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Rapport d'enquête aéronautique A05O0204

Perte de maîtrise de l'aéronef
et collision avec le relief
du planeur Pezetel SZD-50-3 Puchacz C-FLCK
exploité par la Great Lakes Gliding Corporation
à Loretto (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le planeur Pezetel SZD-50-3 Puchacz (immatriculé C-FLCK et portant le numéro de série B-2090) qui appartient à la Great Lakes Gliding Corporation, vole aux environs de Ronan Field (44° 2′ 30″ N, 79° 50′ 42″ O), près de Loretto (Ontario), dans le cadre d'un vol récréatif; à bord se trouvent deux pilotes. Après quelque 45 minutes de vol, le planeur se trouve approximativement à 1000 pieds au-dessus du sol et semble approcher du circuit quand il part en vrille et effectue environ trois tours avant de disparaître derrière des arbres. Vers 16 h 5, heure avancée de l'Est, le planeur percute le sol en piqué prononcé. L'aéronef est détruit et les deux pilotes sont mortellement blessés.

Renseignements de base

Il y avait de bonnes conditions météorologiques de vol à vue (VMC) au moment de l'accident, et ces conditions n'ont donc pas été considérées comme un facteur.

Le commandant de bord (CdB) était assis en place arrière. Il possédait une licence de pilote professionnel qui lui avait été délivrée le 2 juin 2000 ainsi qu'une licence de pilote de planeur qui lui avait été délivrée le 24 juin 2002. En date de mai 2005, le CdB avait accumulé environ 87 heures de vol à bord de planeurs, et 505 à bord d'aéronefs motorisés. Son dernier examen médical à des fins aéronautiques remontait au 3 mars 2004. Cet examen validait sa licence de pilote de planeur, mais pas sa licence de pilote professionnel, puisque la période de validité de l'examen médical était de six mois dans le cas d'une licence de pilote professionnel, et de cinq ans dans le cas d'une licence de pilote de planeur.

À cause d'un problème d'arthrite au genou, le CdB avait pris du Vioxx, un médicament délivré sur ordonnance, peut-être pendant très longtemps avant que ce médicament ne soit retiré du marché. À ce moment-là, il s'était probablement tourné vers le Celebrex. Son dossier médical à Transports Canada, Aviation civile ne mentionnait aucunement qu'il prenait l'un ou l'autre de ces médicaments délivrés sur ordonnance. Les autorités médicales de Transports Canada, Aviation civile ont confirmé qu'il existait une très légère augmentation des risques de cardiopathie associée à la prise de Vioxx mais que ce risque allait revenir à la normale après la cessation de la prise de ce médicament. Il a également été confirmé que la prise de Vioxx n'aurait pas remis en cause l'aptitude médicale du CdB. D'après le rapport d'autopsie et les dossiers médicaux, rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques auraient nui au comportement du pilote.

Le pilote assis en place avant possédait un certificat médical valide et respectait les exigences réglementaires nécessaires pour détenir une licence de pilote de planeur, puisqu'il avait réussi son test en vol le 28 mai 2005. Il avait reçu une licence temporaire de pilote de planeur valide 90 jours, en attendant de recevoir sa véritable licence de pilote de planeur. Toutefois, à cause de retards d'ordre administratif, Transports Canada ne lui avait pas délivré sa licence, et les avantages temporaires qui lui avaient été octroyés étaient arrivés à expiration le 26 août 2005. Par conséquent, au moment de l'accident, le pilote n'avait pas les documents propres à une licence de pilotage. Il avait accumulé environ 60 heures de vol à bord de planeurs. D'après le rapport d'autopsie et les dossiers médicaux, rien n'indique qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques auraient nui à son comportement.

Le vol pendant lequel l'accident est survenu était le septième accompli ce jour-là par C-FLCK. Au cours des six vols précédents, qui avaient duré entre 3 et 25 minutes, le planeur n'avait éprouvé aucun ennui. De la formation portant sur les vrilles avait été dispensée plus tôt dans la journée, et rien d'anormal n'avait été constaté à propos des vrilles ou des sorties de vrille. L'opinion générale qui prévaut chez les pilotes de Puchacz, c'est que ce planeur part en vrille relativement facilement mais qu'on peut l'en faire sortir aisément, à condition d'utiliser la bonne méthode, laquelle figure à la page suivante. Le taux de rotation est plus élevé que dans beaucoup d'autres planeurs, et le Puchacz descend en vrille dans un piqué prononcé, perdant environ 300 pieds par tour complet.

En 1990, le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) avait enquêté sur un accident consécutif à la vrille d'un Puchacz qui avait fait deux morts. Il avait été établi que le planeur était parti inopinément en vrille à une altitude trop basse pour permettre une sortie. En 2004, la direction des enquêtes sur les accidents aériens du Royaume-Uni, appelée Air Accidents Investigation Branch (AAIB), a enquêté sur un accident consécutif à la vrille d'un Puchacz qui avait fait deux morts. Le rapport de l'AAIBNote de bas de page 1 indiquait qu'il y avait déjà eu au Royaume-Uni cinq accidents de planeurs Puchacz dus à des vrilles, lesquels avaient fait des victimes à quatre reprises et la majorité d'entre eux étant la conséquence de vrilles inopinées.

Le rapport de l'AAIB faisait référence à des essais de maniabilité à basse vitesse du Puchacz commandités par la British Gliding Association (BGA) qui avaient été effectués en 1994, à la suite de trois accidents mortels de planeurs Puchacz partis en vrille qui étaient survenus entre 1990 et 1993. Les essais avaient été menés par des pilotes d'essai et des instructeurs. La sortie de vrille du Puchacz avait été jugée en fonction de la méthode normale de sortie de vrille qui suit, laquelle figure à la rubrique « Acceptable Means of Compliance » (moyen de conformité acceptable) de la Joint Aviation Regulation (JAR) 22 :

[Traduction]

  1. Vérifiez que les ailerons sont au neutre.
  2. Appuyez sur la pédale du palonnier dans le sens opposé à la vrille.
  3. Poussez doucement sur le manche jusqu'à ce que la rotation cesse.
  4. Ramenez le palonnier au neutre et sortez doucement du piqué qui s'ensuit.

Le pendant canadien de la JAR 22 est la partie V du Règlement de l'aviation canadien (RAC) intitulée Navigabilité, et plus précisément le chapitre 522 du Manuel de navigabilité, lequel renferme les normes de navigabilité applicables aux planeurs et aux planeurs propulsés.

Si les essais ont confirmé que le planeur respectait la JAR 22, ils ont toutefois permis d'établir que deux points méritaient des commentaires additionnels. Le planeur était jugé tout juste conforme en matière de décrochage en virage, et il a été noté que la capacité à éviter les départs en roulis et en vrille non sollicités en virage dépendait de la vigilance et de l'habileté du pilote. Les essais ont également permis de se rendre compte que la perte d'altitude pendant une vrille était de beaucoup supérieure à celle constatée dans d'autres types de planeur, phénomène qui était en grande partie dû à la forte assiette en piqué (70°) qui apparaissait au cours de la vrille stabilisée.

Les essais ont également étudié les caractéristiques de sortie de vrille du planeur en cas d'utilisation de méthodes de sortie autres que les méthodes normales. La seule mesure qui a semblé retarder une sortie immédiate de la vrille était celle qui consistait à garder le manche tiré à fond. Le fait de lâcher les commandes ou de ne pas appuyer sur la pédale de palonnier dans le sens opposé de la rotation aboutissait à une sortie de vrille, même si d'autres problèmes de pilotage restaient à régler. Le rapport de l'AAIB a conclu que, sur le Puchacz, la seule erreur de pilotage qui pouvait retarder une sortie de vrille consistait à garder la commande de profondeur braquée à fond dans le sens favorable à la vrille (autrement dit, à garder le manche tiré à fond). Le rapport soulignait par ailleurs les questions reliées aux facteurs humains qui suivent :

[Traduction]

Quand on appuie à fond sur la pédale du palonnier dans le sens opposé à la rotation afin de contrecarrer le lacet, il s'ensuit un mouvement de piqué dans la vrille. Comme cette dernière présente déjà une assiette en piqué de 60-70°, le piqué additionnel se traduit par une sortie faite sous un angle très prononcé perçu comme dépassant la verticale, ce qui n'est probablement pas le cas. Ce phénomène contribue également à l'importante perte d'altitude au moment de la sortie. Dans une situation propice à la tension ou à la panique, particulièrement à basse altitude, la réaction involontaire à laquelle on peut s'attendre serait celle consistant à garder le manche tiré à fond. Cela va permettre à la vrille de se poursuivre malgré une pédale de palonnier enfoncée à fond dans le sens opposé à la rotation, si le centre de gravité se trouve à plus de 6 pouces en arrière de la référence.

C-FLCK, qui avait été construit en 1994, possédait un certificat de navigabilité valide délivré le 17 juin 2004 et un certificat d'immatriculation valide délivré le 2 septembre 2004. Il avait été immatriculé pour la première fois chez Great Lakes Gliding Corporation en mai 2003. Les dossiers montrent que le planeur était en état de navigabilité et que sa masse et son centre de gravité se trouvaient dans les limites établies. Pendant le vol au cours duquel l'accident est survenu, le centre de gravité se trouvait environ entre 4 et 6 pouces en arrière de la référence.

L'examen des lieux de l'accident et de l'épave indiquait que le planeur était en vrille à gauche quand il a percuté le sol, l'aile gauche basse et dans un piqué très prononcé (d'environ 60 à 70°). Après l'impact initial, le planeur a poursuivi son mouvement de rotation à gauche et a rebondi vers l'arrière à quelque 12,5 pieds. Il s'est immobilisé à un cap est, le côté droit sur le dessus. Les bords d'attaque des deux ailes avaient laissé des marques au sol, et le nez a laissé dans le sol une empreinte profonde de plusieurs pouces. La structure du côté avant droit du fuselage a été trouvée encastrée dans le sol. Le fuselage situé en avant du bord d'attaque de l'aile, y compris le poste de pilotage, avait été complètement détruit à l'impact. Les ailes et l'empennage étaient toujours fixés au fuselage, mais l'empennage s'était légèrement déplacé vers la gauche. Le planeur était équipé de ceintures-baudriers à quatre points, et les deux occupants les portaient.

Un examen détaillé du planeur a révélé la présence de multiples ruptures en surcharge du système des commandes de vol dans les régions du fuselage et du poste de pilotage. Toutefois, il a été établi qu'aucune défaillance antérieure à l'impact ne s'était produite dans les divers systèmes des commandes de vol primaires. Il a été constaté que l'aérofrein gauche était complètement sorti et que l'aérofrein droit l'était partiellement. Une perte de synchronisation des aérofreins aurait probablement nui à la capacité du planeur à sortir d'une vrille. Un examen détaillé a été effectué afin de déterminer si une sortie asymétrique des aérofreins avait eu lieu pendant le vol ou si elle était la conséquence de l'impact au sol.

Le circuit des aérofreins est conçu de façon telle que les déplacements vers l'avant et vers l'arrière du levier de commande des aérofreins situé dans le poste de pilotage entraînent la rotation d'un tube de torsion situé en travers du fuselage, entre les ailes. Les extrémités de ce tube de torsion sont reliées, par l'entremise d'embrayages à crabots, à des mécanismes installés dans chaque aile qui transmettent le mouvement, au moyen de pignons coniques, jusqu'à des biellettes de commande agissant dans le sens de l'envergure. Celles-ci sont à leur tour reliées, grâce à un mécanisme à arc-boutement, aux aérofreins. Il a été découvert que la connexion entre la commande du poste de pilotage et le tube de torsion s'était rompue en surcharge, permettant ainsi au tube de torsion de se déplacer librement. Une rotation manuelle du tube de torsion s'est traduite par une sortie et une rentrée normales de l'aérofrein droit, mais par aucun déplacement de l'aérofrein gauche.

Un examen plus poussé de l'aile gauche a révélé que l'âme en contreplaqué qui supportait le pignon conique du circuit de l'aérofrein gauche s'était détachée de la surface intérieure de la nervure d'emplanture d'aile. Le pignon conique avait ainsi pu s'incliner en s'éloignant du pignon d'accouplement, d'où un manque de prise entre les dents des pignons. C'est ainsi que les aérofreins droit et gauche pouvaient se déplacer indépendamment l'un de l'autre. L'examen de la partie détachée a révélé des surfaces de fracture propres, signe que la fracture était récente. La nature de la rupture laisse croire à un phénomène de délaminage indiquant des charges orientées dans le sens de l'envergure. Cette constatation est cohérente avec les charges d'impact subies par l'aile gauche. Il a donc été conclu qu'il n'y avait eu aucune perte de synchronisation des aérofreins avant l'impact.

Analyse

Il n'a pas été possible de déterminer pourquoi le planeur était parti en vrille ni pourquoi il n'avait pas réussi à en sortir. Comme il a été jugé hautement improbable que les pilotes aient pu se mettre intentionnellement en vrille à si basse altitude, il est donc quasiment certain qu'il s'est agi d'une vrille inopinée. Avant d'entrer dans le circuit en prévision de l'atterrissage, les pilotes ont peut-être rencontré une ascendance thermique dans laquelle ils auraient essayé de prendre de l'altitude, laissant peut-être inopinément la vitesse diminuer au point de provoquer un décrochage et une vrille. Rien n'indiquait qu'une incapacité ou des facteurs physiologiques auraient nui au comportement de l'un ou l'autre des pilotes.

Comme le planeur était toujours en vrille au moment de l'impact au sol et que l'enquête n'a révélé aucune anomalie dans les commandes de vol qui aurait été présente avant l'impact, il est probable que les pilotes n'ont pas utilisé la bonne méthode pour sortir de la vrille. La possibilité qu'un article non assujetti dans le poste de pilotage se soit coincé dans les commandes et ait empêché les pilotes de déplacer les commandes de la façon prévue dans la bonne méthode de sortie de vrille, n'a pu être écartée complètement. Toutefois, il est jugé plus probable que le piqué très prononcé du planeur pendant la vrille, couplé à la proximité du sol, a incité les pilotes à conserver les commandes de la gouverne de profondeur dans une position favorable à la vrille. Comme le soulignait le rapport de la British Gliding Association, il faut s'attendre à ce que la réaction involontaire d'un pilote dans une telle situation consiste à continuer à tirer sur le manche.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le planeur est parti inopinément en vrille à une altitude d'environ 1000 pieds au-dessus du sol, et il n'en est pas sorti avant l'impact au sol.
  2. Les pilotes du planeur n'ont probablement pas utilisé la bonne méthode de sortie de vrille.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .