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Rapport d'enquête aéronautique A06P0190

Perte de maîtrise causée par la rupture d'un axe de
support du pylône de la boîte de transmission
de l'hélicoptère Bell 206B C-GSLV
exploité par Quantum Helicopters Ltd.
à Alice Arm (Colombie-Britannique)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 7 h 10, heure avancée du Pacifique, l'hélicoptère Bell 206B (immatriculation C-GSLV, numéro de série 4199) ayant à son bord un pilote et deux passagers, quitte une aire d'atterrissage située à environ 0,5 mille marin du village d'Alice Arm (Colombie-Britannique). Le vol est effectué dans des conditions météorologiques de vol à vue. Il s'agit du premier vol de la journée, et le pilote doit procéder à la relève d'une équipe de travailleurs sur un site de forage pour l'exploration des ressources qui se trouve à environ 6 milles marins vers le nord. L'appareil décolle en direction nord-est en survolant l'estuaire en face du village et s'écrase dans l'estuaire à 0,5 mille marin de son point de départ. La marée est basse au moment de l'accident. L'hélicoptère est détruit, et les trois personnes à bord subissent des blessures mortelles. Il y a des signes qu'un léger incendie s'est déclenché après l'impact et s'est éteint de lui-même. Il n'y a aucun témoin oculaire.

Renseignements de base

Déroulement du vol

Chaque jour, l'hélicoptère allait au site de forage, deux fois en matinée et deux fois en soirée, pour effectuer les relèves des équipes de travailleurs. Pendant la journée, l'hélicoptère livrait aussi des barils de carburant diesel au site et en ramenait les barils vides ainsi que des caisses de carottes de forage sous élingue. En raison de la courte distance à parcourir, le réservoir de carburant de l'hélicoptère n'était généralement pas rempli à pleine capacité. Au moment de l'accident, le vent était calme et le ciel, dégagé. Il y avait une mince couche de brouillard au sol qui s'était dissipé à 7 h 20, heure avancée du Pacifique (HAP)Footnote 1, lorsque les premiers intervenants sont arrivés sur les lieux de l'accident. Quand les membres de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et le médecin légiste sont arrivés sur place, rien n'avait encore été déplacé. On a sorti le pilote et les passagers de l'appareil, puis un hélicoptère a tiré l'épave plus haut sur la rive afin qu'elle ne soit pas submergée par la marée montante. Comme la marée continuait de monter, on a détaché l'épave pour la ramener au point de départ. Les enquêteurs du BST sont arrivés sur les lieux plus tard au cours de la journée de l'accident et ils ont procédé à l'examen initial de l'épave.

Masse et centrage

Les deux passagers étaient assis en place arrière. Puisque les données réelles étaient inconnues, on a estimé la masse et le centrage de l'hélicoptère en fonction de différentes masses de passagers, configurations de sièges et quantités de carburant à bord. Selon l'estimation de la masse des passagers et un réservoir rempli à capacité, l'hélicoptère aurait respecté les limites de masse maximale certifiée au décollage. Avec les deux passagers assis à l'arrière, l'hélicoptère aurait aussi respecté les limites de centrage longitudinal et latéral, peu importe l'estimation de la masse.

Équipage de conduite

Le pilote était titulaire d'une licence canadienne de pilote professionnel d'hélicoptère en règle. Selon son certificat médical, il devait porter des verres. Le pilote avait subi une vérification compétence pilote sur un hélicoptère Bell 206B le 3 juillet 2006, qui était valide jusqu'au 1er août 2008. Le pilote totalisait 9100 heures de vol, dont 7200 sur hélicoptère. L'examen du dossier des temps de vol et de service du pilote pour la période précédant l'accident n'a révélé aucun écart par rapport à la réglementation de Transports Canada et ne semblait pas indiquer que la fatigue aurait contribué à l'accident. L'autopsie du pilote n'a révélé aucune incapacité ni affection préexistante susceptible d'avoir contribué à l'accident.

Possibilités de survie

L'hélicoptère a percuté le sol dans une assiette de piqué très prononcée et inclinée à gauche. L'accident n'offrait aucune chance de survie en raison des dommages subis par l'espace habitable sous la violence de l'impact.

Examen des lieux

Les marques au sol indiquaient que l'hélicoptère avait heurté le sol puis rebondi sur une distance d'environ une longueur d'appareil dans le sens du déplacement. Le dessous de la cellule s'est brisé latéralement au niveau des deux traverses tubulaires des atterrisseurs à patins. Il y avait aussi une cassure diagonale sous l'appareil, du montant arrière de la porte arrière gauche jusqu'à l'avant près du palonnier du pilote. La structure du plafond cabine, y compris la poutre de charge, était brisée sous la boîte de transmission principale.

L'hélicoptère avait été avitaillé à un dépôt de carburant situé de l'autre côté du bras de mer par rapport à l'aire d'atterrissage de l'hélicoptère. On a prélevé des échantillons de carburant dans les barils de carburant, les filtres et la pompe ainsi que dans le réservoir de l'hélicoptère. L'examen visuel n'a permis de déceler aucune contamination par l'eau ni par des particules.

Aucun incendie n'a été signalé. Cependant, il y avait des dépôts de suie sur l'extérieur du capot moteur sous la pipe du collecteur d'échappement droite et sur les aubes du dernier étage de la turbine de travail, indiquant qu'il y avait eu un petit incendie après impact alimenté par le carburant. Un incendie à cet endroit indique la présence de carburant et la propagation des flammes dans la chambre de combustion.

Les dommages importants sur les pales du rotor principal étaient compatibles avec une décélération rapide. Les deux pales étaient sectionnées à l'extrémité des renforts, à environ quatre pieds de leur emplanture. Une pale avait été projetée à environ 150 pieds du lieu de l'écrasement, tandis que l'autre était restée près de l'épave. La pale près de l'épave portait des marques causées par les pierres du limon sur le bord d'attaque et sur le dessus. La pale qui avait été projetée était fléchie uniformément sur toute sa longueur dans le sens de l'angle de conicité. Le bord d'attaque ne portait aucune marque importante de dommage par impact.

Examen de l'appareil

Moteur

L'examen en cours de démontage du moteur a révélé des dommages causés par l'ingestion d'un corps étranger (boue) jusqu'au disque du cinquième étage du compresseur. Il y avait des marques de rotation sur toute la longueur du compresseur, plus particulièrement entre les aubes du rouet centrifuge et la volute du diffuseur, ce qui indique un impact avec moteur en marche. Tous les paliers étaient intacts et lubrifiés. On a confirmé que la roue libre d'entrée fonctionnait. L'examen n'a révélé aucun dommage indiquant une défaillance mécanique du moteur avant impact.

Commandes de vol

L'hélicoptère ne possédait pas de double commande et il était piloté à partir du siège de droite. Le levier de pas collectif a été trouvé en position normale plein gaz. Les commandes de pas collectif et cyclique ont été examinées attentivement afin d'y déceler une défaillance, mais tous les dommages étaient attribuables aux forces d'impact. Les tubes du levier de pas collectif qui relient la servocommande hydraulique centrale au renvoi d'angle fixé à la boîte de transmission puis au plateau oscillant n'avaient pas été endommagés. Les deux biellettes de commande de pas cyclique entre le plateau oscillant et les renvois d'angle fixés au fuselage n'avaient pas été endommagées et étaient restées bien fixées.

La continuité du système de commande anti-couple entre le palonnier du pilote et le moyeu du rotor de queue a été confirmée. Une rupture de l'arbre d'entraînement du rotor de queue avait été causée par une torsion inversée à quelques pouces à l'avant de la boîte de transmission du rotor de queue, ce qui indique que l'extrémité motrice de l'arbre a cessé de tourner et que le rotor de queue avait encore suffisamment d'énergie pour tordre l'arbre d'entraînement. Il n'y avait aucun dommage sur le bord d'attaque des pales du rotor de queue, mais une des pales était fléchie dans le sens de la corde près de l'emplanture.

Servocommandes hydrauliques

Les trois servocommandes hydrauliques, la bâche de liquide hydraulique et la pompe hydraulique ont été déposées pour examen et essais. Lors des essais au banc à l'état reçu, la servocommande de pas cyclique droite, la servocommande de pas collectif centrale et la pompe fonctionnaient correctement. Sur la servocommande de pas cyclique gauche, un roulement à rotule était déplacé au niveau de la patte de fixation, indiquant un impact latéral. Cette servocommande n'a effectué aucun mouvement à des pressions hydrauliques allant jusqu'à 280 livres par pouce carré (lb/po²), tandis qu'elle aurait dû se déplacer à des pressions supérieures à 105 lb/po² (la pression de fonctionnement normale est de 600 lb/po²). L'essai a donc été interrompu, et la servocommande a été démontée. Pendant le démontage, des signes d'usure normale ont été décelés, mais rien de particulier n'a été découvert. En résumé, il ne semble pas que cette servocommande ait contribué à l'accident. La servocommande a été remontée et soumise à toutes les procédures d'essai après révision, tout comme les deux autres servocommandes. La servocommande de pas cyclique gauche fonctionnait alors normalement, sauf pour ce qui est des taux de fuite interne, qui étaient semblables à ceux des deux autres servocommandes. Il n'a pas été possible de déterminer pourquoi la servocommande n'avait pas fonctionné correctement lors du premier essai au banc.

Liquide hydraulique

Des échantillons de liquide hydraulique provenant des trois servocommandes ainsi qu'une petite quantité de débris recueillis dans les filtres ont été analysés par un laboratoire indépendant. Selon l'analyse, certains échantillons étaient contaminés par des particules et de l'eau, et tous les échantillons étaient en général sales. Un échantillon contenait des particules d'acier, ce qui indiquait une usure anormale. Cet échantillon a probablement été contaminé lorsque le boulon de fixation en acier de la tige de piston a été retiré du boîtier de la servocommande au moment de l'examen. La contamination du liquide hydraulique peut parfois poser des problèmes, mais rien n'indique que cela ait été un facteur contributif dans le cas présent.

Boîte de transmission principale

La boîte de transmission, référence 206-040-002-027 et numéro de série B50803, était la boîte de transmission d'origine de l'appareil. Elle a une durée de vie avant révision de 4500 heures. Elle avait été déposée en 2004 pour révision après 4499,0 heures depuis sa mise en service initiale, puis remise en place avec 0 heure depuis la dernière révision. Cette révision comprenait le remplacement des deux axes des supports du pylône de la boîte de transmission (référence 206-031-554-003) au moyen de pièces réparées. Les dossiers de maintenance indiquent que la dernière opération de dépose et remise en place de la boîte de transmission avait été effectuée lors d'une inspection aux 1500 heures effectuée en août 2006 (six semaines avant l'accident) et que la boîte de transmission totalisait 1477,5 heures depuis la dernière révision. Le roulement à rotule du support gauche du pylône avait été remplacé lors de l'inspection de 1500 heures. À part cela, rien d'inhabituel n'a été remarqué. Un schéma de la boîte de transmission principale est présenté à l'annexe A.

Le mât rotor était plié sous les butées fixes de la tête de rotor, mais il ne portait aucune trace de déformation par torsion. Il était possible de faire tourner le mât rotor au moyen de l'arbre creux d'entrée de la boîte de transmission. La boîte de transmission était restée fixée à la structure de la cellule par l'axe et le bras du support gauche du pylône, de même que par divers tubes flexibles ainsi que par les trois tubes des commandes de vol. La plaque de renfort entourant la butée du pylôneFootnote 2 sous la boîte de transmission était endommagée en surface, mais la butée du pylône n'avait subi que des dommages mineurs. L'axe de traînée s'était détaché de la boîte de transmission à l'endroit où la pièce de fixation avait été cisaillée. Le côté supérieur gauche du silentbloc adjacent portait des marques de rotation causées par les deux brides de l'accouplement avant de l'arbre d'entraînement principal. Le boîtier de la transmission était intact, mais l'axe du support droit du pylône était rompu à la base du tourillon. Le tourillon, les rondelles, l'écrou de retenue et la goupille fendue n'ont pas été récupérés.

La boîte de transmission a été démontée et inspectée. On n'y a décelé aucune anomalie pouvant indiquer une contrainte ou une usure causée par des vibrations sur les axes. Selon les renseignements fournis par Bell Helicopter Textron Inc. (BHTI), il n'y a aucune spécification relative aux vibrations de la boîte de transmission, et toute charge sur les axes exercée par des vibrations dans la boîte de transmission serait négligeable.

Le boîtier de l'accouplement avant de l'arbre d'entraînement principal était brisé et les dents de l'engrenage sphérique interne étaient ébréchées et usées dans les coins supérieurs avant et arrière, ce qui indique que l'arbre tournait pendant qu'il était désaligné. Il n'y avait aucun signe de battement de l'arbre; par conséquent, l'arbre n'était pas brisé pendant qu'il tournait. Il n'y avait aucun signe de glissement ni de surchauffe, ce qui signifie que l'arbre n'a pas été désaligné très longtemps.

Roulement à rotule du support du pylône

Ni le roulement à rotule du support droit du pylône, qui relie l'axe au bras du support fixé au fuselage, ni le bras du support n'ont subi de dommages importants à l'impact. On se serait toutefois attendu à constater de tels dommages sur ces deux pièces si l'axe s'était rompu en raison des forces d'impact. Le roulement à rotule du support gauche du pylône, qui avait été remplacé lors de la dernière inspection de 1500 heures, ne présentait aucun signe visuel d'usure. Le roulement à rotule du support droit du pylône avait un certain jeu, indiquant une usure. Les mesures faisaient état d'un jeu axial de 0,024 po, alors que le maximum prescrit est de 0,010 po. Selon des données empiriques, la durée de vie des roulements à rotule peut varier de centaines d'heures à des milliers d'heures de vol.

La base de données des rapports de difficultés en service de la Federal Aviation Administration (FAA) contient quelques dossiers d'usure des roulements à rotule de support de pylône, mais aucun ne fournit de détails significatifs. Les dossiers de maintenance fournis par l'exploitant n'indiquent pas que le roulement à rotule droit a été remplacé, ni dans quel état il se trouvait lors de la dernière inspection. L'inspection des roulements à rotule et des bagues des bras de support du pylône de la boîte de transmission fait partie de l'inspection de maintenance aux 100 heures. La dernière inspection aux 100 heures a été effectuée le 28 août 2006, lorsque la cellule totalisait 6074,0 heures de fonctionnement. Aucune défectuosité nécessitant des corrections n'avait alors été notée. Au moment de l'accident, la cellule de l'hélicoptère totalisait 6165,7 heures de fonctionnement. BHTI précise ce qui suit :

[Traduction]

Si le roulement est passablement usé, le pire qui pourrait survenir serait que les billes sortent du chemin de roulement extérieur, mais une grosse rondelle placée sous l'écrou de l'axe empêche que cela se produise. Par contre, le déplacement latéral influerait sur l'inclinaison du pylône et sur les raccords des commandes, ce qui augmenterait considérablement la charge de travail du pilote.

Il n'y avait aucun dossier de plainte de pilote relative aux caractéristiques de vol de l'hélicoptère, mais il est peu probable que l'hélicoptère en question soit le premier sur lequel un roulement à rotule soit usé au-delà des limites prescrites. Les hélicoptères de série Bell 206B sont en service depuis plus de 40 ans. Au cours de l'enquête, on n'a trouvé aucun dossier indiquant une défaillance de tourillon d'axe non modifié d'hélicoptères civils Bell 206B.

Examen des axes de support de pylône

Quatre pièces comportaient des faciès de rupture pouvant présenter un intérêt : une tige de changement de pas du rotor principal, la biellette de pas collectif, l'étrier de pas cyclique gauche et l'axe du support droit du pylône de la boîte de transmission principale. Ces pièces ont été envoyées au Laboratoire technique du BST pour un examen métallurgique. Tous les faciès de rupture des pièces étaient compatibles avec une surcharge, à l'exception de celui de l'axe. L'examen de l'axe a permis de déceler des marques d'arrêt de crique sur le faciès de rupture du tourillon qui indiquent une défaillance par fatigue progressive. On a évalué visuellement que la fatigue s'était propagée sur plus de 90 pour cent de la section transversale avant que la surcharge finale entraîne une rupture complète. La photo 1 montre un axe en bon état, et la photo 2 montre l'axe de droite brisé provenant de l'hélicoptère en question.

Photo 1. Axe de support de pylône en bon état
Axe de support de pylône en bon état
Photo 2. Axe brisé du support droit du pylône
Photo of Axe brisé du support droit du pylône

Les deux axes portaient la référence 206-031-554-003. L'axe droit brisé portait le numéro de série B12-14395, et l'axe gauche intact portait le numéro de série B22515. Puisque les antécédents des axes n'étaient pas connus au début de l'examen, seul un représentant de BHTI ayant des compétences en métallurgie a été invité à assister à l'examen au Laboratoire technique du BST. L'examen de l'axe droit au microscope électronique à balayage a confirmé que la défaillance avait été causée d'abord par la fatigue puis par la charge vibratoire. Une autre caractéristique particulière a aussi été découverte sur le faciès de rupture, indiquant qu'une réparation avait déjà été faite, soit un mince anneau, d'apparence plus cristalline, tout autour du tourillon, qui serait compatible avec une couche de matériel de placage. À l'emplacement de la crique, on a aussi décelé la présence d'un arrondi de sous-surface produit par une opération de meulage.

L'examen de l'axe gauche de la boîte de transmission en question a aussi permis de déceler l'apparition de criques, sur la couche de placage seulement, près de l'arrondi de sous-surface, ce qui porte à croire que les criques à cet endroit auraient été causées par une concentration des contraintes lors de la réparation.

Cadorath Aerospace Inc. est un atelier de réparation agréé par Transports Canada qui est titulaire d'un certificat de conception de réparation portant spécialement sur la remise en état dimensionnelle des axes de support de pylône des hélicoptères Bell 206B de BHTI. Environ 10 pour cent des axes réparés par Cadorath Aerospace Inc. et remis en service ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour examen. Aucun ne portait de criques semblables. L'analyse métallurgique a soulevé trois points relatifs à la réparation qui pourraient avoir eu des effets néfastes sur les propriétés de résistance à la fatigue des matériaux : la dimension de l'arrondi de sous-surface produit par le meulage, l'absence de grenaillage avant le placage (chromage) et le placage d'un arrondi soumis à une charge importante.

Les axes n'ont pas de durée de vie utile comme tel, et ils sont soumis à une maintenance « selon l'état »Footnote 3. La boîte de transmission a été envoyée en révision chez Aero-Smith Heli Service en 2004. On a alors déterminé que les tourillons des deux axes d'origine (numéros de série B22515 et B22558) étaient usés et ne respectaient pas les spécifications dimensionnelles. Les deux axes déposés, ainsi qu'un troisième (numéro de série B12-14395), ont été envoyés chez Cadorath Aerospace Inc. pour réparation. Au retour des trois axes après réparation, deux axes (numéros de série B22515 et B12-14395) ont été retirés de l'inventaire et posés sur la boîte de transmission en question. Selon les renseignements obtenus, l'axe de droite (numéro de série B12-14395) totalisait plus de 13 000 heures de temps de vol. Le processus de réparation de Cadorath Aerospace Inc. comprenait deux inspections par essai non destructif (END) satisfaisantes effectuées à différentes étapes du processus. Au cours de son examen, le personnel du Laboratoire technique du BST n'a pas décelé la présence de criques préexistantes dans le matériau sous-jacent d'aucun des axes, ce qui confirme les résultats des essais non destructifs.

La pose incorrecte de la rondelle intérieure (chanfreinée) sur le tourillon de l'axe a été considérée comme une source possible de contrainte sur le tourillon. Si on place la rondelle chanfreinée à l'envers, il se peut que le roulement à rotule soit déplacé vers l'extérieur, ce qui augmenterait les risques que le côté non chanfreiné de la rondelle endommage le rayon de raccordement à l'intersection du tourillon et de l'épaulement de l'axe lorsqu'on serre l'écrou de retenue pour permettre l'insertion de la goupille fendue sur l'extérieur de l'écrou. On a demandé au Laboratoire technique du BST d'examiner plus particulièrement le moignon du tourillon de l'axe brisé afin de déterminer si la rondelle aurait pu être posée à l'envers, mais rien n'indiquait que c'était le cas.

Réparations aux axes de support de pylône

Le Canada est le titulaire du certificat de conception des hélicoptères de série Bell 206B. Transports Canada est l'autorité chargée d'approuver la fabrication ou la réparation des hélicoptères et des pièces d'hélicoptère au Canada. Par conséquent, Transports Canada détient aussi l'autorité d'approuver les procédures de réparationFootnote 4 , ce qui peut se faire en autorisant des délégués à l'approbation de conception (DAC) à agir au nom de Transports Canada. Le processus et les exigences portant sur l'approbation d'une procédure de réparation (délivrance d'un certificat de conception de réparation) sont présentés à la partie V, Navigabilité, du Règlement de l'aviation canadien (RAC). Le paragraphe 513.11 (1) de la sous-partie 13 de la partie V du RAC, Approbation de la conception des modifications et de réparations, précise, en partie, ce qui suit :

[. . .] le ministre délivre [. . .] un certificat de conception de réparation pour chaque modification de la conception d'un produit aéronautique lorsque les conditions suivantes sont réunies :

b) la définition de type du produit aéronautique à laquelle la modification de la conception a été incorporée offre un niveau de sécurité au moins équivalent à celui assuré par la base de la certification qui s'appliquait avant l'incorporation de la modification de la conception;

Cadorath Aerospace Inc. est un atelier de réparation agréé par Transports Canada qui est titulaire d'un certificat de conception de réparation portant spécialement sur la remise en état dimensionnelle des axes de support de pylône des hélicoptères Bell 206B de BHTI, qui lui a été délivré en 1998 par un DAC.

Plusieurs ingénieurs ont travaillé à la conception et à l'approbation des procédures de réparation en question. Un examen des documents justificatifs révèle qu'on y fait référence à une page d'un dessin désuet de la Bell Helicopter Company représentant l'axe du support d'un pylône pour la conception de la réparation (le constructeur ne fournit généralement pas ces renseignements exclusifs). Le dessin comportait une estampille portant la mention « Critical Part » (pièce critique). Les incidences de cette classification en ce qui a trait à la conception ont été reconnues dans les documents justificatifs, et il était mentionné que la réparation n'influait pas sur la résistance et les caractéristiques critiques du tourillon et ne modifiait pas les propriétés de l'axe selon les données de conception d'origine.

Les documents examinés ne précisaient pas comment le niveau d'intégrité requis d'une pièce critique était assuré. La définition de « pièce critique » applicable aux giravions de catégorie normale n'a été introduite dans les Federal Aviation Regulations des États-Unis (article 27.602) qu'en 1999 et dans le RAC (article 527.602) qu'en 2003. La définition en vigueur d'une pièce critique est donnée au paragraphe 527.602a) du RAC : « [. . .] une pièce dont la défaillance pourrait avoir un effet catastrophique sur le giravion et pour laquelle certaines caractéristiques critiques ont été identifiées, lesquelles doivent être contrôlées afin de s'assurer du niveau d'intégrité requis. »

Les charges supportées par une pièce structurale peuvent être de nature statique ou dynamique. La différence entre ces types de charge joue un rôle important dans la conception d'origine d'une pièce ainsi que dans les procédures de réparation subséquentesFootnote 5. Lorsqu'il est question du rôle des axes de supports de pylône, certains ingénieurs estiment que l'axe supporte des charges statiques tandis que d'autres estiment qu'il supporte des charges dynamiques. Les documents justificatifs portant sur la réparation précisent que l'axe est un composant statique. Le constructeur précise que les axes supportent les deux types de charge. Les documents de référence relatifs aux procédures de placage se contredisent. Par exemple, à la section 9 de la Defense Standard 03-31/1, on précise que le chromage ne doit pas dépasser les rayons des congés sous contrainte, tandis qu'à la section 3.2.7 de la Federal Specification QQ-C-320B, on précise que le placage doit couvrir toutes les surfaces, y compris les fonds de filet, les coins et les creux.

Le manuel de réparation et de révision des composants de BHTI fixe des limites de l'usure maximale et de la profondeur des dommages et des réparationsFootnote 6 de certaines parties des axes. Le manuel précise que les limites données correspondent au maximum acceptable, et que les pièces qui dépassent ces limites doivent être mises au rebutFootnote 7. Pour le tourillon de l'axe et le congé connexe, tout dommage mécanique ou causé par la corrosion atteignant au plus 0,020 po de profondeur sur le diamètre après réparation est acceptable. La surface maximale permise pour une réparation en profondeur est limitée à 10 pour cent de la surface en question, par réparation. Il n'y a aucune précision sur le nombre de réparations permises. La réparation effectuée par Cadorath Aerospace Inc. correspondait probablement à une réparation en profondeur de plus de 90 pour cent de la surface du tourillonFootnote 8.

En 1999, BHTI a publié la révision A de l'avis de sécurité des opérations (Operational Safety Notice) 206-99-35 à la suite de l'accident d'un hélicoptère Bell 206B en Indonésie pour lequel on avait identifié une remise en état dimensionnelle comme facteur contributif à la défaillance d'un axe. Un avis de sécurité des opérations fournit des renseignements relatifs à la sécurité et ne prescrit aucune mesure à prendre. Toutefois, l'avis de sécurité des opérations précisait que BHTI n'approuvait pas la remise en état dimensionnelle des axes de support de pylône par placage.

L'avis de sécurité des opérations publié en 1999 avait amené Transports Canada à faire enquête sur les procédures approuvées de réparation d'axe utilisées par les deux ateliers de réparation agréés au Canada. Un atelier avait volontairement cessé d'offrir ce genre de réparation à la suite de la publication de l'avis. L'autre atelier, Cadorath Aerospace Inc., avait indiqué qu'il avait l'intention de continuer à offrir ce service de réparation, mais qu'il ne poursuivait pas activement ce secteur d'activité. Transports Canada avait fermé le dossier sans modifier ni annuler officiellement les certificats de réparation de ces ateliers. Cadorath Aerospace Inc., conformément à son certificat de conception de réparation, a réparé un total de 43 axes.

Techniques d'enquête

Le restant de l'axe du support gauche du pylône et la tringlerie des commandes de vol étaient toujours fixés entre la boîte de transmission et la cellule. D'après l'état de l'épave, si l'axe du support du pylône s'est rompu en vol, l'hélicoptère ne s'est pas immédiatement désintégré. Afin de vérifier l'hypothèse, on a effectué un essai dans un collège local offrant une formation en aviation situé à Richmond (Colombie-Britannique); pour ce faire, on a utilisé un Bell 206B déclassé ne volant plus. L'axe du support droit du pylône a été retiré du bras de support du pylône, et l'hélicoptère a été soulevé du sol par la tête du rotor. Même si l'essai ne tenait pas compte de la véritable masse de l'hélicoptère, des charges aérodynamiques et du système d'asservissement hydraulique des commandes de vol, il a permis de confirmer ce qui suit :

Une fois que l'hélicoptère a été suspendu, l'ensemble des commandes qui se trouve sous le siège du pilote s'est incliné vers l'avant. Il semblait y avoir suffisamment d'espace pour tirer le manche de pas cyclique vers l'arrière, mais il était déjà en position arrière dans le joint sphérique sous le plancher. Il était possible de pousser le manche vers l'avant, ce qui tirait la boîte de transmission vers le bas (ou le fuselage en position de cabré), mais le plateau oscillant demeurait en position de piqué maximal, rendant les commandes de vol inefficaces autour de l'axe latéral (de tangage). Le déplacement des commandes de pas cyclique gauche et droite semblait quelque peu limité, mais les commandes fonctionnaient jusqu'à un certain point. Le levier de pas collectif était difficile à déplacer, mais il semblait fonctionner. À aucun moment, les servocommandes hydrauliques se sont déplacées sur toute leur course, mais il se peut qu'elles n'aient pas été déplacées sur toute leur course afin de ne pas endommager l'hélicoptère déclassé servant aux essais.

Analyse

L'examen des marques au sol et des photographies prises avant que l'épave soit déplacée révèle un niveau d'éparpillement des débris propre à des forces de décélération élevées et à une pente de descente accentuée vers un terrain plat, ce qui est compatible avec une perte de maîtrise. On a évalué qu'il était peu probable que les conditions météorologiques, une incapacité du pilote ou une panne moteur aient contribué à l'accident. L'enquête a surtout porté sur un mauvais fonctionnement ou une défaillance des commandes de vol.

Selon les observations faites pendant l'essai effectué avec l'hélicoptère Bell 206B déclassé, les dommages autour de la boîte de transmission principale seraient compatibles avec le désalignement du pylône en vol. Même si l'arbre d'entraînement principal et le pylône étaient désalignés, le rotor principal et le rotor de queue étaient toujours entraînés par le moteur au moment de l'impact.

On a découvert que l'axe du support droit du pylône était rompu à la base du tourillon, mais que le roulement à rotule soutenant l'axe ne portait aucun dommage causé par l'impact, ce qui indique que l'axe du support droit du pylône était sorti du roulement à rotule au moment de l'impact. Une rupture par fatigue ne peut pas être causée par des forces d'impact. La remise en état dimensionnelle du tourillon de l'axe a favorisé une concentration des contraintes à l'emplacement de l'arrondi de sous-surface qui a entraîné la formation d'une crique de fatigue et, finalement, la défaillance de l'axe du support droit du pylône.

L'essai effectué avec le Bell 206B déclassé a aussi permis de démontrer que la tringlerie des commandes de pas cyclique et de pas collectif pouvaient soutenir partiellement le fuselage à partir du plateau oscillant et qu'une telle situation rendait l'hélicoptère impossible à maîtriser en vol, quelles que soient les manœuvres tentées par le pilote. Il ne s'est probablement écoulé que quelques secondes entre la défaillance de l'axe et l'impact au sol. Si l'hélicoptère avait volé plus longtemps, toute rotation incontrôlée aurait probablement causé sa dislocation en vol. Puisque l'épave n'était pas éparpillée, il est plus que probable que l'hélicoptère volait à basse altitude et qu'il a heurté le sol avant d'avoir le temps de se disloquer en vol.

Même si l'enquête n'a pas à déterminer la pertinence des procédures techniques, les différents avis recueillis auprès de différentes personnes à propos de la nature dynamique ou statique des charges auxquelles les axes sont soumis ont mis un risque en évidence. On a probablement approuvé le processus de conception de la réparation d'une pièce critique sans tenir compte de toutes les données de conception d'origine. Il n'a pas été possible de déterminer si des essais, des analyses de contraintes ou d'autres techniques avaient été utilisés à la place des données pour s'assurer que la pièce réparée avait la résistance et les propriétés que prévoyait la conception d'origine. En tant qu'autorité responsable de l'approbation des réparations, Transports Canada, ou ses délégués, doit s'assurer de pouvoir démontrer que les réparations approuvées des pièces critiques permettent de maintenir le niveau d'intégrité requis.

L'enquête a donné lieu au rapport du Laboratoire technique du BST suivant :

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. La remise en état dimensionnelle du tourillon d'axe a favorisé une concentration des contraintes à l'emplacement de l'arrondi de sous-surface qui a entraîné la formation d'une crique de fatigue et, finalement, la défaillance de l'axe du support droit du pylône.
  2. La défaillance de l'axe du support droit du pylône en vol a rendu l'hélicoptère impossible à maîtriser, et il s'est écrasé au sol.

Faits établis quant aux risques

  1. On a probablement conçu le processus de réparation des axes de support de pylône sans tenir compte de toutes les données de conception d'origine. Il n'a pas été possible de déterminer si des essais, des analyses de contraintes ou d'autres techniques avaient été utilisés pour s'assurer que la réparation permettait de conserver la résistance et les autres propriétés que prévoyaient les données de conception d'origine.
  2. Il se peut que la conception de la réparation des pièces critiques ait été approuvée avant que la définition de « pièce critique », applicable aux giravions de catégorie normale, ait été adoptée par Transports Canada. Il est donc possible que ces procédures de réparation ne permettent pas de s'assurer que les pièces critiques conservent les caractéristiques essentielles sur lesquelles la certification est fondée.
  3. À la suite de la publication de la révision A de l'avis de sécurité des opérations (Operational Safety Notice) 206 99 35 de Bell Helicopter Textron Inc., Transports Canada a enquêté sur les procédures approuvées de réparation des axes, mais a fermé le dossier sans modifier ni annuler officiellement les deux certificats de réparation approuvés, permettant ainsi que les réparations continuent à être effectuées de la même façon.

Mesures de sécurité

Le 6 février 2007, le BST a publié le bulletin d'accident OB-A06P0190-1 adressé à Transports Canada. Ce bulletin fournissait une description factuelle du mode de défaillance de l'axe du support du pylône.

Le 27 février 2007, Transports Canada a publié la Consigne de navigabilité (CN) CF-2007-02, qui exigeait qu'on dépose tous les axes de support de pylône des hélicoptères Bell 206B réparés par Cadorath Aerospace Inc. et qu'on annote en conséquence les dossiers de maintenance.

Le 9 mars 2007, Bell Helicopter Textron Inc. (BHTI) a publié la révision B de l'avis de sécurité des opérations 206-99-35. Ce document est une révision de la version précédente de l'avis (révision A) qui réitère que BHTI n'approuve pas la remise en état dimensionnelle des axes de support de pylône des hélicoptères Bell 206B.

Le 23 août 2007, la CN CF-2007-02 a été remplacée par la CN CF-2007-02R1 publiée par Transports Canada. Cette révision comprend les numéros de série des axes de support de pylône réparés de la même façon par H-S Tool & Parts Inc.

Transports Canada se prépare actuellement à retirer les certificats de conception de réparation et les autorités de réparation des axes de support de pylône du Bell 206, délivrés par un délégué de Transports Canada à Cadorath Aerospace Inc. et à H-S Tool & Parts Inc.

Le 6 novembre 2007, la CN 2007-22-01, publiée par la Federal Aviation Administration des États-Unis, est entrée en vigueur. Cette CN fait état des préoccupations soulevées par la CN CF-2007-02R1 publiée par Transports Canada et énumère les numéros de série qui s'y trouvent. Elle exige que tous les axes visés soient retirés du service au cours des 16 prochaines heures de temps en service.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A -Boîte de transmission principale