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Rapport d'enquête aéronautique A01C0217

Perte de puissance moteur
du Pilatus PC-12/45 C-FIJV
exploité par Bearskin Lake Air Service Ltd.
à Red Lake (Ontario)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Pilatus PC-12/45 monomoteur à turbine effectuant le vol BLS363 est sur le point de décoller de la piste 26 de l'aéroport de Red Lake (Ontario) avec à son bord deux pilotes et trois passagers. Lorsque le levier de commande est déplacé du ralenti sol au ralenti vol, le moteur (Pratt & Whitney PT6A-67B) s'éteint. La tentative de redémarrage s'avérant infructueuse, l'appareil est remorqué hors de la piste.

Renseignements de base

Au moment de l'événement, il y avait des conditions météorologiques de vol à vue, avec des vents calmes et une température de 33 °C.

Les deux pilotes détenaient des licences de pilotes professionnels valides et possédaient de la formation et les qualifications requises pour le vol prévu.

L'appareil avait été avitaillé à un poste d'avitaillement en carburant filtré de l'aéroport de Sioux Lookout (Ontario) la nuit ayant précédé l'événement. Le personnel de maintenance avait alors effectué un point fixe sur l'appareil et n'avait rien remarqué d'anormal. Les puisards de carburant avaient également été vérifiés et aucune contamination n'avait été observée. Le lendemain, le démarrage du moteur a été effectué, conformément aux procédures d'utilisation normalisées (SOP) de l'exploitant, au moyen de la batterie de l'appareil, mais l'équipage n'a pas fait de point fixe. Une fois le ralenti sol (65 % Ng)Note de bas de page 1 atteint, la climatisation, l'avionique et les ventilateurs ont été mis en marche. L'équipage n'a remarqué aucune anomalie durant le roulage jusqu'à la position de décollage sur la piste 26.

Une fois l'appareil en position pour le décollage, et environ 90 à 120 secondes après l'atteinte du ralenti sol, le levier de commande a été poussé jusqu'au ralenti vol (75 % Ng). Durant le déplacement du levier jusqu'au ralenti vol, l'ampèremètre de la batterie indiquait un appel de courant de 300 ampères (A). Le moteur s'est presque instantanément éteint (perte totale de puissance). Une tentative de redémarrage a été entreprise et vite abandonnée, car la tension de la batterie avait chuté à 19 volts (V) et il n'a été possible que d'atteindre 8,5 % Ng. L'avionneur a indiqué que, après un démarrage normal sur la batterie, la charge normale requise pour recharger la batterie est initialement de 190 A, puis se réduit par la suite au fur et à mesure que la batterie se recharge. Le manuel de vol de l'appareil et les SOP de la compagnie indiquent que le courant de charge de la batterie au moment du décollage ne doit pas dépasser 15 A, faute de quoi le décollage doit être retardé. Après un démarrage sur la batterie, de 5 à 8 minutes sont requises pour que la charge de la batterie soit suffisante au décollage. De plus, outre la batterie en charge, les équipements suivants fonctionnaient au moment où l'appel de courant était de 300 A : la climatisation, les feux de navigation, le feu clignotant et les ventilateurs. Ces équipements, réunis, génèrent un appel de courant de 110 A qui, combiné à la charge de la batterie, atteignait une charge génératrice totale de 300 A.

Après que l'appareil a été remorqué hors de la piste, le personnel de maintenance de la compagnie est venu sur place afin de déterminer la cause de la perte de puissance moteur. Une inspection visuelle de l'appareil n'ayant révélé aucune anomalie manifeste, le personnel de maintenance au sol a fait tourner le moteur au moyen d'un groupe de démarrage au sol. Néanmoins, les efforts déployés pour reproduire la perte de puissance moteur et l'ampérage élevé se sont avérés vains.

Une fois le moteur coupé, les filtres et les puisards à carburant ont été inspectés, mais aucune contamination n'a été constatée. L'inspection du moteur a révélé la présence de particules ressemblant à du carbone dans le filtre à huile. Des particules prélevées dans le filtre à huile ont été envoyées au Laboratoire technique du BST à Ottawa. Un premier examen de l'échantillon a révélé qu'il avait été nettoyé avec un solvant qui avait éliminé toute trace d'huile. L'analyse des particules a permis d'établir qu'elles étaient constituées de différents types de fibres ligneuses, synthétiques ou minérales. Un certain nombre de particules noires ont été observées et se sont révélées être soit du carbone, soit de la peinture. Le système électrique a été examiné, mais il ne présentait aucune anomalie. Le générateur no 1, le régulateur de carburant et la pompe à carburant entraînée par le moteur ont alors été remplacés.

On a appris que l'analyse d'un échantillon d'huile, prélevé antérieurement sur le moteur, avait révélé un taux de magnésium de 39,9 parties par million (ppm). Le manuel de maintenance du PT6A n'indique pas de taux limite de magnésium dans l'huile. Mais une ligne directrice interne non publiée du service à la clientèle du PT6 de Pratt & Whitney (P&W) la fixe à 35 ppm. Lorsque cette limite est atteinte, P&W indique à l'exploitant qu'une endoscopie est requise afin d'évaluer l'usure des cannelures. Une endoscopie du deuxième étage du réducteur a été entreprise par le personnel de maintenance de l'exploitant et elle a révélé que les cannelures d'accouplement étaient usées. Une endoscopie est requise lorsque le taux de magnésium d'un échantillon d'huile se révèle élevé. L'appareil a été convoyé à Thunder Bay (Ontario) afin que le moteur puisse y être déposé.

Le moteur a été envoyé pour démontage à P&W Canada. Le personnel de P&W, avant de démonter le moteur, lui a également fait subir une endoscopie. Cette dernière a révélé une usure de contact des cannelures d'accouplement du deuxième étage du réducteur. Le démontage du réducteur a confirmé une usure de contact importante des cannelures d'accouplement et de la couronne du deuxième étage du réducteur.

Les critères des inspections requises, telles que l'endoscopie ou l'analyse de l'huile, permettent de surveiller l'état du carter du réducteur. Faute de telles inspections, le réducteur risque de connaître une défaillance. Il est recommandé, lorsque les limites d'usure sont atteintes ou lorsqu'il est nécessaire de démonter le carter du réducteur, de se conformer au bulletin de service de P&W no 14267 R1 portant sur le remplacement de la couronne du deuxième étage et du carter avant du réducteur. Environ 200 moteurs PT6A-67B sont actuellement en service, dont environ 20 ont fait l'objet des remplacements recommandés dans le bulletin de service no 14267 R1 de P&W en raison d'une usure excessive du réducteur. P&W a indiqué que, à ce jour, aucune défaillance catastrophique du deuxième étage du réducteur n'avait été constatée.

Le démontage du générateur de gaz n'a révélé aucune anomalie. Le palier no 2 avait été modifié conformément au bulletin de service no 14320 R2 de P&W relatif au remplacement du joint d'étanchéité d'air de la turbine du compresseur ainsi que de l'injecteur d'huile, du capot protecteur et de la collerette du palier no 2. Le palier s'est révélé relativement propre, mais un dépôt floconneux noir a été observé sur la paroi du carter à huile du palier. L'analyse de ce dépôt a permis d'établir qu'il s'agissait d'un mélange de carbone et de magnésium.

Lors du démontage du groupe moteur, on a découvert que l'isolant thermique était couvert de suie. Le logement de l'arbre de la turbine de puissance et le capot du palier no 3 étaient également couverts de suie carbonée. Un examen du joint d'étanchéité d'air de la turbine de puissance a révélé que le diamètre des orifices de passage d'air était réduit en raison de l'accumulation d'un résidu noir carboné.

Le régulateur de carburant, la pompe à carburant et le répartiteur de débit ont été soumis à des essais au banc dans les installations de P&W. La seule anomalie découverte sur le régulateur de carburant était que les pressions d'air de régulation recommandée (Py) ne produisaient pas un débit de carburant suffisant, ce qui n'a cependant pas contribué à l'événement. Par la suite, les trois éléments ont été montés sur un autre moteur PT6A-67B préparé pour des essais de fonctionnement au banc. Une fois le ralenti sol atteint, aucune anomalie n'a été constatée en accélération, en décélération, au ralenti Ng, au ralenti vol, en puissance transitoire ou à l'arrêt complet. L'extinction du moteur lors du passage, sur la piste, du ralenti sol au ralenti vol n'a pu être reproduite. Le démontage du régulateur de carburant, de la pompe à carburant et du répartiteur de débit n'a révélé aucune anomalie. L'ingestion d'eau ou d'air peut interrompre l'alimentation en carburant et faire en sorte que le moteur s'éteigne, sans laisser aucune indication permettant d'expliquer la perte de puissance.

L'alternateur de démarrage a été envoyé à une installation de révision locale où il a fait l'objet d'essais au banc et aucune anomalie n'a été constatée. Le démontage et la révision de l'alternateur n'ont révélé aucune anomalie ayant pu contribuer à un appel de courant de 300 A.

Le paragraphe 703.22(2) du Règlement de l'aviation canadien exige que les aéronefs monomoteurs à turbine utilisés pour le transport de passagers dans des conditions de vol aux instruments ou dans des conditions de vol à vue soient équipés d'un type de moteur dont il a été établi que la moyenne des temps de bon fonctionnement (MTBF) est de 0,01/1 000 ou moins sur 100 000 heures de services (à savoir, que sa moyenne de défaillance est inférieure à une pour 100 000 heures d'exploitation). Les pertes de puissance moteur résultant d'une interruption de l'alimentation en carburant ne sont pas considérées comme des défaillances moteur au regard de la norme relative à la MTBF.

Analyse

Le taux de magnésium dans l'huile résultait de l'usure de contact de la couronne du deuxième étage sur les cannelures d'accouplement en magnésium du carter du réducteur. L'usure de contact des dents de la couronne du deuxième étage sur les cannelures d'accouplement en magnésium a entraîné la libération de particules de poussières de magnésium dans l'huile moteur. Les particules de poussière de magnésium sont chauffées par friction au point que l'huile se trouvant à leur contact se décompose, laissant un dépôt carboné sur lesdites particules. Ces particules finissent par être capturées par le filtre à huile. Les particules de carbone pur capturées par le filtre résultaient quant à elles du carbone produit dans le système avant l'exécution du bulletin de service no 14320 R2 de P&W sur le remplacement du joint d'étanchéité d'air de la turbine du compresseur ainsi que de l'injecteur d'huile, du capot protecteur et de la collerette du palier no 2.

Le suivi du carter du réducteur est assuré au moyen d'une combinaison d'analyses d'échantillons d'huile et d'endoscopies. La mise en place de ces inspections et le respect du bulletin de service ont atteint leur objectif : aucune défaillance catastrophique due à une usure de contact excessive des cannelures du carter du réducteur n'a été rapportée.

La brusque perte de puissance du moteur PT6A-67B est fort probablement attribuable à une interruption de l'alimentation en carburant, mais une telle chose n'a pas pu être formellement établie. Une inspection du circuit de carburant n'a pas révélé la présence d'eau, et les essais ainsi que le démontage du régulateur de carburant, de la pompe à carburant et du répartiteur de débit n'ont révélé aucune anomalie ayant pu contribuer à la perte de puissance.

Durant le démarrage initial du moteur au moyen de la batterie, le levier de commande a été placé sur le ralenti sol (65 % Ng) et les équipements qui ont été mis sous tension ont entraîné une charge électrique importante. Le moteur n'étant demeuré en ralenti sol que de 90 à 120 secondes, le générateur a peut-être été lent à répondre aux besoins de charge de la batterie et de fonctionnement des équipements. Une fois le ralenti vol (75 % Ng) sélectionné, le générateur a été plus à même de répondre à ces demandes, ce qui a entraîné l'appel de courant de 300 A observé sur l'ampèremètre. Parce que le moteur a pu accélérer du ralenti sol au ralenti vol alors que les équipements électriques étaient déjà sous tension, il semble probable que le fait que l'appel de courant de 300 A et la perte de puissance moteur se soient produits au même moment relève de la coïncidence et que l'appel de courant n'a pas contribué à la perte de puissance moteur.

La perte de puissance moteur et l'usure de contact des cannelures d'accouplement du carter du réducteur n'ont pas été considérées comme des défaillances moteur et n'ont donc pas affecté le dossier de fiabilité du moteur.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

Faits établis

Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. La perte de puissance moteur est fort probablement attribuable à une interruption de l'alimentation en carburant.

Autres faits établis

  1. L'usure de contact entre les dents de la couronne du deuxième étage et le carter en magnésium du réducteur a entraîné la présence de magnésium dans l'huile moteur. Les particules de magnésium se sont enrobées d'une pellicule carbonée et ont fini par être prises dans le filtre à huile.
  2. Les particules de carbone trouvées dans le filtre à huile ont été produites par le palier no 2 avant l'exécution du bulletin de service no 14320 R2 de Pratt & Whitney sur le remplacement du joint d'étanchéité d'air de la turbine du compresseur ainsi que de l'injecteur d'huile, du capot protecteur et de la collerette du palier no 2.
  3. L'appel de courant est attribuable au chargement de la batterie et au fonctionnement des équipements électriques mis sous tension. Cet appel de courant n'a probablement pas contribué à la perte de puissance moteur.

Le présent rapport met un terme à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .