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Rapport d'enquête aéronautique A06C0062

Perte de contrôle à la remise des gaz
(atterrissage interrompu)
de l'avion-citerne Convair 580A C-GSKJ
du Service des opérations aériennes du Nord
du gouvernement de la Saskatchewan
à La Ronge (Saskatchewan)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Convair 580A du Service des opérations aériennes du Nord du gouvernement de la Saskatchewan (immatriculation C-GSKJ, numéro de série 202) effectue des arrêts-décollés sur la piste 36 de l'aéroport de La Ronge (Saskatchewan). En courte finale du troisième posé, l'avion s'enfonce rapidement et percute presque le sol avant la piste. Au moment où l'équipage donne de la puissance pour arrêter la descente, le circuit de mise en drapeau automatique met l'hélice gauche en drapeau et coupe le moteur gauche.

Au toucher des roues, l'avion rebondit, l'atterrissage est interrompu, et une remise des gaz est tentée, mais l'avion n'atteint pas la vitesse requise pour monter ni maintenir la maîtrise en direction. L'avion part ensuite dans un virage descendant à gauche et s'écrase dans une zone boisée à environ un mille au nord-ouest de l'aéroport. Le copilote est tué, et deux autres membres d'équipage sont grièvement blessés. L'avion est lourdement endommagé. L'accident se produit de jour à 12 h 45, heure normale du Centre.

Renseignements de base

L'avion accidenté, un Convair 580A (CV-580A), était un de deux appareils récemment livrés au Service des opérations aériennes du Nord du gouvernement de la Saskatchewan. Les CV-580A avaient été convertis en avions-citernes (bombardiers d'eau) pour la lutte contre les feux de forêt. Le vol en question était un vol d'entraînement qui consistait en l'exécution de circuits à arrêts-décollés à l'aéroport de La Ronge. L'entraînement visait à donner de l'instruction aux nouveaux commandants de bord des CV-580A et à les qualifier comme copilotes pour des besoins ultérieurs en formation. Les deux premiers circuits se sont déroulés sans problème : toutes les altitudes, vitesses et performances de l'avion étaient celles attendues pour les exercices en train d'être effectués.

L'étape d'approche finale du troisième circuit a différé des deux premières en ce que la vitesse de l'avion était inférieure. La vitesse indiquée a été stabilisée à 103 noeuds (KIAS). Le taux de descente et les altitudes respectives n'étaient pas stables comparativement à celles des deux premiers circuits. Le commandant de bord avait demandé une puissance comprise entre 150 et 200 horsepower (HP) sur les deux moteurs en courte finale, et les volets, qui avaient été sortis à 24°, ont été réglés à 28°. L'avion s'est fortement enfoncé selon un taux d'environ 1280 pieds par minute (pi/min).

En vue de mettre fin au taux d'enfoncement élevé, le commandant de bord, qui était le pilote aux commandes (PF), a demandé d'augmenter la puissance, a brièvement augmenté l'assiette en tangage, puis s'est posé sur la piste, à environ 200 pieds au-delà du seuil. Le copilote, pilote non aux commandes (PNF), a réagi à la demande de puissance du commandant de bord en poussant rapidement les manettes des gaz à un point situé au-delà de la limite de puissance maximale. Lorsque les manettes ont été poussées, l'hélice gauche s'est immédiatement mise en drapeau, et le moteur gauche s'est arrêté. Le commandant de bord, remarquant la position des manettes des gaz, les a ramenées rapidement à une position dont il croyait qu'elle fournirait une puissance maximale.

Au cours de l'étape d'approche finale et au moment de la remise des gaz, le commandant de bord n'agissait pas continuellement sur la puissance moteurs ni ne la surveillait de façon continue et, par conséquent, il ne savait pas quelles étaient la puissance des moteurs ni la nature de la situation d'urgence. Le temps écoulé entre l'apparition du taux d'enfoncement élevé et l'amorce de la remise des gaz a été d'environ sept secondes.

Après s'être posé sur la piste, le commandant de bord, croyant que l'avion n'était pas aligné sur celle-ci, a amorcé une remise des gaz. Le cap de la piste à La Ronge est de 357° magnétiques (M) et, au point où a été amorcée la remise des gaz, le cap de l'avion était de 356°M. La mise en drapeau automatique n'avait pas été demandée ni identifiée comme une urgence. La décision de remettre les gaz n'a pas été annoncée ni communiquée au copilote. Les mesures prises pour amorcer la remise des gaz étaient les suivantes dans l'ordre :

Peu après que l'avion eut repris l'air, son aile gauche s'est abaissée légèrement et elle n'a pu être redressée. La vitesse a fluctué entre 93 et 98 KIAS, et elle n'a pas augmenté sous un angle de montée positif. Une fois les volets rentrés à 95 KIAS, l'angle d'inclinaison a augmenté de façon ingouvernable. L'avion a commencé à descendre et a percuté des arbres et le relief boisé sur les terrains de l'aéroport. Des indices laissent croire que, peu de temps après la perte de contrôle, le copilote a tiré la poignée de secours gaucheNote de bas de page 2.

L'équipage de conduite

Il y avait trois pilotes à bord de C-GSKJ. Un commandant de bord instructeur sous contrat, qui était employé par Conair Aviation (Conair)Note de bas de page 3, pilotait depuis le siège gauche. Le commandant de bord donnait l'instruction au copilote relativement aux tâches de copilote. Le copilote et le troisième pilote (occupant le siège central de l'observateur) étaient de nouveaux commandants de bord de CV-580A du Service des opérations aériennes du Nord du gouvernement de la Saskatchewan. Le pilote occupant le siège central de l'observateur devait piloter à son tour à partir de la place droite, plus tard pendant le vol. Les trois pilotes étaient titulaires d'une licence de pilote de ligne, des qualifications aux instruments appropriées et des annotations pour le Convair 580. Le commandant de bord totalisait 9500 heures de vol et 750 heures sur type. Le copilote totalisait 13 000 heures de vol et 25 heures sur type. Les pilotes étaient suffisamment reposés et en bonne santé, conformément aux exigences de la Catégorie 1 du certificat médical de la compagnie et de Transports Canada. Tous les membres d'équipage semblaient aptes et capables d'exécuter leurs tâches le jour de l'accident.

Conditions météorologiques

L'observation météorologique pour l'aéroport de La Ronge à 13 h, heure normale du CentreNote de bas de page 4, était la suivante : vent du 040 à 10 noeuds, quelques nuages à 5000 pieds, quelques nuages à 6000 pieds, quelques nuages à 9000 pieds, température de 13 °C, point de rosée à 2 °C, calage altimétrique de 30,42. La piste était nue et sèche. Les conditions météorologiques de ce type ne produisent généralement pas de cisaillement du vent.

Procédures d'utilisation normalisées de la compagnie

Les documents de référence et de formation à la disposition de l'équipage et qui renfermaient les procédures d'utilisation normalisées (SOP) du CV-580A étaient les suivants :

Il n'a pas été possible de déterminer quelles SOP utilisait l'équipage de C-GSKJ. Le tableau de profil de vol à la page 4-19 du manuel d'utilisation de l'avion à jour de Conair prescrit aux équipages d'exécuter une approche à une vitesse de 120 noeuds pour le segment d'approche compris entre le repère d'approche finale (FAF) et le seuil de la piste. Toutefois, la description détaillée des facteurs d'approche stabilisée figurant à la page 4-15 indique que l'avion devrait être stabilisé à Vref + 10 entre 500 et 800 pieds au-dessus du sol (agl) pour une approche directe ou à 300 pieds agl pour une approche indirecteNote de bas de page 5.

La puissance moteur normale pour exécuter une approche directe serait d'environ 500 HP par moteur. L'Index des procédures ne contenait aucune information sur les procédures de remise des gaz. Le manuel d'utilisation à jour du CV-580A de Conair (Section 3.28.6, page 86) prescrit aux pilotes d'appliquer la puissance maximale sauf décollage (METO) (température entrée turbine de 971) au cas où une remise des gaz serait nécessaire. La section entraînement et profil de vol de ce manuel (sections 4.13.2 et 4.13.4) prescrit aux pilotes d'appliquer la puissance maximale (température entrée turbine de 1071, ou 4000 HP par moteur).

Les mesures précisées pour une remise des gaz sur un seul moteur (après augmentation de la puissance) sont les suivantes :

Si, au cours du décollage, il se produit une défectuosité ou une situation d'urgence nécessitant l'interruption du décollage, cette interruption peut être exécutée avant l'atteinte de la vitesse V1; à cette vitesse ou au-dessus, le décollage doit se poursuivre. La vitesse V1 pour C-GSKJ au moment de l'accident était de 96 KIAS. La remise des gaz a été tentée à partir d'une vitesse de 94 KIAS.

Aucun des manuels d'utilisation ne contenait de renseignements sur les mesures ou les mises en garde portant sur :

Ni les listes de vérifications normales ni celles des vérifications d'urgence ne comportent une section sur l'entraînement dans le circuit. Pendant l'entraînement dans le circuit, la charge de travail de l'équipage augmente considérablement puisque le temps disponible pour exécuter les tâches nécessaires dans le poste de pilotage est inférieur au temps disponible lors d'une arrivée ou d'un décollage normaux.

La liste des vérifications après décollage prescrit à l'équipage de désarmer le système de mise en drapeau automatique. Les listes de vérifications à l'approche et à l'atterrissage ne précisaient aucune mesure quant à l'état du système de mise en drapeau automatique. Souvent, lors de la simulation de pannes moteur, à des masses au décollage plus légères, les pilotes instructeurs réduisent la puissance du moteur en service pour éviter de dépasser les vitesses limites de manoeuvre du train et des volets, et pour simuler des masses brutes plus importantes.

Données de vol de l'avion

C-GSKJ était équipé d'un système électronique d'information de vol (EFIS) « Chelton Flight Logic ». Les données du profil d'approche de l'avion récupérées de l'EFIS de l'avion ont été corrélées avec les données radar, ce qui a permis de reproduire le vol en vidéo. L'information qui en a résulté a indiqué que la vitesse de l'avion en approche finale était considérablement inférieure à ce qu'elle avait été lors des deux approches précédentes. À la troisième approche, la vitesse de l'avion avait été établie à 103 KIAS à environ cinq milles du seuil de la piste.

Les données sur la dernière partie de la troisième approche ont montré que l'avion était descendu rapidement sous la trajectoire d'approche normale, presque au niveau du sol, puis qu'il avait perdu de la vitesse au moment où l'équipage avait mis fin à la descente rapide. Le rétablissement correspondait à un vol à faible énergie.

À une vitesse de 95 KIAS et à une masse à l'atterrissage de moins de 40 000 livres, la longueur de piste nécessaire à C-GSKJ pour se poser et s'immobiliser était d'environ 4100 piedsNote de bas de page 7. Au point où l'avion s'est posé, à environ 200 pieds du seuil, il restait 4750 pieds de piste.

L'indicateur de puissance du moteur droit affichait de grandes fluctuations peu avant que l'avion s'écrase.

Renseignements sur l'épave

L'inspection de l'épave a révélé les données pertinentes suivantes :

Les deux moteurs et les hélices ont été déposés et expédiés à un atelier de révision pour une inspection complète après démontage. Hormis les dommages d'impact superficiels, le moteur gauche était en état de marche et il a tourné plus tard au banc. Le moteur a été déclaré en bon état de service et il ne présentait aucune anomalie avant impact. L'état du moteur gauche correspondait à celui d'un moteur qui avait été coupé par le système de mise en drapeau automatique ou par la traction manuelle de la poignée de secours.

Le démontage et l'inspection du moteur droit ont révélé ce qui suit :

Un examen de toutes les commandes de vol de l'avion a révélé ce qui suit :

Système de mise en drapeau automatique

L'avion CV-580A est équipé d'un système de mise en drapeau automatique qui offre une protection contre la traînée en cas de panne moteur lors de phases critiques de vol. Le système détecte la faible traction réelle de l'hélice. Ce système de mise en drapeau automatique est un système « complet » en ce qu'il met complètement l'hélice en drapeau et qu'il coupe le moteur lorsque les conditions suivantes sont réalisées :

Ce système complet de mise en drapeau automatique n'est pourvu d'aucune temporisation. Une telle caractéristique permettrait une traction transitoire de l'hélice pendant la montée en régime du moteur. L'essai d'un avion équipé de la même façon a révélé qu'il était possible d'induire le déclenchement intempestif du système de mise en drapeau automatique en poussant brusquement les manettes des gaz lorsque les hélices produisent une faible traction.

Lorsque l'hélice d'un moteur en marche est mise en drapeau automatiquement et que le moteur est arrêté, l'avion part d'abord en lacet d'un côté à mesure que l'angle des pales d'hélice augmente vers la valeur de mise en drapeau, puis il part en lacet de l'autre côté à mesure que la traînée diminue. Les forces agissant sur les commandes sont remarquablement différentes de celles ressenties lors d'une panne moteur réelle, et elles auraient tendance à créer de la confusion chez l'équipage quant à la nature asymétrique de la situation d'urgence.

Système de couple négatif et circuit de régulation de température

Le CV-580A est équipé d'un système de couple négatif (NTS) pour protéger le moteur de tout couple négatif (surrégime du moteur) pendant les périodes d'interruption temporaire du carburant, de charges exercées par des rafales d'air ou de perte de puissance. Le système mesure les valeurs de couple négatif dans le boîtier réducteur du moteur et il augmente l'angle des pales d'hélice en contournant le régulateur d'hélice chaque fois qu'est détectée une valeur de couple négatif comprise entre moins 230 et moins 320 HP.

La température entrée turbine (TIT) du moteur est commandée par la position de la manette des gaz et par l'intermédiaire d'un circuit de compensation de carburant, aussi appelé le circuit de régulation de température. Ce circuit peut limiter et commander la TIT.

Le circuit de régulation de température limite la TIT à des valeurs inférieures à 1077° chaque fois que la manette des gaz se trouve au-delà de la position 60° (66° au coordonnateur) et que le régime moteur est supérieur à 13 000 tr/min (94 pour cent). Le circuit de régulation de température limite la TIT à des valeurs inférieures à 830° pendant le démarrage du moteur, l'accélération jusqu'à 94 pour cent et le fonctionnement au ralenti sol à faible vitesse. Le circuit de régulation de température commande la TIT à une valeur établie par la manette des gaz lorsque le régime moteur dépasse 13 000 tr/min et que la position de la manette des gaz est supérieure à 66°. Si le circuit fonctionne normalement, il est impossible de dépasser les limites de température du moteur.

L'information fournie par les consultants sur les systèmes d'hélice et le titulaire du certificat de type du Convair a révélé qu'il est possible d'induire le déclenchement intempestif du système NTS en poussant brusquement la manette des gaz et en la ramenant rapidement. Ce type de mouvement de la manette des gaz pourrait produire des forces d'inertie de l'hélice entrant en conflit avec le mode du circuit de régulation de température dans des régimes de vol inhabituels. Le déclenchement intempestif du système NTS à faible vitesse pourrait amener le moteur à tourner en sous-régime et à s'éteindre.

Caractéristiques de vol

Peu après l'accident, le gouvernement de la Saskatchewan, de concert avec les enquêteurs du BST, a effectué un vol dans un CV-580A équipé de façon similaire. Plusieurs procédures de remise des gaz sur un seul moteur ont été simulées dans différentes configurations de l'avion. En résumé, les résultats étaient les suivants :

Analyse

L'avion volait à une vitesse inhabituellement faible en courte finale lorsque les volets sortis sont passés de 24 à 28°. L'accroissement de la traînée qui en a résulté, combiné à une faible puissance, a probablement causé le taux de descente rapide. Les conditions météorologiques à La Ronge au moment de l'accident indiquent qu'il n'y avait probablement pas de cisaillement du vent.

À la suite de la descente rapide en courte finale, il s'est produit un arrêt intempestif du moteur et de l'hélice gauches lorsque le copilote a brusquement poussé la manette des gaz. On peut normalement faire face à un arrêt intempestif du moteur sans perdre le contrôle de l'avion, compte tenu des performances de l'avion et de l'entraînement de l'équipage à de telles situations d'urgence. La présente analyse portera sur les raisons pour lesquelles la perte de contrôle n'a pu être évitée.

La gestion et la perception de la puissance des moteurs, la mise en drapeau automatique inattendue et l'incapacité des membres de l'équipage à reconnaître la situation d'urgence ont toutes contribué à une perte de conscience de la situation relative à la puissance de l'avion et à la nature de la situation d'urgence.

Le système de mise en drapeau automatique n'est pourvu d'aucune temporisation entre le moment où une faible traction de l'hélice est détectée et le moment où se produit la mise en drapeau automatique. Par conséquent, les hélices étant en position de faible traction, les conditions étaient réunies pour une mise en drapeau automatique et un arrêt moteur lorsque le copilote a brusquement poussé sur les manettes de gaz au-delà de la position de 60°.

Plusieurs événements anormaux se sont produits en succession rapide au cours des sept dernières secondes de l'approche finale. Par conséquent, le commandant de bord ne savait pas quelle était la cause du taux d'enfoncement élevé et, lorsqu'il a décidé de remettre les gaz, il ne savait pas que le moteur gauche s'était arrêté. Tentant une remise des gaz à V1 ou au-dessous de celle-ci alors que l'avion fonctionne mal est contraire aux procédures d'utilisation normalisées pour cet appareil. L'équipage ne se trouvait pas dans une situation normale ou anticipée. Les procédures de remise des gaz sont élaborées en prévision du fait que la procédure sera amorcée avant l'atterrissage, alors que l'avion est toujours dans les airs. Pour les décollages interrompus, et leurs vitesses de sécurité connexes, on suppose une défectuosité ou une panne moteur pendant la course au décollage. L'équipage en question s'est retrouvé dans une situation qui se situait quelque part entre une remise des gaz et un décollage interrompu.

La tentative de remise des gaz au point où l'équipage prévoyait se poser, l'écart par rapport aux procédures d'utilisation normalisées relatives à la remise des gaz et la réduction de la puissance par le commandant de bord ont tous contribué à la perte de conscience de la situation de la part de l'équipage. Il s'en est suivi une confusion dans le poste de pilotage et une détérioration de la coordination entre les membres de l'équipage, ce qui a nui à la capacité de l'équipage de reconnaître la mise en drapeau automatique et l'arrêt moteur, et d'y faire face.

À la vitesse et à la masse à l'atterrissage auxquelles l'avion s'est posé, il y avait une distance plus que suffisante pour permettre à l'avion de s'immobiliser dans des conditions normales, et le cap de l'avion était presque aligné sur celui de la piste. Toutefois, des incohérences entre différentes sections du manuel d'utilisation, l'absence d'une liste de vérifications pour l'entraînement dans le circuit d'aérodrome et l'absence d'information sur les atterrissages interrompus ont probablement contribué à la confusion subie par l'équipage, ce qui a compromis la décision d'amorcer une remise des gaz.

Les marques d'impact sur la came du coordonnateur du moteur droit indiquent que le commandant de bord avait ramené la manette des gaz de droite à peu près à la position de 60°, où elle est probablement demeurée jusqu'au moment de l'impact. Le copilote n'a pas annoncé l'état de la puissance moteur au commandant de bord. Par conséquent, le commandant de bord ne savait pas que le moteur qui restait (celui de droite) n'était pas réglé pour fournir la puissance maximale. Le circuit de régulation de température de l'avion assure la protection des moteurs contre la surchauffe; par conséquent, le commandant de bord n'avait pas à ramener immédiatement les manettes de gaz. La réduction de puissance du moteur opérant a diminué l'énergie globale de l'avion et a probablement contribué à son incapacité à accélérer à une vitesse qui pouvait assurer le contrôle de l'avion.

Du fait que les volets n'ont pas été rentrés à 15° à l'amorce de la remise de gaz, l'avion n'a pas accéléré et n'a pas monté comme il pouvait le faire. Lorsque les volets ont été rentrés, l'avion se trouvait dans une inclinaison à gauche, et l'angle d'inclinaison ainsi que le taux de descente de l'avion ont augmenté. L'avion a alors entamé une descente ingouvernable vers le relief boisé.

Le mouvement erratique des manettes des gaz a accru le risque d'un déclenchement intempestif du système NTS du moteur droit, ce qui a pu causer une rotation en sous-régime de ce moteur, une réduction de la puissance disponible et peut-être l'extinction du moteur droit. Cette situation correspondrait aux fluctuations de puissances signalées. Sans la puissance normale du moteur droit opérant, il aurait été impossible à l'avion d'accélérer à une vitesse assurant le contrôle de ce dernier.

L'enquête a donné lieu aux rapports de laboratoire suivants :

On peut obtenir ces rapports en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'équipage de conduite a tenté une remise des gaz à faible énergie après s'être brièvement posé sur la piste. La faible énergie de l'avion a contribué à son incapacité à accélérer à la vitesse nécessaire permettant de réussir une remise des gaz.
  2. La brusque poussée de la manette des gaz a causé l'arrêt intempestif du moteur gauche, ce qui a accentué l'état de faible énergie de l'avion et fini par contribuer à la perte de contrôle de ce dernier.
  3. Le déclenchement intempestif du système de mise en drapeau automatique a contribué à la perte de conscience de la situation de la part de l'équipage, ce qui a nui à la décision de remettre les gaz, à un moment où il aurait été possible pour l'avion de s'immobiliser en toute sécurité et de demeurer sur la piste.
  4. Le manque d'information et son ambiguïté sur les atterrissages interrompus ont contribué à la confusion entre les pilotes, ce qui a retardé la rentrée des volets. Cet écart par rapport à la procédure a empêché l'avion d'accélérer de façon suffisante.
  5. Le fait de ramener les manettes des gaz après que le copilote eut dépassé le réglage de puissance maximale s'est traduit par un réglage de puissance inapproprié sur le moteur droit et a contribué à la détérioration de la coordination entre les membres de l'équipage. Cette situation a empêché l'équipage d'identifier les situations d'urgence auxquelles il a fait face et d'y réagir.

Faits établis quant aux risques

  1. La conception du système de mise en drapeau automatique est telle que, lorsque ce dernier est armé, le risque d'arrêt intempestif d'un moteur augmente.
  2. Un brusque déplacement de la manette des gaz peut augmenter le risque d'un déclenchement intempestif du système de détection de couple négatif pendant des régimes de vol critiques.

Autres faits établis

  1. Il y avait des incohérences entre des sections du manuel d'utilisation de l'avion de Conair, les procédures d'utilisation normalisées et la copie du manuel d'utilisation de l'avion que possédait l'exploitant. Ces incohérences ont probablement créé de la confusion entre le commandant de bord instructeur et les pilotes de l'exploitant.
  2. Les listes de vérifications du CV-580A de l'exploitant ne contiennent aucune section traitant de l'entraînement dans le circuit d'aérodrome. L'absence de l'information d'une liste de vérifications dans ce cas a probablement augmenté la charge de travail du pilote.

Mesures de sécurité prises

Le 30 octobre 2006, le BST a envoyé à Transports Canada une Lettre d'information sur la sécurité (A060037-1) portant sur les risques de mise en drapeau automatique.

Conair a revu ses procédures relativement à la gestion de la puissance moteur pour que ses pilotes puissent établir et maintenir une approche stabilisée.

Le Service des opérations aériennes du Nord du gouvernement de la Saskatchewan a embauché du personnel instructeur expérimenté et il est en train d'élaborer des procédures d'utilisation propres à ses opérations.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .