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Rapport d'enquête aéronautique A94A0078

Quasi-collision avec un bâtiment Provincial Airlines Ltd.
Swearingen SA226-AT Merlin C-GTMW
Sydney (Nouvelle-Écosse)



Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) a enquêté sur cet événement dans le but de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n’est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales. Le présent rapport n’est pas créé pour être utilisé dans le contexte d’une procédure judiciaire, disciplinaire ou autre. Voir Propriété et utilisation du contenu.

Résumé

Le Swearingen SA-226 immatriculé C-GTMW (vol Speedair 703) effectuait un vol postal entre Moncton (Nouveau-Brunswick) et Sydney (Nouvelle-Écosse). Alors qu'il était guidé au radar en vue d'une approche ILS (système d'atterrissage aux instruments), l'avion a dépassé l'alignement de piste. Les pilotes ont alors reçu un autre cap du contrôleur du centre de contrôle régional (ACC) de Moncton pour réintercepter l'alignement de piste. Peu après, le pilote a avisé le contrôleur de l'ACC de Moncton qu'il remettait les gaz. Le pilote a reçu l'autorisation d'effectuer une autre approche sur la piste 19 de l'aéroport de Sydney où il s'est posé sans autre incident.

L'examen des données radar de l'ACC de Moncton a montré qu'avant la remise des gaz, l'avion était descendu à 200 pieds-mer. Plusieurs témoins oculaires au sol ont déclaré que l'avion avait presque heurté la centrale électrique de Lingan située à un mille et un tiers marin à l'est du radiophare d'approche November.

Le Bureau a déterminé que l'équipage du vol Speedair 703 n'a pas bien planifié ni effectué l'approche sur l'aéroport de Sydney, et que l'avion a failli heurter la centrale électrique de Lingan. Ont contribué à l'incident : la trop grande confiance de l'équipage de conduite, la perte de conscience de la situation, la décision de continuer une approche non stabilisée, et le fait que le contrôleur n'a pas respecté les procédures de guidage radar stipulées dans le Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne.(MANOPS).

1.0 Renseignements de base

1.1 Déroulement du vol

Le Swearingen SA-226 immatriculé C-GTMW assurait le vol Speedair 703 (SPR703); il effectuait un vol postal entre Moncton (Nouveau-Brunswick) et Sydney (Nouvelle-Écosse). Le contrôleur de l'ACC1 de Moncton a avisé l'équipage qu'il allait lui donner des vecteurs radar en vue d'une approche ILS directe sur la piste 19 de l'aéroport de Sydney.

Alors qu'il était guidé au radar, l'avion du vol SPR703 a traversé le faisceau d'alignement de la piste 19 à quelque 290 noeuds et au cap de 090 degrés magnétique, soit à un angle de 98 degrés par rapport à l'axe d'approche finale. L'avion a dépassé l'alignement de piste à environ 2 000 pieds au-dessus de l'alignement de descente et s'est rendu à deux milles au-delà du radiophare November (repère d'approche finale ou FAF). Le contrôleur de l'ACC de Moncton a alors donné d'autres caps à l'équipage de conduite pour lui permettre de réintercepter l'alignement de piste. Peu après, le pilote du vol SPR703 a avisé le contrôleur de l'ACC de Moncton qu'il...

  1. Voir l'annexe D pour la signification des sigles et abréviations.
  2. Les heures sont exprimées en HAA (temps universel coordonné [UTC] moins trois heures) sauf indication contraire.
  3. Les unités correspondent à celles des manuels officiels, des documents, des rapports et des instructions utilisés ou reçus par l'équipage.

...remettait les gaz. L'équipage de conduite a reçu l'autorisation d'effectuer une autre approche sur la piste 19 de l'aéroport de Sydney où il s'est posé sans autre incident.

L'examen des données radar de l'ACC de Moncton a montré que l'avion était descendu à une altitude de 200 pieds-mer à l'est du radiophare November avant que l'équipage n'amorce la remise des gaz. L'altitude de référence de l'aéroport de Sydney est de 203 pieds-mer. Plusieurs témoins oculaires au sol ont indiqué que l'avion avait failli heurter la centrale électrique de Lingan située à un mille et un tiers marin (nm) à l'est du radiophare d'approche November.

L'incident s'est produit de jour à 8 h 20, heure avancée de l'Atlantique (HAA)2, par 46° 06′ de latitude Nord et 60° 02′ de longitude Ouest3.

1.2 Victimes

Équipage Passagers Tiers Total
Tués - - - -
Blessés graves - - - -
Blessés légers/indemnes 2 - - 2
Total 2 - - 2

1.3 Dommages à l'aéronef

Aucun.

1.4 Autres dommages

Aucun.

1.5 Renseignements sur le personnel

Commandant de bord Premier officier
Âge 37 ans 33 ans
Licence pilote de ligne pilote privé
Date d'expiration du certificat de validation 1 er jan 1995 1 er oct 1994
Nombre total d'heurs de vol 6,600 4,900
Nombre total d'heures de vol sur type en cause 750 500
Nombre total d'heures de vol dan le 90 derniers jours 300 200
Nombre total d'heures de vol sur type en cause dans les 90 derniers jours 290 20
Nombre d'heures de service avant l'accident 4 5,5
Nombre d'heures libres avant la prise de service 9 10

1.5.1 Renseignements sur le commandant de bord

Le commandant de bord a commencé son entraînement au pilotage en 1974, et il a obtenu sa licence de pilote professionnel en 1976. Il a été instructeur de vol jusqu'en 1979, puis il a obtenu son premier emploi comme pilote sur multimoteurs. Avant de travailler pour la compagnie Provincial Airlines Limited, il avait acquis son expérience sur multimoteurs sur le Swearingen SA226, le Hawker Siddeley 748 et le Twin Otter et le Dash 8 de de Havilland.

Il a été embauché par la compagnie Provincial Airlines Limited (PAL) en septembre 1993 comme commandant de bord sur Piper Navajo; en janvier 1994, il a été promu commandant de bord sur SA226. Pendant la période de 90 jours précédant l'incident, il a volé principalement comme commandant de bord sur SA226. Pendant les 18 derniers jours, incluant le jour de l'incident, il a été de service pendant 16 jours, mais il n'a pas dépassé les limites maximales de service définies dans la réglementation en vigueur de Transports Canada.

Il possède une vaste expérience qu'il a acquise dans les compagnies aériennes régionales qui utilisent les manuels de procédures d'utilisation normalisées, y compris Eastern Provincial Airlines et Air Atlantic. Il a également reçu une formation en gestion dans le poste de pilotage (CRM) en cours d'emploi dans ces compagnies aériennes régionales.

Dans les 90 jours précédant l'incident, le commandant de bord et le copilote ont volé ensemble pendant une autre journée comme membres d'équipage sur SA226.

1.5.2 Renseignements sur le copilote

Le copilote a commencé son entraînement au pilotage en 1981. Il a obtenu sa licence de pilote professionnel en 1982. Après avoir travaillé deux ans comme instructeur de vol, il a obtenu sa qualification de vol aux instruments sur multimoteurs. Avant de travailler pour la compagnie PAL, il avait acquis de l'expérience multimoteurs sur Beechcraft C99 et Cessna Citation, et une grande expérience sur Piper Navajo.

Il a été embauché par la compagnie PAL en mai 1993 comme commandant de bord sur Navajo. En septembre 1993, il a reçu l'entraînement de copilote sur SA226. Pendant les 90 jours qui ont précédé l'incident, il a volé 47 fois comme commandant de bord sur Navajo et 23 fois comme copilote sur SA226.

Il a reçu, de la Flight Safety International, une formation CRM tous les six mois au cours des trois années pendant lesquelles il a été pilote de Cessna Citation.

1.5.3 Renseignements sur le contrôleur

Poste du contrôleur radar niveau inférieur
Âge - 44 ans
Licence - IFR
Date d'expiration du certificat de validation - 1er oct 1994
Expérience

Nombre d'heures de service avant l'événement - 2
Nombre d'heures libres avant la prise de service - 8

Le contrôleur avait suivi son entraînement de contrôleur en 1970 et avait réussi la vérification de compétence à la tour de Fredericton avant d'occuper le poste de contrôleur IFR (vols effectués selon les règles de vol aux instruments) à l'ACC de Moncton. Il a contrôlé la circulation aérienne du niveau inférieur pendant 20 ans. Il possède deux années d'expérience dans le contrôle du niveau supérieur.

1.6 Renseignements sur l'aéronef

Constructeur - Swearingen Aviation
Type et modèle - SA226-AT Merlin IV
Année de construction - 1970
Numéro de série - AT002
Certificat de navigabilité (Permis de vol) - valide
Nombre d'heures de vol cellule - 6 327,4
Type de moteur (nombre)- Garrett TPE 331 (2)
Type d'hélice/de rotor (nobmre) - Hartzell HC-B3TN-5E (2)
Masse maximale autorisée au décollage - 12 500 lb
Type(s) de carburant recommandé(s) - Jet A, Jet A-1, Jet B
Type de carburant utilisé - Jet A

L'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.

L'avion n'était pas équipé d'un pilote automatique en bon état de service, ce qui n'était pas contraire à la réglementation.

L'avion est équipé de deux appareils de navigation/communication (nav/com), de deux indicateurs de situation horizontale (HSI), d'un équipement de mesure de distance (DME), d'un radiogoniomètre automatique (ADF), d'un panneau de radioborne et d'un système de positionnement mondial (GPS). Tout cet équipement était en bon état de service et fonctionnait au moment de l'incident.

1.7 Renseignements météorologiques

Les conditions météorologiques à l'aéroport de Sydney enregistrées à 8 h 25 HAA, cinq minutes après l'incident, étaient les suivantes : ciel couvert partiellement obscurci et plafond mesuré à 100 pieds-sol, visibilité de un mille dans de la pluie légère et du brouillard, et vent du 180 degrés magnétique à 15 noeuds. Le calage altimétrique était de 29,96 pouces de mercure.

1.8 Aides à la navigation

L'aéroport de Sydney a une approche ILS vers la piste 19 avec un axe de rapprochement de 188 degrés magnétique. Le radiophare November est situé à 3,7 nm du seuil de la piste, et l'altitude de croisement des faisceaux du radiophare et de l'alignement de descente est de 1 330 pieds-mer. La hauteur de décision ILS est de 395 pieds-mer (200 pieds-sol), et l'altitude minimale de descente au radiophare non directionnel (NDB) est de 600 pieds-mer (405 pieds-sol).

Un radiophare omnidirectionnel VHF (VOR) et un transmetteur DME sont coimplantés à l'aéroport de Sydney.

Aucun problème d'aides à la navigation à l'aéroport de Sydney n'a été signalé, que ce soit avant ou après l'incident.

1.9 Télécommunications

Les communications entre les services de la circulation aérienne (ATS) et le vol SPR703 ont été normales au cours du vol.

1.10 Trajectoire de vol de l'avion

L'examen des données radar de l'ACC de Moncton a montré que le vol SPR703 avait commencé sa descente à partir de l'altitude en route de 13 000 pieds-mer à environ 45 milles de l'aéroport de Sydney. L'avion avait été autorisé à voler à 6 000 pieds-mer, et à 18 nm, il avait été autorisé à voler à 2 000 pieds-mer. Initialement, l'avion était descendu à environ 1 800 pieds par minute (pi/min) à une vitesse-sol d'environ 290 noeuds et au cap de 105 degrés magnétique. Lorsque l'avion s'est approché du faisceau d'alignement de la piste 19 au cap radar de 090 degrés magnétique, sa vitesse-sol était d'environ 300 noeuds et sa vitesse descensionnelle a augmenté à environ 4 200 pi/min.

Le vol SPR703 a dépassé l'alignement de piste et s'est rendu à environ 2 nm au-delà du radiophare November, à environ 2 000 pieds au-dessus de l'alignement de descente ILS. Le radar a indiqué qu'à environ 1,3 nm à l'est du radiophare November, l'avion était à 200 pieds- mer, puis qu'il avait commencé à monter.

Plusieurs témoins oculaires au sol ont déclaré que l'avion avait failli heurter la centrale électrique de Lingan, située à environ 1,3 nm à l'est du radiophare November.

Cette centrale au charbon fournit la majeure partie de l'électricité de l'île du Cap-Breton. Au moment de l'incident, une cinquantaine de personnes travaillaient à l'intérieur et à l'extérieur de la centrale. L'exploitation de la centrale nécessite l'utilisation d'une grande quantité de produits inflammables et de vapeur haute pression.

La centrale électrique comprend trois bâtiments d'une hauteur respective de 100 pieds, 141 pieds et 203 pieds. Deux cheminées, chacune d'une hauteur de 500 pieds, sont situées du côté est du bâtiment principal. Les témoins oculaires ont déclaré que l'extrémité d'une aile de l'avion était passée à une cinquantaine de pieds du bâtiment principal, à quelque 140 pieds-sol.

L'annexe A montre la trajectoire de vol et la position de l'avion par rapport au bâtiment au moment où il en a été le plus rapproché.

1.10.1 Intentions de l'équipage

L'équipage avait été autorisé à effectuer une approche ILS vers la piste 19 et avait reçu des vecteurs pour réintercepter l'alignement de piste de cette approche. Lorsque l'équipage s'est aperçu qu'il avait dépassé cet alignement, il a décidé de modifier son approche et de descendre à l'altitude minimale de descente (MDA) d'approche au NDB qui est de 600 pieds-mer pour la piste 19. Le copilote (qui était aux commandes) avait demandé au commandant de bord (pilote non aux commandes) de l'avertir lorsque l'altitude de 600 pieds-mer serait atteinte. Or, à 600 pieds-mer, l'avion n'était pas sur l'alignement de piste ni sur l'alignement de descente, de sorte que le pilote non aux commandes a demandé de remettre les gaz. Puisque la vitesse descensionnelle de l'avion était très élevée, la descente s'est poursuivie au-dessous de 600 pieds- mer. Il n'a pu être déterminé exactement à quelle altitude indiquée l'avion était descendu lorsque l'équipage a amorcé la remise des gaz.

1.11 Coordination de l'équipage

1.11.1 Responsabilités du pilote aux commandes et du pilote non aux commandes

Le rapport contractuel de la NASA numéro 166433 intitulé Flight Crew Performance When PF and PNF Duties Are Exchanged.traite du rôle des pilotes en ces termes :

Lorsque le copilote est aux commandes, le commandant de bord n'exécute souvent pas les fonctions et les tâches normales du copilote.

Le rapport décrit également en ces termes les rôles des pilotes pendant l'approche et l'atterrissage :

On a découvert que la coordination entre les pilotes, qui était satisfaisante lorsque le commandant de bord effectuait l'atterrissage, l'était souvent moins lorsque le copilote était aux commandes et que c'était le commandant de bord qui effectuait les tâches de copilote.

Le rapport résume les responsabilitéés du pilote aux commandes et du pilote non aux commandes de la façon suivante :

La tâche principale du pilote aux commandes est de connaître la trajectoire de vol voulue de l'avion, puis de garder l'avion sur cette trajectoire de vol. Le pilote aux commandes doit piloter l'avion (ou surveiller le fonctionnement du pilote automatique) de façon que le vol se déroule efficacement et en toute sécurité. Le pilote aux commandes doit suivre les règles et les procédures établies et doit se conformer aux autorisations du contrôle de la circulation aérienne (ATC). En d'autres termes, la tâche du pilote aux commandes est de «tenir la barre». Le pilote non aux commandes doit s'occuper des radiocommunications, assurer la surveillance opérationnelle, participer à la surveillance du trafic, et effectuer d'autres tâches supplémentaires ou de soutien selon les exigences des procédures d'utilisation normalisées ou selon les instructions du pilote aux commandes.

La section 4.24.3 du manuel d'exploitation de la PAL indique que lorsqu'une approche aux instruments est effectuée à l'aide du guidage radar, le pilote non aux commandes doit surveiller la position de l'avion de très près en utilisant d'autres aides à la navigation ou d'approche aux instruments, c'est-à-dire l'ILS, le NDB, le VOR.

Une bonne gestion des ressources dans le poste de pilotage ne peut être obtenue que si tous les membres d'équipage sont conscients du plan, qu'ils exécutent les tâches dont ils sont chargés et qu'ils se tiennent mutuellement au courant de toutes les situations et de tous les événements importants; les membres d'équipage peuvent ainsi bien surveiller toutes les situations.

1.11.2 Manuel de procédures d'utilisation normalisées

Provincial Airlines n'a pas de manuel de procédures d'utilisation normalisées, ce qui n'est pas contraire à la réglementation. Transports Canada, qui doit approuver les manuels de procédures d'utilisation normalisées, recommande la rédaction et l'utilisation de ces manuels. Le manuel de procédures d'utilisation normalisées, qui est rédigé principalement pour améliorer la coordination entre les membres d'équipage, définit les responsabilitéés du pilote aux commandes et celles du pilote non aux commandes. Des procédures d'utilisation normalisées sont incorporées dans le manuel d'exploitation de la compagnie. Toutefois, elles concernent tous les avions, et chacun des pilotes, selon son expérience et son entraînement, est libre de déterminer comment il doit coordonner les fonctions de pilote aux commandes et celles de pilote non aux commandes. Cependant, les interprétations individuelles, lorsque les pilotes appliquent les procédures d'utilisation normalisées, peuvent être très variées.

1.11.3 Préparation de la descente

La liste de vérifications de descente de la PAL pour le SA226, dont les points sont exécutés avant la descente, comprend une vérification des altimètres et un exposé sur l'approche. Un exposé typique sur l'approche comprend un examen des procédures d'arrivée, les vitesses, la configuration de l'avion, le calage des aides à la navigation, etc.

Le pilote non aux commandes avait reçu l'autorisation de descendre, puis les conditions météorologiques en vigueur à Sydney, et un mauvais calage altimétrique de 29,74, qui a été réglé sur les deux altimètres. Un autre pilote qui approchait de Sydney a mis en doute le calage altimétrique de 29,74 du contrôleur, et ce dernier lui a donné le calage de 29,96 pour Sydney. Après avoir entendu cette conversation, le pilote aux commandes a appelé la station d'information de vol (FSS) de Sydney pour confirmer que le bon calage altimétrique était bien 29,96, et il a recalé son altimètre, mais il n'a pas communiqué ce renseignement au pilote non aux commandes. À cause de cette erreur, l'altimètre du pilote non aux commandes affichait 220 pieds de plus que l'altitude réelle de l'avion. La section 4.12 intitulée Adjustment and Tolerance of Altimeters.(Réglage et tolérance des altimètres) du manuel d'exploitation de la PAL, stipule que lorsque le calage...

4 Complacency Revisited, article de R.A. Alkov pour le Naval Safety Centre des États-Unis.

...altimétrique doit être changé, chaque pilote doit mentionner le nouveau calage pendant qu'il règle son instrument.

1.11.4 Manque de vigilance

Lorsque les pilotes effectuent systématiquement les mêmes trajets vers les mêmes destinations, leurs gestes peuvent devenir automatiques et les pilotes peuvent porter moins d'attention aux détails. Ils peuvent démontrer un excès de confiance et, également, manquer de vigilance.

Le manque de vigilance est dû à un excès de confiance, à la répétition des mêmes gestes, à la satisfaction procurée par le statu quo, à l'habitude et à l'ennui. Il est associé à l'expérience et à la confiance en soi, deux qualités qu'on retrouve chez les pilotes chevronnés4.

Les pilotes du vol SPR703 ont déclaré à l'enquêteur que l'exposé d'approche avant l'incident avait été effectué surtout par habitude et qu'il n'avait pas été fait adéquatement.

1.11.5 Conscience de la situation

La conscience de la situation peut se définir comme étant toutes les données accessibles et qui peuvent être réunies en un tableau cohérent, au besoin, pour évaluer une situation et y faire face. Les personnes qui effectuent une tâche complexe, comme l'exécution d'une approche aux instruments, agissent en fonction de la conscience qu'elles ont de la situation lorsqu'elles établissent puis exécutent un plan visant à intercepter l'alignement de piste, à établir une approche stable et à atterrir.

Le processus de prise de conscience d'une situation comprend trois étapes. La personne doit d'abord se faire une idée de la situation à l'aide des affichages, des communications ou des données visuelles. Elle assimile alors l'information en fonction de son expérience et de ses connaissances. Puis, elle projette l'information dans le futur pour faire des plans et les modifier à mesure que la situation progresse.

L'expérience et la connaissance de la façon dont les éléments (dans le cas présent, le contrôleur, l'autre pilote et l'avion - agissent réciproquement et influent les uns sur les autres permettent de développer et de maintenir le niveau de conscience de la situation. Des informations inadéquates et des actions mal coordonnées ont des effets néfastes. L'incapacité de porter son attention sur la situation en cours à cause de distractions ou de la nécessité de s'occuper de diverses tâches non connexes (comme corriger un calage altimétrique) nuit également au développement et au maintien de la conscience de la situation.

Les deux membres d'équipage de conduite ont déclaré que leur manque de vigilance avait contribué à la perte de conscience de la situation.

1.12 Planification de la descente de l'avion

Le Manuel de vol aux instruments.de Transports Canada stipule ce qui suit :

  1. Les pilotes doivent donc toujours pouvoir se représenter clairement leur position dans la séquence d'approche de sorte qu'ils puissent amorcer leur descente dès qu'ils sont autorisés à passer à une altitude inférieure. Il est préférable de réduire son taux de descente en fin de descente que de l'augmenter au moment où l'aéronef intercepte la trajectoire d'approche finale.
  2. Les pilotes sont tenus de planifier leur propre profil de descente, même lorsqu'ils sont sous contrôle radar.
  3. Le pilote doit prendre toutes les précautions nécessaires s'il se trouve involontairement sur l'alignement de piste au-dessus de la trajectoire de descente, puisque dans ce cas, il doit effectuer une approche non normalisée qui risque d'exiger une vitesse de descente excessive pour regagner la trajectoire de descente.

La pratique habituelle sur le SA226 de la PAL veut que le pilote descende à partir de l'altitude de croisière à la vitesse indiquée maximale admissible en exploitation (Vmo) de 248 noeuds (KIAS) ou à une vitesse proche de cette dernière. Lorsque l'avion arrive à moins de 10 nm de l'aéroport, à une altitude inférieure à 3 000 pieds-mer, le pilote doit se conformer à l'Ordonnance intitulée Arrêté sur la limitation de la vitesse des aéronefs.et réduire la vitesse indiquée à 200 noeuds. Avant le survol du FAF, les volets doivent être mis dans la configuration d'approche et la vitesse indiquée doit être réduite à 176 noeuds, soit la vitesse de sortie du train d'atterrissage. Ce dernier est normalement sorti lorsque l'avion est en palier, à l'approche du FAF, et que l'indicateur d'alignement de descente affiche un point au-dessus du point d'interception. La vitesse normale d'approche de l'avion en question est de 140 noeuds.

Afin de positionner et de configurer correctement l'avion en vue de l'approche dans la distance et le temps disponibles, le pilote doit prendre en considération la vitesse-sol de l'avion, le temps disponible, la distance jusqu'à l'aéroport et le taux de descente. La vitesse et le taux de descente doivent être modifiés au besoin pour conserver le profil de descente approprié. La surveillance du profil de descente incombe au pilote non aux commandes.

Le contrôleur de l'ACC de Moncton avait indiqué au vol SPR703 sa position par rapport à l'approche alors qu'il se trouvait à environ 10 nm, 6nm et 3 nm du radiophare d'approche de la piste 19 de l'aéroport de Sydney. Lorsque l'avion s'est trouvé à 3 nm du faisceau d'alignement de piste et à environ 4 500 pieds-mer, le contrôleur de l'ACC de Moncton a demandé aux pilotes s'ils étaient en mesure d'atterrir. Le pilote non aux commandes a répondu qu'il n'y avait pas de problème. À ce moment-là, la vitesse descensionnelle de l'avion a augmenté à 4 200 pi/min.

1.13 Renseignements sur l'organisation et la gestion

Le groupe PAL a connu une croissance rapide depuis 1986, le nombre d'employés étant passé d'une trentaine à quelque 200. Le groupe a pris de l'expansion en 1989 en faisant l'achat d'Eastern Flying Services d'Halifax (Nouvelle-Écosse). Le groupe a également diversifié ses activités dans plusieurs domaines pendant cette période. En plus des vols postaux, le groupe exerce les activités suivantes : la surveillance au large des côtes, l'entraînement au pilotage, les vols passagers intérieurs réguliers, les vols d'affrètement, les vols médicaux, la photographie aérienne et les services d'opérations et de ravitaillement au sol à Halifax et à St. John's (Terre- Neuve). À l'heure actuelle, le groupe exploite quelque 35 aéronefs.

Pendant cette période de croissance rapide, le groupe a également subi un grand roulement de pilotes à cause de l'expansion de la compagnie et parce que les deux compagnies aériennes de transport régional ont augmenté leurs effectifs en personnel. Le groupe a eu plusieurs chefs pilotes pendant cette période. Ayant acheté un avion dont la masse était supérieure à 12 500 livres à l'été 1993, le groupe a embauché un chef pilote qui possédait une vaste expérience en aviation et qui avait été au service de la Flight Safety International de Toronto comme directeur de la formation.

1.14 Programmes de formation de la compagnie

1.14.1 Généralités

Un programme de formation des pilotes est compris dans le manuel d'exploitation de la PAL, lequel est approuvé par Transports Canada. Le chef pilote ou un commandant de bord supérieur désigné sont chargés de la formation des équipages de conduite. Le programme de formation stipule les exigences de la formation initiale et périodique des pilotes pour chaque type d'avion. Le programme comprend la formation théorique et la formation pratique.

1.14.2 Formation théorique

La formation théorique traite principalement des systèmes et des performances des avions. Très peu de temps est consacré aux facteurs humains. Les phénomènes physiologiques et physiques liés aux vols dans un environnement à basse pression sont abordés dans le cadre de la formation théorique donnée aux pilotes qui font partie d'équipages d'avions pressurisés.

Le programme de formation théorique concernant le SA226 stipule le temps qui doit être consacré à chaque système de l'avion, soit 23 heures. Douze heures de formation théorique périodique doivent être effectuées chaque année. Le programme de formation indique qu'un pilote doit recevoir une formation sur le manuel d'exploitation, y compris sur les tâches et les responsabilitéés des membres d'équipage de conduite. Le programme de formation n'indique pas combien de temps doit être consacré à l'étude du manuel d'exploitation.

La formation CRM n'est pas une partie organisée de la formation théorique, et il n'y a pas d'occasion d'examiner les incidents causés par une mauvaise gestion dans le poste de pilotage.

1.14.3 Formation pratique

La formation pratique sur type consiste à exécuter les manoeuvres et les procédures indiquées dans le manuel d'exploitation en vue d'acquérir des habiletés suffisantes pour réussir l'épreuve en vol (PPC) de Transports Canada. Puisque la compagnie n'a pas de manuel des procédures d'utilisation normalisées et que le manuel d'exploitation ne contient que quelques-unes de ces procédures, cette formation ne met pas l'accent sur la coordination des membres d'équipage ni sur la gestion dans le poste de pilotage.

Des inspecteurs de Transports Canada n'effectuent pas de vols de vérification lorsque deux pilotes d'une compagnie assument les fonctions de pilote aux commandes et de pilote non aux commandes, à moins que l'avion soit équipé d'un strapontin et que la compagnie dispose d'un manuel de procédures d'utilisation normalisées approuvé pour cet avion. Les vols de vérification dans une compagnie sont habituellement effectués avec un inspecteur de Transports Canada en place droite et qui assume les fonctions de pilote non aux commandes.

1.15 Attitude propre au milieu aéropostal

Des entretiens avec des contrôleurs et des pilotes ont permis d'établir qu'il existe une attitude propre au milieu aéropostal. Cette attitude se traduit par l'utilisation d'une norme propre aux vols postaux qui influe sur la façon dont les pilotes volent et sur la façon dont les contrôleurs guident les pilotes.

Les contrats de vols postaux sont presque toujours accordés au plus bas soumissionnaire qui peut respecter les horaires stipulés. À cette fin, les compagnies tiennent un registre exact des heures d'arrivée des avions. Puisque les temps des segments de route stipulés dans les contrats sont basés sur la vitesse maximale de l'avion, les pilotes sentent qu'ils doivent effectuer le vol au plus vite afin de garder ces temps à un minimum. Les temps stipulés dans les contrats ne tiennent pas compte des retards dus aux conditions météorologiques, à la circulation aérienne et aux pannes mécaniques. En raison de la conjoncture, toutes les personnes en cause dans ces vols sentent bien qu'ils doivent respecter les contrats s'ils veulent garder leur emploi.

Les pilotes qui effectuent des vols passagers doivent toujours tenir compte de la sécurité et du confort des passagers. C'est pourquoi les vitesses angulaires de virage, les angles d'inclinaison latérale, les vitesses descensionnelles, les changements de configuration de l'avion et les changements de vitesse sont assurés aussi doucement que possible, procédures qui sont habituellement spécifiées dans un manuel de procédures d'utilisation normalisées. Lorsque seul du fret est transporté, les pilotes volent quand même en toute sécurité, mais comme ils n'ont pas à se soucier du confort des passagers, ils ont le sentiment qu'ils peuvent voler à la limite de l'acceptable sur le plan de la sécurité.

La pratique acceptée veut que lorsque le pilote reconnaît que l'avion n'est pas établi en approche en toute sécurité, il doit remettre les gaz, informer l'ATC et effectuer une autre approche. Les pilotes du vol SPR703 ont dépassé le faisceau d'alignement de piste bien au- dessus de l'alignement de descente, en descente rapide à une vitesse-sol élevée. Plutôt que de remettre les gaz et d'effectuer une autre approche, ils ont tenté de réintercepter l'axe d'approche finale et de descendre à l'altitude minimale de descente en vue d'une approche de non- précision. Les pilotes ont déclaré que s'il s'était agi d'un vol passagers, ils n'auraient pas continué l'approche après avoir dépassé le faisceau d'alignement de piste.

Le contrôleur savait que le vol SPR703 était un vol postal, et il a indiqué qu'il avait été surpris que l'avion ne puisse pas intercepter l'axe d'approche finale dès la première tentative. Il a également indiqué qu'il pensait que les vecteurs qu'il avait donnés au vol SPR703 correspondaient réellement aux capacités de l'équipage de conduite et de l'avion.

1.16 Procédures relatives aux contrôleurs

1.16.1 Vecteurs radar

La section 544.1 du Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne.(MANOPS) stipule que les contrôleurs doivent «guider un aéronef pour qu'il intercepte la trajectoire d'approche finale : à deux milles ou plus du point où commencera la descente finale; et à un angle de 30 degrés ou moins». En outre, la note no 1 de la section 544.1 stipule ce qui suit : «Il est essentiel de fournir un guidage radar précis afin d'empêcher les aéronefs de déborder le virage d'interception de l'axe d'approche finale. Les corrections de cap nécessaires pour revenir sur l'axe d'approche finale imposent une surcharge de travail aux pilotes à cet instant critique de la phase d'approche.»

L'altitude de guidage radar minimale vers l'approche ILS de la piste 19 à Sydney est de 2 000 pieds-mer. Le contrôleur a autorisé le vol SPR703 à descendre à cette altitude alors que l'avion était à environ 18 nm de l'aéroport. À 2 000 pieds-mer, le point de descente finale (interception de l'alignement de descente) de cette approche est à 2,3 nm du radiophare November (le repère d'approche finale). Pour intercepter l'axe d'approche finale à 2 nm du point de descente finale, comme l'exige le MANOPS, un avion en palier à 2 000 pieds-mer doit intercepter l'axe d'approche finale à 4,3 nm du FAF. Le contrôleur a indiqué qu'il avait guidé le vol SPR703 pour qu'il intercepte l'axe d'approche finale à 2 nm du FAF afin d'assurer l'espacement par rapport à un autre avion qui interceptait l'axe à environ 7 nm, et parce qu'il s'attendait à ce que ces vecteurs ne posent aucun problème à l'équipage. Lorsque le vol SPR703 est arrivé à 3 nm du faisceau d'alignement de piste, le contrôleur a demandé à l'équipage s'il pouvait continuer l'approche à partir de sa position présente.

Le contrôleur de Moncton a guidé l'avion vers le radiophare d'alignement de piste ILS au cap de 090 degrés magnétique, soit 98 degrés de l'axe d'approche finale de 188 degrés magnétique. Juste avant que l'avion intercepte l'alignement de piste, le contrôleur a donné au vol SPR703 le cap de 160 degrés, puis 12 secondes plus tard, il a donné le cap de 220 degrés, suivi du cap de 240 degrés. La vitesse-sol de l'avion était alors d'environ 290 noeuds.

1.16.2 Alerte à la sécurité

La section 528.1 du MANOPS stipule ce qui suit :

Fournissez une alerte à la sécurité à un aéronef, si vous jugez qu'il évolue à une altitude dangereusement proche du relief, d'un obstacle ou d'un autre aéronef.

Note 1. Il se peut qu'un contrôleur ne perçoive pas sur le champ l'évolution des situations qui exigent une alerte à la sécurité. Il doit continuer d'être vigilant face à de telles situations et émettre une alerte à la sécurité dès qu'il les constate. La charge de travail, le volume du trafic, la qualité ou les insuffisances du système radar, ainsi que le délai d'intervention, sont autant de facteurs qui entrent en ligne de compte lorsqu'il faut déterminer s'il est raisonnable pour le contrôleur d'observer et de réagir à de telles situations.

Lorsque le contrôleur a avisé le pilote du vol SPR703 qu'il était à 3 nm du faisceau d'alignement de piste, il lui a demandé s'il pouvait continuer. Le pilote a répondu par l'affirmative et a indiqué qu'il n'y avait pas de problème. L'affichage radar montre que le vol SPR703 est arrivé au faisceau d'alignement de piste à environ 2 000 pieds au-dessus de l'alignement de descente, à une vitesse-sol d'environ 300 noeuds. Le contrôleur a donné au pilote le cap de 220 degrés, suivi du cap de 240 degrés pour qu'il puisse réintercepter l'alignement de piste.

L'avion était alors rendu à environ 1,3 nm à l'est du radiophare. Le contrôleur a autorisé le vol SPR703 à effectuer une approche directe et a dit au pilote de communiquer avec la FSS de Sydney. Il a changé la portée du radar pour contrôler d'autres avions, il a momentanément perdu l'affichage, et il n'a pas vu le vol SPR703 descendre à 200 pieds-mer. On a jugé que la charge de travail du contrôleur était modérée et d'une complexité normale.

2.0 Analyse

2.1 Introduction

Compte tenu de la vaste expérience et de l'entraînement des pilotes et du contrôleur, l'analyse porte sur les facteurs humains et environnementaux afin de déterminer les événements qui ont mené à l'incident. L'équipage n'a pas suivi les procédures et les règles normales, ce qui a contribué à la perte de conscience de la position de l'avion pendant l'approche. Les points suivants seront examinés : manque de vigilance, gestion dans le poste de pilotage, programme de formation de la compagnie, attitude propre au milieu aéropostal et procédures du contrôleur.

2.2 Manque de vigilance

Les deux membres d'équipage ont déclaré qu'ils pensaient que le manque de vigilance avait contribué à la perte de conscience de la situation. Les deux pilotes avaient atterri plusieurs fois à l'aéroport de Sydney, et ils ont indiqué que l'exposé d'approche effectué avant la descente avait été routinier et inefficace. La descente a été mal planifiée, en ce qui a trait à la vitesse-sol, à la vitesse descensionnelle, à la configuration finale en vue de l'atterrissage et au positionnement à l'approche.

Les deux pilotes ont traité avec une trop grande confiance les vecteurs radar reçus du contrôleur. Ils s'attendaient à ce que le contrôleur les guident de façon qu'ils interceptent l'axe d'approche finale en effectuant le minimum de manoeuvres. L'avion n'était pas stabilisé pour l'approche finale parce que l'équipage était sûr de pouvoir régler la vitesse, l'altitude et l'angle de descente afin de positionner l'avion pour intercepter l'ILS.

2.3 Coordination des membres d'équipage

Le fait que les procédures de calage altimétrique indiquées dans le manuel d'exploitation n'ont pas été respectées démontre l'inefficacité de la coordination entre les membres de l'équipage. L'approche a été effectuée avec un calage altimétrique de 29,96 sur l'instrument du pilote aux commandes et un mauvais calage de 29,74 sur l'instrument du pilote non aux commandes. Aucun des pilotes n'a rempli adéquatement ses fonctions de pilote.

Le fait que les deux pilotes avaient une grande expérience comme commandant de bord peut avoir contribué à l'idée que chacun pensait que l'autre avait la situation en main. Si la coordination entre les membres de l'équipage avait été meilleure, les pilotes auraient peut-être reconnu à temps la situation pendant la descente pour leur permettre de corriger le profil de descente.

Le pilote non aux commandes n'a pas bien surveillé la descente ni recommandé au pilote aux commandes les corrections à apporter au profil de descente. L'avion volait à haute altitude et à grande vitesse, et il s'approchait du faisceau d'alignement de piste à un grand angle en vue de l'approche finale. Des données adéquates, dans le poste de pilotage et en provenance du contrôleur, étaient à la disposition de l'équipage pour effectuer les réglages permettant de conserver le profil de descente voulu. L'équipage aurait pu corriger la situation s'il avait commencé la descente plus tôt, prévu la vitesse-sol élevée ou augmenté la vitesse descensionnelle et ralenti l'avion plus tôt. Une vitesse plus proche de la vitesse de sortie du train de l'avion, qui est la vitesse normale pour franchir le radiophare, aurait permis d'effectuer un virage plus rapide et peut-être d'intercepter l'axe d'approche finale.

Si Transports Canada avait forcé la PAL à avoir un manuel de procédures d'utilisation normalisées et l'équipage du vol SPR703 à étudier ce manuel, les risques que ce type d'incident se produise auraient été moindres. Les tâches de pilote aux commandes et de pilote non aux commandes auraient été plus claires, ce qui aurait peut-être permis de résoudre en partie les problèmes associés au fait que les deux pilotes étaient commandants de bord sur leurs types respectifs d'avion. Comme les pilotes n'avaient volé ensemble qu'une fois dans les 90 derniers jours, ils ne connaissaient peut-être pas bien la façon d'effectuer leurs tâches individuelles, car le manuel d'exploitation contient des procédures d'utilisation normalisées générales et non pas détaillées. Un manuel de procédures d'utilisation normalisées pour cet avion aurait peut-être également permis de résoudre ce problème en partie.

2.4 Programme de formation

Un programme de formation traitant des facteurs humains comme le manque de vigilance, la fatigue, les attitudes des pilotes, l'importance du repos de l'équipage, etc., aurait peut-être aidé l'équipage à faire face à la situation pendant l'approche.

Un programme comprenant la mise en pratique des techniques CRM aurait peut-être contribué à augmenter la coordination de l'équipage dans le poste de pilotage du vol SPR703. De plus, même si les deux membres d'équipage avaient reçu la formation CRM, l'efficacité de cette formation n'était pas évidente. Le fait d'incorporer cette formation dans le programme de formation périodique annuelle permettrait probablement d'augmenter l'efficacité de cette formation.

Si Transports Canada permettait des vols de vérification avec deux pilotes de la compagnie PAL comme pilote aux commandes et pilote non aux commandes, l'accent pourrait être mis sur les techniques CRM et ces techniques pourraient être évaluées. Des vols de vérification avec deux pilotes permettraient également la mise en pratique des techniques CRM pendant l'entraînement en vol initial et périodique.

2.5 Attitude propre au milieu aéropostal

L'équipage a décidé de continuer l'approche après avoir survolé le faisceau d'alignement de piste bien au-dessus de l'alignement de descente, en descente rapide, à une vitesse-sol élevée, tout en recevant des vecteurs pour effectuer trois virages totalisant 150 degrés en peu de temps. L'avion n'a pas été stabilisé sur l'axe d'approche finale. Normalement, les pilotes qui se rendent compte que l'avion n'est pas stabilisé remettent les gaz et effectuent une autre approche. Comme le montrent les extraits du Manuel de vol aux instruments, les pilotes ont agi à l'encontre des recommandations de base relatives à l'exécution d'une bonne approche. En décidant de descendre au minimum NDB et de continuer la descente, l'équipage a modifié son approche à un moment critique après avoir passé le radiophare de l'approche finale alors que toute son attention était requise.

Continuer une approche non stabilisée semble être un risque acceptable pour les pilotes d'un avion postal. Puisqu'il n'y a pas de passagers à bord, le vol peut être effectué de façon plus énergique. Les pressions exercées pour que l'horaire soit respecté, le désir naturel des pilotes d'effectuer un bon atterrissage après la première approche et le fait que les pilotes n'avaient pas à se soucier du confort des passagers se sont combinés et ont donné lieu à une situation qui fait que les pilotes ont volé à la limite de l'acceptable sur le plan de la sécurité. Des pilotes d'avion postal ont déjà effectué des approches serrées semblables à celle dont il est question ici et ont réussi à les exécuter sans incident. Des contrôleurs, qui connaissaient les capacités des pilotes et de leurs avions, ont utilisé ces éléments pour assurer un écoulement plus rapide du trafic.

Le contrôleur a donné à l'équipage trois comptes rendus de position, mais il n'a jamais spécifié qu'il le guiderait pour intercepter l'alignement de piste à 2 nm du radiophare November. Le contrôleur avait l'impression que ces vecteurs ne poseraient aucun problème à l'équipage.

2.6 Procédures relatives aux contrôleurs

2.6.1 Vecteurs radar

Le MANOPS demande aux contrôleurs de guider les avions de façon qu'ils interceptent l'axe d'approche finale à 2 nm ou plus du point où la descente finale commencera et à un angle de 30 degrés ou moins. Le contrôleur, a guidé le vol SPR703 vers l'axe d'approche finale à un angle de 98 degrés et, juste avant l'arrivée au faisceau d'alignement de piste, il a demandé à l'équipage de tourner de 70 degrés pour permettre l'interception. Étant donné la vitesse-sol élevée de l'avion, il était peu probable que l'avion aurait pu tourner de 70 degrés et être établi au cap d'interception de l'approche finale avant de survoler le faisceau d'alignement de piste.

Le contrôleur guidait le vol SPR703 pour qu'il puisse intercepter l'axe d'approche finale à 2 nm du radiophare November. Selon le MANOPS, l'interception aurait dû se produire à au moins 4,3 nm du radiophare November.

2.6.2 Alerte à la sécurité de l'ATC

Le contrôleur de Moncton a autorisé le vol SPR703 à effectuer l'approche vers la piste 19 et a demandé au pilote de communiquer avec la FSS de Sydney. À ce moment-là, il est passé à un autre affichage radar afin de surveiller d'autres avions dont il avait le contrôle. Si on considère que le vol SPR703 avait déjà survolé le faisceau d'alignement de piste, et étant donné la vitesse- sol élevée de l'avion, les conditions météorologiques étant juste à la limite de l'acceptable, et le fait que le contrôleur avait jugé nécessaire de donner à l'avion un angle de 50 degrés pour réintercepter l'alignement de piste, on peut dire que le contrôleur aurait dû se rendre compte qu'il s'agissait d'une situation qui nécessitait une alerte à la sécurité. Bien que le contrôleur ait demandé à l'équipage de conduite du vol SPR703 s'il allait être en mesure d'effectuer l'approche et que l'équipage de conduite ait répondu par l'affirmative, le contrôleur avait l'obligation de surveiller l'approche. Le contrôleur peut s'être fié à son expérience passée dans le domaine du guidage des avions postaux pour décider qu'il s'agissait d'une situation à partir de laquelle l'équipage du vol SPR703 était en mesure d'effectuer une bonne approche.

3.0 Faits établis

  1. Les membres d'équipage possédaient les licences et les qualifications nécessaires au vol et en vertu de la réglementation en vigueur.
  2. L'avion était certifié, équipé et entretenu conformément à la réglementation en vigueur et aux procédures approuvées.
  3. Le contrôleur de l'ACC de Moncton possédait la licence, les qualifications et la formation nécessaires.
  4. On a indiqué que toutes les aides à la navigation à Sydney étaient en bon état de service au moment de l'incident.
  5. L'équipage a effectué l'approche d'une façon qui nécessitait une vitesse descensionnelle anormalement élevée, laquelle dépassait 4 000 pi/min, à moins de trois milles du FAF.
  6. Le vol SPR703 a survolé le faisceau d'alignement de la piste 19 à 98 degrés par rapport à l'axe d'approche finale, à une vitesse descensionnelle élevée.
  7. L'avion est descendu à environ 400 pieds au-dessous de la MDA sans que l'équipage ait établi le contact visuel avec les environs de la piste.
  8. Le vol SPR703 est descendu à environ 140 pieds-sol et est passé à moins de 50 pieds de la centrale électrique de Lingan.
  9. L'équipage a perdu conscience de la situation et n'a pas surveillé le profil de descente.
  10. L'équipage a laissé la vitesse de l'avion dépasser la vitesse exigée par le Règlement de l'Air.et les procédures de la compagnie.
  11. La trop grande confiance de l'équipage a donné lieu à une mauvaise coordination.
  12. L'équipage n'a pas mis l'avion dans une configuration stabilisée pour l'approche.
  13. On a jugé que la charge de travail du contrôleur était modérée et d'une complexité normale.
  14. Le contrôleur n'a pas suivi toutes les procédures visant à donner des vecteurs radar selon la section 544.1 du MANOPS.
  15. La PAL n'a pas de manuel de procédures d'utilisation normalisées pour le SA226, ce qui n'est pas contraire à la réglementation.
  16. Le programme de formation de la PAL ne traite pas de la gestion dans le poste de pilotage, ce qui n'est pas contraire à la réglementation.
  17. Dans les 90 jours précédant l'incident, les pilotes du vol SPR703 n'avaient volé ensemble comme membres d'équipage du SA226 que pendant une journée.
  18. Dans les 18 jours précédant l'incident, le commandant de bord du vol SPR703 avait effectué 16 jours de vol.
  19. Il existe une attitude propre au milieu aéropostal qui fait que les pilotes et les contrôleurs appliquent des procédures différentes selon qu'il s'agit d'un vol de fret ou d'un vol de passagers.

3.1 Causes

L'équipage du vol Speedair 703 n'a pas bien planifié ni effectué l'approche sur l'aéroport de Sydney, et l'avion a failli heurter la centrale électrique de Lingan. Ont contribué à l'incident : la trop grande confiance de l'équipage de conduite, la perte de conscience de la situation, la décision de continuer une approche non stabilisée, et le fait que le contrôleur n'a pas respecté les procédures de guidage radar stipulées dans le Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne .MANOPS).

4.0 Mesures de sécurité

4.1 Mesures prises

4.1.1 Accidents CFIT

Les événements qui ont mené à cet incident ressemblent aux événements menant à un accident CFIT (impact sans perte de contrôle). Un accident CFIT, de l'anglais controlled flight into terrain, est un accident au cours duquel un avion dont l'équipage n'a pas perdu le contrôle, entre en collision par inadvertance avec le terrain ou l'eau, sans que l'équipage ait conscience de la catastrophe imminente. Le Bureau constate avec inquiétude qu'au cours de la période de 11 ans comprise entre le 1er janvier 1984 et le 31 décembre 1994, 68 aéronefs exploités commercialement (nombre qui ne comprend pas les aéronefs qui effectuaient des vols spéciaux à basse altitude) ont subi des accidents CFIT. Compte tenu de la fréquence et de la gravité des accidents CFIT, le Bureau effectue une étude de ces accidents pour déterminer les lacunes systémiques. L'étude comprend notamment un examen des données relatives aux accidents CFIT survenus lors d'approches non stabilisées.

4.1.2 Procédures de guidage radar de l'ATC

Les vecteurs radar qui ont été donnés au vol n'étaient pas conformes aux exigences de l'ATC et ont contribué à l'instabilité de l'approche. L'ACC de Moncton a indiqué qu'une plus grande attention sera accordée aux techniques de guidage pendant les stages de perfectionnement, et que les distances d'interception de l'alignement de descente seront indiquées pour les altitudes des avions, c'est-à-dire de l'altitude minimale de guidage à 5 000 pieds-mer.

Étant donné que d'autres unités ATC peuvent présenter des lacunes au niveau du guidage radar, le BST a fait parvenir à Transports Canada un avis de sécurité qui souligne la nécessité de s'assurer que toutes les unités ATC donnent des vecteurs radar conformément à la section 544.1 du MANOPS. Transports Canada a répondu que sur le plan national, les exigences de la section 544 du MANOPS seront un sujet obligatoire dans les stages de perfectionnement de tous les contrôleurs qui donnent des vecteurs radar relatifs à l'approche finale.

4.1.3 Procédures d'utilisation normalisées

Au moment des faits, l'exploitant ne disposait pas d'un manuel de procédures d'utilisation normalisées pour le Swearingen SA226, ce qui n'était pas contraire à la réglementation. L'exploitant a depuis élaboré des procédures d'utilisation normalisées pour le SA226. Il est également entendu que le Règlement de l'aviation canadien.exigera des procédures d'utilisation normalisées pour tous les vols qui nécessitent deux pilotes.

4.1.4 Gestion dans le poste de pilotage et prise de décisions

La formation CRM et la formation sur la prise de décisions (PDM) n'était pas comprise dans le programme de formation de l'exploitant, ce qui n'était pas contraire à la réglementation. L'utilisation des techniques CRM et PDM appropriées aurait peut-être permis de prévenir l'incident.

Le Bureau a examiné plusieurs rapports d'enquête sur des accidents récents5 qui indiquent que de mauvaises décisions ont été prises par les membres d'équipage, même si les indications à leur disposition auraient dû les prévenir que les situations pouvaient être dangereuses. Le Bureau reconnaît les efforts que font Transports Canada et le milieu aéronautique pour favoriser la formation CRM et PDM. Toutefois, une mauvaise utilisation des techniques CRM ou PDM continue de contribuer à des situations dangereuses dans le domaine du transport aérien commercial. Alors que des transporteurs aériens ont eux-mêmes élaboré les programmes de formation voulus, d'autres exploitants ont besoin de renseignements et d'aide pour mettre sur pied des programmes valables. Par conséquent, pour permettre à tous les exploitants et équipages qui effectuent des vols commerciaux de recevoir la formation qui leur permettra de prendre des décisions quotidiennes plus judicieuses, le Bureau a recommandé que :

5 Rapports d'enquête A90P0337, A91A0198, A91C0083, A92P0015, A93H0023, A93P0131, A94H0001 et A94W0026.
le ministère des Transports élabore des lignes directrices pour la formation en gestion des ressources du poste de pilotage et en prise de décisions à l'intention de tous les exploitants et équipages oeuvrant dans l'aviation commerciale.
Recommandation A95-11 du BST

et que

le ministère des Transports élabore des procédures à l'intention des membres d'équipage oeuvrant dans l'aviation commerciale, pour évaluer régulièrement leur habileté à prendre des décisions et leurs compétences en matière de gestion des ressources du poste de pilotage.
Recommandation A95-12 du BST

Le présent rapport met fin à l'enquête du Bureau de la sécurité des transports sur cet incident. La publication de ce rapport a été autorisée le par le Bureau, qui est composé du Président, John W. Stants, et des membres Zita Brunet et Hugh MacNeil.

Annexes

Annexe A - Profil de vol

Voir la chronologie des événements à l'annexe B.

Annexe B - Chronologie des événements

PROFIL DU VOL SPEED AIR 703

POSITION HEURE PROFIL DE VOL
A 8 h 20 L'ACC de Moncton avise le vol SPR703 qu'il est à 10 nm du NDB November. L'affichage radar montre que l'avion est à 7 400 pieds-mer, en descente. La vitesse-sol est de 290 noeuds.
B 8 h 20 min 45 s L'ACC de Moncton avise le vol SPR703 qu'il est à 6 nm du NDB November. L'affichage radar montre que l'avion est à 5 900 pieds-mer, en descente. La vitesse-sol est de 290 noeuds.
C 8 h 21 min 18 s L'ACC de Moncton avise le vol SPR703 qu'il est à 3 nm du faisceau d'alignement de piste et demande à l'équipage s'il est en mesure d'atterrir. L'affichage radar montre que l'avion est à 4 500 pieds-mer, en descente. La vitesse-sol est de 290 noeuds.
D 8 h 21 min 45 s Le vol SPR703 survole le faisceau d'alignement de piste à un angle de 98 degrés, à 2 nm au nord du FAF, à 3 000 pieds-mer. La vitesse-sol est de 290 noeuds.
E 8 h 22 min 15 s L'ACC de Moncton demande au vol SPR703 de tourner à droite à un cap de 240 degrés pour intercepter l'alignement de piste. L'affichage radar montre que l'avion est à 2 100 pieds-mer, en descente. La vitesse-sol est de 290 noeuds.
F 8 h 22 min 51 s L'affichage radar montre que l'avion est à 200 pieds-mer. En fait, l'avion descend à environ 140 pieds-mer à proximité de la centrale électrique de Lingan où une procédure d'approche interrompue est exécutée.

Annexe C - Profil de vol vu de l'arrière

Annexe D - Sigles et abréviations

ACC
centre de contrôle régional
ADF
radiogoniomètre automatique
ATC
contrôle de la circulation aérienne
ATS
services de la circulation aérienne
BST
Bureau de la sécurité des transports du Canada
CFIT
de l'anglais controlled flight into terrain, impact sans perte de contrôle
CRM
gestion dans le poste de pilotage
FAF
repère d'approche finale
FSS
station d'information de vol
GPS
système de positionnement mondial
h
heure(s)
HAA
heure avancée de l'Atlantique
HSI
indicateur de situation horizontale
IFR
règles de vol aux instruments
ILS
système d'atterrissage aux instruments
KIAS
vitesse indiquée
lb
livre(s)
MANOPS
Manuel d'exploitation du contrôle de la circulation aérienne
NASA
National Aeronautics and Space Administration
MDA
altitude minimale de descente
NDB
radiophare non directionnel
nm
mille(s) marin(s)
PAL
Provincial Airlines Limited
PDM
prise de décisions des pilotes
pi/min
pieds par minute
UTC
temps universel coordonné
(Vmo)
vitesse maximale admissible en exploitation
VOR
radiophare omnidirectionnel VHF
°
degré(s)
minute(s)