d'atterrissage au dessus du plan d'eau pour atténuer le bruit, ce qui permettait également à l'hélicoptère d'éviter les obstacles.

Qualification de vol de nuit

« Le demandeur d'une qualification de vol de nuit doit avoir accumulé sur hélicoptère au moins 20 heures de vol en qualité de pilote, dont :

Un pilote peut donc n'avoir effectué que 10 heures réelles de vol de nuit. Cinq heures additionnelles de vol peuvent être effectuées sur un simulateur et 5 heures de vol aux instruments en double commande peuvent être effectuées de jour sous une visière. Les écoles de formation au pilotage sont souvent situées près de régions peuplées; la formation s'effectue donc à l'intérieur et autour de villes ou de villages dont l'environnement avoisinant est éclairé. Les décollages et les atterrissages sont habituellement effectués sur des pistes ou des héliports éclairés. Les pilotes d'aéronefs à voilure fixe titulaires de la qualification de vol de nuit volent habituellement d'un aéroport ou d'un aérodrome à un autre, décollant et atterrissant toujours sur des pistes éclairées par des systèmes de balisage lumineux et des aides à l'approche, comme le VASISFootnote 7. L'environnement dans lequel le pilote d'hélicoptère titulaire de la qualification de vol de nuit peut choisir de piloter peut varier grandement en raison de la polyvalence de l'hélicoptère et de l'environnement où se déroule les opérations en hélicoptère. Les exigences réglementaires en vigueur pour la formation en vue de la qualification de vol de nuit sont les mêmes pour les pilotes d'hélicoptères privés que pour les pilotes d'aéronefs à voilure fixe. Une recherche dans la base de données de Transports Canada a permis d'établir qu'en 1988, on comptait 210 titulaires de la licence de pilote privé d'hélicoptère au Canada. Ce nombre est passé à 331 en 1998 et à 542 en 2007. En 2008, on comptait 120 titulaires de la licence de pilote privé d'hélicoptère également titulaires d'une qualification de vol de nuit en état de validité.

La Federal Aviation Administration (FAA) des États-Unis a récemment publié les conclusions de son étude sur les accidents nécessitant des services médicaux d'urgence par hélicoptère. Cette étude ne s'applique pas tout à fait aux opérations effectuées par des hélicoptères privés, mais elle révèle que de 1998 jusqu'au milieu de 2004, 83 accidents ayant nécessité des services médicaux d'urgence avaient pour cause un impact sans perte de contrôle, la poursuite du vol dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC), une désorientation spatiale du pilote, ou un manque de connaissance de la situation lors d'un vol de nuit. En raison de l'environnement exigeant dans lequel s'effectuent les opérations en hélicoptère, la FAA a l'intention de concentrer ses efforts sur les aspects suivants : dispenser une meilleure formation sur les opérations de nuit en hélicoptère et promouvoir la technologie, comme les lunettes de vision nocturne, les systèmes d'avertissement de proximité du sol, les systèmes d'évitement des collisions, et les altimètres radarsFootnote 8 .

Analyse

Les repères visuels comme les arbres, les bâtiments, les objets, les textures du terrain et les caractéristiques du relief, ainsi qu'une contre-vérification de l'information avec les instruments de vol sont nécessaires pour que le pilote puisse évaluer correctement la vitesse, l'assiette, l'altitude, le taux de descente et la vitesse de rapprochement de l'hélicoptère. L'absence de repères visuels de nuit dans des régions mal éclairées peut rendre le pilotage ainsi que les décollages et les atterrissages de nuit plus difficiles.

Alors que les conditions météorologiques étaient favorables au vol VFR de nuit, le peu d'éclairage dans les environs et l'approche au-dessus de la surface sombre du lac constituaient des conditions idéales pour l'illusion du trou noir. Il est probable qu'en raison de cette illusion le pilote a cru que l'hélicoptère se trouvait à une hauteur supérieure à celle de l'approche. Le pilote a, à son insu, exploité l'hélicoptère à une hauteur inférieure à la trajectoire d'approche prévue, et l'hélicoptère a heurté le plan d'eau bien avant d'atteindre l'aire d'atterrissage.

Il est possible que les exigences minimales en vue de l'obtention de la qualification de vol de nuit pour un pilote d'hélicoptère privé ne suffisent pas à bien informer les pilotes d'hélicoptères privés sur les risques inhérents au vol de nuit et à leur démontrer correctement ces risques, notamment les illusions visuelles. Les exigences actuelles concernant la qualification de vol de nuit sont les mêmes pour les pilotes d'hélicoptères privés et pour les pilotes d'aéronefs à voilure fixe privés, même si les environnements dans lesquels ils peuvent voler de nuit peuvent différer grandement.

Survoler le lac lors d'une approche de nuit permet de garantir que l'hélicoptère évolue loin des obstacles et permet d'effectuer une approche à un angle plus faible. Cependant, en cas d'imprévu, il se peut que l'hélicoptère ne se trouve pas à une distance de plané par rapport au rivage, ce qui constitue un risque pour l'hélicoptère et ses occupants. Il est peu probable que les personnes disparues auraient survécu plus de quelques minutes dans les eaux froides du lac.

La réglementation en vigueur ne spécifie pas l'intensité ni la couleur ni le nombre de feux du balisage lumineux ou des aides à l'approche pour les plates-formes d'atterrissage pour hélicoptères privés. La lumière des trois feux à diodes électroluminescentes (DEL) à énergie solaire à faible intensité (dans les coins de la plate-forme d'atterrissage) et du feu de camp (en avant de l'aire d'atterrissage) n'éclairait pas suffisamment les environs pour aider le pilote à estimer un angle d'approche sûr et constant au-dessus de la surface de l'eau sombre et sans traits caractéristiques.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Alors que le pilote avait la maîtrise de l'hélicoptère, il est probable que l'illusion du trou noir a fait que le pilote a, à son insu, exploité l'hélicoptère à une hauteur inférieure à la trajectoire d'approche prévue, et l'hélicoptère a heurté le plan d'eau bien avant d'atteindre l'aire d'atterrissage.
  2. L'hélicoptère s'est approché de la plate-forme d'atterrissage au-dessus de l'eau et a heurté la surface du lac; après l'impact, les occupants ont dû évacuer l'appareil dans des eaux dont la température avoisinait le point de congélation, ce qui les a rendus vulnérables à l'hypothermie.

Faits établis quant aux risques

  1. Il est possible que les exigences minimales en vue de l'obtention de la qualification de vol de nuit pour un pilote d'hélicoptère privé ne suffisent pas à bien informer les pilotes d'hélicoptère privés sur les risques inhérents au vol de nuit et à leur démontrer correctement ces risques, notamment les illusions visuelles.
  2. La réglementation en vigueur ne spécifie pas l'intensité ni la couleur ni le nombre de feux du balisage lumineux ou des aides à l'approche pour les plates-formes d'atterrissage pour hélicoptères privés, ce qui accroît le risque d'accident ou d'incident dans des conditions environnementales dégradées.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Trajectoire de vol probable de l'hélicoptère Robinson R44 avant l'impact avec le plan d'eau