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Rapport d'enquête aéronautique A05W0127

Mauvais chargement et centre de gravité
du de Havilland DHC-3T C-FXUY
exploité par Air Tindi Ltd.
à Yellowknife - East Bay (Territoires du Nord-Ouest)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le de Havilland DHC-3T (Turbo) Otter (portant l'immatriculation C-FXUY et le numéro de série 142) d'Air Tindi Ltd. circule sur l'eau depuis le quai d'Air Tindi à Yellowknife en prévision d'un vol d'affrètement jusqu'au lac Blachford. À bord de l'hydravion se trouvent deux membres d'équipage, sept passagers et 840 livres de fret. Avant de partir, le pilote a donné un exposé prévol aux passagers dans lequel il a précisé l'emplacement des gilets de sauvetage et des issues de secours.

Pendant la course au décollage, vers 19 h 12, heure avancée des Rocheuses, l'hydravion se comporte normalement. Il décolle vers 55 mi/h, ce qui est inférieur à la vitesse normale de décollage censée être de 60 mi/h. Le pilote pousse sur le volant pour contrer la tendance au cabré, mais en vain. Il compense alors en piqué, mais l'hydravion poursuit son mouvement de cabré jusqu'à ce qu'il décroche à une cinquantaine de pieds au-dessus de l'eau, et l'aile gauche s'enfonce. L'hydravion s'abîme dans l'eau à East Bay, en piqué et incliné de 45° à gauche. À l'impact, l'aile gauche et le flotteur gauche se détachent de l'hydravion, et celui-ci s'immobilise sur son flanc gauche. L'équipage est capable de faire évacuer les passagers avant que l'hydravion ne soit submergé, et des personnes de l'endroit qui se trouvent dans des embarcations participent au sauvetage. Personne n'est blessé grièvement parmi l'équipage ou les passagers. L'hydravion est lourdement endommagé.

Renseignements de base

Au moment de l'événement, le pilote possédait une licence délivrée conformément au Règlement de l'aviation canadien (RAC). Le jour en question, le pilote avait pris son service à 7 h, heure avancée des Rocheuses (HAR)Note de bas de page 1, et il en était à son premier jour de travail après un congé de sept jours. Le temps de service de vol du pilote se trouvait dans les limites permises. Le pilote avait dormi trois heures la nuit précédente, et l'accident est survenu alors que le pilote avait pris son service 12 heures auparavant.

Il y avait des conditions météorologiques de vol à vue au moment des faits. Une observation météorologique spéciale faite à l'aéroport de Yellowknife à 19 h 19, environ 10 minutes après les faits, se lisait comme suit : vent du 310° vrais à 10 noeuds; visibilité de 15 milles terrestres (sm); averses aux abords de l'aéroport; quelques nuages à 4000 pieds au-dessus du sol (agl), nuages épars à 5000 pieds agl et nuages épars à 6000 pieds agl. Il n'y avait aucune station météorologique à l'hydrobase. Le pilote a estimé que le vent soufflait du 320° magnétiquesNote de bas de page 2 à 12 noeuds avec des rafales à 18 noeuds.

L'hydravion en question était un de Havilland DHC-3T (Turbo) Otter équipé du moteur Pratt & Whitney PT6-34A portant le numéro de série PCE-RB0058 et de flotteurs SI-3-8100. Il était certifié à une masse maximale au décollage de 9000 livres en vertu du certificat de type supplémentaire SA03-50.

Le vol au cours duquel l'accident est survenu avait été précédé d'un vol jusqu'au lac Daring qui était parti de Yellowknife à 8 h 26. Pendant l'amarrage au lac Daring, la ferrure de fixation du gouvernail marin gauche de l'hydravion avait été endommagée. Au retour à Yellowknife, il avait été établi qu'il faudrait réparer la ferrure de fixation du gouvernail en sortant l'hydravion de l'eau et en soudant la ferure dans le hangar d'Air Tindi à l'aéroport de Yellowknife.

Pour équilibrer l'hydravion sur le chariot destiné à recevoir les flotteurs tout en le tirant hors de l'eau, il avait fallu ajouter du poids à l'arrière de l'hydravion afin d'empêcher que ce dernier et le chariot ne soient trop lourds de l'avant. Pour ce faire, avant que l'hydravion ne soit tiré hors de l'eau, 40 gallons impériaux de carburant avaient été ajoutés dans le réservoir arrière. Le pilote et le technicien d'entretien d'aéronefs étaient également assis à l'arrière des flotteurs pour faire du lest supplémentaire.

La réparation de la ferrure de fixation du gouvernail marin a été terminée vers 18 h, et le pilote a décollé pour faire un vol d'une demi-heure afin de brûler le carburant du réservoir arrière. Toutefois, avant qu'une grande quantité de carburant ne puisse être consommée, l'hydravion est revenu à l'hydrobase d'Air Tindi, où les passagers du vol de 18 h attendaient sur le quai.

De retour au quai, le pilote a commencé les préparatifs en prévision du vol sur le point de partir. Conscient de l'excès de poids à l'arrière, le pilote a demandé l'ajout de 20 à 30 gallons impériaux de carburant dans le réservoir avant, en plus des 50 gallons impériaux déjà dans le réservoir central et des 40 gallons impériaux ou presque du réservoir arrière. Pendant que le pilote traitait avec la régulation des vols, l'équipe au sol a terminé le chargement de l'hydravion. Un préposé au quai inexpérimenté à qui on avait demandé de mettre le carburant dans le réservoir avant n'en a ajouté que 10 gallons impériaux. Le fret a été réparti en deux : 300 livres ont été arrimées dans la cinquième rangée de sièges, et les 540 livres restantes ont été placées dans le compartiment à fret arrière. Les passagers se sont assis à l'avant de l'hydravion, dans les quatre premières rangées de sièges. Le pilote savait qu'une quantité insuffisante de carburant avait été ajoutée dans l'hydravion pour contrer le déséquilibre. Toutefois, comme les passagers étaient déjà à bord et que le vol était en retard d'une heure, le pilote n'a pas demandé l'ajout de carburant supplémentaire dans le réservoir avant. Il savait que le centre de gravité de l'hydravion se trouvait probablement en arrière de la limite de centrage, mais il n'a fait aucun calcul en la matière.

Transports Canada a prévu des dispositions qui permettent d'utiliser un poids standard pour les passagers lorsque leur poids réel n'est pas disponibleNote de bas de page 3. Ces dispositions facilitent les calculs du poids total des passagers, car cela évite de suivre le long processus consistant à demander aux passagers quel est leur poids ou à les peser véritablement.

Air Tindi utilisait les poids standard pour calculer le poids total des passagers. En été, les poids standard publiés sont de 200 livres pour un homme adulte et de 165 livres pour une femme adulte. Le véritable poids moyen des passagers de sexe masculin était de 230 livres. Quant au poids de l'unique passagère, il était de 150 livres. Le véritable poids total des passagers étaient donc de 1532 ivres, et non pas de 1365 livres comme ce chiffre avait été calculé à partir du modèle des poids standard des passagers. La masse totale au décollage de l'hydravion s'élevait à 8873 livres, un chiffre inférieur à la masse maximale homologuée au décollage qui est de 9000 livres.

D'après le tableau des performances de l'hydravion, la limite arrière du centre de gravité se situe à 148,3 pouces à une masse de 8873 livres. Au moment des faits, le centre de gravité de l'hydravion se trouvait à 158,8 pouces en arrière de la référence, ce qui signifie qu'il se situait 10,5 pouces en arrière de la limite. Voici ce que dit le Private Pilot Manual :

[Traduction]

Un avion conventionnel dont le centre de gravité se trouve au centre de pression ou plus loin derrière est instable en tangage. Comme il n'existe aucune force de redressement automatique lorsqu'une petite turbulence ou un petit déplacement des commandes déclenche le cabré, ce dernier va allant en augmentant à moins que le pilote ne réagisse. Ce phénomène peut survenir très rapidement, et il est possible que les forces nécessaires pour sortir du cabré dépassent les capacités aérodynamiques des gouvernes de profondeur ... Un centrage arrière est davantage propice à un décrochage inopiné ... Il se pourrait qu'il soit impossible de sortir du décrochageNote de bas de page 4.

Le pilote et le membre de l'équipe au sol sont sortis par la porte droite du poste de pilotage et ont aidé deux passagers à sortir par cette même porte. Compte tenu de l'eau qui commençait à remplir la cabine, cette porte ne pouvait plus servir à l'évacuation. Deux passagers sont sortis par l'issue de secours du toit. Le pilote s'est rendu à l'autre extrémité du fuselage, il a ouvert les portes du compartiment à fret à l'arrière droit de l'hydravion et a aidé les autres passagers à sortir. Le membre de l'équipe au sol a veillé à ce que, un fois réunis, les passagers restent bien ensemble à l'avant du flotteur droit de l'hydravion. Tous les passagers et membres d'équipage ont été secourus par des personnes de l'endroit qui se trouvaient dans des embarcations et ont été ramenés au quai d'Air Tindi.

La fatigue peut avoir des effets négatifs insidieux sur les performances humaines. La publication de Transports Canada intitulée Gestion des ressources de l'équipage mentionne ce qui suit : [Traduction]« En aviation, la fatigue constitue une grave menace pour la sécurité ... Les pilotes fatigués sont moins vigilants, plus enclins à s'accommoder de performances inférieures à la norme, en plus de montrer des signes de mauvais jugement. »

Analyse

Le pilote n'a pas rempli de devis de masse et centrage, document qui l'aurait mis en garde contre l'emplacement très à l'arrière du centre de gravité. Bien que conscient d'un centrage arrière, le pilote n'a pas véritablement réalisé que le centre de gravité se trouvait si loin en arrière.

L'accident s'est produit à la fin d'une longue journée de travail qui faisait suite à une nuit au cours de laquelle le pilote n'avait dormi que trois heures. Cet élément, combiné au désir de satisfaire des clients dont le vol avait déjà une heure de retard, a peut-être incité le pilote à abréger les préparatifs avant le décollage, lui faisant omettre de calculer la masse et le centrage.

Le succès de l'évacuation d'urgence de l'équipage et des passagers peut être attribué au bas niveau d'énergie générée par l'impact au moment de l'accident et probablement à l'exposé donné par le pilote. L'hydravion est resté plus ou moins à l'horizontale et n'a pas été submergé pendant l'évacuation. Les personnes devant évacuer ont ainsi pu s'orienter facilement elles-mêmes pour trouver les issues de secours. Aucun des occupants n'avait subi de blessures l'empêchant de bouger qui auraient compliqué l'évacuation. De plus, les issues utilisées au cours de l'évacuation n'étaient ni coincées ni obstruées et facilement accessibles. Enfin, le pilote et son aide ont été en mesure de garder la maîtrise de la situation et de véritablement faciliter l'évacuation des passagers.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. L'hydravion avait été chargé de façon telle que le centre de gravité se trouvait au-delà de sa limite arrière, ce qui s'est traduit par un dépassement des limites aérodynamiques des commandes en tangage de l'hydravion.
  2. Le pilote n'avait pas rempli de devis de masse et centrage avant le départ, si bien qu'il n'était pas conscient de l'importance de l'éloignement du centre de gravité vers l'arrière.

Fait établi quant aux risques

  1. À cause de l'utilisation des poids standard, la masse totale des passagers a été sous-estimée. Cet élément a augmenté les risques de charger inopinément l'hydravion d'une façon telle qu'il dépasse sa masse maximale homologuée au décollage.

Mesures de sécurité prises

Air Tindi a pris des mesures et modifié sa politique de la façon suivante afin d'apporter une solution aux questions soulevées au cours de l'enquête :

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .