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Rapport d'enquête aéronautique A03O0285

Perte de puissance moteur et atterrissage forcé
du Cessna 172N C-GZLJ
exploité par Toronto Airways Limited
2 nm au sud-sud-est de l'aéroport municipal
de Toronto/Buttonville
à Toronto (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Vers 13 h, heure avancée de l'Est, le Cessna 172N de la compagnie Toronto Airways Limited immatriculé C-GZLJ et portant le numéro de série 17269614, décolle de l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville (Ontario) pour effectuer une excursion aérienne au-dessus de la ville de Toronto avec à son bord le pilote et trois passagers. Le point fixe moteur effectué avant le décollage ne révèle aucune anomalie. Le pilote met pleins gaz pour le décollage, il monte jusqu'à une altitude de 2 000 pieds au-dessus du niveau de la mer (1 300 à 1 400 pieds au-dessus du sol), il met l'avion en palier, puis il sélectionne la fréquence radio de la tour de Toronto/City Centre. Peu après, le moteur (Lycoming O-320-H2AD) commence à perdre de la puissance. Le pilote informe la tour de ses ennuis moteur et de son intention de retourner à l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville.

Dans sa tentative de rétablir la puissance du moteur, le pilote s'assure que la manette des gaz est réglée au maximum, il vérifie les réglages de la pompe d'amorçage et des magnétos, et il passe d'un réservoir à l'autre, mais tout cela sans aucun résultat. Le pilote met ensuite le réchauffage du carburateur en marche, il constate une perte encore plus grande de la puissance du moteur, et il coupe le réchauffage du carburateur. À ce point, le moteur ne produit pas assez de puissance pour maintenir le vol en palier et ramener l'avion jusqu'à l'aéroport, le pilote cherche donc un endroit propice à un atterrissage forcé. L'avion survole une zone densément peuplée, et le seul endroit dégagé convenable est entouré d'arbres et de bâtiments. Pendant l'approche finale, le moteur ne produit plus aucune puissance. Le pilote braque complètement les volets vers le bas, il survole la clairière et fait décrocher l'avion dans les arbres. L'appareil est lourdement endommagé et l'un des passagers est légèrement blessé.

Renseignements de base

Photo 1. Épave de l'avion sur le lieu de l'accident
Photo of Épave de l'avion sur le lieu de l'accident

Le pilote était qualifié pour le vol et il était titulaire d'une licence de pilote professionnel valide. Il totalisait quelque 1 200 heures de vol, dont environ 500 sur le Cessna 172.

Les dossiers de l'avion indiquent que celui-ci était entretenu conformément à la réglementation en vigueur. L'analyse des documents disponibles n'a révélé aucune anomalie en suspens antérieure au vol.

Le pilote était qualifié pour le vol et il était titulaire d'une licence de pilote professionnel valide. Il totalisait quelque 1 200 heures de vol, dont environ 500 sur le Cessna 172.

Les dossiers de l'avion indiquent que celui-ci était entretenu conformément à la réglementation en vigueur. L'analyse des documents disponibles n'a révélé aucune anomalie en suspens antérieure au vol.

On a obtenu les messages météorologiques réguliers pour l'aviation concernant l'aéroport municipal de Toronto/Buttonville à 13 h, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1. Les conditions étaient les suivantes : vent du 090° vrais à 6 noeuds, visibilité de 12 milles terrestres, couche de nuages fragmentés à 25 000 pieds, température de 23 °C (73,4 °F), point de rosée de 14 °C (57,2 °F) et calage altimétrique de 30,21.

Au cours de l'approche vers la clairière, le pilote a eu l'impression que le sol présentait une pente descendante. Pendant sa formation au pilotage, le pilote avait été avisé du fait que les atterrissages sur un sol mou en pente descendante pouvaient provoquer l'enfoncement du train d'atterrissage et le basculement de l'appareil après le toucher des roues. Conscient de ce risque, le pilote a choisi de faire intentionnellement décrocher l'avion dans les arbres afin de diminuer les forces d'impact et les risques de blessures.

Aucune anomalie n'a été constatée au cours de l'examen de l'épave, lequel a surtout servi à essayer de déterminer la cause de la perte de puissance du moteur. Les vérifications suivantes ont été effectuées :

On a prélevé des échantillons de carburant du réservoir de l'aile gauche, de la cuve du carburateur et de la cuve du filtre à carburant. Les échantillons ne contenaient aucun contaminant et présentaient la couleur bleu clair caractéristique du carburant d'aviation de qualité 100 à faible teneur en plomb (LL). Le carburateur et les crépines du filtre à carburant étaient également exempts de tout contaminant. On a déposé le carburateur du moteur et on l'a démonté, mais l'opération n'a révélé aucune anomalie qui aurait pu compromettre son fonctionnement.

On a débranché la conduite d'alimentation carburant, entre la cloison pare-feu et le raccord de la cuve du filtre à carburant, et on a purgé le carburant qui s'y trouvait pour en prélever un échantillon. L'odeur de l'échantillon de carburant était la même que celle du carburant aviation; toutefois, l'échantillon était de couleur paille. On a expédié deux échantillons de carburant, l'un de couleur bleue et l'autre de couleur paille, au Laboratoire technique du BST pour fin d'analyse (LP 115/2003) dans le but de déterminer la provenance du carburant de couleur jaune. L'échantillon bleu répondait aux exigences de la norme du carburant aviation 100 LL, mais la teneur en plomb de l'échantillon jaune dépassait de 16,01 % le maximum autorisé.

On a examiné l'échantillon en question par chromatographie en phase gazeuse et spectrométrie de masse afin d'en déterminer la composition. Celle-ci était identique à celle du carburant aviation de qualité 100 LL, mais on y trouvait également 1 % de 2-éthyle-1-hexanol (également connu sous le nom d'alcool isooctylique ou d'alcool 2-éthylhexylique) et environ 0,6 % de décanedioate de bis (2-éthylhexyle). Aucun de ces deux composants ne devraient se trouver dans du carburant aviation.

Le composant 2-éthyle-1-hexanol est normalement utilisé comme plastifiant dans les résines de chlorure de polyvinyle (PVC), et dans certains additifs brevetés pour l'essence automobile sans plomb. L'acide décanedioïque est un liquide huileux que l'on décrit parfois comme étant de couleur paille peu foncée. Ce composant est parfois utilisé comme ingrédient dans certaines huiles et graisses de lubrification des moteurs à réaction militaires. On l'utilise également dans certains liquides hydrauliques et liquides pour le travail des métaux.

Même si l'échantillon de couleur paille ne répondait pas aux exigences du carburant aviation de qualité 100 LL, sa faible concentration dans la carburant n'aurait pas dû nuire au fonctionnement du moteur. D'autres recherches ont révélé que le propriétaire et exploitant ne mettait pas d'additifs dans le carburant, et la provenance de ces composants demeure indéterminée.

On a utilisé le tableau de givrage du carburateur (annexe A) comme guide pour déterminer si des conditions de givrage avaient été présentes pendant le vol. En recherchant le point d'intersection entre les valeurs de température et de point de rosée sur le diagramme, on a déterminé qu'il y avait des conditions de givrage modéré au moment du vol. On a également déterminé que le personnel de maintenance de l'exploitant avait été confronté à des problèmes de givrage du carburateur pendant des points fixes à pleine puissance effectués sur des avions semblables.

Analyse

L'avion était en bon état de marche pour le vol; on n'a découvert aucune anomalie mécanique pouvant expliquer la perte de puissance du moteur. Le vol se déroulait dans des conditions où le givrage du carburateur était très possible, et les symptômes du moteur correspondent à ceux qui sont associés au givrage du carburateur. On peut par conséquent conclure que la perte de puissance du moteur a été causée par le givrage du carburateur.

Au cours d'un vol où l'on soupçonne un début de givrage, il est essentiel de surveiller le fonctionnement du moteur et de mettre le réchauffage du carburateur en marche afin de diminuer les risques de perte de puissance du moteur en vol. L'utilisation du réchauffage du carburateur est une procédure normale utilisée par les pilotes lorsque la puissance du moteur se met à diminuer. Toutefois, ce qui est peut-être moins bien compris, c'est le délai que nécessite le réchauffage du carburateur avant d'être efficace et la perte de puissance initiale supplémentaire qui suit la mise en marche du réchauffage du carburateur.

Une fois le réchauffage du carburateur mis en marche, le moteur perd de la puissance en raison de la plus faible efficacité volumétrique de l'air plus chaud qui entraîne un enrichissement du mélange. En outre, à mesure que la glace fond, elle est ingérée par l'entrée d'air du moteur sous forme d'eau, ce qui rend le fonctionnement du moteur encore plus erratique et réduit encore davantage la puissance produite. Afin de compenser cette perte de puissance, il faut pousser davantage la manette des gaz, si cela est possible, et appauvrir correctement le mélange. Il faut un certain temps pour que l'air chaud parvienne à faire fondre toute la glace et qu'il rétablisse ainsi la puissance du moteur.

Les conditions météorologiques ont joué un rôle dans le présent accident, puisque les valeurs de la température extérieure et du point de rosée étaient dans la plage où un givrage modéré du carburateur pouvait se produire. Après que le moteur a commencé à perdre de la puissance, le pilote a réagi en mettant le réchauffage du carburateur en marche, conformément aux procédures normales, mais il n'a pas attendu suffisamment longtemps pour que l'air chaud ait le temps d'éliminer la glace qui s'était formée. La perte de puissance supplémentaire qui a accompagné la mise en marche du réchauffage du carburateur était prévisible. Le rendement du moteur a continué à se détériorer à mesure que la glace continuait de s'accumuler.

Même si le carburant de couleur paille découvert dans la conduite de carburant qui menait à la cuve du filtre à carburant ne répondait pas à la norme du carburant aviation de qualité 100 LL, la concentration de composants étrangers dans le carburant était insuffisante pour nuire au fonctionnement du moteur. En outre, au moment de l'accident, le moteur était alimenté par le carburant aviation 100 LL propre et exempt de tout contaminant qui se trouvait entre le carburant contaminé et le moteur.

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Les conditions de température et de point de rosée présentes pendant le vol ont fort probablement entraîné le givrage du carburateur, ce qui a provoqué une perte de puissance du moteur.
  2. Au moment où le moteur a commencé à perdre de la puissance, le pilote a mis le réchauffage du carburateur en marche, mais il a noté qu'il en résultait une perte de puissance encore plus grande et il a coupé le réchauffage du carburateur avant que l'air chaud n'ait eu le temps de faire fondre la glace.

Autre fait établi

  1. Le pilote n'est pas parvenu à trouver un terrain d'atterrissage convenable et il a volontairement fait décrocher l'avion dans les arbres, ce qui a lourdement endommagé l'appareil.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet événement. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Tableau de givrage du carburateurNote de bas de page 2