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Rapport d'enquête aéronautique A06Q0190

Sortie en bout de piste
du Learjet 35A C-GAJS
exploité par Canadian Global Air Ambulance
à l'aéroport international de Montréal/
Pierre-Elliott-Trudeau (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

L'avion Learjet 35A (immatriculation C-GAJS, numéro de série 35-380) de Canadian Global Air Ambulance quitte Brunswick (Géorgie) aux États-Unis pour un vol sanitaire à destination de l'aéroport international de Montréal/Pierre-Elliott-Trudeau (Québec). À bord de l'avion se trouvent les deux pilotes, deux infirmières navigantes et deux passagers. À 5 h 7, heure normale de l'Est, l'avion se pose sur la piste 06R à Montréal et sort en bout de la piste de 9600 pieds de longueur pour s'immobiliser à environ 600 pieds au-delà de l'extrémité de piste sur un terrain gazonné. Le bord d'attaque de l'aile gauche et le fuselage de l'avion sont endommagés. Personne n'est blessé.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Canadian Global Air Ambulance exploite un service d'affrètement d'ambulance au moyen de quatre Learjet 35 et a des clients partout dans le monde. Cette compagnie est exploitée en vertu de la sous-partie 704, Exploitation d'un service aérien de navette, du Règlement de l'aviation canadien (RAC)Note de bas de page 1. Toutes les opérations de vol sont contrôlées à partir de la base principale de la compagnie à Winnipeg (Manitoba). Des bases secondaires sont situées à Toronto (Ontario) et à Vancouver (Colombie-Britannique).

Le vol était la deuxième et dernière étape d'un vol sanitaire qui avait commencé à l'aéroport international de Toronto/Lester B. Pearson de Toronto. Les deux pilotes se sont présentés au travail à l'installation de Canadian Global Air Ambulance à 20 h, heure normale de l'Est (HNE)Note de bas de page 2, le 25 novembre 2006, où ils ont retrouvé les deux infirmières navigantes affectées au vol. L'avion, un Learjet 35A, est arrivé au hangar de la compagnie à la suite d'une autre mission vers 21 h 45. Le vol de Toronto à destination de Brunswick a décollé à 22 h 54 et il s'est posé à 0 h 45. Le vol était un vol de routine; cependant, lorsque le train d'atterrissage a été sorti lors de l'approche finale, le voyant train d'atterrissage gauche sorti et verrouillé ne s'est pas allumé. Les phares du train d'atterrissage ont été allumés, et l'équipage, à partir de cet éclairage, a conclu que le train d'atterrissage en question était sorti et verrouillé et que son voyant était grillé. L'avion s'est posé sans incident.

Après avoir embarqué un patient et un passager, l'avion a décollé à 3 h 5 à destination de l'aéroport international de Montréal/Pierre-Elliott-Trudeau. Le commandant de bord était le pilote aux commandes (PF), et le copilote, le pilote non aux commandes (PNF). À 5 h, l'avion a été autorisé à effectuer une approche au système d'atterrissage aux instruments (ILS) pour la piste 06R; la vitesse de référence pour l'atterrissage (Vref) a été établie à 124 nœuds. À environ 10 000 pieds en descente, l'avion volait à une vitesse sol de 360 nœuds. Les conditions météorologiques à ce moment étaient les suivantes : vent du 120° à deux nœuds, visibilité de 15 milles et quelques nuages à 12 000 pieds et à 21 000 pieds.

À environ 13 milles marins (nm) à l'ouest de l'aéroport, l'avion a franchi les 7000 pieds à une vitesse sol de 350 nœuds. Les déporteurs ont été déployés à deux reprises pendant la descente. À environ 6 nm de la piste, les volets ont été sortis à 8°, puis à 20°. Après confirmation que le train d'atterrissage était sorti et verrouillé, le sélecteur de volets a été réglé à la position DN (sortis) pour que les volets sortent à 40°; les volets et l'indicateur de position sont demeurés à 20°. Le copilote a informé le commandant de bord de la différence en pointant vers l'indicateur et il a indiqué que la pression hydraulique était normale. À ce moment, l'avion se trouvait par le travers du repère d'approche finale, à 1000 pieds au-dessus de la trajectoire de descente et à 150 nœuds, soit 26 nœuds au-dessus de Vref.

Il a été établi que la piste était suffisamment longue pour un atterrissage volets partiellement sortis, et l'approche s'est poursuivie. Les membres de l'équipage avaient l'intention de sortir à l'extrémité de la piste pour être proche de leur destination au sol, et ils prévoyaient déployer les déporteurs et les inverseurs de poussée pour retarder l'utilisation des freins après le toucher des roues. À 500 pieds au-dessus du point de toucher des roues, l'avion se trouvait à peu près à 1 nm du seuil à environ 155 nœuds, et légèrement au-dessus de la trajectoire de descente. À environ 200 pieds au-dessus du point de toucher des roues, le système amélioré d'avertissement de proximité du sol (EGPWS) a émis les alertes vocales « TOO LOW FLAPS » (volets insuffisamment sortis) pour indiquer que les volets n'étaient pas en configuration d'atterrissage. Le commandant de bord a immédiatement demandé les volets à 40, et le copilote l'a informé que l'indicateur des volets indiquait 20°.

La piste 06R mesure 9600 pieds de longueur sur 200 pieds de largeur, et il y a une aire de manœuvre asphaltée de 200 pieds sur 200 pieds à chaque extrémité de la piste. L'avion a touché des roues à environ 1000 pieds au-delà du seuil à une vitesse approximative de 130 nœuds. Selon le manuel de vol de l'avion, la distance d'atterrissage correspondant à la configuration de l'avion à ce moment-là était de 3300 pieds pour des volets sortis à 20°. À environ 3500 pieds du seuil, le commutateur des déporteurs a été réglé sur la position de déploiement (EXT), mais les déporteurs ne se sont pas déployés, ce que n'a pas remarqué l'équipage. À partir d'environ 4800 pieds, le commandant de bord a tenté à trois reprises, mais en vain, de déplacer les leviers d'inverseurs de poussée au-delà de la butée de ralenti/déploiement. À environ 8300 pieds, le commandant de bord a annoncé qu'il n'y avait pas de freins. À la fin de la piste, le commandant de bord a demandé que les occupants prennent la position de sécurité. L'avion se déplaçait à environ 53 nœuds lorsqu'il a dépassé l'extrémité de piste.

Lorsque l'avion a roulé sur le sol meuble, l'aile gauche a heurté trois poteaux de feux de la première rangée des feux d'approche. Peu après, le train avant a roulé sur un regard, après quoi l'aile gauche a heurté trois poteaux de feux de la deuxième rangée de feux d'approche. L'avion s'est immobilisé à 600 pieds au-delà de l'extrémité de la chaussée suivant l'extrémité de piste. Immédiatement après que l'avion s'est immobilisé, le commandant de bord a ordonné l'évacuation. L'avion a subi de lourds dommages au train avant, à l'aile gauche et au côté gauche du fuselage.

L'enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) est un enregistreur Collins, modèle numéro 642C-1, référence 522-4057-010, numéro de série 2086. Il possède quatre canaux et une capacité d'enregistrement de 30 minutes. Les canaux audio P1 et P2 étaient d'excellente qualité, meilleurs que l'enregistrement du contrôle de la circulation aérienne (ATC), auquel il manquait des données. L'enregistreur présentait une longueur d'enregistrement de 32 minutes et 15 secondes.

Le canal du microphone d'ambiance n'a pas fonctionné sur cet avion pour la plus grande partie de l'enregistrement. Les 30 premières minutes et 5 secondes ne contenaient aucune donnée. Une forte tonalité de 400 hertz (Hz) s'est fait ensuite entendre pendant 47 secondes, suivie de données du microphone d'ambiance pour une durée de 1 minute et 24 secondes. Il est possible qu'une mauvaise connexion au microphone d'ambiance ait subi des vibrations pendant l'incident, lesquelles avaient rétabli le fonctionnement du microphone d'ambiance pour cette courte période.

Renseignements sur l'équipage

Le commandant de bord a obtenu sa licence de pilote professionnel en 1994 et a travaillé pour diverses compagnies comme pilote d'avions à hélice. Il est titulaire d'une licence de pilote de ligne valide et est entré au service de Canadian Global Air Ambulance en juin 2006. C'était la première fois qu'il était employé à titre de pilote d'avions à réaction. Il a réussi le cours initial de pilotage sur Learjet 35/36 chez FlightSafety International en juillet 2006. Après avoir effectué l'entraînement requis, il a été employé comme commandant de bord sur Learjet 35A. Le commandant de bord totalisait 7300 heures de vol, et il avait accumulé environ 180 heures sur Learjet 35, dont 100 comme commandant de bord. La durée de service du commandant de bord le jour de l'accident était de 7,2 heures après une période de repos de 34 heures. Au cours des sept derniers jours, il avait effectué 22 heures de vol.

Le copilote possédait une licence de pilote de ligne valide et il était entré au service de la compagnie en juillet 2006. Il a réussi le cours initial de pilotage sur Learjet 35/36 chez FlightSafety International en juillet 2006. Il a été embauché comme copilote sur Learjet 35A. Le copilote totalisait 2475 heures de vol, dont 173 sur Learjet 35. La durée de service du copilote le jour de l'accident était de 7,2 heures après une période de repos de 261 heures.

FlightSafety International avait donné aux deux membres de l'équipage de conduite des cours de formation officiels en gestion des ressources dans le poste de pilotage (CRM). Les techniques CRM faisaient partie intégrante de la formation en simulateur. L'équipage avait eu un rendement satisfaisant pendant la formation en simulateur.

Le simulateur de vol de la FlightSafety International était certifié pour toutes les phases des opérations de vol et au sol. Parmi les différences entre l'avion accidenté et le simulateur, on note que le simulateur était équipé d'un voyant de basse pression hydraulique et d'un parachute-frein, alors que l'avion en était dépourvu. Pendant la formation, une anomalie de basse pression hydraulique avait été simulée. Le voyant de basse pression hydraulique s'était allumé pour alerter l'équipage de cette situation, selon laquelle le train d'atterrissage, les volets, les déporteurs et les freins étaient touchés. Les pilotes étaient tenus d'exécuter la procédure figurant dans l'Index des procédures (QRH). Le QRH demandait aux pilotes de mettre en marche la pompe hydraulique auxiliaire avant l'atterrissage. Après le toucher des roues, si la pression hydraulique n'était pas maintenue, l'équipage devait tirer sur la poignée des freins d'urgence. De plus, le QRH précisait que l'utilisation du parachute-frein ou des inverseurs de poussée (s'ils étaient présents) était recommandée. Une défaillance imprévue des freins après le toucher des roues n'avait pas été simulée lors de la formation de l'équipage de conduite. L'enquête a révélé que les deux membres d'équipage croyaient que l'avion était équipé d'un voyant de basse pression hydraulique.

État de l'aéronef

L'impact avec les poteaux de feux a causé de nombreuses empreintes sur le fuselage et l'aile gauche. Les poteaux de feux présentent une partie frangible proche du sol, ce qui a aidé à réduire la gravité des impacts. La jante de la roue du train avant était déformée, et la fusée était légèrement déformée à la suite de l'impact et du déplacement du couvercle du regard faisant saillie. L'examen de l'avion a montré que les volets étaient sortis à 20° et que les déporteurs étaient rentrés. Il y avait des gouttelettes de liquide hydraulique sur la contre-dérive, les coulures provenant du dessous du fuselage de l'avion. D'autres coulures de liquide hydraulique très légères et recouvertes de poussière émanant du casier du train avant étaient aussi visibles du côté inférieur droit du fuselage. Le niveau de liquide hydraulique dans la bâche n'était pas visible sur l'indicateur de niveau.

L'ancrage de la jambe oléopneumatique du train avant était arraché, et un raccord hydraulique avait été brisé lors de la récupération de l'avion. Ces dommages ont empêché de faire fonctionner le train pendant les essais qui ont suivi. L'origine du suintement de liquide hydraulique à partir du casier de train avant n'a par conséquent pu être localisée. Le raccord hydraulique a été obturé pour permettre l'essai des autres composants hydrauliques, essais qui ont confirmé le bon fonctionnement des freins, des volets, des déporteurs et des inverseurs de poussée. On a confirmé que le voyant train d'atterrissage gauche sorti et verrouillé était effectivement grillé. Sans faire fonctionner le train d'atterrissage, on n'a remarqué aucune fuite évidente. Toutefois, la taille relativement petite des coulures sous le fuselage n'était pas représentative d'une fuite importante qui aurait causé l'épuisement du liquide hydraulique au cours des deux dernières heures. Une fois retiré le panneau d'accès situé devant le train d'atterrissage principal, un écrou « B » raccordant la conduite hydraulique de rentrée du train avant à un clapet de non-retour (référence 1R3665-035) a été trouvé légèrement desserré. Une revue des dossiers de maintenance récents a révélé qu'aucun travail de maintenance n'avait été exécuté à cet endroit.

Pour le vol en question, l'avion n'était pas exploité en vertu de limites à certains éléments. Le vol de Brunswick à Montréal s'était déroulé avec un voyant de train d'atterrissage gauche sorti et verrouillé défectueux. Un voyant de train d'atterrissage sorti et verrouillé n'est pas un élément de la liste d'équipements minimale (MEL). L'affectation à un vol de cet avion alors que cet élément était hors service n'était donc pas autorisée par la MEL du Learjet 35 de Canadian Global Air Ambulance approuvée par Transports Canada.

Les dossiers de maintenance de l'avion indiquent qu'il avait été entretenu conformément au manuel de contrôle de maintenance de la compagnie. Comme les avions volent plus de 1000 heures par année, l'exploitant peut utiliser le programme de maintenance pour utilisation élevée (HUMP). Ce programme indique qu'une vérification d'état et d'état de service doit être effectuée aussi souvent qu'il est possible de la faire et recommande au minimum une fréquence aux 15 jours. La vérification avait été effectuée le 21 novembre, soit cinq jours avant l'accident. L'avion avait volé pendant 19,5 heures et effectué 20 cycles depuis la vérification. Avant cette dernière vérification, l'avion avait volé pendant 103,2 heures et 27 cycles au cours de la période précédente de 13 jours. La feuille de vérifications, HUMP-M35/36 Revision 5, mentionne de vérifier l'étanchéité du système hydraulique de l'avion et de s'assurer du bon niveau de liquide hydraulique. Même si cette vérification n'incluait pas les inverseurs de poussée ni n'y faisait référence, l'inspection aux 150/200 heures de Dee HowardNote de bas de page 3 avait été effectuée en même temps que la vérification HUMP. L'avion était exploité en fonction d'une MEL. La MEL précise que toutes les défectuosités doivent être inscrites dans le carnet de bord de l'avion. La correction de toute défectuosité peut être reportée pourvu qu'elle soit mentionnée dans la MEL approuvée, et l'avion doit alors être exploité conformément aux conditions ou aux limites précisées dans la MEL. En cas de doute sur le report d'un élément, il doit y avoir consultation entre le bureau des opérations et le service de maintenance.

Système hydraulique

Le système hydraulique de l'avion fournit l'énergie hydraulique nécessaire au fonctionnement du train d'atterrissage, des freins, des volets, des déporteurs et des inverseurs de poussée de l'avion. Pendant les opérations normales, la pression hydraulique est produite par des pompes entraînées par moteur, une montée sur chaque réacteur. Les deux pompes aspirent le liquide du même orifice dans la bâche hydraulique. Cet orifice est situé au tiers inférieur de la bâche et légèrement sous l'indicateur de niveau. Lorsqu'il est visible par l'indicateur, le liquide est au niveau d'utilisation acceptable.

Un deuxième orifice, situé au fond de la bâche, permet au liquide restant permet d'alimenter une pompe hydraulique auxiliaire à commande électrique en cas de défectuosité du système hydraulique. Cette pompe est commandée par le commutateur HYD PUMP situé sur le tableau de bord et elle est automatiquement mise en marche sous l'action d'un manocontact en cas de faible pression hydraulique. Le fonctionnement de cette pompe est limité à 3 minutes et suivi d'un intervalle de 20 minutes. Un capillaire se rend au poste de pilotage et transmet la pression hydraulique à l'équipage au moyen d'un petit manomètre à lecture directe, d'environ 1 ¾ pouce de diamètre, situé sous l'auvent, sous le tableau annonciateur. Le manomètre se trouve partiellement derrière le microphone d'ambiance du CVR et est directement visible du siège du copilote. Il faut déplacer la tête pour pouvoir le lire à partir du siège du pilote. La rubrique « Abnormal Procedures » (procédures en cas de situation anormale), à la section IV du manuel de vol approuvé pour l'avion accidenté, décrit la procédure à suivre si le voyant de basse pression hydraulique s'allume. Toutefois, l'avion accidenté n'était pas équipé de ce voyant d'avertissement, et l'équipage devait alors consulter la procédure en cas de panne du système hydraulique à l'atterrissage.

Le circuit hydraulique des inverseurs de poussée comprend un accumulateur hydraulique, qui est essentiellement un cylindre contenant un piston mobile. Selon le manuel de maintenance, un côté du cylindre est chargé d'air ou d'azote à 600 ±50 livres par pouce carré (lb/po²). Pendant son fonctionnement, la pression hydraulique normale, comprise entre 1250 et 1500lb/po², pousse le piston mobile pour faire correspondre la pression de l'air à celle du liquide hydraulique. Le liquide de l'accumulateur est isolé du reste du circuit hydraulique par un clapet de non-retour, ce qui réserve le liquide sous pression ainsi piégé au fonctionnement des inverseurs de poussée en cas de perte de pression hydraulique. La précharge de pression indiquée dans le manuel du pilote diffère de celle du manuel de maintenance; elle indique une précharge de 900 à 1000 lb/po² dans l'accumulateur. L'accumulateur peut assurer un cycle de fonctionnement complet des inverseurs de poussée. Après l'événement, on a trouvé que la pression d'air de l'accumulateur était égale à 250 lb/po². L'inverseur de droite était rentré, et l'inverseur de gauche était à peine déployé.

L'indicateur de pression d'air de l'accumulateur des inverseurs de poussée se trouve dans le cône de queue, au même endroit que l'accumulateur du système hydraulique principal, lequel a une pression de 850 lb/po². Lorsque le système hydraulique fonctionne, la pression d'air dans l'accumulateur s'élève pour correspondre à la pression du système; au repos, la pression revient à la pression de précharge de 850 lb/po². Toutefois, sur l'indicateur de pression de l'accumulateur des inverseurs, à cause du clapet de non-retour, la pression demeure à la pression de fonctionnement du système à moins que les inverseurs soient sollicités à plusieurs reprises pour évacuer la pression emprisonnée. Les indicateurs de pression sont d'apparence similaire, ils ne sont pas identifiés en fonction de leur système ou circuit respectif, et les trois bandes vertes de l'échelle délimitent la pression de fonctionnement normal. Il n'y a aucune affichette pour rappeler la pression de précharge correcte de chaque indicateur de pression, ou dans le cas des inverseurs de poussée, un avertissement indiquant que les inverseurs de poussée doivent être déployés pour que la pression hydraulique soit évacuée.

De par leur conception, les vérins hydrauliques ont besoin d'une plus grande quantité de liquide en déploiement que pour la rentrée, en raison du volume occupé par la tige de commande. Les vérins de train d'atterrissage, les plus gros vérins de l'avion, font diminuer le niveau de liquide dans la bâche pendant la sortie du train d'atterrissage. Le manuel de vol de l'avion précise qu'en cas de perte de pression hydraulique, le train doit être sorti en mode d'urgence avant qu'on sélectionne la pompe hydraulique à commande électrique. Le mode urgence utilise de l'air sous pression, ce qui réserve le liquide qui reste au fond de la bâche hydraulique et permet à la pompe électrique d'actionner les volets ou les déporteurs, lesquels ne disposent pas d'un circuit de secours. Après la sortie du train d'atterrissage, les volets sont demeurés inopérants à 20°, ni les déporteurs ni les inverseurs ne se sont déployés, et les freins n'ont pas fonctionné en mode normal. Un freinage d'urgence, assuré par de l'air, n'a pas été tenté.

Procédures d'utilisation de la compagnie

Selon le manuel des procédures d'utilisation normalisées de la compagnie (SOP), le PF déploie les déporteurs et abaisse doucement le train avant après le toucher des roues. S'il y a suffisamment de piste et que rien n'oblige à s'arrêter sur une courte distance, l'avion doit être freiné par un minimum de freinage. Toutefois, le manuel mentionne que dans tous les cas, cependant, les pilotes doivent vérifier leurs freins après l'atterrissage, car ce n'est pas le moment de découvrir un problème freinage une fois rendu à l'extrémité de la piste. De plus, les SOP indiquent que si l'avion est équipé d'inverseurs de poussée Dee Howard, ces derniers doivent être déployés à chaque atterrissage pour réduire l'usure des freins. Le PF déploie d'abord les déporteurs, abaisse doucement le train avant sur la piste, puis il tire doucement sur les poignées des inverseurs de poussée et serre les freins de roue selon les conditions.

La procédure d'atterrissage après toucher des roues du manuel de vol de l'avion prescrit le déploiement immédiat des déporteurs, l'utilisation selon les besoins des freins de roue et des inverseurs de poussée ou le déploiement du parachute-frein (s'il y en a un), selon ce qui est désiré.

La procédure d'atterrissage volets partiellement sortis figure dans le manuel de vol de l'avion, l'Index des procédures et les procédures d'utilisation normalisées. La procédure suppose que l'équipage a reconnu l'anomalie des volets avant l'atterrissage. Pour résumer, elle établit la vitesse d'approche finale et les distances d'atterrissage en fonction de la position des volets. La documentation ne rappelle pas à l'équipage de vérifier la pression hydraulique en cas de différence entre la position et le réglage des volets.

Si le système de freinage normal subit une défaillance, un circuit (pneumatique) de secours peut être utilisé pour immobiliser l'avion. La poignée des freins d'urgence, située du côté du pilote sur le pylône, doit être tirée et poussée vers le bas pour fournir de la pression aux freins. Aucune tentative n'a été faite d'utiliser le système de freinage d'urgence pendant l'événement.

Les procédures avant vol normales du Learjet doivent être exécutées avant décollage du point de départ d'origine d'un vol. Certains éléments de la liste de vérifications sont marqués de puces en forme de losange. Ces puces renvoient à la liste des vérifications abrégée, et seuls ces éléments doivent être vérifiés s'il n'y a pas eu de changement dans le personnel de l'équipage de conduite, si aucun travail de maintenance n'a été effectué sur l'avion et s'il n'y a eu aucune condition météorologique extrême qui aurait modifié l'état de l'avion avant le vol. Une partie de l'élément 17 de la liste de vérifications normale avant vol, qui exige de vérifier le niveau de liquide dans la bâche du système hydraulique et la pression de l'accumulateur, ne fait pas partie de la liste des vérifications abrégée. Il n'y a aucune indication sur la liste des vérifications rappelant à l'utilisateur de consulter le supplément du manuel de vol de l'avion, à la partie portant sur le circuit des inverseurs de poussée. Le supplément ne donne aucune information sur la façon de vérifier la pression de précharge de l'accumulateur. À Toronto, ainsi qu'à Brunswick, le copilote a effectué la procédure abrégée. Les deux vérifications avant vol ont été effectuées à l'extérieur, de nuit, à l'aide d'une lampe de poche. Le copilote ne connaissait pas les critères d'utilisation de la liste de vérifications abrégée.

Analyse

L'absence de liquide hydraulique dans le casier du train avant et les coulures recouvertes de poussière émanant de cet endroit indiquent un léger suintement. Ainsi, le suintement de la roue du train avant n'a pas contribué de façon importante à l'épuisement du liquide hydraulique. La fuite hydraulique à l'écrou « B » a causé l'épuisement du liquide hydraulique. L'ampleur de la fuite n'a pu être établie en raison des dommages subis au train avant. Cependant, la taille des coulures de liquide hydraulique sous le fuselage ne correspondait pas à un taux de fuite suffisant pour vider la bâche hydraulique en quelques heures. Comme aucun travail de maintenance récent n'avait été inscrit à l'égard de l'écrou « B », on peut supposer que l'écrou « B » avait été insuffisamment serré, ce qui lui a permis de se desserrer avec le temps. La dernière inspection effectuée 19,5 heures avant l'accident n'a révélé aucune anomalie du système hydraulique. On peut par conséquent conclure que la fuite s'est développée au cours de cette période. Comme l'ampleur de la fuite n'a pu être établie, le temps nécessaire pour vider la bâche hydraulique n'a pu être déterminé.

La vérification d'état et d'état de service effectuée à intervalles de 15 jours peut ne pas assurer que le niveau de liquide est correct entre ces vérifications. Par conséquent, la confirmation d'un entretien courant approprié repose sur le caractère complet de l'inspection avant vol effectuée par l'équipage. La pratique adoptée par l'équipage de conduite d'exécuter une liste de vérifications abrégée, alors qu'une inspection avant vol complète était exigée, a permis que l'avion prenne l'air sans qu'on puisse s'assurer que le niveau de liquide dans la bâche hydraulique était suffisant.

Ni la liste des vérifications avant vol ni le supplément au manuel de vol de l'avion sur l'inverseur de poussée Dee Howard n'indiquent comment vérifier la précharge de l'accumulateur hydraulique des inverseurs de poussée. Par conséquent, l'équipage ne savait pas comment vérifier de façon appropriée la pression de précharge réelle de l'accumulateur des inverseurs. Même si les membres de l'équipage avaient vérifié l'indicateur de pression de l'accumulateur des inverseurs de poussée, il est peu probable qu'ils auraient décelé la faible pression d'air et l'entretien courant déficient.

Parce que le point de départ d'origine du vol était Toronto, une vérification avant vol normale aurait dû être effectuée par l'équipage. Quoi qu'il en soit, non au courant de cette exigence, le copilote a exécuté une liste de vérifications abrégée. Par conséquent, le niveau du liquide hydraulique n'a pas été vérifié. Les inspections extérieures de l'avion à Toronto et à Brunswick ont été exécutées de nuit à l'aide d'une lampe de poche. Ces conditions ont pu rendre plus difficile la détection d'une fuite de liquide.

Au cours de l'approche à Brunswick, le voyant train d'atterrissage gauche sorti et verrouillé ne s'est pas allumé. Le commandant de bord a utilisé une solution de rechange pour confirmer que le train était effectivement verrouillé. Comme le voyant ne fait pas partie de la MEL, la défectuosité aurait dû être réparée avant que l'avion ne prenne l'air. Aussi, l'équipage n'a pas inscrit la défectuosité dans le carnet de bord, comme il devait le faire.

Pendant l'approche à Montréal, les déporteurs et les volets ont fonctionné normalement jusqu'à ce que le train d'atterrissage soit sorti. Le volume de liquide nécessaire pour sortir le train a abaissé le niveau de liquide hydraulique dans la bâche sous l'orifice d'alimentation de la pompe entraînée par moteur. Sans alimentation hydraulique, la pression hydraulique a été immédiatement perdue. À partir de ce moment, les volets, les déporteurs, le train d'atterrissage et les inverseurs de poussée ont été touchés.

Lorsque les volets ont été sélectionnés à 40°, le copilote a indiqué au commandant de bord qu'ils étaient demeurés sortis à 20° et a affirmé par erreur que la pression hydraulique était normale. Il est probable que le copilote a mal lu l'indicateur de pression hydraulique, voyant ce qu'il s'attendait de voir plutôt que la lecture réelle de l'indicateur. Le fait que 12 minutes plus tôt, dans le cadre de la vérification de descente, il ait remarqué que la pression hydraulique était normale et que les déporteurs et les volets fonctionnaient normalement jusqu'au moment de la sortie du train d'atterrissage, a pu influencer la perception du copilote.

L'équipage n'a pas cherché à connaître la cause de la différence de position des volets. Normalement, après avoir reconnu l'anomalie, l'équipage aurait dû consulter la liste des vérifications pour un atterrissage volets partiellement sortis de l'Index des procédures. Malgré tout, la consultation de la liste des vérifications pour un atterrissage volets partiellement sortis n'aurait pas permis à l'équipage de déterminer le problème parce que la liste des vérifications ne fait pas allusion à la possibilité d'une défectuosité hydraulique.

Ni l'un ni l'autre des membres de l'équipage n'ont associé la position anormale des volets à une faible pression hydraulique. Comme dans le simulateur, l'équipage s'attendait d'être prévenu d'une défectuosité hydraulique par un voyant basse pression hydraulique, qu'il croyait présent dans l'avion. Le manque de connaissances des systèmes de bord par l'équipage dénote une lacune dans la formation pour ce qui est de la familiarisation aux différences entre les avions de la compagnie. Comme l'avion n'était pas équipé d'un tel voyant d'avertissement et que le copilote avait mal lu l'indicateur de pression hydraulique, l'équipage n'a jamais anticipé la perte de pression hydraulique. Le fait que le manuel de vol de l'avion et son Index des procédures mentionnent qu'un voyant d'avertissement de basse pression hydraulique s'allume pour signaler une perte de pression dans le système hydraulique peut avoir renforcé la conviction de l'équipage selon laquelle son avion était équipé d'un tel voyant.

Une fois conscient de l'anomalie liée aux volets, l'équipage de conduite a poursuivi l'approche, sachant que la longueur de la piste était suffisante pour un atterrissage volets partiellement sortis. La décision d'atterrir n'a pas tenu compte de la faible pression hydraulique. Une remise des gaz aurait permis à l'équipage d'exécuter toutes les listes de vérifications pertinentes et de planifier un atterrissage avec défaillance du système de freinage normal.

Sur la foi de la carte d'atterrissage réglementaire, l'utilisation immédiate des freins après le toucher des roues aurait permis de stopper l'avion à environ 4300 pieds du seuil et à 3000 pieds avant la voie de circulation de sortie.

L'avion s'est posé dans l'obscurité à environ 1000 pieds au-delà du seuil de piste et, à l'insu de l'équipage, il n'y avait aucune pression hydraulique. Comme prévu, les déporteurs et les inverseurs de poussée ont été utilisés avant les freins. L'équipage suivait les procédures d'utilisation normalisées pour un atterrissage avec inverseurs de poussée. Même si ces procédures soulignent que les freins doivent être vérifiés immédiatement après le toucher des roues, la conformité à cette exigence est attendue mais non obligatoire. En outre, la procédure d'atterrissage pour un avion équipé d'inverseurs de poussée Dee Howard préconise la réduction de l'usure des freins, ce qui peut possiblement amener les équipages à retarder tout serrage des freins.

L'absence de pression hydraulique a empêché le déploiement des déporteurs. Si le copilote avait été au courant de la défectuosité des déporteurs, il aurait pu associer cette défectuosité à l'anomalie de position des volets, à la faible pression hydraulique et à la défectuosité subséquente des freins.

Les inverseurs de poussée se seraient déployés si l'accumulateur hydraulique préchargé avait été chargé d'air, conformément aux spécifications du constructeur. Si les inverseurs de poussée s'étaient déployés au moment de leur sélection, le pilote aurait pu tester les freins conformément aux procédures normales et reconnaître toute défaillance plus rapidement qu'il ne l'a fait. La détection rapide de la défaillance des freins ne se serait peut-être pas traduite par une réaction appropriée de l'équipage; toutefois, elle lui aurait donné plus de temps pour identifier le problème et exécuter la procédure appropriée.

Le commandant de bord s'est rendu compte de la défaillance des freins à environ 2300 pieds avant l'extrémité de la piste. L'enquête n'a pu établir pourquoi le frein d'urgence n'avait pas été utilisé.

Selon leur dossier de formation, les deux membres d'équipage ont réussi à démontrer leur compétence dans l'utilisation du système de freinage d'urgence lors du cours de pilotage initial sur Learjet chez FlightSafety International. Toutefois, une défaillance de freins imprévue sur la piste n'avait pas été simulée. Les défaillances de freins étaient toujours suivies par une perte de pression hydraulique, comme en témoignait l'allumage du voyant de basse pression hydraulique. Lorsque le commandant de bord s'est rendu compte de la défaillance des freins, l'équipage a été complètement pris par surprise, ne disposant plus que de peu de piste et se déplaçant à une vitesse relativement élevée. La répétition d'un scénario similaire pendant la formation aurait peut-être pu amener l'équipage à suivre la procédure de freinage d'urgence.

Le présent accident a été le résultat d'une combinaison de facteurs, et non d'une seule omission ou erreur. Le desserrage de l'écrou « B » a donné lieu à une fuite lente qui a vidé le liquide hydraulique. L'intervalle de 15 jours entre les vérifications d'état et d'état de service n'a pas favorisé la détection rapide d'un faible niveau de liquide. Aussi, le manque d'instructions de maintenance pour les inverseurs de poussée dans la liste des vérifications de la vérification d'état et d'état de service n'a pas assuré un bon entretien courant. L'utilisation incorrecte de la liste des vérifications abrégée par le copilote peut avoir empêché la détection du faible niveau de liquide hydraulique avant le vol. L'absence d'une procédure permettant de vérifier correctement la pression d'air dans l'accumulateur des inverseurs de poussée a empêché l'équipage de déceler la pression d'air réelle; par conséquent, les inverseurs de poussée ne pouvaient se déployer advenant une perte de pression dans le système hydraulique. Le manque de connaissances du système hydraulique de l'avion de la part de l'équipage a contribué à ce qu'il croie à tort que la perte de pression hydraulique serait signalée par l'allumage d'un voyant de basse pression hydraulique. L'omission de l'équipage d'utiliser la procédure de freinage d'urgence a contribué à la sortie en bout de piste de l'avion.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Un écrou « B » s'est desserré, ce qui a causé une fuite et vidé le liquide hydraulique pour empêcher les volets, les déporteurs, les inverseurs de poussée et les freins de roue de fonctionner normalement.
  2. L'équipage n'a pas remarqué la fuite de liquide hydraulique et, par conséquent, n'a pas planifié un atterrissage sans les systèmes de freinage normaux, ni utilisé le système de freinage d'urgence.
  3. Lorsque l'avion s'est posé, les volets étaient sortis à 20° seulement, les déporteurs ne se sont pas déployés parce qu'il n'y avait pas de pression hydraulique ni de pression d'air de relève, les inverseurs de poussée ne se sont pas déployés, le freinage normal n'a pas fonctionné, et le système de freinage d'urgence n'a pas été utilisé. Par conséquent, l'avion est sorti en bout de la piste.

Faits établis quant aux risques

  1. La vérification d'état et d'état de service effectuée à des intervalles de 15 jours pourrait ne pas assurer le maintien d'un niveau de liquide approprié. Par conséquent, la confirmation que l'entretien courant a été bien fait repose sur le caractère complet de l'inspection avant vol effectuée par l'équipage.
  2. La pratique adoptée par l'équipage de conduite d'exécuter la liste des vérifications abrégée, alors qu'une inspection avant vol normale était requise, a permis à l'avion de prendre l'air sans qu'on ait confirmé que le liquide hydraulique de la bâche était au bon niveau.
  3. L'accumulateur préchargé des inverseurs de poussée n'avait pas subi l'entretien courant prescrit selon les spécifications du constructeur, et il n'y avait pas suffisamment d'air sous pression pour déployer les inverseurs de poussée.
  4. Le supplément du manuel de vol de l'avion pour les inverseurs de poussée ne renferme aucune directive sur la façon de vérifier la pression d'air de l'accumulateur. Par conséquent, l'équipage ne savait pas comment vérifier correctement la pression de précharge de l'accumulateur des inverseurs de poussée.
  5. L'équipage a cru à tort que l'avion était équipé d'un voyant de basse pression hydraulique qui l'avertirait en cas de perte de pression du système hydraulique.
  6. Le manuel de vol de l'avion et l'Index des procédures (QRH) indiquent que le voyant de basse pression hydraulique s'allume pour indiquer une perte de pression du système hydraulique, même si, dans cet avion, il n'y a pas de voyant de basse pression hydraulique.

Autre fait établi

  1. L'avion est parti pour Montréal avec une défectuosité identifiée mais non documentée qui nécessitait une intervention de maintenance.

Mesures de sécurité prises

L'accident a donné lieu à une enquête administrative de la part de Canadian Global Air Ambulance. Les mesures suivantes ont été prises :

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .