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Enquête sur la sécurité du transport ferroviaire R19T0147

Le BST a terminé cette enquête. Le rapport a été publié le 05 avril 2022.

Table des matières

Mort d’un employé

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada Système de télécommande de locomotive
Manœuvre de triage à butte double YDHF60
Point milliaire 0,0, subdivision de Halton
Gare de triage MacMillan
Vaughan (Ontario)

Voir le rapport final

L'événement

Le 15 août 2019, vers 1 h 10 (heure avancée de l’Est) Note de bas de page 1, la manœuvre de triage à butte double YDHF60 (la manœuvre) de la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (le CN) tirait 82 wagons vers le nord sur la voie W100 (W100) de la gare de triage MacMillan du CN, situé dans le quartier industriel Concord, à Vaughan (Ontario), à l’aide d’un système de télécommande de locomotive (STL). La manœuvre était commandée à distance par un seul employé d’exploitation du triage du CN muni d’un appareil Beltpack. Lorsque la manœuvre était dans une courbe de 15 degrés vers la gauche (dans le sens de la marche), l’extrémité arrière du 26e wagon derrière les locomotives a été mise en ligne droite, ce qui a entraîné le déraillement de ce wagon ainsi que les 8 wagons suivants. Les 9 wagons étaient des wagons plats à plusieurs étages servant au transport de véhicules (c.-à-d. des wagons porte-automobiles). Pendant le déraillement, les wagons aux positions 27 à 29 se sont renversés avant de s’immobiliser sur le côté, vers l’intérieur de la courbe. L’employé d’exploitation du triage a été coincé sous le 27e wagon et, par conséquent, a subi des blessures mortelles.

L’accident

Le 15 août 2019, vers 0 h 45, la manœuvre de triage de l’embranchement industriel ouest CN 2100 a été attelée à une rame de 34 wagons chargés à l’extrémité sud de la rame de 24 wagons porte-automobiles, qui avait été laissée sur W100. La rame de 34 wagons pesait 3391 tonnesNote de bas de page 2 et faisait 2074 pieds, alors que les 24 wagons porte-automobiles pesaient 1245 tonnes et faisaient 2252 pieds. Cinq minutes plus tard, le contremaître de la manœuvre CN 2100 a informé la coordonnatrice de trains par radio que les tâches avaient été accomplies. La coordonnatrice de trains en a ensuite informé les responsables du contrôle des wagons du CN.

Vers 1 h, la manœuvre dans l’événement à l’étude est arrivée sur W100 avec une rame de 24 wagons, qui pesait 1938 tonnes et faisait 1652 pieds, en provenance de E008, et a été attelée aux 58 wagons qui se trouvaient sur W100. Une fois le groupe de traction de triage à butte attelé aux 82 wagons de marchandises, la manœuvre pesait 7086 tonnes et faisait 6166 pieds au total.

Ni le chef de triage, ni l’apprenti chef de triage, ni l’employé d’exploitation du triage ne savaient, à ce moment, que 44 % du poids de la manœuvre se trouvait désormais dans la portion de 25 % en queue de train et que, par conséquent, la manœuvre avait un poids important en queue.

Après avoir attelé le 24e wagon au 25e wagon, l’employé d’exploitation du triage s’est dirigé vers le sud, à pied, pour desserrer les freins à main des 3 wagons porte-automobiles (positions 25 à 27), et a monté à bord du 27e wagon, à l’avant, pendant que la manœuvre était arrêtée.

Vers 1 h 08, la manœuvre a commencé à tirer les 82 wagons vers le nord en empruntant la courbe vers la gauche de 15 degrés à destination de la voie de refoulement ouest. Environ 2 minutes plus tard, la communication entre la locomotive de commande et l’appareil Beltpack a été interrompue. Après la panne de communication, le STL a fonctionné comme prévu en plaçant les locomotives au ralenti, en serrant les freins à air à fond, en serrant les freins indépendants de locomotive et en immobilisant la manœuvre de manière contrôlée automatiquement.

Les observations sur les lieux cadrent avec les caractéristiques courantes d’un déraillement par mise en ligne droite.

L’enquête a permis de déterminer que l’arrière du 26e wagon a été mis en ligne droite. Les roues gauches du bogie arrière ont chevauché le rail, ce qui a entraîné le déraillement du wagon à l’intérieur d’une courbe de 15 degrés. Quand le 26e wagon a déraillé, il a tiré latéralement l’attelage du bout A du 27e wagon. Par conséquent, les wagons porte-automobiles vides aux positions 27 à 29, qui sont demeurés attelés, ont perdu leurs bogies, ont été séparés des wagons de tête et se sont renversés avant de s’immobiliser sur le côté, à environ 2 pieds de la voie. L’employé d’exploitation du triage, qui se tenait sur le côté gauche du 27e wagon, a été coincé sous le bout A (avant) du wagon et a subi des blessures mortelles.

L’employé d’exploitation du triage a effectué les manœuvres avant l’accident et pendant l’utilisation du STL au moyen de l’appareil Beltpack conformément aux exigences de la compagnie et à la formation qu’il a suivie.

Utilisation de systèmes de télécommande de locomotive

Le système d’exploitation du STL est programmé de manière à ce que la vitesse sélectionnée soit atteinte le plus rapidement possible tout en respectant les paramètres programmés qui déterminent la vitesse produite. Quand la vitesse sélectionnée est atteinte, le STL contrôle automatiquement le manipulateur et les freins de locomotive de manière à maintenir la vitesse.

Une accélération brusque du STL dépend de l’écart entre la vitesse réelle du groupe de traction et la vitesse sélectionnée; toutefois, une accélération brusque est également possible si l’opérateur effectue une série de réglages pour augmenter la vitesse progressivement ou s’il sélectionne immédiatement « Max speed » (vitesse maximale; 15 mi/h). Par conséquent, au moment de l’événement, les opérateurs du STL, comme l’employé d’exploitation du triage dans l’événement à l’étude, ne pouvaient pas contrôler directement l’augmentation progressive de la vitesse de la locomotive pour veiller à l’accélération lente et en douceur d’une manœuvre.

Rapport entre les forces latérales et verticales et potentiel de déraillement

Une combinaison de forces latérales (L) et verticales (V) est présente à l’interface entre la roue et le rail. Le rapport entre les forces latérales et verticales (L/V) indique si un déraillement était possible. Lorsqu’une grande force latérale est conjuguée à une faible force verticale (p. ex., un wagon vide), la grande force latérale aura tendance à pousser le boudin de la roue vers le haut, par-dessus le côté intérieur du rail et, ainsi, à causer un déraillement par chevauchement du rail.

Un rapport L/V pour une seule roue supérieur à environ 0,82 indique le risque qu’un wagon de marchandises cause un déraillement en chevauchant le champignon de rail. Les wagons longs et vides munis d’appareils de choc à longue course en bout de wagon, comme les wagons porte-automobiles dans l’événement à l’étude, sont particulièrement vulnérables à ces forces. Un rapport L/V pour un côté de bogie supérieur à 0,65 indique le risque qu’un bogie de wagon de marchandises cause un déraillement en renversant un rail.

Quand un train est tiré dans une courbe, les forces de traction ont tendance à étirer le train, ou à le « mettre en ligne droite », alors que les boudins de roue sont pressés contre l’intérieur du rail dans la courbe. Si la force de traction que génèrent les locomotives est trop importante ou si l’effet de traction des attelages est considérable, le rapport L/V peut atteindre un niveau critique qui fait grimper la roue sur le champignon d’un rail et entraîne un déraillement.

Simulations de la dynamique du train

Les simulations de la dynamique sont théoriques et sont souvent réalisées dans le cadre d’enquêtes sur les déraillements. Toute simulation de la dynamique effectuée vise notamment à déterminer la combinaison de facteurs et de forces menant à des résultats correspondant le plus fidèlement aux preuves matérielles observées sur les lieux d’un accident. Dans le cas de l’événement à l’étude, 7 simulations différentes ont été réalisées.

Les simulations 1 à 3 ont confirmé que :

Les simulations 4 à 7 ont permis d’évaluer d’autres stratégies d’atténuation qui pourraient réduire le risque de déraillement par mise en ligne droite.

Les simulations de la dynamique du train ont permis de confirmer que les effets combinés de la réaction brusque du manipulateur en raison de la programmation du STL, la position vulnérable dans laquelle se trouvaient les wagons porte-automobiles vides munis d’appareils de choc en bout de wagon entre les 2 rames de wagons plus lourdes, le poids de la rame de 34 wagons en queue de train ayant été ajoutée à la manœuvre derrière les wagons porte-automobiles et les freins à air qui étaient restés serrés sur le 63e wagon ont engendré les circonstances ayant donné lieu à cet accident.

Diffusion à plus grande échelle des procédures essentielles à la sécurité

Après 2 accidents similaires avec mise en ligne droite survenus sur la voie W100 en 2012 et en 2013, le CN a mené des enquêtes sur ces accidents et a pris des mesures correctives. Malgré le fait que des procédures avaient été mises en œuvre pour prévenir les accidents avec mise en ligne droite sur la voie W100, les procédures n’avaient pas été bien consignées ni diffusées à plus grande échelle, et elles ont cessé d’être appliquées, ce qui a contribué à cet accident.

Mesures de sécurité

Transports Canada

Transports Canada (TC) a mené une enquête en vertu de la partie II du Code canadien du travail et a émis 2 instructions à l’intention du CN. TC a examiné les mesures correctives mises en œuvre par le CN et les a jugées satisfaisantes. Les résultats de l’enquête ont été communiqués au CN et à son comité de santé et de sécurité au travail, conformément aux exigences de la partie II du Code canadien du travail.

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

Le CN a publié les avis nos 1908-15 et 1908-21 comprenant des instructions à jour visant les wagons des entreprises clientes dételés dans le triage sud, les wagons tirés sur la voie W100 et la conduite du train pendant que des wagons sont tirés en provenance de la voie W100.

Les documents de formation du CN ont été mis à jour pour mettre en évidence les zones dangereuses des voies ayant des courbes prononcées et recommander aux employés de monter à bord de la locomotive ou du wagon de queue quand ils sont sur une voie ayant des courbes de plus de 12 degrés.

La courbe gauche de 15 degrés de la voie W100 a été reconfigurée pour en réduire la courbure de 15 degrés à 12 degrés.

Un processus a été élaboré pour vérifier que l’information essentielle à la sécurité communiquée par l’entremise d’avis est aussi incluse dans le bulletin sommaire subséquent et, au besoin, dans le manuel d’exploitation de la gare de triage respective.

En collaboration avec General Electric et Cattron Intellectual Property Corporation, le fabricant de l’appareil Beltpack, des modifications ont été apportées à la programmation du STL afin de pouvoir augmenter la vitesse de manière plus progressive pendant les activités effectuées au moyen du STL.


Ressources pour les médias

Communiqué de presse

2022-04-05

Un déraillement par mise en ligne droite à l’origine de la mort d’un employé survenue en août 2019 à la gare de triage MacMillan du CN, en Ontario
Lire le communiqué de presse

Avis de déploiement

2019-08-15

Le BST envoie une équipe d’enquêteurs sur les lieux d’un accident ferroviaire survenu au triage MacMillan à Toronto (Ontario)

Richmond Hill (Ontario), le 15 août 2019 — Le Bureau de la sécurité des transports du Canada (BST) envoie une équipe d’enquêteurs sur les lieux d'un accident ferroviaire du Canadien National survenu au triage MacMillan à Toronto (Ontario). Le BST ira recueillir des informations et évaluer l'événement.


Informations d'enquête

Carte de la région




Enquêteur désigné

Photo de Robert Bruder

Robert Bruder s'est joint au Bureau de la sécurité des transports (BST) en septembre 2013 à titre d'enquêteur régional principal, Rail et Pipeline, au bureau régional de Toronto. M. Bruder possède une solide expérience dans les domaines ferroviaire et de la gestion du risque, qu'il a acquise au cours d'une carrière de 36 ans pour le Canadien National (CN). Il a géré le département de la gestion du risque du CN pour l'Est du Canada de 2004 à 2013, et a largement contribué à l'élaboration et à la mise en place du système de gestion de la sécurité du CN, ainsi que des processus d'enquête sur les accidents et les blessures, des processus d'analyse et de détermination des causes, et des processus d'intervention d'urgence et d'atténuation en cas de déraillement.

Catégorie de l’enquête

Cette enquête est une enquête de catégorie 2. Ces enquêtes sont complexes et portent sur plusieurs problèmes de sécurité exigeant une analyse approfondie. Les enquêtes de catégorie 2, qui donnent souvent lieu à des recommandations, se concluent généralement en 600 jours. Pour de plus amples renseignements, consultez la Politique de classification des événements.

Processus d'enquête du BST

Une enquête du BST se déroule en 3 étapes :

  1. L'étape du travail sur le terrain : une équipe d'enquêteurs examine le lieu de l'événement et l'épave, interviewe les témoins et recueille toute l'information pertinente.
  2. L'étape d'examen et d'analyse : le BST examine toute la documentation liée au dossier, effectue des tests en laboratoire sur des composantes de l'épave, établit la chronologie des événements et identifie toute lacune en matière de sécurité. Lorsque le BST soupçonne ou constate des lacunes en matière de sécurité, il en informe sans tarder les organismes concernés sans attendre la parution du rapport final.
  3. L'étape de production du rapport : une version confidentielle du rapport est approuvée par le Bureau et envoyée aux personnes et organismes qui sont directement touchés par le rapport. Ceux-ci ont l'occasion de contester ou de corriger l'information qu'ils jugent erronée. Le Bureau tient compte de toutes les observations fournies avant d'approuver la version définitive du rapport, qui est ensuite publiée.

Vous trouverez de plus amples détails à la page sur le Déroulement des enquêtes.

Le BST est un organisme indépendant qui mène des enquêtes sur des événements de transport aérien, ferroviaire, maritime et pipelinier. Son seul but est de promouvoir la sécurité des transports. Le Bureau n'est pas habilité à attribuer ni à déterminer les responsabilités civiles ou pénales.