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Rapport d'enquête aéronautique A99Q0151

Impact sans perte de contrôle (CFIT)
Raytheon Beech 1900D C-FLIH
exploité par Régionnair inc.
survenu à Sept-Îles (Québec)
le



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Raytheon Beech 1900D de Régionnair inc. portant le numéro de série UE-347 effectuait un vol régulier (vol GIO347) entre Port-Menier et Sept-Îles (Québec) avec deux pilotes et deux passagers à son bord. L'appareil a décollé à 23 h 34, heure avancée de l'Est (HAE) de Port-Menier à destination de l'aéroport de Sept-Îles et s'est écrasé à 23 h 57 HAE à un mille marin du seuil de piste pendant l'approche sur l'aéroport de Sept-Îles. Les conditions signalées faisaient état d'un plafond à 200 pieds et d'une visibilité d'un quart de mille terrestre. L'incendie qui s'est déclaré après l'impact a détruit les ailes, les moteurs et la partie droite de la section centrale du fuselage. Le commandant de bord a perdu la vie dans l'accident; le premier officier a été grièvement blessé; les deux passagers ont subi des blessures légères.

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

À 23 h 34, heure avancée de l'Est (HAE)Note de bas de page 1, l'avion Raytheon Beech 1900D assurant le vol GIO347 de Régionnair inc. décolle de Port-Menier (Québec) pour un vol régulier de 25 minutes à destination de Sept-Îles. Il s'agit du vol de retour de la liaison Sept-Îles-Port-Menier-Mont-Joli. L'équipage assure sa propre régulation et décolle selon les règles de vol aux instruments (IFR) dans un espace aérien contrôlé. Le premier officier est aux commandes en place droite durant ce segment de vol. Le décollage et le vol de croisière se déroulent sans incident. Après le départ de Port-Menier, l'équipage reçoit un bulletin météorologique de la station d'information de vol (FSS) de Sept-Îles faisant état des plus récentes conditions à l'aéroport de Sept-Îles : plafond à 200 pieds au-dessus du sol (agl) et visibilité de ¼ de mille terrestre (sm) dans le brouillard.

Le plan de l'équipage est d'effectuer une approche directe sur la piste 31 de Sept-Îles en utilisant, comme seule aide à la navigation, le système de positionnement mondial (GPS). Le GPS est réglé pour indiquer la distance et la trajectoire par rapport au seuil de piste. Les coordonnées suivantes sont entrées comme point de cheminement : 50°13′47" N, 66°15′26" W, axe de rapprochement de 312°M. Ces coordonnées sont très proches de celles du seuil et du cap magnétique de la piste 31. Le plan de l'équipage est le suivant : l'approche va s'effectuer selon un axe de rapprochement de 312°, les altitudes et distances prévues aux points de repère étant de 400 pieds agl à la balise ZV (repère d'approche finale) du radiophare non directionnel (NDB), de 300 pieds agl à 2 milles marins (nm) et de 100 pieds agl à 1 nm du point de cheminement correspondant au seuil; et à partir de 100 pieds agl, la descente va s'effectuer avec une faible pente jusqu'à ce que le contact visuel soit établi avec les feux d'approche. L'altitude minimale de descente (MDA) pour faire une approche NDB sur la piste 31, qui est la seule approche publiée pour cette piste, est de 680 pieds au-dessus du niveau de la mer (asl), soit 506 pieds au-dessus du seuil. Il n'existe aucune approche au GPS publiée pour la piste 31 de l'aéroport de Sept-Îles.

La descente à partir de l'altitude de croisière vers l'aérodrome débute tardivement, et l'appareil est trop haut et vole trop vite pendant l'approche vers le NDB. Commencée à une altitude de 10 000 pieds à 9 nm du NDB, la descente se fait à un taux de descente supérieur à 3 000 pieds par minute (pi/min). L'appareil survole la balise à 600 pieds asl. Pendant les 30 dernières secondes du vol, et à partir d'un point situé à environ 3 nm avant le seuil de piste, l'appareil descend de façon régulière à un taux d'environ 850 pi/min et à une vitesse indiquée comprise entre 140 et 150 noeuds, les volets braqués à fond. Le commandant de bord guide le premier officier durant toute la descente et fait les annonces d'altitude et de distance. À 100 pieds, qui est la hauteur de décision (DH) prévue, le dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) annonce « Minimums, Minimums ». Après cette alarme vocale du GPWS, le commandant de bord donne des directives au premier officier pour que la descente se poursuive lentement. La dernière annonce est faite à 30 pieds, soit 1,2 seconde avant l'impact.

Huit secondes avant l'impact, le GPWS annonce « Minimums, Minimums ». L'appareil poursuit sa descente et heurte des arbres dans une assiette presque horizontale sur un terrain qui monte en pente. Il est 23 h 57. Le commandant de bord subit des blessures mortelles; le premier officier est grièvement blessé; les deux passagers subissent des blessures légères. Un incendie se déclare après l'impact et détruit les ailes, le moteur droit et la partie centrale droite du fuselage. Pendant l'accident, la cabine est restée relativement intacte, mais le poste de pilotage s'est détaché de l'appareil et a été écrasé.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués 1 - - 1
Blessés graves 1 - - 1
Blessés légers/Indemnes - 2 - 2
Total 2 2 - 4

1.3 Dommages à l'aéronef

L'appareil a été lourdement endommagé par les forces d'impact et par l'incendie qui s'est déclaré après l'impact.

1.4 Autres dommages

L'avion a fauché des arbres sur son chemin et des arbres ont été endommagés par le feu, mais l'incendie ne s'est pas propagé en raison du temps humide. Le terrain environnant, où se trouvent principalement des conifères de petit diamètre de 20 à 30 pieds de haut sur un sol sablonneux, a été légèrement endommagé par le matériel lourd utilisé pour les opérations de sauvetage et de récupération.

1.5 Renseignements sur le personnel

1.5.1 Généralités

Commandant de bord Premier officier
Âge 39 ans 28 ans
Licence Pilote de ligne Pilote de ligne
Date d'expiration du certificat de validation 1er avril 2000 1er février 2000
Heures de vol totales 7 065 2 600
Heures de vol sur type 606 179
Heures de vol dans les 30 derniers jours 127 181
Heures de vol dans les 90 derniers jours 337 368
Heures de vol sur type dans les 90 derniers jours 198 128
Heures de service avant l'accident 16 18
Heures libres avant la prise de service 8 9

1.5.2 Le commandant de bord

Le commandant de bord a commencé sa carrière dans l'aviation comme technicien d'entretien d'aéronef (TEA) et comme pilote chez Aéro Nord Est en septembre 1986. Ensuite, de novembre 1987 à septembre 1991, il a travaillé pour Alexander Inc. D'abord comme chef TEA, puis comme chef pilote. Il a alors fait l'acquisition d'une compagnie qu'il a rebaptisée Confortair. De mars 1997 à mars 1998, il a également volé pour Régionnair comme commandant de bord sur Beech 1900C. Au début d'avril 1999, il a recommencé à voler, à temps partiel, sur le Beech 1900D de Régionnair tout en étant président, gestionnaire des opérations, chef pilote et chef TEA de Confortair.

Le 5 avril 1999, il a passé avec succès une vérification de compétence pilote (PPC) et un contrôle de vol aux instruments comme commandant de bord sur Beech 1900D. Il était titulaire de la qualification de vol aux instruments de groupe I. Son certificat de validation de licence était valide. Son dossier de formation indique qu'il était un bon pilote possédant de bonnes aptitudes à la gestion et un bon esprit de décision. Il avait acquis la plus grande partie de son expérience de vol au Québec dans la région de la Basse Côte-Nord. Il connaissait très bien cette région, ses aérodromes et ses particularités météorologiques. Son dernier vol sur le Beech 1900D de Régionnair remontait au 8 juillet 1999. Il avait effectué d'autres vols pour sa propre compagnie après cette date.

Le jour de l'accident, il a quitté son domicile vers 7 h 30. Avant d'entreprendre le vol GIO347, il a effectué deux vols d'une demi-heure pour sa propre compagnie, un à 9 h et l'autre à 14 h. Selon l'information recueillie, le président de Régionnair, qui volait à bord d'un autre appareil, aurait parlé au commandant de bord du vol GIO347 sur la fréquence de la compagnie durant le deuxième segment du vol GIO347 (Port-Menier à Mont-Joli). Il aurait, semble-t-il, été question du mauvais temps à Sept-Îles et, lors de la conversation, il aurait été suggéré que les pilotes restent à Mont-Joli jusqu'à ce que la météo s'améliore à Sept-Îles. Après avoir atterri à Mont-Joli, le commandant de bord a fait un ou deux appels téléphoniques à des personnes dont on ne connaît pas l'identité. L'avion a passé une vingtaine de minutes au sol à Mont-Joli. Le vol de Mont-Joli à Port-Menier, avec le commandant de bord aux commandes, s'est déroulé sans incident.

1.5.3 Le premier officier

Le premier officier a obtenu sa licence de pilote de ligne le 26 août 1991. Il a ensuite obtenu une qualification d'instructeur de vol au début de 1993 et a travaillé comme instructeur pour Cargair d'avril 1993 à avril 1994. Au cours des deux étés suivants, il a été instructeur pour Québec Transportair et pour Confortair, respectivement. Il a obtenu sa qualification de vol aux instruments de groupe I sur multimoteurs le 17 juillet 1997 et sa licence de pilote de ligne le 25 août 1998. Il a volé comme commandant de bord sur Embraer-110 pour Aviation Québec Labrador de juin 1998 à avril 1999. En avril 1999, il a recommencé à voler pour Confortair à temps partiel. En juin 1999, il a été engagé par Régionnair comme pilote à plein temps. Il avait fait des arrangements avec la direction de Régionnair pour être autorisé à voler pour Confortair quand Régionnair n'avait pas besoin de lui. Le chef pilote de Régionnair lui avait demandé de fournir tous les mois le détail de ses heures de vol chez Confortair. Le nombre total d'heures de vol quotidien pour les deux compagnies n'était pas pris en note par la direction de Régionnair.

Le premier officier possédait un certificat de validation de licence valide. Il était titulaire de la qualification de vol aux instruments de groupe I. Il avait suivi un cours en gestion des ressources de l'équipage (CRM) qui s'était terminé le 28 février 1999. Après une formation initiale au sol et cinq heures de vol d'entraînement sur Beech 1900D, il a passé avec succès, en tant que premier officier, une PPC et un contrôle de vol aux instruments le 23 juin 1999. Son dernier vol sur Beech 1900D a été effectué la veille de l'accident. Il s'agissait d'un vol en huit segments d'une heure chacun et qui s'est terminé à Sept-Îles à 19 h 22. Le jour de l'accident, il s'est levé à 6 h pour aller faire un vol pour Confortair. Le décollage était à 7 h. Il s'agissait d'un vol en cinq segments d'une durée totale de six heures et demie et qui s'est terminé à Sept-Îles à 17 h. À 21 h 4, après 15 heures en service, il entreprenait le premier segment du vol ayant mené à l'accident.

Les derniers temps avant l'accident, le premier officier avait dû se lever à 6 h chaque matin, pendant plusieurs jours, à cause de son horaire, sa journée de travail se finissant à 20 h. Son carnet de vol indique qu'il a passé de nombreuses journées à faire des sauts de puce, son nombre d'heures de vol quotidien dépassant les huit heures. Son carnet de vol indique également que son dernier jour de repos ininterrompu et sans service de vol remonte au 13 juillet. Le jour de l'accident, il avait indiqué au commandant de bord (qui était également son employeur chez Confortair) qu'il avait besoin d'arrêter de voler pendant une semaine car il se sentait fatigué et commençait à être épuisé. Selon l'information recueillie, un pilote d'Aviation Québec Labrador devait le remplacer pour la semaine. Le propriétaire de Confortair s'était entendu avec le premier officier pour que le premier officier vole pour Confortair pendant quelques mois, le temps que les nouveaux pilotes se qualifient. Le premier officier savait que son nombre total d'heures mensuel excédait la limite permise mais il ne s'est pas rendu compte qu'il avait dépassé la limite établie d'autant d'heures que l'indique ce rapport. Les heures de vol indiquées sur les manifestes de vol de la compagnie correspondent aux heures qui figurent dans son carnet. Le premier officier a indiqué qu'il se reposait très bien quand il était chez lui.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur Raytheon Beech Aircraft Company
Type et modèle Beech 1900D
Année de construction 1998
Numéro de série UE-347
Certificat de navigabilité 36339
Heures de vol cellule 373 h
Moteurs Deux moteurs Pratt & Whitney PT6A-67D
Hélices Deux hélices Hartzell Inc. HC-E4A-3J munies de pales E10950PB
Masse maximale autorisée au décollage 7 688 kg
Types de carburant recommandés Jet A, Jet A-1, Jet B, JP-4, JP-5 et JP-8
Type de carburant utilisé Jet A

Les dossiers indiquent que l'appareil était entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux normes établies par le constructeur. Le train d'atterrissage avait été sorti avant l'accident. Les volets ont été trouvés sortis à 35°. L'enregistreur de données de vol (FDR) révèle que les moteurs fonctionnaient normalement au moment de l'impact. La masse et le centrage se trouvaient dans les limites prescrites. Un examen des instruments sur les lieux a révélé que les altimètres du commandant de bord et du premier officier avaient été réglés à 29,85 pouces de mercure (po Hg), qui est le calage indiqué à l'équipage par la FSS de Port-Menier. Les radios de l'appareil étaient réglées sur 126,7 MHz. Les deux anémomètres indiquaient que la vitesse, au moment de l'impact, était comprise entre 152 et 155 noeuds. L'altimètre radar était réglé à 100 pieds agl.

1.7 Renseignements météorologiques

La région de Sept-Îles a connu une situation météorologique résultant du déplacement d'une masse d'air plutôt stagnante durant la plus grande partie du 12 août. La prévision locale prévoyait, de 8 h à 20 h, un talweg d'air chaud en altitude (TROWAL) se déplaçant lentement au-dessus de La Grande 4, et s'étendant jusqu'à Rivière-du-Loup à 8 h, avec les conditions météorologiques dominant la plus grande partie de la province. Le matin de l'accident, la basse atmosphère était occupée par une vaste couverture de stratus auxquels se mélangeaient des cumulus bourgeonnants et des cumulonimbus. La masse d'air était presque saturée sur l'ensemble de la couche isotherme. Le tout donnait une zone étendue de nuages bas et de brouillard.

À 22 h, le TROWAL avait dépassé Sept-Îles. À l'ouest du TROWAL, la prévision indiquait que les cumulus bourgeonnants et les cumulonimbus allaient se dissiper au début de la période et que des bancs de brouillard allaient se former pendant cette période, donnant une visibilité de ½ à 4 sm dans le brouillard et la bruine ainsi que des plafonds compris entre 100 et 1 000 pieds asl.

La dernière prévision d'aérodrome révisée reçue par l'équipage pour Sept-Îles et couvrant la période de 19 h à 7 h faisait état des conditions suivantes : vents de 5 noeuds du 090°V, visibilité dominante de ½ sm dans la bruine et le brouillard et visibilité verticale de 100 pieds. À 18 h 29, la prévision pour la région de Sept-Îles a été modifiée par un avis météorologique aux navigants (AIRMET); elle faisait état d'une visibilité presque nulle et de plafonds dans un afflux d'air venant du large. L'équipage a reçu cette information. Un vent d'est favorisait le développement d'un tel afflux.

À 20 h, à Sept-Îles, les conditions signalées étaient les suivantes : plafond mesuré à 100 pieds agl, ciel partiellement obscurci, visibilité de sm, calage altimétrique de 29,86 po Hg. À 21 h, les conditions signalées étaient les suivantes : plafond indéfini à 300 pieds, ciel obscurci, visibilité de 3/8 sm dans le brouillard, calage altimétrique de 29,87 po Hg.

Durant tout l'après-midi, les pilotes en approche des pistes 13 et 31 avaient signalé des plafonds bas et des visibilités faibles. Les dossiers indiquent que, de 16 h à 23 h 57 (heure de l'accident), huit approches ont dû être interrompues à Sept-Îles par des exploitants commerciaux. À 17 h 20, le premier officier, effectuant alors le vol COF977, a atterri aux commandes d'un PA-31-350 de Confortair après deux approches interrompues. Avant de décoller, à 21 h 4, pour le premier segment de son vol régulier, l'équipage du vol GIO347 a observé que le plafond était à environ 200 pieds et que la visibilité était de ¼ sm environ. Le premier officier a constaté qu'au sol il arrivait à compter au moins 9 feux de piste espacés d'environ 200 pieds. L'équipage d'un Twin Otter de Régionnair, qui a atterri à 20 h 59, a signalé des conditions météorologiques similaires. Hormis ces deux vols, aucun autre équipage de vol commercial n'a réussi à atterrir à Sept-Îles entre 16 h et 23 h 57.

Plus tôt, le commandant de bord de l'avion accidenté avait avisé le personnel de la FSS qu'il viendrait chercher un exposé météorologique détaillé avant d'entreprendre le vol GIO347. Mais, au lieu de cela, il a appelé la FSS et a demandé les conditions locales ainsi que les prévisions pour Havre-Saint-Pierre, la première escale du vol. Le commandant de bord a obtenu une copie des renseignements météorologiques pertinents, soit les prévisions d'aérodrome, les messages météorologiques horaires, les prévisions de zone, les AIRMET, les vents en altitude et les avis aux navigants, auprès du bureau de répartition des Lignes aériennes Canadien Régional de l'aéroport avant de lancer les moteurs. Le commandant de bord n'a pas discuté avec le premier officier des prévisions ni des conditions météorologiques aux escales prévues.

Neuf bulletins météorologiques réguliers et spéciaux ont été émis entre 20 h et 24 h. Ils signalaient des plafonds oscillant entre 100 et 200 pieds et une visibilité variant de ¼ à sm. Le dernier bulletin météo spécial pour Sept-Îles avant l'accident, publié à 23 h 32, faisait état des conditions suivantes : plafond indéfini à 200 pieds agl, visibilité de ¼ sm dans le brouillard, vents du 160°V à 4 noeuds et calage altimétrique de 29,87 po Hg. La portée visuelle de piste (RVR) signalée pour la piste 09 était de 1 600 pieds. Ce sont les conditions météorologiques qui ont été communiquées à l'équipage après son départ de Port-Menier. Au moment de l'accident, les conditions météorologiques n'avaient pas changé.

1.8 Aides à la navigation

Aucun problème relatif aux aides à la navigation ou à l'approche n'a été signalé dans la région ou sur l'aéroport de Sept-Îles au moment de l'accident. Le système d'atterrissage aux instruments (ILS) de la piste 09 était utilisable, mais l'aide à l'approche de précision ne pouvait être utilisée car la piste 09/27 était fermée pour resurfaçage.

1.9 Télécommunications

Aucune anomalie relative à l'équipement de communication n'a été observée ni signalée. Les données radar du vol montrent uniquement un écho au radar primaire, ce qui signifie que le mode C (affichage d'altitude) du transpondeur de l'avion accidenté n'était pas activé. À proximité de Sept-Îles, l'équipage du vol GIO347 a appelé la FSS sur la fréquence de la tour de 118,1 MHz et a signalé que l'appareil devait se poser dans quatre minutes. L'équipage du vol GIO347 a ensuite signalé qu'il se trouvait à six milles en finale. Deux minutes plus tard, le spécialiste de la FSS a entendu un appel venant d'un aéronef et il a tenté à deux reprises de joindre le vol GIO347. L'équipage du vol GIO347 a alors répondu qu'il était en finale et qu'il rappellerait une fois au sol. Aucun autre message radio en provenance du vol GIO347 n'a été enregistré.

1.10 Renseignements sur l'aérodrome

Au moment de l'accident, l'aéroport de Sept-Îles possédait trois pistes disposées en triangle (voir l'annexe B). Vers la fin de 1999, la piste 05/23 a été fermée définitivement et la piste 09/27 a été fermée temporairement. La piste 13/31 mesure 6 037 pieds de long sur 200 pieds de large, et sa surface est asphaltée. L'altitude de l'aérodrome est de 180 pieds asl. La piste 31 est desservie par un NDB (ZV) qui sert d'aide à l'approche. L'altitude de survol du NDB est de 900 pieds asl (720 pieds agl). La MDA est de 680 pieds asl (506 pieds agl). Comme l'indiquent le supplément des approches du Canada Air Pilot (CAP 5) et le certificat d'exploitation aérienne de la compagnie, cette piste n'est desservie par aucune autre aide à l'approche autorisée. La piste 13 est desservie par un radiophare omnidirectionnel (VOR) à très haute fréquence (VHF) et par un DME (équipement de mesure de distance) servant d'aide à l'approche. Fixées à 540 pieds asl (366 pieds agl), les limites de la MDA pour cette approche sont inférieures aux limites de la MDA de la piste 31; toutefois, l'approche de la piste 13 présente un inconvénient dans des conditions de faible visibilité. Le VOR se trouve au nord de la piste 13 et nécessite que l'appareil ait un cap d'approche décalé de plus de 10° par rapport au cap de la piste. L'approche NDB de la piste 31 est présentée à l'annexe A. La piste 09/27 est desservie par un ILS et par un radiophare d'alignement de piste (alignement arrière) ou LOC (BC); toutefois, elle était fermée pour cause de resurfaçage.

1.11 Enregistreurs de bord

L'appareil était équipé d'un enregistreur de données de vol (FDR) Loral Fairchild F 1000. Les données FDR les plus importantes enregistrées durant l'approche sur Sept-Îles sont présentées à l'annexe C.

L'appareil était équipé d'un enregistreur de la parole dans le poste de pilotage (CVR) Loral Fairchild A 100S. Il s'agit d'un appareil à semi-conducteur, doté de quatre canaux en boucle continue, qui enregistre tous les messages vocaux émis ou reçus par l'équipage dans les 30 dernières minutes (ou plus). Le boîtier de contrôle est muni d'un bouton TEST (essai) et d'un bouton ERASE (effacement), d'un compteur, d'une prise pour casque et d'un amplificateur de microphone. Le bouton d'effacement est utilisé pour effacer l'enregistrement au complet après un vol de routine et ne fonctionne que si le train d'atterrissage est sorti et que le poids de l'appareil repose sur le train d'atterrissage. Pour ne pas effacer les données accidentellement, un circuit à retardement fait qu'il est nécessaire d'appuyer sur le bouton d'effacement pendant deux secondes pour que l'effacement commence.

L'enquête a révélé que l'information enregistrée par le CVR pendant que l'avion était au sol à Port-Menier lors du dernier vol avait été effacée. L'enregistrement a débuté lorsque les roues de l'avion ont quitté le sol; l'enregistrement était de bonne qualité. L'analyse du bouton d'effacement a révélé qu'il arrivait souvent que ce bouton reste coincé après avoir été enfoncé. Il semble bien que le bouton d'effacement était coincé quand l'avion était au sol à Port-Menier. La logique du système a fait que l'enregistreur a commencé à enregistrer au moment où les roues de l'avion ont quitté le sol. C'est la première fois qu'on relève ce genre de mauvais fonctionnement sur ce type de dispositif.

1.12 Renseignements sur l'épave et sur l'impact

L'appareil a touché des cimes d'arbres de 20 à 50 pieds de hauteur, à 5 900 pieds du seuil de la piste 31, les ailes presque à l'horizontale, en léger piqué, selon un cap orienté au 312°M. Le lieu de l'impact est presque dans l'alignement de l'axe de la piste 31. Les hélices en composite de l'appareil se sont rompues à l'impact et les extrémités des ailes ont été arrachées. En descendant dans les arbres, l'appareil a lentement basculé sur la gauche. Il a heurté le sol avec une inclinaison de 50° sur la gauche, en piqué, et a fait la roue dans le sens inverse des aiguilles d'une montre sur l'aile gauche. Il a fini sa course à l'endroit, le nez en direction du premier point d'impact. L'appareil a parcouru environ 1 100 pieds après le premier point d'impact avec les arbres et s'est immobilisé à 4 800 pieds du seuil de piste.

Le poste de pilotage a été détruit par les forces d'impact. Il s'est détaché du fuselage juste à l'arrière de la cloison et de la porte qui le séparent du reste de l'appareil. Le poste de pilotage a été écrasé et projeté vers l'aile et le moteur droits alors que l'appareil faisait la roue par-dessus lui. La partie supérieure du fuselage, au-dessus de la première rangée de sièges passagers, s'est affaissée mais cela n'a pas gêné l'évacuation des deux passagers. Le reste de la structure de la cabine est resté presque intact. Des parties du stabilisateur et de la gouverne de direction ont été arrachées ou tordues quand l'appareil s'est enfoncé dans les arbres à reculons. Le moteur droit a été arraché de son support et projeté en arrière sur l'aile. Le moteur gauche ne s'est pas détaché.

1.13 Renseignements médicaux

Une autopsie et des examens toxicologiques ont été pratiqués sur le corps du commandant de bord. Les résultats des examens toxicologiques visant à déceler la présence de drogues courantes ont été négatifs. Le rapport d'autopsie indique qu'il a succombé au choc traumatique et aux multiples blessures qu'il a subis au moment de l'impact.

1.14 Incendie

Les réservoirs souples de carburant ont été endommagés dès le début de la séquence d'écrasement, et du carburant a été pulvérisé tout le long du sillon laissé par l'avion. Le carburant s'est enflammé et a roussi les arbres et le sol sur les 60 derniers pour cent du sillon laissé par l'avion. Le moteur droit et les deux ailes ont été presque entièrement consumés par l'incendie qui s'est déclaré par la suite. Le moteur gauche a subi des dommages moins graves. Le feu a créé un large orifice sur le côté droit de la section centrale du fuselage, et le côté gauche de la section centrale a été léché par les flammes. Le personnel des services d'urgence a suivi le sillon laissé par l'avion pour se rendre jusqu'au lieu de l'écrasement. L'incendie a été rapidement éteint.

1.15 Questions relatives à la survie des occupants

1.15.1 L'équipage et les passagers

Après l'accident, le poste de pilotage endommagé reposait sur le côté droit, entre le fuselage et le moteur droit. Le poste de pilotage a été si endommagé lors de l'impact que l'espace vital de ses occupants a été pratiquement réduit à néant. Le tableau de bord a été enfoncé vers l'arrière et vers le bas en direction de l'équipage. La porte et la cloison du poste de pilotage ont été écrasées et sont venues s'affaisser sur l'arrière des sièges de l'équipage durant l'impact, rendant toute évacuation presque impossible. Sur cet appareil, la porte principale se trouve à gauche, juste derrière la cloison du poste de pilotage. Le premier officier qui était blessé n'a pas pu emprunter cette porte pour évacuer l'appareil à cause de la position de la porte après l'impact alors que l'avion reposait sur le côté droit.

Le premier officier avait attaché sa ceinture de sécurité trois points ainsi que son harnais de sécurité. Le commandant de bord avait attaché uniquement sa ceinture de sécurité. Le premier officier a réussi à sortir de l'appareil, en rampant sur les coudes, par un orifice dans la cloison et il a réussi à se traîner sur quelques pieds pour s'éloigner de l'épave. Il est resté à cet endroit jusqu'à ce que le personnel des services d'urgence le trouve. Les deux passagers qui étaient assis dans les sièges de gauche et de droite de la deuxième rangée n'ont subi que des blessures légères car la structure de la cabine à partir de la deuxième rangée est restée presque intacte. Craignant une explosion, les passagers ont défait leur ceinture de sécurité et ont sauté par l'orifice et se sont éloignés de l'appareil à pied. Ils ont marché lentement dans le bois en direction du bruit de la circulation et sont arrivés à une route située à environ 400 mètres du lieu de l'accident. La visibilité était très faible dans le brouillard à ce moment-là. Ils ont été amenés à l'hôpital de Sept-Îles par ambulance où un examen médical a révélé que leurs blessures étaient légères.

1.15.2 L'avion

Le matériel de survie était rangé à l'arrière de l'appareil. Ce matériel aurait été facilement accessible si on en avait eu besoin après l'écrasement, car la porte de la soute n'a pas été endommagée et pouvait être ouverte facilement.

1.15.3 La radiobalise de repérage d'urgence

L'avion transportait une radiobalise de repérage d'urgence (ELT) Artex Aircraft Supplies Inc., portant le numéro de série 60930, fabriquée en 1998. Le commutateur de l'ELT a été trouvé sur ARMED (armé). L'ELT s'est déclenchée à l'impact. Le signal a été entendu par le spécialiste de la FSS pendant 4 ou 5 secondes avant de cesser.

Un examen de l'ELT sur le site de l'accident a révélé que le câble de l'antenne était toujours branché sur la prise de raccordement du boîtier de l'ELT. Le câble de l'antenne passe à travers la dérive et est branché sur une antenne de dérive qui se trouve en haut et à gauche de la dérive. L'antenne a été cisaillée lors de l'impact. Selon toute vraisemblance, l'ELT s'est déclenchée au moment du premier impact et elle a cessé d'émettre quand son antenne a été détruite. L'ELT a été éteinte et retirée de l'appareil.

1.15.4 Mesures prises par la FSS et les services d'urgence de Sept-Îles

Dès qu'il a entendu le signal de l'ELT, le spécialiste de la FSS a essayé d'entrer en contact avec le vol GIO347. Il a ensuite contacté le secteur est du centre de contrôle régional de Montréal pour savoir si le centre était en contact avec cet avion. Ayant reçu une réponse négative, il a immédiatement appelé les services d'urgence de Sept-Îles pour les prévenir qu'un appareil venait peut-être de s'écraser à l'aéroport. Cet appel a été fait environ trois minutes après l'accident. Le spécialiste de la FSS a ensuite signalé la situation au Centre de coordination des opérations de sauvetage (RCC) de Trenton.

Il n'y a pas d'unité de services d'urgence basée sur le terrain de l'aéroport de Sept-Îles. Toutefois, il y a un véhicule des services d'urgence en permanence sur le terrain pour pouvoir intervenir rapidement en cas d'urgence. Les membres du personnel des services de lutte contre les incendies de la ville sont formés pour assurer les services d'urgence à l'aéroport. Quand la FSS a signalé aux services d'urgence qu'un aéronef venait peut-être de s'écraser, le personnel des services d'urgence s'est immédiatement rendu en voiture à l'aéroport, est monté à bord du véhicule des services d'urgence de l'aéroport et s'est mis en route en suivant les instructions du spécialiste de la FSS.

À 0 h 15, le personnel des services d'urgence, y compris la police locale et le personnel médical de l'ambulance, se trouvait à l'aéroport. Les recherches ont débuté le long de la piste 13/31. Diverses équipes ont participé aux recherches au sol qui se sont déroulées dans l'obsécuritéé et le brouillard avec une visibilité presque nulle. Le RCC de Trenton et l'autorité aéroportuaire ont essayé de localiser l'appareil avec les données radar du contrôle de la circulation aérienne.

Les deux passagers ont été retrouvés vers 1 h. La position de l'appareil a été immédiatement transmise aux services d'urgence qui sont arrivés sur les lieux vers 1 h 7, après avoir suivi à pied le sillon laissé par l'avion; il y avait des arbres roussis et des arbres cassés sur leur chemin. Le camion à incendie s'est facilement frayé un chemin à travers les nombreux conifères. Le personnel médical suivait juste derrière dans les ambulances. Les pilotes ont aussitôt reçu les premiers soins et des mesures ont été prises pour les dégager et les évacuer.

1.16 Essais et recherches

1.16.1 Généralités

Les anémomètres, les altimètres, les transpondeurs et les panneaux de commandes du NDB et du GPS ont été envoyés au Laboratoire technique du BST pour être analysés et examinés. Les deux altimètres ont été vérifiés et il a été confirmé qu'ils fonctionnaient normalement au moment de l'impact. Les données du GPS ont également été récupérées. Les coordonnées du seuil et de l'alignement de la piste 31 étaient le point de cheminement sélectionné (actif) dans le système de gestion de vol de l'appareil.

1.16.2 Altimètres codeurs

L'avion était équipé de deux altimètres codeurs. On a vérifié l'altimètre droit (un altimètre Meggitt Inc.) et on a fait la lecture des données de sa mémoire non volatile. L'instrument était utilisable et dans les limites d'étalonnage. L'examen du codeur de l'altimètre a permis d'établir qu'il répondait aux spécifications. Le calage barométrique affiché et enregistré était de 29,85 po Hg. La pression barométrique à Sept-Îles au moment de l'accident était de 29,87 po Hg. Le fait que l'altimètre était calé à 29,85 po Hg signifie qu'il était sous-réglé, c'est-à-dire que l'altitude réelle de l'appareil était supérieure de 20 pieds à l'altitude affichée sur l'instrument.

1.16.3 Transpondeur

L'avion était équipé d'un transpondeur double Collins TDR-94/94D muni d'un seul panneau de commande. Cet appareil est un transpondeur de mode S, parfaitement compatible avec un fonctionnement en mode A et C. Le commutateur du panneau de commande a quatre positions : OFF (éteint), STBY (veille), ON (allumé) et ALT (codage d'altitude). La position ALT correspond au mode normal. La position ON correspond à un fonctionnement en mode A, sans données d'altitude dans le signal de réponse.

La liste de vérifications avant décollage indique que le transpondeur doit être mis sur ON. Quand l'équipage a exécuté la liste de questions et de réponses pour faire la vérification du transpondeur lors de la vérification avant décollage, on a répondu ALT à la question concernant le réglage du transpondeur; toutefois, le commutateur du transpondeur a été trouvé sur ON. Un examen des données radar du vol indique que l'altitude affichée n'a pas été enregistrée. Une vérification a démontré que la fonction mode C était utilisable sur les deux unités du transpondeur au moment de l'accident.

1.17 Renseignements sur les organismes et sur la gestion

1.17.1 Limites de temps de vol et de temps de service

Les directives relatives aux limites de temps de vol et de temps de service figurant dans le manuel d'exploitation de la compagnie correspondaient aux limites imposées par la réglementation. Les équipages devaient tenir un registre à jour de leurs heures de vol et de leurs heures de service, y compris leurs heures de repos, et ils devaient prévenir la direction si une de ces limites était atteinte.

1.17.2 Directives relatives aux minima d'approche

Le 4 janvier 1999, l'équipage d'un appareil de la compagnie Régionnair a été victime d'un accident CFIT (impact sans perte de contrôle) lors d'une approche de non-précision (LOC/DME piste 20) par visibilité réduite à Saint-Augustin (Québec) (rapport n° A99Q0005 du BST). Après cet accident, la direction a rappelé à ses pilotes, lors d'une séance d'information, qu'ils devaient respecter les minima de plafond et de visibilité lors des approches IMC (conditions météorologiques de vol aux instruments). Aucune directive à cet effet n'a été rédigée pour le dossier de circulation des équipages de conduite, et le manuel des procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie n'a pas été modifié. Les pilotes en cause dans l'accident qui nous occupe n'étaient pas au service de la compagnie au moment de l'accident du 4 janvier 1999. Il se peut donc que les pilotes n'aient pas été au courant de cette séance d'information, même s'ils connaissaient la réglementation relative aux minima d'approche.

1.18 Renseignements supplémentaires

1.18.1 Dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS)

1.18.1.1 Description du GPWS

L'avion était équipé d'un GPWS Allied Signal MK-VI. Ce type de GPWS comporte un ordinateur, un calculateur de données aérodynamiques, divers voyants annonciateurs et commutateurs (qui reçoivent les données de l'altimètre radio de l'appareil), un commutateur de verrouillage du train d'atterrissage sorti à gauche, un circuit anémométrique pour le premier officier, un signal d'écart de radioalignement en descente et un commutateur de commande des volets dans le poste de pilotage. L'altimètre radio transmet ses données au GPWS, qui génère les alarmes et les avertissements. L'ordinateur du GPWS traite cette information et donne des alarmes visuelles et/ou sonores à l'équipage pour qu'il ne percute pas le relief accidentellement.

Le GPWS MK-VI possède six modes de fonctionnement qui sont tous accompagnés de messages vocaux synthétisés par l'ordinateur. Des voyants d'alarme rouges et des voyants d'avertissement jaunes, situés devant chaque pilote, s'allument selon les modes. Les modes 1 à 4 allument les voyants d'alarme rouges qui demandent une intervention spécifique du pilote aux commandes. Le mode 5 est réservé à l'avertissement lorsque l'appareil se trouve au-dessous du radioalignement de descente durant une approche de précision et il provoque l'allumage du voyant d'avertissement jaune. Le mode 6 ne déclenche pas de voyant d'alarme ni de voyant d'avertissement. Le tableau ci-après présente les modes pertinents à l'accident qui nous occupe (ces modes sont publiés dans les SOP de la compagnie) ainsi que les messages, les situations et les mesures nécessaires qui s'y rattachent :

Mode Message vocal Situation Mesure
1 Sink Rate (taux de descente) suivi de
Pull Up (remontez) répété
Taux de descente excessif par rapport à l'altitude agl (au-dessous de 2 450 pieds). Ramener les ailes à l'horizontale et réduire le taux de descente jusqu'à ce que les alarmes visuelles et vocales cessent.
2 Terrain Terrain (relief relief) suivi de Pull Up (remontez) entendu en continu L'appareil se rapproche beaucoup trop vite du relief alors que le train d'atterrissage et les volets sont rentrés. Modifier immédiatement la trajectoire pour s'éloigner du relief.
6a Five hundred (cinq cents) L'appareil vient de franchir 500 pieds agl en descente. Aucune. Simple avertissement.
6b Minimums Minimums (minima minima) L'appareil franchit en descente l'altitude de la DH réglée sur l'altimètre radio. Remettre les gaz si la piste n'est pas en vue et que la DH ou la MDA est confirmée par l'altimètre du pilote.

1.18.1.2 Réaction de l'équipage aux alarmes et aux avertissements du GPWS

Les modes 1, 2 et 6 se sont déclenchés durant l'approche sur Sept-Îles. L'alarme du mode 1 s'est déclenchée alors que l'appareil approchait de l'altitude de 1 000 pieds agl. Le taux de descente était alors supérieur à 3 000 pi/min. Le mode 2 s'est déclenché deux secondes et demie plus tard, puis de nouveau après six secondes. Le manuel d'exploitation de la compagnie stipule que l'équipage doit intervenir immédiatement si le mode 1, 2, 3 ou 4 du GPWS se déclenche, particulièrement en vol IFR ou de nuit, en établissant le taux de montée maximal de l'avion jusqu'à ce que l'avion ait atteint une altitude de sécurité. L'équipage n'est pas intervenu après les alarmes ni après les avertissements du GPWS.

Le fabricant a indiqué que la DH, enregistrée sur la puce de mémoire non volatile, était réglée à 100 pieds agl sur l'altimètre. L'alarme vocale Minimums Minimums (minima minima) du GPWS a fonctionné comme prévu lorsque l'appareil a atteint la hauteur réglée. À la MDA ou à la DH, le pilote aux commandes doit immédiatement interrompre l'approche, à moins que le pilote qui surveille les instruments ne lui donne d'autres instructions. Les procédures du manuel d'exploitation de la compagnie stipulent que le pilote qui surveille les instruments doit avoir établi le contact visuel avec les environs de la piste avant de pouvoir indiquer au pilote aux commandes qu'il peut continuer. Le Bureau a établi que toutes ces conditions n'étaient pas réunies lorsque l'appareil a atteint 100 pieds agl. Néanmoins, le commandant de bord a indiqué au pilote aux commandes de continuer à descendre à faible pente. Le FDR indique que l'avion se trouvait à 100 pieds agl et à 1,3 nm quand l'alarme vocale Minimums Minimums du GPWS s'est fait entendre, ce qui correspond bien au réglage. L'avion a poursuivi sa descente et s'est écrasé huit secondes plus tard.

1.18.2 Gestion des ressources de l'équipage et prise de décision des pilotes

Ni le commandant de bord ni le premier officier n'avaient suivi de cours de prise de décision du pilote (PDM) avec Régionnair ou Confortair. Le manuel d'exploitation de la compagnie stipule que les exploitants aériens assurant un service de transport aérien en vertu de la partie 704 du Règlement de l'aviation canadien (RAC) doivent offrir un cours de PDM durant la formation en vue d'un avancement et dans le cadre des contrôles de compétence. La formation en PDM initie les pilotes, entre autres, au processus de prise de décision, aux facteurs humains et aux moyens d'éviter les erreurs humaines.

Après l'accident survenu à Saint-Augustin le 4 janvier 1999, le gestionnaire des opérations de la compagnie Régionnair avait demandé à Transports Canada d'offrir un cours de CRM à ses pilotes. La formation en CRM est plus complète que la formation en PDM et elle aborde des éléments importants pour la coordination des équipages, comme la communication, la PDM et la gestion de la charge de travail. Transports Canada a donné de la formation CRM aux pilotes de la compagnie Régionnair en mars, en août et en décembre 1999; toutefois, les pilotes en cause dans l'accident qui nous occupe n'ont pas reçu cette formation parce qu'ils n'étaient pas au service de Régionnair quand le cours du mois de mars a été donné. Le cours du mois d'août a été donné quatre jours après l'accident.

L'équipage est parti de Mont-Joli pour Port-Menier sans obtenir de mise à jour météorologique. Il n'a pas obtenu non plus de mise à jour pour Sept-Îles pendant que l'appareil se trouvait au sol à Port-Menier avec les moteurs en marche. Au moment de quitter Port-Menier pour Sept-Îles, l'équipage a reçu la plus récente mise à jour météorologique pour sa destination. Les conditions qui régnaient et les conditions prévues étaient inférieures aux limites pour toutes les pistes à Sept-Îles, mais l'équipage a tout de même décidé de poursuivre le vol et d'effectuer une approche. Les pilotes avaient prévu que, si une approche interrompue s'avérait nécessaire à cause du mauvais temps, ils effectueraient une autre approche sur la piste 13 ou sur la piste 31, et que s'ils n'y arrivaient pas, ils se rendraient à Mont-Joli.

1.18.3 Règlement relatif aux critères d'approche et d'atterrissage

L'article 602.129 du RAC spécifie que les approches sont régies par les valeurs RVR seulement. À part certaines exceptions, il est interdit à un pilote d'aéronef de continuer une approche aux instruments au-delà de la radioborne extérieure ou du repère d'approche finale vers une piste qui possède un dispositif de mesure de la RVR si les valeurs RVR mesurées pour cette piste sont inférieures au minimum de 1 200 pieds imposé aux aéronefs à voilure fixe. Quand une piste ne possède pas de dispositif de mesure de la RVR, aucun règlement n'interdit à l'équipage de tenter une approche sur cette piste. Aucune RVR n'était disponible pour la piste 31 de Sept-Îles.

L'article 602.128 du RAC précise que les atterrissages sont régis par les DH et les MDA publiées. Il est interdit au pilote d'un aéronef en approche aux instruments de poursuivre la descente au-dessous de la DH ou de descendre au-dessous de la MDA, selon le cas, s'il n'a pas établi et maintenu la référence visuelle requise à l'exécution d'un atterrissage en toute sécurité. Si la référence visuelle requise n'est pas établie et maintenue, le pilote amorcera la procédure d'approche interrompue. Il est rappelé que la partie de la trajectoire d'approche interrompue qui assure le franchissement des obstacles commence au point d'interruption de l'approche (MAP). Le MAP publié d'une approche de précision coïncide avec la DH. Le franchissement des obstacles n'est pas assuré si la procédure d'approche interrompue est commencée après le MAP.

Les références visuelles dont le pilote a besoin pour continuer l'approche et faire un atterrissage en toute sécurité devraient comprendre au moins l'une des références suivantes en rapport avec la piste utilisée, cette référence devant être visible distinctement et reconnaissable par le pilote :

  • la piste ou les marques de piste;
  • le seuil de piste ou les marques de seuil;
  • la zone de poser des roues ou les marques de la zone de poser des roues;
  • les feux d'approche;
  • l'indicateur de pente d'approche;
  • les feux d'identification de piste;
  • les feux de seuil ou et de fin de piste;
  • les feux de zone de poser des roues;
  • les feux de bord de piste de chaque côté de la piste;
  • les feux d'axe de piste.

Les visibilités d'atterrissage publiées pour toutes les procédures d'approche aux instruments ne le sont qu'à titre indicatif. Ces valeurs indiquent les visibilités qui, si elles sont présentes au moment de l'approche, devraient permettre d'établir la référence visuelle requise. Elles ne sont aucunement limitatives et ne sont publiées que pour permettre aux pilotes de juger s'il leur est possible d'accomplir un atterrissage avec succès lorsqu'ils comparent ces valeurs aux comptes rendus de visibilité disponibles à l'aérodrome vers lequel ils effectuent une approche aux instruments.

1.18.4 Accidents lors d'approches par mauvais temps

Le Bureau procède à l'examen des dossiers d'accidents survenus en approche et où le mauvais temps a joué un rôle. Entre le 1er janvier 1994 et le 30 avril 1999, des conditions de faible visibilité et/ou de plafond basNote de bas de page 2 ont joué un rôle dans 20 accidents au Canada mettant en cause des pilotes aptes au pilotage, à bord d'aéronefs immatriculés au Canada en état de navigabilité, qui effectuaient soit une approche IFR, une remise des gaz ou un atterrissage au terme d'une approche IFR. L'examen donne à penser que des pilotes effectuent régulièrement des approches au GPS avec leurs propres paramètres et dans des conditions inférieures aux minima publiés dans le CAP. Certains pilotes ne reconnaissent pas l'importance pour la sécurité des critères utilisés pour élaborer les approches; c'est pourquoi il leur arrive de ne pas suivre les procédures d'approche établies et de faire des approches au GPS avec leurs propres paramètres.

1.18.5 Avis de proposition de modification (APM) sur l'interdiction d'approche proposée par Transports Canada

La nécessité d'avoir des restrictions réglementaires additionnelles applicables aux approches aux instruments par mauvais temps fait l'objet de discussions au sein de la communauté aéronautique canadienne depuis plusieurs années. Le 16 décembre 1997, un avion de transport régional à réaction (Regional Jet) d'Air Canada s'est écrasé pendant une approche aux instruments sur l'aéroport de Fredericton (Nouveau-Brunswick) dans de mauvaises conditions météorologiques (rapport n° A97H0011 du BST). Le rapport final du BST sur l'accident de Fredericton a été rendu public le 10 mai 1999. Il renfermait la recommandation A99-05 qui pressait Transports Canada d'examiner l'incohérence apparente d'un règlement qui permet d'entreprendre une approche aux instruments de catégorie I dans des conditions météorologiques plus mauvaises que celles stipulées pour une approche de catégorie II, et ce, sans bénéficier des conditions opérationnelles et de l'équipement exigés pour une approche de catégorie II. Le ministre des Transports a bien accueilli la recommandation A99-05 et a répondu que les normes régissant les approches aux instruments allaient être examinées par le groupe de travail de Transports Canada en vue de renforcer les exigences applicables aux minima météorologiques.

Les 9 et 10 septembre 1999, l'Avis de proposition de modification (APM) 1999-147 portant sur les articles 602.129 et 602.130 du RAC a été présenté par Transports Canada aux membres du Comité technique de la partie VI sur les règles générales d'utilisation et de vol des aéronefs (RÈGUVA). Le Comité technique RÈGUVA n'a pas donné son appui à l'APM et a recommandé que Transports Canada entame une nouvelle étude sur le sujet au moyen d'un examen de la Sécurité du système. En réponse aux recommandations du Comité technique RÈGUVA, le Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne (CCRAC) a demandé qu'un groupe d'étude composé de membres du personnel de Transports Canada et de membres du milieu concerné soit mis sur pied dans le but de renforcer la réglementation entourant l'interdiction d'approche.

Au début de novembre 1999, le directeur général de l'Aviation civile ainsi que les directeurs exécutifs du Comité technique RÈGUVA et du Comité technique sur l'utilisation d'aéronefs dans le cadre d'un service aérien commercial (UDASAC) ont approuvé le mandat officialisant la création du Groupe d'étude sur la réglementation relative à l'interdiction d'approche. Le groupe s'est réuni les 17 et 18 novembre 1999 dans le but de soumettre aux Comités techniques RÈGUVA et UDASAC des recommandations écrites accompagnées d'APM. Les discussions ont porté sur le renforcement des mesures d'interdiction d'approche qui s'appliqueront tant aux approches de précision qu'aux approches de non-précision, ainsi que sur les exigences et les normes applicables aux exploitants aériens et aux exploitants privés qui devraient permettre l'utilisation d'aéronefs dans des conditions de plus faible visibilité tout en offrant un niveau de sécurité équivalent.

Malgré quelques fortes divergences d'opinion, le Groupe d'étude a pu en arriver à un large consensus. Ce dernier, qui est le fruit de compromis, est suffisant pour formuler des recommandations portant sur l'interdiction d'approche et pour paver la voie à la nouvelle réglementation et aux nouvelles normes. La partie de l'APM 2000-01traitant des approches de non-précision stipule que, s'il s'agit d'un avion, la visibilité est inférieure à la visibilité minimale pour une approche de non-précision dans l'une ou l'autre des situations suivantes :

  1. dans le cas où la RVR « A » et la RVR « B » sont mesurées, la RVR « A » ou la RVR « B » de la piste prévue à l'atterrissage est inférieure à 4 000 pieds;
  2. dans le cas où seule la RVR « A » ou la RVR « B » est mesurée, la RVR est inférieure à 4 000 pieds;
  3. la visibilité actuelle au décollage est inférieure à 4 000 pieds;Note de bas de page 3
  4. la visibilité signalée au sol est inférieure à la plus grande des valeurs entre trois quarts (¾) de mille terrestre ou la moitié de la visibilité publiée pour la procédure d'approche effectuée si, selon le cas :
    1. la piste utilisée à l'atterrissage ne possède pas de dispositif de mesure de la RVR;
    2. aucun compte rendu de la RVR n'est disponible;
    3. la visibilité actuelle au décollage n'est pas disponible.

Le 10 mars 2000, le CCRAC s'est réuni et a examiné les recommandations formulées lors de la réunion conjointe des comités techniques RÈGUVA et UDASAC du CCRAC. Après examen des recommandations et des opinions divergentes, le CCRAC a décidé que l'interdiction d'approche proposée ne s'appliquerait qu'aux exploitants commerciaux régis par la Partie VII. Un examen de la situation, deux ans après la promulgation de l'interdiction, permettra de décider si l'interdiction doit également s'appliquer aux exploitants régis par la sous-partie 604 du RAC et à ceux de l'aviation générale. L'APM a été présenté, pour information, aux comités techniques sur les Parties VI et VIINote de bas de page 4 en juin 2000. Le ministère de la Justice a débuté son examen de la réglementation. L'application d'un nouveau règlement peut prendre jusqu'à deux ans.

1.18.6 Profil d'approche de l'avion

Durant la descente sur Sept-Îles, à partir de l'altitude de croisière, l'avion avait un profil de vol rapide et élevé au regard de sa distance par rapport au NDB ZV. Pensant qu'une manoeuvre de type navette, comme un virage à 360, permettrait peut-être une approche plus stabilisée après la balise, le commandant de bord a fait part de son inquiétude au pilote aux commandes, qui lui a alors répondu qu'il ne devrait pas y avoir de problème, et le commandant de bord lui a permis de continuer le vol. À 1 nm du NDB, le taux de descente de l'appareil était toujours de quelque 3 000 pi/min. La vitesse indiquée était de 200 noeuds. Les volets et le train d'atterrissage étaient rentrés. Les volets ont été mis en position d'approche alors que l'appareil arrivait au NDB, mais le pilote aux commandes a dû cabrer l'avion pour ralentir jusqu'à la vitesse limite de sortie du train. Le taux de descente de l'avion, à partir du NDB et jusqu'à 2,5 nm avant le seuil a varié entre 1 000 et 1 500 pi/min. Il s'est ensuite stabilisé à 850 pi/min jusqu'à l'impact. La vitesse indiquée est passée de quelque 200 noeuds au NDB à 137 noeuds environ à 2 nm du seuil, puis elle est remontée régulièrement pour atteindre 153 noeuds au moment de l'impact.

Le manuel d'exploitation de la compagnie stipule que l'appareil doit être configuré de la façon suivante au moment d'arriver au repère d'approche finale (le NDB) lors d'une approche NDB : train d'atterrissage et volets sortis et vitesse indiquée de Vref + 10 noeuds. La valeur de Vref + 10 noeuds calculée pour la masse de l'avion durant son approche sur Sept-Îles avec les volets braqués à fond donne une vitesse indiquée de 119 noeuds. Le manuel stipule que l'approche doit être interrompue si, au moment où l'avion survole le repère d'approche finale, l'avion n'est pas stabilisé et que ces paramètres ne sont pas respectés.

1.18.7 Limites et calcul du temps de vol et du temps de service

1.18.7.1 Limites établies par Transports Canada

La réglementation régissant le temps de vol et le temps de service des membres d'équipage se trouve aux articles 700.14 à 700.19 du RAC. Ces articles stipulent que l'exploitant aérien doit établir un système pour contrôler le temps de vol, le temps de service de vol et les périodes de repos de chacun de ses membres d'équipage de conduite et doit consigner les détails de ce système dans le manuel d'exploitation de la compagnie. La réglementation stipule que si une personne se rend compte que l'exploitant aérien l'a assignée pour agir en qualité de membre d'équipage de conduite au cours d'un vol qui entraînerait le dépassement du temps de vol maximal ou du temps de service de vol maximal, la personne doit en informer l'exploitant aérien.

Il est interdit à l'exploitant aérien d'assigner du temps de vol à un membre d'équipage de conduite, et à un membre d'équipage de conduite d'accepter une telle assignation, s'il doit en résulter que le temps de vol total de ce membre d'équipage de conduite dans le cadre des vols qu'il a effectués dépassera une des limites suivantes :

  • 1 200 heures en 365 jours consécutifs;
  • 300 heures en 90 jours consécutifs;
  • 120 heures en 30 jours consécutifs ou, dans le cas où le membre d'équipage de conduite est un membre d'équipage de conduite en disponibilité, 100 heures en 30 jours consécutifs.

Il est interdit à l'exploitant aérien d'assigner du temps de service de vol à un membre d'équipage de conduite, et à un membre d'équipage de conduite d'accepter une telle assignation, s'il doit en résulter que le temps de service de vol de ce membre d'équipage de conduite dépassera 14 heures consécutives en 24 heures consécutives.

1.18.7.2 Temps de vol et temps de service du commandant de bord

Le commandant de bord avait effectué 127 heures de vol dans les 30 derniers jours et 337 heures de vol dans les 90 derniers jours. Aucune demande de prolongation de temps de vol mensuel ou trimestriel n'a pu être trouvée, que ce soit dans son dossier ou dans ceux de Transports Canada. Le jour de l'accident, il avait été en service pendant 16 heures, d'abord pour sa propre compagnie puis pour Régionnair. Son carnet de vol indique que, à partir du 28 juillet 1999, il a volé chaque jour pour l'une ou l'autre des compagnies (et parfois pour les deux le même jour), sauf le 4, le 5 et le 10 août 1999. Son temps de vol total pour ces 11 jours est de 73,5 heures, soit une moyenne de 6,68 heures par jour. Il a été impossible de déterminer combien de temps il consacrait chaque jour à des tâches administratives ou opérationnelles pour sa propre compagnie lorsqu'il ne volait pas. Il devait indiquer, pour fin de suivi, son temps de vol mensuel chez Confortair au responsable des opérations de Régionnair. Son temps de vol total pour les deux compagnies du 1er mai au 21 juillet 1999 était consigné dans son dossier chez Régionnair. L'enquête a révélé que son temps de vol après le 21 juillet 1999 n'avait pas été consigné.

1.18.7.3 Temps de vol et temps de service du premier officier

Le premier officier avait effectué 181 heures de vol dans les 30 derniers jours et 368 heures de vol dans les 90 derniers jours. Comme dans le cas du commandant de bord, aucune demande de prolongation de temps de vol mensuel ou trimestriel n'a pu être trouvée, que ce soit dans son dossier ou dans ceux de Transports Canada. Le jour de l'accident, il avait été en service pendant 18 heures, d'abord pour Confortair puis pour Régionnair. Son carnet de vol indique que, à partir du 14 juillet 1999, il a été en service et a volé chaque jour, pour l'une ou l'autre des compagnies, sauf le 1er août 1999. Son temps de vol total pour les deux compagnies, pour la période du 6 juin au 31 juillet 1999, était consigné dans son dossier chez Régionnair. L'enquête a révélé que son temps de vol total pour le mois d'août 1999 n'avait pas été consigné. Ni l'organisme de réglementation ni Régionnair ne savaient que les deux pilotes dépassaient les limites de temps de vol et de temps de service.

1.18.7.4 Fatigue des pilotes

Des chercheurs de l'Institut militaire et civil de médecine environnementale ont découvert que, après 18 heures de veille, le rendement humain diminue de 30 % pour ce qui est des tâches de cognition ou de vigilance. Après 48 heures, cette baisse atteint 60 %. Des chercheurs du Centre for Sleep Research de la University of South Australia ont découvert que, après 18 heures sans sommeil, les étudiants obtenaient d'aussi mauvais résultats aux essais de rendement que s'ils avaient eu une concentration d'alcool dans le sang de 0,05 %. Après 24 heures sans sommeil, leur rendement baissait au même niveau que celui d'une personne qui a une concentration d'alcool dans le sang de 0,096 %.Note de bas de page 5

Vu qu'il s'agissait d'un service aérien de navette assuré en vertu de la sous-partie 704 du RAC, la compagnie aérienne était tenue d'accorder à ses équipages soit 36 heures de repos consécutives après 7 jours consécutifs de travail ou 3 jours de repos consécutifs après 17 jours consécutifs de travail. Aucun des deux membres de l'équipage de conduite n'avait bénéficié de ces périodes de repos spécifiées au paragraphe 700.12 a) du RAC. Dans la pratique, il faut prévoir des périodes de récupération car ces périodes sont importantes pour obtenir un sommeil réparateur et pour retrouver un niveau de rendement normal et une vivacité d'esprit normale. Les périodes de récupération doivent être prises fréquemment. Si on se repose plus fréquemment, on se remet plus facilement d'une accumulation de fatigue. Par exemple, la personne qui bénéficie de périodes de récupération hebdomadaires a plus de chances de récupérer et de se remettre de la fatigue aiguë et d'une accumulation de fatigue que si elle prenait des périodes de repos mensuelles.Note de bas de page 6

La personne fatiguée est portée à oublier ou à négliger des vérifications ou des procédures habituelles et à retomber dans ses vieilles habitudes. Elle peut également être moins attentive aux détails et elle peut oublier ou inverser un élément d'une tâche séquentielle. Elle peut ne se préoccuper que d'une seule tâche et être moins vigilante. Si sa vivacité d'esprit est touchée, elle peut concentrer toute son attention sur un petit problème (même s'il risque d'y avoir un gros problème). Elle peut ne pas se soucier des dangers qui la guettent et peut même adopter un comportement automatique. Elle peut avoir plus de mal à résoudre les problèmes et peut même prendre des mesures inappropriées.

1.18.8 Système de positionnement mondial (GPS)

1.18.8.1 Description du GPS

Le GPS est un système de radionavigation par satellite. Pour la navigation aux instruments, Transports Canada exige que les GPS utilisés comme principal outil de navigation en IFR répondent aux exigences de la norme technique TSO (Technical Standard Order) C-129.

Le récepteur GPS vérifie l'intégrité (la fiabilité) des signaux qu'il reçoit de la constellation du GPS grâce à la fonction RAIM (contrôle autonome de l'intégrité par le récepteur), qui permet de surveiller l'intégrité des données fournies par le satellite. Au moins un satellite, en plus de ceux nécessaires pour la navigation, doit être visible pour que la fonction RAIM soit disponible. Il faut donc qu'au moins cinq satellites soient visibles ou que quatre satellites soient visibles et qu'il y ait un altimètre barométrique (aide barométrique) pour que le RAIM puisse déceler un problème d'intégrité.

Les messages RAIM diffèrent légèrement selon les récepteurs, mais il y a habituellement deux types de messages. L'un des messages indique que le nombre de satellites visibles est insuffisant pour pouvoir assurer la surveillance de l'intégrité des signaux grâce au RAIM. L'autre message indique que le RAIM a décelé une erreur possible qui dépasse les limites établies pour la phase de vol en cours. Sans la fonction RAIM, le pilote n'a aucune assurance que la position indiquée par le GPS est exacte.

Les récepteurs GPS qui répondent à la norme ajustent automatiquement la sensibilité de l'indicateur de cap de sorte que le déplacement complet de l'aiguille équivaut à 5 nm en croisière, à 1 nm en région terminale (à moins de 30 nm d'un aéroport durant une approche ou une remise des gaz) et à 0,3 nm pendant l'approche finale. Le GPS donne un avertissement quand l'intégrité du récepteur ne permet pas d'assurer la navigation d'une manière assez précise pour permettre à l'équipement de garder l'aéronef à l'intérieur de chaque niveau de sensibilité. De plus, le RAIM doit donner une indication si l'équipement reçoit des signaux de moins de cinq satellites, peu importe la phase de vol.

Quand un aéronef équipé d'un GPS se dirige vers l'aéroport selon une approche tirée de la base de données du GPS, la sensibilité de l'indicateur de cap s'ajuste automatiquement lorsque l'aéronef franchit les limites de changement de sensibilité. Quand l'aéronef se dirige vers un point de cheminement qui a été entré manuellement, le récepteur reste en mode de croisière (5 nm). Sur la plupart des récepteurs GPS, le pilote peut changer manuellement la sensibilité de l'indicateur de cap, mais cela n'a pas d'effet sur le mécanisme d'avertissement du RAIM. Dans ce cas, le RAIM ne donnera un avertissement que si la dégradation du signal dépasse 5 nm ou si moins de cinq satellites sont visibles.

Les approches autonomes au GPS approuvées sont basées sur des points de référence de piste ayant fait l'objet de relevés. Les points de référence sont habituellement certifiés par un arpenteur agréé. Ils sont utilisés comme points de référence pour l'ensemble de la transition qui comporte environ six points de cheminement. La trajectoire entre deux points de cheminement consécutifs est appelée un segment, et des exigences particulières, comme des altitudes minimales, s'y appliquent.

La seule façon autorisée de se servir d'un GPS comme principale aide à l'approche est d'effectuer une approche (points de cheminement, positions et séquences) tirée d'une base de données à jour, préchargée et protégée contre les modifications. Le récepteur GPS n'affichera pas l'approche si on tente de la modifier. Avant d'entreprendre l'approche, le pilote doit s'assurer que les données (coordonnées des points de cheminement) tirées de la base de données coïncident avec celles de la carte publiée dans le CAP.

1.18.8.2 Approche de recouvrement au GPS

Les approches de recouvrement au GPS sont des approches traditionnelles au VOR ou au NDB (avec ou sans DME) qui ont reçu une approbation pour être effectuées à l'aide des indications provenant d'un GPS certifié pour une utilisation IFR. Du fait que les récepteurs GPS sont plus précis, le pilote peut faire une approche plus efficace, car il bénéficie d'une meilleure vue d'ensemble de la situation grâce à une indication de la distance à parcourir, et, dans bien des cas, il bénéficie également d'un affichage cartographique; cela améliore la sécurité. Les minima d'approche pour les approches de recouvrement au GPS sont les mêmes que pour les approches traditionnelles qu'ils superposent. Transports Canada exige que les transporteurs aériens disposent du même équipement et qu'ils possèdent la même formation pour les approches de recouvrement au GPS que pour les approches autonomes au GPS.

L'approche que l'équipage a exécutée à Sept-Îles n'était pas une approche au GPS autorisée. Si cette approche avait été publiée en tant qu'approche de recouvrement au GPS autorisée, les minima auraient été les mêmes que pour le NDB à cause de l'antenne qui se trouve à 3 nm en approche et qui constitue un obstacle.

1.18.8.3 Le GPS de l'avion

L'avion accidenté était équipé de récepteurs GPS double Bendix/King KLN 90B. Ils ont été récupérés sur les lieux de l'accident et ont été envoyés au fabricant pour qu'il récupère les données. Le dernier point de cheminement enregistré correspondait aux coordonnées du seuil de la piste 31. Le cap magnétique et la distance de ce point étaient de 312 à 1 nm, ce qui correspond à la position du lieu de l'écrasement.

Tout d'abord, le GPS de l'avion accidenté était conforme à la norme TSO C-129. Toutefois, la version du logiciel du GPS de l'avion accidenté n'était plus valide car la mise à jour du 14 juillet 1999, qui était requise, n'avait pas été entrée dans la base de données du récepteur GPS. Au moment de l'accident, le GPS de l'avion accidenté ne répondait pas à toutes les exigences de la norme TSO relative au GPS.

1.18.8.4 Utilisation du GPS pour les approches

La navigation au GPS est de plus en plus répandue. Les constructeurs d'aéronefs incorporent désormais des récepteurs de navigation GPS dans les systèmes de gestion de vol de leurs nouveaux aéronefs. Les propriétaires d'aéronefs installent souvent des systèmes autonomes ou des récepteurs GPS dans leur système de navigation ou de gestion de vol intégré. On s'attend à une évolution similaire avec le dispositif GPS/WAAS (système de renforcement à couverture étendue).

La société Nav Canada est chargée d'élaborer les approches au GPS à l'usage du public pour les terrains d'aviation et les aérodromes canadiens. Par ailleurs, dans le cas des terrains d'aviation et des aérodromes dont les aides à l'approche sont limitées ou non existantes, les compagnies aériennes et les pilotes demandent à ce qu'on leur fournisse des approches et des limites GPS similaires à celles des aides à l'approche de précision actuelles.

Vu le risque d'erreur au moment de l'entrée des données, les pilotes ne sont pas autorisés à entrer manuellement les points de cheminement devant être utilisés en vol IFR.

Des équipages évoluant sur la Basse Côte-Nord (et ailleurs) ont pris l'habitude d'utiliser le GPS pour effectuer des approches IFR sur des aérodromes, et cela avec des minima de descente inférieurs à ceux des approches publiées établies pour la piste en question. Que l'aérodrome soit ou non équipé d'une autre aide à l'approche, la procédure habituelle est la suivante : l'équipage entre d'abord les coordonnées du seuil de piste et le cap de la piste dans le GPS, puis effectue une approche à vue pour confirmer l'alignement et repérer ce qu'il considère être des altitudes de descente sans danger à partir du seuil. Une fois que ces données ont été validées, l'équipage utilise ces coordonnées pour atteindre la piste, souvent dans des conditions météorologiques qui sont à peu près égales, et parfois même inférieures, à celles requérant des aides à l'approche normales. C'est cette procédure que l'équipage a utilisée lors du vol ayant mené à l'accident. Un document imprimé où figuraient la latitude et la longitude du seuil et le cap de toutes les pistes des aérodromes desservies par la compagnie a été trouvé sur les lieux dans les documents de l'équipage. Le jour de l'accident, le plafond et la visibilité signalés sont demeurés inférieurs aux limites de la MDA établies pour toutes les approches de l'aéroport de Sept-îles. Les dossiers indiquent que quelques appareils, dont le Twin Otter de Régionnair, ont décollé ou atterri dans ces conditions.

1.19 Direction de la compagnie

Régionnair possède un certificat d'exploitation aérienne depuis septembre 1992 et offre des services de vol à la demande et de vol régulier en vertu des sous-parties 703 et 704 du RAC. Le vol GIO347 était régi par la sous-partie 704, Exploitation d'un service aérien de navette. Régionnair dessert principalement les communautés côtières de la Basse Côte-Nord. En plus de sa base principale située à Chevery (Québec), Régionnair possède sept bases secondaires. Au moment de l'accident, la compagnie exploitait cinq appareils : deux Beech 1900, un Cessna 208 Caravan, un Beech 90 King Air et un de Havilland DH6 Twin Otter.

Au terme d'une inspection réglementaire effectuée les 19 et 20 janvier 1999 après l'accident survenu le 4 janvier 1999 à Saint-Augustin mettant en cause l'autre Beech 1900 de Régionnair, Transports Canada a retiré le droit au commandant de bord d'assumer les fonctions de chef pilote et a retiré le droit au président d'assumer les fonctions de gestionnaire des opérations. Transports Canada a jugé que le commandant de bord n'avait pas exercé une surveillance suffisante des procédures utilisées par les équipages et que le gestionnaire des opérations n'avait pas assuré la sécurité ni le contrôle des opérations aériennes et des normes d'exploitation des appareils utilisés. Transports Canada a de nouveau accordé le droit au président d'assumer les fonctions de gestionnaire des opérations après que ce dernier eut soumis un plan de mesures correctives.

Le 13 août 1999, après l'accident qui nous occupe, Transports Canada a révoqué le certificat d'exploitation aérienne de la compagnie Régionnair parce que deux appareils de la compagnie avaient été victimes, en moins d'un an, d'un accident dans des conditions météorologiques similaires et parce que le manque de contrôle des opérations aériennes de la compagnie était évident. Le 18 août 1999, le certificat d'exploitation aérienne de la compagnie a été rétabli moyennant les conditions suivantes : que tous les membres d'équipage de conduite suivent le cours en CRM de Transports Canada; que la compagnie remplace le gestionnaire des opérations; que la compagnie mette en place un programme de sécurité en vol; et que la compagnie remédie à toutes les lacunes de sécurité en vol constatées au cours de la vérification réglementaire.

2.0 Analyse

2.1 Généralités

Aucune anomalie systémique ni problème technique ou structural n'a compromis la sécurité du vol ayant mené à l'accident. Le système de gestion de vol de l'appareil fonctionnait normalement et n'a joué aucun rôle dans l'accident. Rien n'indique qu'il y ait eu une situation d'urgence ou que l'appareil ait connu un problème avant l'écrasement, et les membres d'équipage n'ont signalé aucun mauvais fonctionnement durant le vol. L'intervention d'urgence a été bien coordonnée, et les services d'urgence et l'autorité aéroportuaire sont intervenus dans les meilleurs délais, compte tenu des circonstances.

L'approche n'a pas été faite conformément aux règlements de sécurité ni en vertu de la réglementation en vigueur ni selon les SOP de la compagnie. Par ailleurs, l'appareil n'a jamais été complètement stabilisé sur son profil de descente, connaissant d'importantes variations de taux de descente et de vitesse. L'analyse va se concentrer sur les points suivants :

  • les problèmes de sécurité liés au fait que l'équipage a décidé d'entreprendre une approche au GPS selon ses propres paramètres et dans des conditions inférieures aux limites stipulées dans le CAP pour la piste en question;
  • la réglementation de Transports Canada relative aux approches avec plafond bas et faible visibilité;
  • l'exécution d'une approche sans que la trajectoire de vol de l'avion soit stabilisée;
  • le fait que l'équipage n'a pas tenu compte des alarmes du GPWS;
  • la fatigue de l'équipage attribuable à un trop grand nombre d'heures de vol et de service.

2.2 Approches au GPS selon des paramètres définis par l'équipage

Une fois qu'ils comprennent bien le fonctionnement du GPS, les pilotes s'aperçoivent que cette aide à la navigation est habituellement beaucoup plus précise que les autres aides à la navigation, comme les VOR et les NDB. De plus, l'altitude de l'aéronef ou la distance entre l'appareil et la station de transmission n'ont pas d'effet sur la réception du GPS. Des pilotes ont mis au point leur propre série de coordonnées de seuil et de cap pour l'atterrissage pour les pistes des aérodromes qu'ils utilisent régulièrement. Ils ont constaté, à maintes reprises durant des approches à vue, que le GPS indiquait de façon précise la trajectoire jusqu'à la piste et la distance les séparant de la piste. Ils ont acquis une grande confiance dans le GPS. C'est pourquoi des pilotes font des approches au GPS avec leurs propres paramètres et quand les minima sont à peu près égaux, et parfois même inférieurs, à ceux des approches de précision actuelles. Toutefois, cette pratique comporte de nombreux risques :

  • pour concevoir une approche, les pilotes entrent manuellement les points de cheminement; ils risquent ainsi d'entrer des coordonnées inexactes;
  • le GPS demeure en mode de navigation (mode de croisière) à la sensibilité de 5 nm, à moins que l'équipage ne change la sensibilité manuellement en mode d'approche;
  • en mode d'approche quand la sensibilité a été « changée manuellement », même si la sensibilité a été modifiée, le RAIM ne donnera des avertissements que sur la base de la sensibilité en croisière;
  • les critères utilisés pour concevoir les approches autorisées et leurs limites de descente sont basés sur des recherches poussées et des écarts spécifiques permettant aux pilotes d'effectuer des approches en toute sécurité; tout écart des procédures approuvées réduit cette marge de sécurité.

À l'origine, le GPS de l'avion accidenté répondait aux exigences de la norme technique TSO C-129, mais la mise à jour du 14 juillet 1999, qui était requise, n'a pas été entrée dans la base de données du récepteur GPS. En outre, du fait que la compagnie n'avait pas dispensé à l'équipage la formation exigée par Transports Canada pour pouvoir utiliser le GPS pour la navigation de croisière et pour les approches, l'équipage n'était pas qualifié ni autorisé à utiliser le GPS comme principal outil de navigation. De plus, la sélection d'un point de cheminement choisi par le pilote comme point de référence en vue d'entreprendre une approche au GPS improvisée contrevenait à tous les critères de sécurité pris en compte dans la conception des approches autonomes au GPS et des approches de recouvrement au GPS.

Nav Canada ne cesse de concevoir de nouvelles approches autonomes au GPS et de nouvelles approches de recouvrement au GPS pour les aéroports et les aérodromes canadiens. Les limites d'approche au GPS pour les aérodromes, jusqu'à la mise en place du WAAS et/ou du LAAS (système de renforcement à couverture locale ou système d'augmentation locale), ne seront pas inférieures de beaucoup à celles des aides à l'approche de non-précision directes qui existent déjà. Cela dit, la fiabilité du GPS, pour ce qui est de fournir un azimut d'approche stable et précis pour un aérodrome, a été clairement établie. De plus, les limites d'approche existantes, pour les aérodromes où seules les approches indirectes sont autorisées, sont généralement supérieures à celles des aéroports où des approches directes sont utilisées. L'entrée en vigueur, dans les meilleurs délais, d'approches au GPS pour les aérodromes éloignés dont les MDA sont élevées permettra d'abaisser les MDA et permettra aux équipages de desservir les communautés éloignées en toute sécurité.

2.3 Décisions et minima d'approche choisis par l'équipage

La piste 31 ne possède pas de dispositif de mesure de la RVR; en conséquence, aucun règlement n'interdit d'entreprendre une approche sur cette piste, et cela quel que soit le plafond ou la visibilité. Compte tenu des conditions météorologiques signalées à sa destination, l'équipage savait qu'une approche NDB vers la piste 31 respectant les limitations du CAP ne permettrait pas de poser l'appareil dans les conditions de plafond et de visibilité qui prévalaient. L'équipage a donc décidé d'entreprendre une approche au GPS avec ses propres paramètres et à une altitude inférieure aux minima établis pour l'approche NDB. Une fois cette décision prise, le commandant de bord a entré les données nécessaires dans le GPS et a discuté de l'altitude et des distances que le pilote aux commandes devrait atteindre entre le NDB ZV et le seuil de piste. Il a été décidé d'atteindre 300 pieds agl à 3 nm et 100 pieds agl à 1 nm, puis de faire une descente à faible pente jusqu'à ce que le contact visuel soit établi avec les feux d'approche.

L'équipage ne s'est pas préparé à une approche NDB comme l'exige les SOP de la compagnie. Il a préféré concevoir une procédure improvisée, comprenant de nombreuses modifications des paramètres de vol, à un moment où le pilote aux commandes aurait dû se concentrer sur le pilotage de l'avion.

2.4 Facteurs influant sur l'altitude minimale de descente (MDA)

Le GPS est un ajout remarquable au système d'aide à la navigation et à l'approche. Toutefois, la précision de tout système d'aide à l'approche dépend avant tout des éléments entrant dans l'équation des minima de descente. La capacité d'alerte du système, les feux d'axe de piste et d'approche, les feux stroboscopiques séquentiels et le franchissement des obstacles, entre autres, sont des éléments qui modifient également les minima de descente imposés aux approches.

L'équipage a planifié une approche bien au-dessous de la hauteur de sécurité et l'a entreprise sachant qu'il ne verrait pas les environs de la piste avant d'être au-dessous des minima. Quand la FSS de Port-Menier a signalé à l'équipage que le plafond était à 200 pieds et que la visibilité était de ¼ sm à Sept-Îles, le commandant de bord a jugé que seule la visibilité était marginale et que cela ne devrait pas les empêcher de se poser. La décision de descendre au-dessous des minima d'approche a donc été prise à ce moment-là et elle n'a pas été remise en question par le premier officier. Une telle décision est préoccupante car la réglementation aérienne qui a été prise si à la légère dans cet événement a été établie pour assurer la sécurité des personnes, des biens et de l'environnement.

Le commandant de bord connaissait bien l'appareil ainsi que les aérodromes et les aéroports du territoire desservi par la compagnie. Il ne fait aucun doute qu'il avait une grande confiance dans ses habiletés de pilotage. D'après l'information recueillie, le fait d'utiliser des approches au GPS et des limites GPS « définies par l'utilisateur » était chose courante au sein de la compagnie et dans d'autres compagnies, et ce, jusqu'au 4 janvier 1999, date à laquelle un appareil de Régionnair s'est écrasé à Saint-Augustin. Après cet accident, le président de Régionnair a donné des directives verbales précises à ses pilotes pour qu'ils respectent les minima de descente. Les pilotes en cause dans l'accident de Sept-Îles ne travaillaient pas pour la compagnie quand ces directives verbales ont été données et, du fait qu'ils n'avaient reçu aucune directive à ce sujet quand ils ont été embauchés au printemps 1999, il se peut qu'ils aient cru que le fait de descendre au-dessous de la MDA et de la DH était acceptable.

Plusieurs autres éléments peuvent avoir influencé la décision de l'équipage de descendre au-dessous des minima autorisés sans avoir établi le contact visuel avec le sol ou avec les environs de la piste. Il est utile d'identifier les facteurs qui peuvent jouer un rôle dans des situations similaires. Selon l'information recueillie, aucune pression n'était exercée sur les pilotes de la compagnie pour qu'ils descendent au-dessous des minima, mais cette pratique était perçue comme une chose courante. Cette perception peut avoir exercé une pression supplémentaire sur les pilotes et peut les avoir incités à atterrir en dépit du mauvais temps. Les passagers accordent souvent leur préférence à la compagnie qui offre le service le plus régulier sur leur destination car ils ne sont pas en mesure d'évaluer les éléments liés à la sécurité du vol. Les revenus d'une compagnie baissent lorsqu'un concurrent est perçu comme étant capable d'offrir un meilleur service. Les exploitants de navettes aériennes et de taxis aériens desservent de façon régulière de nombreuses communautés pour lesquelles le transport aérien des passagers et du fret est essentiel. Les équipages ont le sentiment d'assurer un lien vital avec ces communautés; c'est pourquoi ils peuvent avoir tendance à vouloir offrir ce service par tous les moyens, ce qui exerce sur eux des pressions supplémentaires. Il se peut que la fatigue ait perturbé les capacités des pilotes. La réglementation aérienne permettait à l'équipage d'entreprendre une approche sur cette piste en dépit des conditions météorologiques. Du fait que la piste ne possédait pas de dispositif de mesure de la RVR, aucune interdiction d'approche n'était en vigueur. L'enquête n'a pas permis d'établir si une des hypothèses précitées correspond à des éléments qui auraient joué un rôle dans l'accident.

2.5 Risque résiduel lié à l'interdiction d'approche proposée

L'interdiction d'approche proposée s'applique à tous les exploitants commerciaux. L'interdiction, dont l'objet serait d'empêcher les équipages d'entreprendre une approche dans des conditions de très mauvaise visibilité, va réduire le risque lié aux approches par mauvais temps quand aucune RVR n'est disponible. Toutefois, un certain temps peut s'écouler avant que ces modifications ne soient apportées à la réglementation. Et entre temps, les exploitants commerciaux vont continuer à pouvoir légalement entreprendre des approches dans des conditions de visibilité inférieures à celles stipulées dans l'APM. Vu que de nombreux renseignements permettent de penser qu'un certain nombre d'équipages continuent de « bousculer » les critères applicables au plafond et à la visibilité, un risque élevé subsiste et fait que ce type d'accident risque de se produire tant que la présente réglementation s'appliquera. Il est donc nécessaire que l'interdiction d'approche entre en vigueur dans les meilleurs délais.

Sur les 20 accidents que le BST est en train d'examiner, 8 (40 %) se sont produits alors que la visibilité était égale ou supérieure aux minima recommandés dans le CAP mais alors que le plafond se trouvait au-dessous de la MDA d'approche. En plus de ces huit accidents, deux accidents plus récents se sont produits dans des circonstances similaires. En février 2000, un taxi aérien transportant six passagers s'est écrasé alors qu'il s'apprêtait à atterrir sur l'aérodrome après avoir interrompu une première approche NDB (rapport n° A00H0001 du BST). La MDA pour cette approche était de 695 pieds et la visibilité recommandée de 1 ¾ sm. Le plafond signalé était de 300 pieds et la visibilité signalée de 3 sm. En juin 2000, un appareil commercial s'est écrasé lors d'une approche indirecte de nuit sur un aérodrome après avoir interrompu deux approches NDB (rapport no A00O0111 du BST). La MDA pour cette approche était de 572 pieds et la visibilité recommandée de 1 ¾ sm. Les systèmes d'observations météorologiques automatisés signalaient à ce moment des plafonds variant entre 400 pieds au moment de la première approche et 300 pieds au moment de l'écrasement. La visibilité est restée à 9 sm dans le brouillard. Dans les deux cas, l'interdiction d'approche n'aurait pas empêché les équipages d'entreprendre l'approche car cette interdiction ne tient pas compte de la hauteur du plafond.

L'APM ne traite pas du plafond; il stipule simplement que l'équipage doit respecter la MDA et la DH. Le présent rapport démontre que les pilotes ne respectent pas toujours la MDA et la DH. C'est un fait que la visibilité joue un rôle dans un plus grand nombre d'accidents, mais les équipages courent des risques plus grands s'ils effectuent une approche de non-précision quand le plafond signalé est au-dessous des minima indiqués pour ladite approche. Même en tenant compte de l'interdiction proposée, le danger sera quand même présent quand la visibilité signalée sera égale aux limites proposées dans l'APM, ou proche de ces limites, notamment dans le cas des approches de nuit sur des aérodromes où les repères à la disposition des équipages aux abords de la piste sont rares ou inexistants. Si des mesures ne sont pas prises pour régler la question du plafond liée aux approches de non-précision, les risques que des personnes perdent la vie ou que des biens soient détruits subsisteront.

2.6 Approche non stabilisée

L'enquête a établi que le pilote aux commandes n'a pas atteint une trajectoire de vol stabilisée pendant l'approche. Lorsqu'on a suggéré au pilote aux commandes qu'une manoeuvre de type navette serait souhaitable, il a indiqué qu'une telle manoeuvre n'était pas nécessaire, et le commandant de bord a accepté sa décision. La responsabilité du commandant de bord durant l'approche consistait à surveiller la trajectoire de vol de l'avion et à rechercher les repères visuels qui permettraient de poser l'appareil en toute sécurité. Toutefois, du fait que l'approche était instable, il a concentré presque toute son attention à surveiller les paramètres d'approche de l'avion et à donner des directives au premier officier. Néanmoins, la décision de poursuivre une descente non stabilisée jusqu'à ce que la piste soit en vue, au regard des conditions météorologiques régnant sur l'aéroport, revenait à supprimer toutes les marges de sécurité instaurées dans toutes les procédures d'approche aux instruments approuvées.

L'équipage a eu plusieurs occasions d'interrompre l'approche. D'abord, quand le commandant de bord s'est inquiété du fait que l'appareil volait trop vite et était trop haut en approche. De plus, une trajectoire de vol non stabilisée au repère d'approche finale aurait nécessairement dû entraîner la décision, de la part du pilote aux commandes, ou l'ordre, de la part du commandant de bord, de remettre les gaz. Un cours en PDM ou en CRM aurait pu permettre au commandant de bord d'acquérir les compétences nécessaires pour formuler ses inquiétudes de façon plus constructive et pour prendre les décisions qui s'imposaient. De plus, la fatigue et le désir de terminer le vol pour pouvoir profiter d'un repos bien mérité ont probablement joué un rôle dans le processus de prise de décision de l'équipage.

2.6.1 Réaction de l'équipage aux alarmes du GPWS

Durant l'approche, le GPWS a émis des alarmes à plusieurs reprises. Lorsqu'il est devenu évident que l'appareil approchait de l'aéroport à une altitude trop élevée pour l'approche en question, le premier officier, plutôt que d'effectuer une manoeuvre de navette, a augmenté le taux de descente de l'appareil pour atteindre l'altitude désirée. Cette augmentation du taux de descente a déclenché l'alarme de mode 1 (Sink rate) du GPWS. Ni l'un ni l'autre des pilotes n'a réagi à cette alarme. En raison de l'approche non stabilisée, l'alarme de mode 2 s'est déclenchée à deux reprises, sans non plus susciter de réaction chez les pilotes. À 100 pieds agl, altitude sélectionnée par l'équipage sur l'altimètre radio, l'alarme de mode 6 s'est fait entendre. Faisant confiance à la position indiquée par le GPS de l'avion, l'équipage a décidé de continuer à descendre lentement au-dessous de 100 pieds agl jusqu'à ce qu'il puisse établir le contact visuel avec les environs de la piste. En fait, les décisions et les actions des pilotes ont rendu le GPWS inutile.

2.7 Fatigue des pilotes

Il n'a pas été possible d'établir l'emploi du temps des pilotes (leurs périodes de repos, de sommeil et de travail) au cours des 72 heures ayant précédé l'accident, mais l'information recueillie semble indiquer que les pilotes étaient fatigués. Le jour de l'accident, le commandant de bord avait été en service pendant 16 heures et le premier officier pendant 18 heures.

Les deux membres de l'équipage de conduite volaient pour le compte de deux compagnies. Dans les 30 derniers jours, le premier officier avait bénéficié d'un seul jour de congé et avait travaillé environ 14 heures par jour comprenant 6 heures de vol. Il avait fait le nécessaire pour être remplacé durant une semaine car il commençait à être épuisé et se sentait trop fatigué pour continuer à voler. Il souffrait probablement de fatigue chronique. Par ailleurs, le temps de service des deux pilotes dépassait, pour les 30 derniers jours et les 90 derniers jours, les limites établies par Transports Canada.

Les pilotes ont probablement sous-estimé leur fatigue. Il a été démontré qu'il est difficile pour une personne d'estimer à sa juste valeur sa vivacité d'esprit ou son rendement. Les pilotes se sentaient peut-être prêts à faire le vol, et ce, même si cela leur faisait dépasser le nombre maximal d'heures de vol qu'ils étaient autorisés à faire en un jour. D'après ce que nous savons de la fatigue et de ses effets et selon toute vraisemblance, les pilotes étaient fatigués. Aussi les pilotes étaient-ils plus susceptibles de faire des erreurs de manipulation ou de communication et d'être moins méticuleux. Ils ont dû être moins prudents que d'habitude et ont dû avoir du mal à prendre des décisions.

2.7.1 Suivi du temps de vol et du temps de service

Le RAC et les SOP de la compagnie stipulent explicitement les règles régissant les limites de temps de vol et de temps de service. Les deux documents requièrent que les équipages prennent les mesures qui s'imposent pour que ces limites soient respectées, à moins que des prolongations n'aient été accordées. Ces règlements ne dispensent pas l'exploitant ni l'organisme de réglementation de son obligation de s'assurer que les équipages respectent ces limitations.

Le RAC stipule également que chaque exploitant aérien doit mettre en place un système permettant d'assurer le suivi du temps de vol, du temps de service en vol et des périodes de repos de chacun de ses membres d'équipage de conduite et permettant d'inclure dans le manuel d'exploitation de la compagnie les détails de ce système. Chacun des pilotes devait indiquer chaque mois les heures de vol qu'il faisait pour l'autre compagnie. Cette méthode de rapport mensuel empêchait le responsable des opérations d'assurer un bon suivi du nombre d'heures de vol total des pilotes. Un système de contrôle plus minutieux aurait permis d'éviter que des pilotes dépassent le nombre maximal d'heures de vol mensuel ou trimestriel permis. Les heures de vol faites quotidiennement pour l'autre compagnie ne faisaient l'objet d'aucun suivi. C'est pourquoi Régionnair ne possédait aucun document indiquant que le premier officier n'avait bénéficié que d'un seul jour de congé dans les 30 derniers jours.

L'enquête a donné lieu au rapport de laboratoire suivant :

  • LP 87/99 - Flight Recorder and Instrument Analysis (Analyse des enregistreurs de bord et des instruments).

On peut obtenir ce rapport en s'adressant au Bureau de la sécurité des transports du Canada.

3.0 Faits établis

3.1 Faits établis quant aux causes et aux facteurs contributifs

  1. Le pilote aux commandes n'a pas appliqué le profil de montée maximale comme l'exigeaient les procédures d'utilisation normalisées (SOP) de la compagnie lorsque l'alarme Terrain Terrain du dispositif avertisseur de proximité du sol (GPWS) s'est fait entendre durant la descente dans les nuages vers le radiophare non directionnel (NDB).
  2. Le pilote aux commandes n'a pas effectué une approche stabilisée comme l'exigeaient les SOP de la compagnie. L'équipage n'a pas entrepris une remise des gaz quand il est devenu évident que l'approche n'était pas stabilisée.
  3. L'équipage est descendu bien au-dessous de l'altitude minimale de sécurité dans des conditions météorologiques de vol aux instruments (IMC).
  4. Durant toute l'approche, et même à 100 pieds au-dessus du sol (agl), le commandant de bord a demandé au pilote aux commandes de continuer la descente, sans avoir établi le contact visuel avec les environs de la piste.
  5. Après que l'alarme vocale Minimums Minimums du GPWS s'est fait entendre à 100 pieds agl, l'avion a continué sa descente au taux de 850 pi/min jusqu'à ce qu'il heurte le sol.
  6. L'équipage a planifié une approche au GPS (système de positionnement mondial) avec ses propres paramètres et l'a exécutée dans les nuages et par faible visibilité vers la piste 31, ce qui est contraire aux règlements et aux normes de sécurité.

3.2 Faits établis quant aux risques

  1. Au moment de l'approche, le plafond et la visibilité signalés étaient bien inférieurs aux minima figurant sur la carte d'approche.
  2. Du fait que la piste n'était pas équipée d'un dispositif de mesure de la portée visuelle de piste (RVR), il était permis, en vertu de la réglementation en vigueur, d'effectuer une approche NDB.
  3. L'équipage n'a pas respecté les SOP de la compagnie en ce qui concerne la préparation à l'approche et à l'approche interrompue.
  4. Les deux membres de l'équipage de conduite avaient dépassé leur temps de vol et de service mensuel et trimestriel maximaux. Ils étaient donc plus susceptibles de souffrir des effets de la fatigue et de faire des erreurs de jugement et de fournir un moins bon rendement.
  5. Le premier officier souffrait probablement de fatigue chronique; il avait travaillé en moyenne 14 heures par jour et n'avait bénéficié que d'un seul jour de congé dans les 30 derniers jours.
  6. Transports Canada ne savait pas que les pilotes de la compagnie dépassaient les limites de temps de vol et de service permises.
  7. Le gestionnaire des opérations de la compagnie n'exerçait pas une surveillance suffisante des temps de vol et des temps de service des pilotes de la compagnie.
  8. Le commandant de bord n'avait pas reçu la formation obligatoire en matière de prise de décision du pilote (PDM) ni la formation en gestion des ressources de l'équipage (CRM).

3.3 Autres faits établis

  1. La radiobalise de repérage d'urgence (ELT) s'est déclenchée à l'impact, mais elle a cessé d'émettre peu après, quand le câble de l'antenne a été sectionné.

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Transports Canada

Le 13 août 1999, Transports Canada a entrepris une vérification post-événement de la compagnie Régionnair inc. Les faits établis durant l'inspection, notamment les lacunes en matière de formation et le manque de personnel de gestion qualifié, ont entraîné à ce moment-là la suspension du certificat d'exploitation aérienne de la compagnie. La compagnie ayant pris des mesures pour corriger les lacunes signalées, son certificat d'exploitation aérienne a été rétabli le 18 août 1999.

En mars, en août et en décembre 1999, les Systèmes de sécurité de Transports Canada ont donné trois cours de gestion des ressources de l'équipage (CRM) conçus pour les pilotes de la compagnie Régionnair; 24 pilotes de Régionnair ont reçu cette formation et se sont qualifiés. Un cours supplémentaire a été offert à l'ensemble des pilotes de Régionnair le 15 janvier 2000.

À la suite de la recommandation A96-11 émise en 1996 par le BST demandant d'attirer l'attention des exploitants aériens commerciaux sur les risques associés aux opérations aériennes dans des conditions marginales de vol à vue, de nombreux efforts promotionnels en matière de sécurité aérienne faits par Transports Canada à l'échelle du pays, ainsi qu'un grand nombre de programmes de sensibilisation à la sécurité et de programmes de formation régionaux mis sur pied par Transports Canada ont mis l'accent sur les problèmes liés aux conditions météorologiques.

Un groupe d'étude conjoint de Transports Canada et de l'industrie examine les données et les problèmes de sécurité liés aux approches par mauvais temps. Des recommandations réglementaires relatives aux interdictions d'approche, présentées sous la forme d'un Avis de proposition de modification (APM), ont été présentées en décembre 1999 au Comité technique sur les règles générales d'utilisation et de vol des aéronefs (RÈGUVA) de Transports Canada.

Transports Canada a publié des Avis spéciaux aux navigants et des Circulaires d'information aéronautique et a inclus dans la Publication d'information aéronautique (A.I.P. Canada) de l'information relative à l'utilisation du système de positionnement mondial (GPS). Transports Canada a également publié des articles dans les bulletins Sécurité aérienne - Nouvelles et Sécurité aérienne - Vortex sur les limites d'exploitation et l'utilisation sans risque du GPS. Le numéro 4/2000 de Sécurité aérienne - Nouvelles contient un article intitulé « Attention aux approches GPS de votre invention ». L'auteur de l'article rappelle aux pilotes qu'utiliser ce type d'approche « c'est jouer à la roulette russe avec la vie de toutes les personnes à bord ».

L'Aviation commerciale et d'affaires de Transports Canada élabore une Circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires (CIACA) pour attirer l'attention des exploitants sur l'importance de tenir un registre à jour des heures de vol et des heures de service des pilotes. La CIACA visera à attirer l'attention des parties concernées sur l'importance de consigner les heures de vol et les heures de service des pilotes qui volent pour plus d'une compagnie aérienne et sur la responsabilité de chacun à cet égard.

4.1.2 Régionnair

Depuis l'accident qui fait l'objet du présent rapport, la compagnie Régionnair a nommé un nouveau gestionnaire des opérations et a mis en place un programme de sécurité. En octobre 2000, le nouveau responsable de la sécurité a suivi un cours pour les responsables de la sécurité. Les deux titulaires de ces postes répondaient aux exigences établies par Transports Canada pour ces postes.

4.1.3 Nav Canada

Le Bureau Sat Nav de Nav Canada travaille avec Transports Canada et la Federal Aviation Administration des États-Unis à la mise en place par étapes de l'utilisation du GPS pour toutes les phases de vol au Canada. Le rapport final du Groupe de travail chargé de l'examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien (SATOPS) recommande que Transports Canada continue à publier des articles dans les bulletins Sécurité aérienne - Nouvelles et Sécurité aérienne - Vortex sur l'utilisation adéquate et sans danger du GPS, ainsi que sur les dangers associés à son mauvais emploi.

4.2 Mesures à prendre

4.2.1 Approches par mauvaise visibilité et plafond bas

La nécessité d'avoir des restrictions réglementaires additionnelles applicables aux approches aux instruments par mauvais temps fait depuis plusieurs années l'objet de discussions au Canada en raison du nombre d'accidents qui surviennent en approche et à l'atterrissage. De janvier 1994 à décembre 2001, le Bureau a fait enquête sur 24 de ces accidents où, selon toute vraisemblance, la mauvaise visibilité et/ou le plafond bas aurait joué un rôle. (Voir l'annexe D. À noter que certaines des enquêtes citées ne sont pas terminées.) Ces accidents ont fait 34 morts et 28 blessés graves, sans compter les pertes en biens matériels et les dommages à l'environnement. En septembre 1999, Transports Canada a pris des mesures pour mettre en oeuvre de nouvelles interdictions d'approche réglementaires fondées sur la visibilité. La nouvelle réglementation devrait permettre de réduire les risques d'accident lors d'approches aux instruments par faible visibilité. Ce processus se poursuit depuis deux ans; toutefois, la mise en oeuvre dans les délais prescrits a été retardée à cause de quelques résistances rencontrées. Tant et aussi longtemps que la nouvelle réglementation ne sera pas promulguée, les dispositifs de sécurité en place demeureront insatisfaisants pour protéger contre les risques liés aux pilotes qui descendent à une hauteur inférieure à la hauteur de décision (DH) ou au-dessous de l'altitude minimale de descente (MDA) dans l'espoir d'atterrir, et ce même si c'est dangereux à cause de la faible visibilité. C'est pourquoi il y a eu et il continuera probablement d'y avoir des accidents CFIT (impact sans perte de contrôle) en approche avec des pertes de vie et des pertes en biens matériels. En conséquence, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports accélère la promulgation de la réglementation relative aux interdictions d'approche pour interdire aux pilotes de faire des approches quand la visibilité est insuffisante pour une approche en toute sécurité.
Recommandation A02-01 du BST

La majorité des pilotes respectent les règlements établis, les règles de sécurité et les procédures d'utilisation normalisées (SOP) parce que c'est faire preuve de professionnalisme. La formation destinée aux pilotes et aux autres intervenants de l'industrie aéronautique tente d'instiller des cultures de sécurité pour améliorer la sécurité aérienne. Transports Canada encourage activement le professionnalisme et tente d'éduquer les gens aux méthodes sûres et aux risques liés aux méthodes dangereuses. Toutefois, pour diverses raisons, qu'il s'agisse de pressions au travail, de fierté ou de dévouement pour la tâche à accomplir, certains pilotes continuent de faire des approches par mauvais temps même quand les chances de se poser en toute sécurité sont minces. Malheureusement, un grand nombre de ces approches se terminent par un accident et causent des blessures qui s'avèrent parfois mortelles. Ces accidents sont directement attribuables au mauvais temps et aux décisions de l'équipage. De toute évidence, le professionnalisme et l'éducation ne sont pas des moyens efficaces pour prévenir ce type d'accident. De tels accidents continueront de survenir à moins que d'autres mesures soient prises. Le Bureau croit qu'un dispositif de sécurité réglementaire à caractère exécutoire s'impose.

L'interdiction d'approche proposée tient compte de la visibilité en grande partie, mais elle ne tient pas compte de la hauteur du plafond. Il existe des règlements interdisant aux pilotes de descendre à une hauteur inférieure à la hauteur de décision ou au-dessous de l'altitude minimale de descente pendant l'approche, mais ces règlements n'ont pas de caractère exécutoire. Ces dernières années, le Bureau a fait enquête sur bon nombre d'accidents survenus en approche par visibilité suffisante, mais alors que le plafond était inférieur aux limites spécifiées dans le Canada Air Pilot pour le type d'approche exécutée. (Voir l'annexe D.) En conséquence, le Bureau recommande que :

le ministère des Transports prenne immédiatement des mesures pour mettre en oeuvre des règlements interdisant aux pilotes de faire des approches quand la hauteur du plafond ne permet pas une approche et un atterrissage en toute sécurité.
Recommandation A02-02 du BST

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet accident. Le Bureau a autorisé la publication du rapport le .

Annexes

Annexe A - Approche NDB de la piste 31

Annexe B - Plan de l'aéroport

Annexe C - Données de l'enregistreur de données de vol (FDR)

Ce diagramme n'existe pas en français.

Voir le lexique anglais-français ci-dessous.


Lexique anglais-français pour l'annexe C

Figure 6 - AAE VS Distance to Threshold Figure 6 - Altitude au-dessus de l'altitude de
l'aérodrome (AAE) et distance jusqu'au seuil
AAE Altitude au-dessus de l'aérodrome
Altitude Call-Outs Derived AAE (feet) Altitude AAE annoncée (en pieds)
Altitude Call-Outs AGL (feet) Altitude annoncée au-dessus du sol (en pieds)
Beacon crossing 900 ft ASL (720 AAE) Croisement de la balise à 900 pieds asl
(720 pieds AAE)
Distance to Threshold (NM) Distance jusqu'au seuil en milles marins
FDR Altitude AAE Altitude AAE enregistrée par le FDR
FDR Altitude Derived AAE (feet) Altitude enregistrée par le FDR (en pieds)
Flap Volet
Flap Position Position des volets
Undefined Position indéterminée
up Position rentrée
APPR/TO Position d'approche / Position de décollage
DWN Position sortie
Flight Path Angle (deg) Angle de la trajectoire de vol (en degrés)
FPA Angle de la trajectoire de vol
GPWS Minimums
GWPS sink rate
Minima du GPWS
Taux de descente enregistré par le GPWS
MDA 680 ft ASL (500 AAE) 680 pieds asl de la MDA (500 pieds AAE)
Planned step-down fix
Published minimums
Descente planifiée à partir du point de référence
Minima publiés
Selected Altitude Altitude sélectionnée
Threshold Seuil
Vertical Rate Taux vertical
Vertical Speed (Feet/min) Vitesse verticale (en pi/min)
ZV Beacon Balise ZV
1 1/2 S.M.
3.2 Deg FPA
100 ft 1 mile
300 ft 2 miles
400 ft ZV Beacon
700 ft ASL (520 AAE)
5,000 ft ASL (4,820 AAE)
1 mille et demi terrestre
Trajectoire de vol de 3,2
100 pieds à 1 mille
300 pieds à 2 milles
400 pieds à la balise ZV
700 pieds asl (520 pieds AAE)
5 000 pieds asl (4 820 pieds AAE)

Annexe D - Statistiques sur les accidents liés à la météo

Annexe E - Sigles et abréviations

agl
au-dessus du sol
AIRMET
avis météorologique aux navigants
APM
avis de proposition de modification
asl
au-dessus du niveau de la mer
BC
alignement arrière
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CAP
Canada Air Pilot
CCRAC
Conseil consultatif sur la réglementation aérienne canadienne
CFIT
Impact sans perte de contrôle (pour l'anglais controlled flight into terrain)
CIACA
Circulaire d'information de l'Aviation commerciale et d'affaires
CRM
gestion des ressources de l'équipage
CVR
enregistreur de la parole dans le poste de pilotage
DH
hauteur de décision
DME
équipement de mesure de distance
ELT
radiobalise de repérage d'urgence
FDR
enregistreur de données de vol
FSS
station d'information de vol
GPS
système de positionnement mondial
GPWS
dispositif avertisseur de proximité du sol
HAE
heure avancée de l'Est
IFR
règles de vol aux instruments
ILS
système d'atterrissage aux instruments
LAAS
système de renforcement à couverture locale ou système d'augmentation locale
LOC
radiophare d'alignement de piste
MAP
point d'approche interrompue
MDA
altitude minimale de descente
MHz
mégahertz
N
nordN
NDB
radiophare non directionnel
nm
mille marin
PDM
prise de décision du pilote
pi/min
pied/minute
po Hg
pouces de mercure
PPC
vérification de compétence pilote
RAC
Règlement de l'aviation canadien
RÈGUVA
Comité technique sur les règles générales d'utilisation et de vol des aéronefs
RAIM
contrôle autonome de l'intégrité par le récepteur
RCC
Centre de coordination des opérations de sauvetage
RVR
portée visuelle de piste
SATOPS
examen de la sécurité de l'exploitation d'un taxi aérien
sm
mille terrestre
TEA
technicien d'entretien d'aéronef
TROWAL
talweg d'air chaud en altitude
TSO
Technical Standard Order
UDASAC
utilisation d'aéronefs dans le cadre d'un service aérien commercial
UTC
temps universel coordonné
VHF
très haute fréquence
VOR
radiophare omnidirectionnel VHF
VREF
vitesse de référence d'atterrissage
W
ouest
WAAS
système de renforcement à couverture étendue
%
pour cent
°
degré
minute
seconde
°M
degré magnétique
°V
degré vrai