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Rapport d'enquête aéronautique A07O0238

Collision avec le relief dans des conditions météorologiques se détériorant
de l'hélicoptère Bell 206L-1 JetRanger C-FFEX
exploité par Expedition Helicopters Inc.
à 5 nm à l'ouest de Cochrane (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Bell 206L-1 (portant l'immatriculation C-FFEX et le numéro de série 45715) exploité à partir d'une région éloignée située à quelque 100 milles marins à l'est de Webequie (Ontario), doit se rendre à Cochrane (Ontario). Il décolle dans des conditions météorologiques de vol à vue, mais il rencontre en route des conditions météorologiques qui vont en se détériorant. Vers 21 h, heure avancée de l'est, à cinq milles à l'ouest de Cochrane, le pilote perd toute référence visuelle extérieure et l'hélicoptère heurte le sol. Comme un plan de vol avait été déposé, le centre d'information de vol de London entreprend des recherches par moyen de communication. Le personnel d'Expedition Helicopters Inc. commence des recherches au sol et repère l'hélicoptère quelque trois heures après l'accident. L'hélicoptère est détruit, tandis que le pilote, seul occupant, est grièvement blessé.

Renseignements de base

Le jour de l'accident, le pilote avait reçu du centre d'information de vol de London (FIC) un exposé météorologique pour la série de vols devant avoir lieu ce jour-là. Les prévisions d'aérodrome (TAF) pour la région de Timmins (Ontario) étaient censées permettre l'utilisation des règles de vol à vue (VFR). Mais ces prévisions n'étaient valides que jusqu'à 16 h, heure avancée de l'est (HAE)Footnote 1. On s'attendait à ce que d'autres TAF soient publiées à 10 h.

On avait déposé un plan de vol VFR pour le vol à destination de l'endroit éloigné que l'entreprise appelait Tango 1 (T1) ainsi que pour l'étape de retour vers Cochrane. À 9 h 45, le pilote a quitté les installations d'Expedition Helicopters Inc. situées à Cochrane.

À 17 h 35, on a utilisé à T1 un téléphone satellitaire pour mettre à jour le plan de vol VFR déposé auprès du FIC de London; cependant, aucun renseignement météorologique n'a été demandé. Il n'y a eu aucune communication avec la base de l'entreprise, située à Cochrane, pour déterminer les conditions météorologiques locales.

Vers 18 h, l'hélicoptère a décollé de T1 à destination de Cochrane. À quelque 60 milles marins (nm) au nord-ouest de Cochrane, le plafond s'est détérioré jusqu'à environ 300 pieds au-dessus du sol (agl). Les conditions météorologiques ont continué de se détériorer et, par la suite, le pilote a volé presque à la cime des arbres et il a navigué en suivant une rivière dont le lit se prolongeait vers Cochrane. À mesure que l'hélicoptère approchait de sa destination, il y avait une région relativement petite où la visibilité et le plafond s'amélioraient dans la direction générale de Cochrane. Le pilote a donc cessé de suivre la rivière et il a tenté de voler vers Cochrane, mais il a perdu toute référence visuelle avec le sol en raison de conditions météorologiques défavorables.

L'hélicoptère a heurté le sol alors qu'il volait vers l'est et, toujours d'aplomb, il a traversé des broussailles sur une distance d'environ 108 pieds avant de reprendre l'air sur une courte distance. Il a ensuite heurté le relief dans un piqué et il s'est renversé, avant de s'immobiliser sur le côté gauche. Le sillon laissé par l'épave s'étendait au total sur 418 pieds. La totalité de la partie du poste de pilotage se trouvant en avant du siège du pilote a été détruite.

D'après les dossiers, le pilote possédait la licence et les qualifications nécessaires pour effectuer le vol prévu. Il était titulaire d'une licence de pilote professionnel d'aéronefs à voilure tournante comportant une annotation pour le vol VFR de jour et il totalisait quelque 490 heures de vol, dont 430 sur le type d'hélicoptère en question. D'après les dossiers de formation, le pilote avait suivi au total 10,4 heures de vol de formation au vol aux instruments en double commande avant d'obtenir sa licence de pilote professionnel d'hélicoptère. Il n'était titulaire d'aucune annotation pour le vol de nuit ou le vol aux instruments et il n'avait suivi aucune autre formation au vol aux instruments après la délivrance de sa licence de pilote professionnel d'hélicoptère, en 2003. Il s'agissait de son premier emploi en qualité de pilote professionnel. Les limites de temps de vol et de temps de service de vol du pilote pour les 30 derniers jours respectaient les exigences réglementaires. Ce vol avait eu lieu après trois jours consécutifs de repos. Le pilote avait effectué trois segments de vol avant le vol dont il est question ici.

L'hélicoptère avait été construit en 1981, et il totalisait quelque 7537 heures. Rien n'indique qu'il y ait eu défectuosité de la cellule ou du moteur avant ou durant le vol. Aucune anomalie de maintenance n'était inscrite dans le carnet de route de l'hélicoptère, mais, pendant le vol, le gyroscope directionnel a tourné jusqu'à un cap qui se trouvait presque à 180° du cap initial qui avait été réglé avant le départ de T1. Le pilote a considéré le gyroscope directionnel imprécis et il a plutôt utilisé le système de positionnement mondial (GPS) pour déterminer le cap magnétique de l'hélicoptère.

Aucun message d'observation météorologique régulière pour l'aviation (METAR) n'est disponible pour Cochrane. La station d'observation météorologique la plus proche se trouve à Timmins, soit à 35 nm au sud de Cochrane. À 21 h, les conditions météorologiques signalées à Timmins étaient les suivantes : vent calme, visibilité de 1 ½ mille dans une légère bruine, plafond fragmenté à 700 pieds, température de 18 °C et point de rosée de 15 °C. Les conditions météorologiques signalées à Cochrane étaient les suivantes : plafond bas et brouillard. D'après les TAF publiées à 17 h 39, les prévisions météorologiques pour Timmins après 19 h étaient les suivantes : visibilité de ¾ mille dans une légère bruine et de la brume, et couvert nuageux à 300 pieds. On prévoyait un plafond et une visibilité pires que ceux que mentionnaient les TAF précédentes obtenues dans la matinée, avant le départ du premier vol.

Transports Canada définit la nuit comme la période qui se situe entre la fin du crépuscule civil du soir et le début du crépuscule civil du matinFootnote 2. Le crépuscule civil du soir prend fin lorsque le centre du soleil se trouve géométriquement à six degrés au-dessous de l'horizon, en général quelque 30 minutes après le coucher du soleil. L'heure officielle du coucher du soleil à Cochrane le jour de l'accident était de 20 h 14, et la fin du crépuscule civil du soir était à 20 h 48. Même s'il y avait quelques filets de lumière solaire sur les lignes de crête de la région, le soleil se trouvait au-dessous de l'horizon, et les lieux de l'accident étaient dans l'obscurité depuis 30 minutes quand les faits se sont produits.

L'hélicoptère était équipé d'un GPS (Garmin GPSmap96) portatif monté sur un support ajustable sur le dessus du compas à liquide, lequel se trouve à droite du tableau de bord. Le GPS comporte une fonction qui permet à l'utilisateur de déterminer l'heure du coucher du soleil à un certain endroit. Cette fonction se règle automatiquement par défaut à la position courante du GPS lors de l'affichage de l'heure du coucher du soleil. Pour afficher l'heure du coucher du soleil à un endroit différent, on doit entrer le point de cheminement de cet endroit à la page relative au coucher du soleil du GPS.

Avant le départ de T1, on avait utilisé le GPS pour déterminer l'heure du coucher du soleil. Le GPS avait calculé 20 h 40 comme heure du coucher du soleil à T1. Pendant l'enquête, on a modifié la position courante afin d'indiquer la position de l'installation d'Expedition Helicopters Inc. à Cochrane, ce qui a donné 20 h 18 comme heure calculée de coucher du soleil pour le jour de l'accident.

Expedition Helicopters Inc. est titulaire d'un certificat d'exploitation aérienne valide permettant uniquement les vols VFR de jour. L'entreprise utilise un système de régulation des vols par les pilotes, et les équipages de conduite doivent utiliser les formulaires de plan de vol exploitation fournis et les laisser à une personne responsable, ou déposer un plan de vol VFR auprès des services de vol. Le manuel d'exploitation d'Expedition Helicopters Inc. stipule que les minima météorologiques VFR dans l'espace aérien non contrôlé au-dessous de 1000 pieds agl exigent une visibilité en vol de 1 mille hors des nuages. La réglementation de Transports Canada comporte les mêmes exigences.

On n'a signalé l'activité d'aucune radiobalise de repérage d'urgence (ELT) après l'accident. Des enquêteurs ont retrouvé l'ELT à part de l'hélicoptère, à quelque 60 pieds de l'épave du poste de pilotage. Le sélecteur de l'ELT se trouvait à la position « ARM » (mode armé). Le connecteur de l'antenne externe était toujours connecté à l'ELT, mais le câble s'en était détaché pendant la séquence de l'impact. L'ELT était montée en permanence à l'intérieur de la partie avant du poste de pilotage, dans la région de la fenêtre inférieure droite avant. Elle était bien orientée à 45° vers le bas, conformément aux directives du constructeur. Il a été impossible d'établir avec certitude si l'ELT n'avait pas fonctionné comme prévu ou si le signal émis avait simplement pu rayonner sur quelques pieds, ce qui aurait empêché la détection de ce dernier par le personnel de recherche et sauvetage.

Le 3 janvier 2003, à la suite d'un accident survenu le 20 mai 2002 (voir le rapport numéro A02P0096 du BST), le BST a publié l'avis de sécurité aérienne A020030-1 suggérant à Transports Canada de passer en revue la réglementation et les normes concernant les emplacements de montage des ELT ainsi que leur interprétation et leur application. Transports Canada a répondu à cet avis en mentionnant avoir établi que, dans ce cas-ci, un déplacement de l'ELT n'aurait pas nécessairement fait une différence quant à l'intégrité de l'antenne.

L'ELT avait été fabriquée par ACK Technologies et elle portait le numéro de modèle E-01-03. Elle comportait sur sa surface extérieure une étiquette qui indiquait qu'elle devait être recertifiée en mai 2007, et les dossiers de l'hélicoptère indiquent que la plus récente certification de l'ELT a été effectuée en mai 2006. D'après la réglementationFootnote 3, une ELT doit être recertifiée aux 12 mois. Le laboratoire technique du BST a inspecté l'ELT. Cette inspection n'a révélé l'existence d'aucun dommage au boîtier ou aux connecteurs ni à la carte ou au contacteur à inertie, lequel est de type unidirectionnel à ressort/à bille. L'inspection et l'essai de l'ELT ont démontré que, même si sa certification était en retard, l'ELT était en bon état de service au moment de l'accident.

Analyse

Le pilote n'a obtenu aucune mise à jour des conditions météorologiques avant son départ de T1. Il ne savait donc pas que les conditions météorologiques à sa destination s'étaient détériorées pendant toute la journée et que les plus récentes prévisions faisaient état de conditions inférieures aux limites du vol VFR. De plus, on n'a pas utilisé les coordonnées de la destination pour les calculs de l'heure du coucher du soleil, ce qui a donné lieu à une erreur de 22 minutes et à une arrivée après le coucher du soleil dans la région de Cochrane, là où prévalaient des conditions météorologiques défavorables.

Le pilote avait suivi la formation au vol aux instruments minimale que requiert la délivrance d'une licence de pilote professionnel d'hélicoptère. Quatre années s'étaient écoulées entre le moment où le pilote avait suivi cette formation et la date de l'accident. Sans exercice, les compétences en matière de vol aux instruments se détériorent avec le temps. De plus, en raison du mauvais fonctionnement du gyroscope directionnel, le pilote s'est fié au GPS pour obtenir des renseignements sur le cap principal, ce qui a fort probablement nui à un bon balayage visuel des principaux instruments de vol. Ces deux facteurs ont probablement contribué à la difficulté du pilote à piloter l'hélicoptère en ne se fiant qu'aux instruments.

La formation au vol aux instruments mentionnée ci-dessus est jugée suffisante pour permettre à des pilotes non titulaires d'une qualification de vol aux instruments de conserver la maîtrise d'un hélicoptère en cas de vol intempestif dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC). Le pilote peut alors se rendre jusqu'à un endroit où les conditions météorologiques s'améliorent. Cependant, dans ce cas-ci, les conditions météorologiques à la destination prévue s'étaient détériorées de façon importante. Toute tentative de retour à un point antérieur le long de la trajectoire de vol a probablement été éliminée parce qu'il faisait noir et que le pilote n'était titulaire d'aucune annotation pour le vol de nuit, et qu'il ne possédait aucune expérience du pilotage de nuit. Le pilote a tenté de voler aux instruments, mais il a été désorienté et l'hélicoptère a percuté le sol par mégarde.

L'ELT était montée dans la région de la fenêtre inférieure avant de cet hélicoptère, endroit qui a été détruit pendant la séquence de l'impact. L'ELT s'est détachée et le câble de l'antenne a été cisaillé. Le fonctionnement d'une ELT peut être compromis en raison de l'emplacement où celle-ci est fixée. Pour avoir été montée dans la région mentionnée ci-dessus, l'ELT est devenue vulnérable aux forces d'impact.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports sur demande auprès du Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Fait établi quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le vol s'est poursuivi la nuit, dans des conditions météorologiques qui se détérioraient, et c'est ainsi que le pilote a perdu toute référence visuelle avec le sol, qu'il a été désorienté et que l'hélicoptère s'est écrasé au sol.

Faits établis quant aux risques

  1. Décoller sans posséder les plus récentes prévisions météorologiques disponibles augmente les possibilités de vol intempestif dans des conditions météorologiques défavorables.
  2. Pour avoir été montée dans la région de la fenêtre inférieure avant, la radiobalise de repérage d'urgence (ELT) est devenue vulnérable aux dommages dus à un impact. Par conséquent, l'ELT s'est détachée et elle s'est séparée de son antenne externe pendant la séquence de l'impact, situation qui a augmenté le risque que le signal de l'ELT ne soit pas détecté.

Autre fait établi

  1. Une inspection et un essai de l'ELT ont démontré que, même si sa certification était en retard, l'ELT était en bon état de service au moment de l'accident.

Mesures de sécurité

On a distribué à tous les pilotes d'Expedition Helicopters Inc. un avis d'exploitation concernant les facteurs humains, la prise de décisions des pilotes et les procédures d'utilisation normalisées, en insistant sur les minima météorologiques selon les règles de vol à vue (VFR). L'entreprise a également fourni des recommandations sur la façon d'effectuer des vols de navigation.

L'entreprise continuera de développer et de mettre en œuvre l'approche faisant appel aux systèmes de gestion de la sécurité, notamment par l'ajout de davantage de matériel didactique de Transports Canada, ainsi que les rapports sur la sécurité concernant les facteurs humains et les causes des accidents. L'entreprise a réalisé auprès des pilotes une étude concernant sa culture de la sécurité dont les résultats seront analysés et utilisés ultérieurement à des fins de sécurité.

Expedition Helicopters Inc. a également équipé tous ses aéronefs d'un système de poursuite par satellites. Elle peut donc surveiller la position de toute sa flotte à partir de ses installations principales situées à Cochrane (Ontario).

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .