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Rapport d'enquête aéronautique A02P0021

Détachement en vol du cône d'entrée d'air du moteur
du Boeing 737-200 C-FAWJ
exploité par Westjet Airlines
à l'aéroport d'Abbotsford (Colombie-Britannique)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Boeing 737-200 (WJA 28) de Westjet Airlines, portant le numéro de série 21770, décolle de l'aéroport international d'Abbotsford (Colombie-Britannique) à 6 h 32, heure normale du Pacifique, pour effectuer un vol à destination de Calgary (Alberta) avec 5 membres d'équipage et 52 passagers à son bord. Peu après avoir franchi 1 500 pieds au-dessus du sol (agl) en montée, les pilotes entendent une série de grands bruits qui font penser à un décrochage de compresseur de réacteur. Les instruments moteurs indiquent une température des gaz d'échappement anormalement élevée (EGT) et une chute de vitesse de la turbine de puissance du moteur numéro 2. Le pilote aux commandes met l'avion en palier à environ 3 000 pieds agl et exécute la liste de vérifications relative aux limites du moteur, aux sautes de régime et aux décrochages de compresseur. Les pilotes confirment qu'il y a un problème avec le moteur numéro 2. Ils réduisent la puissance au ralenti, et le moteur semble alors fonctionner normalement. Les agents de bord confirment que le moteur ne présente aucun dommage visible. Les pilotes signalent à la tour d'Abbotsford que l'avion va retourner à l'aéroport international d'Abbotsford et ils informent les passagers de la situation. Les services d'urgence de l'aéroport sont dépêchés sur les lieux, mais leur intervention n'est pas nécessaire. L'appareil se pose sur la piste 25 à 7 h 18 et revient à l'aérogare sans autre incident. L'incident n'a pas causé d'incendie et n'a fait aucun blessé.

Renseignements de base

Les performances des moteurs et les indications dans le poste de pilotage étaient normales pendant le démarrage, le roulage, le décollage et la montée initiale, jusqu'à ce qu'un grand bruit se fasse entendre. Les passagers assis à l'arrière et du côté droit de l'avion ont vu des flammes sortir de l'échappement du moteur en plus du grand bruit. Le commandant de bord a informé les passagers qu'il y avait un problème avec le moteur numéro 2 et que l'avion allait retourner à Abbotsford.

Figure 1. Montage du cône d'entrée d'air
Figure of Montage du cône d'entrée d'air

Après l'arrêt des moteurs, le personnel de maintenance a découvert que la partie opposée au bout du cône d'entrée d'air (voir la figure 1) du moteur numéro 2 s'était détachée et qu'elle était coincée dans les aubes directrices d'entrée du moteur. Le cône d'entrée d'air s'était détaché du support d'accessoires en magnésium auquel il est normalement fixé à l'aide de quatre écrous. Les écrous sont filetés sur des goujons d'acier sur le support d'accessoires. L'examen a révélé que les quatre écrous étaient demeurés attachés aux goujons, mais que les goujons avaient été arrachés du supportd'accessoires et qu'il manquait une partie du support près du goujon 3. Le cône d'entrée d'air montrait des dommages secondaires causés par l'impact et de la déformation découlant du contact avec les aubes directrices d'entrée, entre autres le bout du cône était déformé, un des panneaux acoustiques s'était détaché, un de ces panneaux présentait une délamination partielle, et le bord arrière du cône était déformé.

Le cône d'entrée d'air est déposé pour permettre certaines inspections du moteur et certains remplacements de pièces. Le cône d'entrée d'air avait été déposé le 9 janvier 2002 dans l'espoir de résoudre un problème de rapport de pression moteur.

Une recherche dans la base de données des rapports de difficultés en service de Transports Canada a révélé qu'il y avait déjà eu des cas de séparation de cône d'entrée d'air. Pratt & Whitney, le constructeur du moteur, et Boeing Commercial Airplanes ont lancé des campagnes de sensibilisation à l'intention des exploitants et des installations de maintenance. Des cas de rupture de supports de fixation de cône d'entrée d'air continuent toutefois d'être signalés à raison de deux par année environ.

Le personnel de maintenance a déposé le moteur numéro 2 de l'avion (modèle JT8D-17 de Pratt & Whitney, numéro de série 702614) à Abbotsford et l'a envoyé à Calgary pour qu'il fasse l'objet d'une révision et de réparations. Le moteur totalisait 5 376 heures de fonctionnement et 6 366 cycles depuis la dernière révision. Le cône d'entrée d'air du moteur (réf. 65-85369-12, numéro de série RR 359) et le support d'accessoires (réf. 633759, révision H) ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour y subir des analyses structurales et métallurgiques. Grâce à la référence du support d'accessoires, on a pu déterminer que la pièce avait été fabriquée entre 1976 et 1978.

Le rapport de laboratoire LP 08/02 stipule que :

  1. Les goujons du support d'accessoires avant avaient été arrachés et ils avaient conservés leur écrou respectif dans le cône d'entrée d'air. Les points de fixation du cône d'entrée d'air ont par la suite été retirés, puis sectionnés afin d'extraire l'ensemble goujon/boulon. Les filets à pas rapide du goujon 1 présentaient un grippage important et des dommages considérables aux sommets des filets. Les filets à pas rapide des goujons 2, 3 et 4 étaient remplis de matériau provenant du support d'accessoires avant. Le matériau du support d'accessoires avant trouvé sur les goujons 2 et 4 semblait plus lisse que le matériau trouvé dans les filets du goujon 3. De plus, ce dernier était légèrement plié.
  2. Les filets de la partie femelle recevant le goujon 1 ont été entièrement détruits sur la longueur de la prise du goujon, et la surface de la partie femelle semblait plutôt polie. Les filets des parties femelles recevant les goujons 2 et 4 présentaient les mêmes caractéristiques. En fait, même si les filets avaient été détruits, le fond des filets était toujours visible, et les surfaces là où le sommet des filets avait été détruit montraient certains dommages par frottement. Les filets de la partie femelle recevant le goujon 3 ne présentaient qu'une usure partielle des sommets.
  3. Des sections longitudinales prises à partir du support d'accessoires avant au niveau des parties femelles recevant les goujons 1 et 3 ont été montées en vue d'une analyse métallurgique. L'examen de ces sections a révélé que neuf sommets de filet avaient été cisaillés et il y avait, dans chaque cas, la présence d'une déformation axiale correspondant à l'arrachement des goujons. La surface de fracture des filets cisaillés provenant de la partie femelle recevant le goujon 1 était plus plate que la surface provenant de la partie femelle recevant le goujon 3. Cette situation laisse croire que la partie femelle recevant le goujon 1 a subi une rupture avant la partie femelle recevant le goujon 3, et de ce fait, que le goujon se déplaçait depuis un certain temps, et que la partie femelle recevant le goujon 3 a subi une rupture axiale et angulaire. Des sections longitudinales des goujons 1 et 2 ont été montées en vue d'une analyse métallurgique. Les sommets des quatre premiers filets du goujon 1 présentaient des dommages considérables. L'écrasement des rebords de chaque côté des sommets touchés correspond à une interaction rotationnelle avec un matériau d'une dureté plus élevée. Un essai de dureté directe Rockwell effectué sur le matériau des deux goujons examinés a indiqué une dureté Rockwell (HRC) moyenne de 29. Ces résultats sont typiques pour ce genre d'application et ils se trouvent dans les limites de dureté qui sont de 26 à 32 HRC.

Analyse

Les conclusions du rapport de laboratoire suggèrent que les filets à pas rapide du goujon 1 présentaient des dommages importants avant l'installation du goujon dans la partie femelle. L'installation du goujon 1 a causé des dommages aux filets de la partie femelle recevant le goujon 1. Par la suite, le reste des filets de la partie femelle recevant le goujon 1 a subi une rupture par cisaillement parce qu'il ne pouvait plus retenir le goujon. C'est à ce moment-là que le goujon a commencé à se déplacer dans la partie femelle et à la polir, comme l'indiquent les observations.

La perte de pression de serrage du goujon 1 a exercé une charge disproportionnée sur les goujons 2 et 4. Par la suite, les filets des parties femelles retenant les goujons 2 et 4 dans le support d'accessoires avant se sont affaiblis et ils ont subi une rupture par cisaillement. La rupture a été suivie par le mouvement des goujons dans la partie femelle entraînant les dommages par frottement qui ont été observés. Finalement, la force de retenue totale fournie par les goujons 1, 2 et 4 n'était plus suffisante pour résister aux charges exercées, et le cône d'entrée d'air a alors agi comme levier et a fait sortir le goujon 3 hors du support d'accessoires avant, déformant ainsi le goujon 3 et cassant la partie femelle qui le recevait.

Les dommages relevés sur le goujon 1 résultent fort probablement d'un contact rotationnel avec un matériau d'une dureté plus élevée. Le goujon 1 n'a pas pu être endommagé au moment de son installation puisque le support d'accessoires avant est fabriqué à partir d'un moulage en alliage de magnésium qui est beaucoup moins dur que le matériau des goujons et qu'il n'y a aucune autre partie femelle filetée dans le support d'accessoires avant. On a d'abord pensé que les dommages avaient été causés par l'installation du goujon dans une partie femelle réparée à l'aide d'un filet rapporté Helicoil, mais la nature symétrique des dommages relevés sur le sommet des filets du goujon et le grand nombre de sommets touchés laissent croire qu'il ne s'agit pas de ce problème. Deux scénarios pouvant expliquer les dommages relevés sur le goujon ont été retenus : la rotation du goujon pendant qu'il est retenu dans un étau et la rotation d'une pince-étau autour des filets du goujon.

D'autres exploitants de Boeing 737-200 ayant observés des filets de support d'accessoires avant usés ou endommagés ont renforcé les parties femelles en y installant des pièces rapportées en acier inoxydable. Cette modification réduit progressivement l'usure des filets des parties femelles. Si les parties femelles du support d'accessoires avant avaient été renforcées, le cône d'entrée d'air ne se serait peut-être pas détaché, même avec un goujon endommagé.

Les grands bruits perçus par les passagers et les membres d'équipage ainsi que les indications moteur observées par les pilotes correspondent à un décrochage de compresseur. Ce décrochage est survenu parce que le cône qui s'était délogé a perturbé l'écoulement de l'air dans le moteur, et le moteur n'était plus en mesure de produire la puissance maximale.

L'inspection en cours de démontage du moteur a confirmé qu'il n'y avait aucun signe d'incendie dans le moteur. Les flammes provenant du moteur qui ont été observées par les passagers de l'avion résultent probablement des sautes de régime du moteur causées par la perturbation du débit d'entrée d'air.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le moteur a subi des décrochages de compresseur causés par le détachement en vol du cône d'entrée d'air.
  2. Le cône d'entrée d'air s'est détaché du support d'accessoires avant à la suite de la perte de la force de retenue des pièces de fixation.
  3. Les filets du goujon 1 présentaient des dommages avant l'installation du goujon dans la partie femelle.

Mesures de sécurité

WestJet Airlines met en oeuvre un programme visant à remplacer tous les supports d'accessoires avant (réf. 633759) des moteurs de l'ensemble de sa flotte par des supports d'accessoires modifiés dont les parties femelles ont été renforcées. Les parties femelles des supports d'accessoires modifiés ont été réusinées, et on y a installé des pièces rapportées en acier inoxydable conformément à l'instruction technique canadienne de maintenance 72-21-01-01.

Transports Canada est en discussion avec la Federal Aviation Administration à propos de la publication possible d'une consigne de navigabilité qui exigerait le remplacement de tous les supports d'accessoires avant (réf. 633759) des moteurs par des supports d'accessoires modifiés dont les parties femelles ont été renforcées.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .